DVD « American Folk Blues Festival »

J’ai toujours écouté beaucoup de musique, mais je dois dire que celles qui me touchent le plus sont, la plupart du temps, des musiques très simples d’un point de vue musical. Peut-on trouver plus pauvre (musicalement parlant) que le blues ? La plupart du temps, trois accords (MI7, La7 et Si7), et c’est tout ! Mais cette forme simple, techniquement peu élaborée (c’est le moins qu’on puisse dire !), permet aux musiciens de s’exprimer sur un autre registre que celui de la richesse musicale, celui de l’émotion et du feeling. Le blues, ce n’est pas très beau, c’est quelque chose de rapeux, les voix sont généralement très hard (il y a du « grain » dans les voix), mais on sent derrière la musique une vraie vie qu’on ne retrouve pas forcément dans des musiques plus actuelles, plus « fabriquées » et plus neutres.

Le blues est arrivé tardivement en France, au début des années 60, propulsé par des musiciens blancs tels que les Stones ou John Mayall, mais aussi par l’arrivée de bluesmen noirs authentiques sur notre vieux continent. Je me souviens ainsi avoir découvert en 69 les disques de Big Bill Broonzy et de Memphis Slim, deux musiciens qui avaient choisi de s’exiler en Europe (le blues ne faisant plus recette outre-Atlantique, mais y a-t-il jamais vraiment fait recette ?).

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(image copyright Terry Cryer) © Terry Cryer

De 1962 à 1969, des concerts réunissant les plus grands musiciens noirs américains de l’époque, furent donner en Europe occidentale. Ces tournées intitulées « American Folk Blues Festival » contribuèrent beaucoup à faire connaître le blues, non seulement en France, mais dans le monde entier. La tournée européenne durait un mois chaque automne et réunissait des musiciens illustrant tous les courants du blues, aussi bien rural qu’urbain.

Les amateurs de blues connaissent probablement les disques qui retracent cette aventure. Ils ont été réédités en CD depuis longtemps. Avec l’arrivée du DVD, nous pouvons redécouvrir ces concerts sous un nouvel aspect (je suis très amateur de DVDs musicaux, je trouve que l’image apporte souvent beaucoup d’émotion à la musique). A ce jour, trois DVD sont déjà parus et s’intitulent tout simplement American Folk Blues Festival, vol. 1, 2 & 3. Tous sont en noir et blanc, un type d’image qui sied bien aux musiciens de blues ou de jazz. Les images sont très expressives (ainsi les gros plans sur le visage de John Lee Hooker ou la manière de filmer Willie Dixon en contre-plongée) ; elles permettent de mettre des visages sur les voix très connues de musiciens tels que Mississippi Fred McDowell, Big Joe Williams, Lonnie Johnson …, musiciens dont on possède peu d’images, aussi bien photographiques que cinématographiques (les bluesmen ont souvent été dédaignés de leur vivant).

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Le volume 1 permet d’admirer, outre les 5 musiciens cités ci-dessus, les plus grands musiciens de l’époque : T.Bone Walker, Sonny Terry & Brownie McGhee, Memphis Slim, Otis Rush, Sippie Wallace, Eddie Boyd, Junior Wells, Sonny Boy Williamson, Otis Spann et bien entendu Muddy Waters. J’ai particulièrement apprécié la profondeur du blues chanté par Willie Dixon à la guitare (je ne le connaissais que comme contrebassiste), la joie communicative d’Otis Spann, le final joué et chanté par une dizaine de musiciens et l’émotion qui se dégage de tous ces vieux bluesmen.

Je parlerai plus tard des volumes 2 et 3, mais ils peuvent de toute façon être achetés les yeux fermés car cette musique fait partie, d’une certaine façon et malgré sa provenance d’un autre continent, de notre héritage musical.

9 réflexions au sujet de “DVD « American Folk Blues Festival »”

  1. Pas le temps d’écrire un roman, mais juste une petite remarque rapide…

    Il me semble que tu fais une grosse confusion en parlant de « richesse musicale » ou encore en utilisant des termes tels que « forme simple techniquement peu élaborée ».

    En effet, outre le fait que tout ce que tu dis par rapport à la richesse musicale ou technique est complètement discutable, tu fais de toute façon la grosse erreur d’assimiler musique et harmonie… En effet, le seul argument que tu avances pour défendre tes propos (indéfendables au reste…), est une vulgaire grille d’accord… la musique est beaucoup de choses, dont mélodie, harmonie et rythme sont trois des composantes fondamentales. Réduire une musique à une de ses composantes (grille d’accord = harmonie pure, simplifiée) pour la juger techniquement est bien évidemment irrecevable.

