« Droits dans leurs bottes »

Lu hier sur le Monde, cette réaction d’un lecteur (MD) du Monde à un article sur le Tour de France :

« le sport professionnel est à l’image de notre société, il est pourri par l’argent et n’est plus qu’un vecteur publicitaire pour les sponsors et annonceurs. Tous les moyens sont bons pour se mettre en « valeur » avec la complaisance sinon la complicité des dirigeants de fédérations et les autorités sportives, politiques en tête dont il sert les intérêts. La bonne question est : est-ce que le sport a un jour réellement véhiculé les nobles valeurs dont on le gratifie, une base de notre éducation ? »

La réaction du lecteur duMonde est un peu épidermique, je vous l’accorde, mais les questions que ce lecteur aborde ont le mérite d’être posées. Et beaucoup se les posent aujourd’hui.

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Evidemment, il y a de quoi être choqué par ce qu’est devenu le sport. Mais ce qui est plus choquant encore, c’est de voir les médias qui hier ont largement contribué à la mise en place de ce système de starisation des professionnels, encourageant ainsi, comme le public, le « toujours plus » avec son inévitable corrolaire « le dopage », jeter aujourd’hui ce même système aux orties.

Certes, les coureurs mis en question ne sont pas seulement de pauvres victimes naïves du système. N’ont-ils pas eux-mêmes, alors qu’ils n’étaient encore que de simples cyclistes amateurs, commencé à touché à des produits que l’on trouve dans tous les rayons des magasins de sports un peu spécialisés (le dopage des cyclistes amateurs est un autre scandale passé sous silence). Mais l’injustice vient du fait qu’eux seuls aujourd’hui sont livrés à la vindicte populaire et que tous les autres s’en sortent les cuisses à peu près propres.

Le plus grand scandale de la polémique actuelle, c’est que tous – qu’il s’agisse des organisateurs du Tour, des fédérations de sport, des politiques, des sponsors, des chaînes de télévisions, des journaux sportifs, et surtout du public – viennent de se découvrir soudain une virginité, une bonne conscience et une innocence « plus blanc que blanc » qu’on ne leur soupçonnait pas hier encore.

Tous « droit dans leurs bottes ! » Plus Juppé qu’eux tu meurs !

22 réflexions au sujet de “« Droits dans leurs bottes »”

  1. En même temps, quand tout le monde est coupable, personne ne l’est véritablement !

    Mais plus précisément, quel est le « crime » ? Je veux dire : c’est quoi le « dopage » ? Une négation des idéaux d’égalité (et de santé) qu’est sensé véhiculer le sport ? Mais alors, le premier sportif qui s’est « entraîné » doit également être incrimé !

    Si ce qui est visé est plus largement la simple volonté de gagner (où la fin justifie ensuite tous les moyens), c’est alors à 3 millions d’années d’évolution qu’il faut s’en prendre. Car c’est bien elle qui a sélectionné en l’humain cette pulsion agressive (qui n’est pas la pulsion de de mort qu’évoquait Freud, mais bien une pulsion de vie) qui trouve dans le sport une façon de se défouler finalement bien plus civilisée qu’il n’y paraît.

  2. ???

    Il ne s’agit pas d’incriminer le sport mais bel et bien le système du dopage. Tout comme dans un précédent article il ne s’agissait pas d’incriminer la variété mais le système artificiel de fabrique de stars. Pas de raccourcis hâtifs !

    La volonté de gagner, résultat de 3 millions d’années d’évolution ? On sait aujourd’hui que nos ancêtres paléolithiques couraient beaucoup, notamment pour se rendre d’un point à l’autre et qu’ils faisaient du sport en continu sans le savoir. En comparaison avec cette période, je pense qu’aujourd’hui peu de gens pratiquent le sport. Et la plupart des amateurs qui ont font ne font pas de compétition. Le sport n’est pas forcément lié à l’agressivité. Il n’est pas lié non plus à la volonté de gagner à tout prix, de dépasser les autres. J’avais plutôt compris que le but était le dépassement de soi-même. Mais peut-être est-ce moi qui n’ai rien compris.

    Je ne crois pas que l’évolution ait sélectionné une quelconque pulsion de vie. C’est plutôt l’inverse : elle s’est appuyée sur la pulsion de vie. Et cette pulsion de vie, il me semble que nos ancêtres paléolithiques en étaient largement pourvus, plus d’ailleurs qu’aujourd’hui, et qu’elle est plutôt le point de départ de l’évolution et non son point d’arrivée.

  3. Il suffit peut-être juste de se mettre d’accord sur les termes (ou de prendre simplement conscience qu’on ne les emploie pas dans le même sens) :

    Pour moi, le sport n’est pas une simple activité physique mais une activité essentiellement « compétitive » : il s’agit avant tout d’affronter un ou plusieurs adversaires dans une activité aux règles strictes.

    Le moteur de tout cela (toujours à mons sens) est l’agressivité, telle que l’éthologie la définit : pulsion (sélectionnée par des millions d’années d’évolution) visant à éliminer tout congénère de son territoire.