    De plus, même si l’on réduit la musique à l’harmonie (ce que personne ne fait au reste, et d’ailleurs si c’était le cas, pas mal de pièces de Mozart seraient à mourir de rire tellement elles ne sont constituées que d’accords et d’enchainements ultra classiques…), cette grille d’accord « Mi7, La7, Si7 » est extrêmement riche.

    Sans rentrer dans les détails, on peut considérer par exemple que chaque accord amène une tension non résolue, ou que chaque accord n’appartient absolument pas à la même tonalité…

  2. Finalement (si je comprends bien le commentaire de Steph), que tout le blues se cantonne la plupart du temps aux trois accords MI7, LA7, SI7 serait plutôt la preuve de la « richesse » de cette grille puisqu’elle permet justement de faire émerger une telle diversité, c’est ça ? Elle serait donc classique, ou basique, plutôt que pauvre ? Un truc comme ça ?

    (Waouh ! que c’est dur de parler de musique… comme de toute chose intime ! Et comme le recherche du mot juste nous apprend à affiner sinon nos perceptions, du moins nos sentiments !!!)

    Il y a pourtant bien quelque chose de « rudimentaire », dans le blues, on le sent bien (et c’est entre autre ce qu’on apprécie d’ailleurs), alors si ce n’est pas l’harmonique, est-ce la rythmique, la mélodie ou simplement l’instrumentation ? Autre chose ?

  3. Non c’est pas exactement ce que je voulais dire… pour résumer, même si l’on cherche à quantifier une « richesse » musicale, ce qui n’est pas à mon avis une bonne idée, cette suite d’accords est tout sauf classique, banale et pauvre, mais au contraire extrêmement intéressante d’un point de vue harmonique.

    Quant au côté rudimentaire dont tu parles, je ne sais pas… si l’on doit opposer « rudimentaire » à « technique » ou « riche », je ne crois pas non plus que ce soit une bonne idée… pourquoi vouloir quantifier le degré de « richesse » d’une musique… écoutons là !

    … et même si l’on voulait là quantifier, premier obstacle: ce qui nous paraît pauvre est souvent ce que l’on a trop entendu, qui est trop assimilé… mais pour une oreille neuve ?

  4. « Rudimentaire » s’opposait plutôt dans mon esprit à « savant » ou « raffiné ». Un côté « archaïque » (mais sans jugement de valeur)… Un souffle donc, proche de la source, comparable à celui qu’a apporté Picasso dans la peinture (en allant puiser son inspiration chez les peuples dits « primitifs » pour secouer la pesante, prétentieuse et… « bourgeoise » académie).

    C’est vrai que « riche » et « pauvre » sont des concepts bien délicats à quantifier (sans être extrêmement précis sur ce qu’on mesure exactement) et surtout à manier (sans y associer un jugement « moral » qui sous-entend que l’un des pôles est « préférable » à l’autre… alors qu’on peut très bien considérer qu’il y a des richesses écrasantes, voire écoeurantes et des pauvretés lumineuses).

    Je dirai aussi volontiers comme toi : ne la jugeons pas (ne l’analysons pas, même)… écoutons-la !

    Je dirai même plus (M’sieur Dupont) : jouons-la… même mal (n’est-ce pas le meilleur moyen de la rencontrer… en tout cas de ne pas simplement la « consommer » ?)

    Allez hop !
    (MI7) OOOOOOOH MAMA ! MAMA ! MAMA !
    (LA7) I’M POOR BUT MY MUSIC IS RICH !
    (SI7) OOOOOOOH YEAAAAH MAMA !
    etc…

  5. A noter quand même que la grille « standard de blues » est la suivante :

    (Blues en Mi)

    (Note: E=Mi, A=La, B=Si => Par convention, on utilise les noms anglais pour désigner les accords, et les noms français pour les notes)

    —————————–
    | E7 | A7 | E7 | E7 |
    —————————–
    | A7 | A7 | E7 | E7 |
    —————————–
    | B7 | A7 | E7 | B7 |
    —————————–

  6. … tout ça pour en venir au fait que ton enchaînement d’accord n’est pas bon Vincent :D

    saltimbranques power !

  7. Voilà… c’qui est chiant dans le blues, c’est que c’est hyper « conservateur » comme musique… On accepte aucune innovation dans la grille d’accords !

    Nan, j’déconne… Merci pour ce ‘tit cours gratuit (et plutôt clair), Stéphane ! (Merci à Bernard aussi, qui a lancé le bidule et doit bien se marrer de nous voir causer… comme au bon vieux temps du saltimbrock’n roll !)

  8. Oui, oui, je rigole. Et en plus, je prends des cours en même temps ! Et j’observe aussi deux saltimbranquignols derrière la grille, d’accord ? Le débat pourra continuer plus tard, il y aura encore d’autres articles sur le blues.

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