    On grimpe aujourd’hui des montagnes sur des engins à pédales, ou on pousse un ballon… comme on s’affrontait autrefois (au temps pas plus « béni » que le nôtre du paléolithique), dans des jeux de guerre, ou de chasse… comme deux mâles de toute espèce animale se mettent depuis l’aube des temps, de façon « rituellique », des coups de boule, de griffe, de corne, de bec…

  4. Pour le dire autrement… ou sur un autre plan : je ne trouve rien de « moralement » choquant dans le dopage.

    Cela reste pour moi dans le domaine exclusivement « juridique » : le cycliste qui se fait prendre avec un produit interdit dans le sang se fait exclure tout comme le footballeur qui fait une faute intentionnelle sur l’adversaire qui s’apprête à marquer.

    Pourquoi en faire tout un plat ?
    Au nom de quel idéal de « pureté » s’indigner ?

    On n’est pas des anges… et c’est pour ça qu’on grimpe en suant des cols sur des vélos (ou 36 000 autres activités « absurdes » mues par le même moteur), comme nos ancêtres se chamaillaient pour être sur la plus haute branche de l’arbre.

  5. Vincent, des gens qui gagnent des étapes avec le sang des autres (transfusions du sang d’autres sportifs), ce n’est pas « moralement » choquant ? Ah bon…

  6. Ben pour moi nan, c’est pas choquant… en tout cas pas plus que ceux qui gagnent avec un coeur deux fois plus gros que la normale et/ou qui bat quatre fois moins… que ce soit « de naissance » ou « suite à de longs entraînements ».

    Je sais aussi qu’on pourrait me transfuser le sang de tous les sportifs du monde, je serais pour ma part incapable de gagner le moindre « contre-la-montre »… incapable de me faire mal pour un truc aussi absurde.

    Les gens prêts à tout pour gagner (que ce soit en sport ou… en politique) m’intriguent davantage qu’ils me choquent : sur quelle planète (quel enfer)vivent-ils ? quelle étrange (et archaïque ?) hormone les stimule ?

    Ils éveillent donc plus de pitié (ou de compassion) que d’indignation !

  7. POUR FLOYD LANDIS

    Il ne faut pas déclasser le soldat Landis. Oscar Pereiro, second du Tour, ne souhaite pas en effet hériter d’un maillot jaune que Floyd, respectant l’enseignement que sa mère mennonite lui a dispensé, a gagné à la sueur de son front. Quelle était belle la sueur qui baignait le visage de Floyd dans la montée interminable vers La Toussuire quand il n’avait même plus la force de boire, quand ses socquettes étaient en plomb ! La sueur de Floyd nous en apprend plus sur lui que son urine dont des laborantins se disputent les échantillons dans un pavillon de la banlieue parisienne

    Que nous apprend-elle cette sueur ? Que Floyd supporte plus que les autres la douleur. Dans la Toussuire , au cœur de la tourmente, le casque sur les yeux, il était comme un soldat sous la mitraille, aussi mal en point que Merckx, en 1971, dans la montée d’Orcières Merlette, quand Luis Ocaña l’avait relégué à plus de 9 minutes. Mais comme Merckx, Floyd savait que, la tempête passée, il attaquerait à son tour. Ce qu’il fit, dès le lendemain, dans le col des Saisies, comme Merckx en 1971 sur la route de Marseille.

    Que nous apprend-elle cette sueur ? Elle nous dit que le champion est un homme qui s’en va, sacrifiant sa santé à son rêve de gloire. Le dopage est dangereux, mais le sport de haut niveau l’est tout autant. « Ce n’est pas normal de pédaler six heures tous les jours » disait Laurent Jalabert, en 1998, quand il était, non pas commentateur, mais coureur. Ce n’est pas « normal » de souffrir comme Floyd a souffert à la Toussuire.

    Que nous apprend-celle cette sueur ? Elle nous dit que le champion est un hors-la-loi. Il n’accepte pas ces vies étriquées, sans horizon, auxquelles nous consentons et dont il nous débarrasse chaque fois qu’il attaque dans un col. Le déclasser, est-ce la meilleure façon de le remercier ?

    Il ne faut pas déclasser Floyd Landis, ce héros venu de Pennsylvanie Il n’est pas un « tricheur », pour reprendre ce mot dont se gargarisent les tripoteurs de pipettes de pipi. Des tricheurs, il y en aurait, certes, mais dans le sport. Or le Tour de France n’est pas une épreuve sportive : c’est une épopée.

    (Christian Laborde, Samedi 29 juillet 2006

  8. Le Tour de France, sincèrement, y’a rien de mieux pour faire la sieste.

    Je me suis rendu compte que je m’assoupissais avec plus de délectation quand la télé allumée me montrait des cinglés en train de se tirer la bourre à vélo, sous le cagnard et des pentes à 10%. Quel pied en effet, en comparaison, d’être allongé sur un canapé et de n’avoir rien à prouver, personne à battre, aucune obligation de « courir contre la montre » (au contraire un vrai plaisir à la laisser trottiner toute seule devant… sur ses talons aiguilles) !

    Des fois, pourtant, étrangement, je me laisse « prendre au jeu »… et reste scotché devant l’écran : il y a parfois – comme dit si bien Laborde – de réels moments « épiques », où les affaires de pipettes de pipi n’ont alors, en effet, aucune importance !

  9. Christian Laborde (le biographe attitré de Nougaro) vient – ce jour même – de publier un superbe article sur le cyclisme et le dopage (il est trop long pour que je le copie là… et puis il faut laisser la place aux autres points de vue).

    Pour ceux qui veulent y jeter un coup d’oeil c’est sur :
    http://www.christianlaborde.com/sites/make-ai/page/page.php?id=14171

    Je vous cite juste les premiers mots :
    Selon La Nouvelle République des Pyrénées, organe tarbais le plus lu par les ours, Franska, l’ourse slovène lâchée il y a peu dans nos montagne, friande de baies et de brebis, aurait été aperçue dans le col du Tourmalet où, semble-t-il, elle aurait élu domicile. Faut-il s’en étonner ? Nullement. Nous sommes en juillet, les coureurs du Tour de France vont escalader les cols mythiques, et Franska se prépare à les encourager, les applaudir. Cela dure depuis 1910. (…)

    Profitez-en pour explorer les divers recoins de son site, il y a quelques autres perles !

  10. ça y est, le Tour de France a explosé. C’était prévisible. Renaîtra-t-il de ses cendres ? En d’autres termes, pourra-t-il se remettre en selle ?

  11. Je suis d’accord en fait (il me faut parfois juste un peu de temps pour m’en rendre compte) avec ta conclusion : si on veut condamner le dopage, il faut arrêter de prendre les seuls coureurs en boucs émissaires, de diaboliser ceux qui se font « choper », c’est tout le système (et surtout ceux qui s’enrichissent sans verser la moindre goutte de sueur) qu’il faut montrer du doigt.

    Les cyclistes, la plupart du temps, sont tous de braves gars… comme les boxeurs d’ailleurs (car pour faire ces deux « sports de dingues », il faut un coeur gros comme ça et un sacré courage, une générosité un peu hors du commun).

  12. Je serais bien curieux de connaître les résultats d’un contrôle anti-dopage inopiné… au cours d’une campagne électorale, voire une simple épreuve du Bac (je mettrais ma main à couper qu’il y a plus de la moitié des candidats qui a ingurgité un truc « pour l’aider »)

  13. Les sociétés qui survivent sont celles qui ont réussi à se donner des boucs émissaires. »

    (René Girard, La violence et le sacré)

  14. La photo est dans L’Equipe, quotidien dans lequel aujourd’hui Antoine Blondin refuserait d’écrire. Elle montre Cristian Moreni, le coureur italien de l’équipe française Cofidis, au sommet d’Aubisque entre deux gendarmes. On n’a pas jugé utile de lui passer les menottes. Il y avait peu de chance, il est vrai, que Cristian Moreni tente de fausser compagnie aux pandores : il était épuisé, Moreni, comme l’est un coureur qui vient d’escalader Port de Larrau, La Pierre Saint-Martin, Marie-Blanque et Aubisque. Pourquoi a-t-on arrêté Moreni ? A-t-il tué, volé, porté atteinte à la sûreté de l’état, troublé l’ordre public ? Non, il a simplement fait ce que n’importe quel candidat au Bac ou n’importe quel cadre dynamique fait : il s’est dopé.

    *

    Rasmussen est parti, et les coureurs français poussent des soupirs de soulagement. Toutefois, s’ils font la course en queue de peloton, osons dire que ce n’est pas la faute de Rasmussen. Mais il fallait que Rasmussen se barre. Car il est responsable de tout, Rasmussen. Le dopage, c’est lui. La triche, c’est lui. Le mensonge, c’est encore lui. De plus, comme on se plaît à le souligner à France télévisions, il ne parle pas un mot de français. On ne peut accepter sur notre territoire la présence de celui qui ne fait pas l’effort d’apprendre le français. Surtout, il n’est pas beau, Rasmussen : il est trop maigre, il n’a ni cuisses, ni fessiers et, pour toutes ces raisons, ne plaît pas à Gérard Holtz. Il était impensable qu’avec une telle silhouette disgracieuse, une telle absence de charisme, il pût monter sur le podium à Paris. Il est retourné dans son pays, Michael Rasmussen. Qu’il y reste !

    (Christian Laborde, Percolateur, La dépêche du midi, juillet 07)

  15. Dès la dernière semaine du Tour, afin de ne pas cautionner le dopage, Libération et France soir avaient cessé de publier les classements du Tour gagné par Alberto Contador.

    Que leurs lecteurs se rassurent : ces deux journaux publieront vraisemblablement les résultats du foot et du rugby, sports dont les pratiquants marchent au pschitt orange en première mi-temps, au pschitt citron en seconde.

    (Christian Laborde, Percolateur, La dépêche du midi, août 07)

  16. L’info en continu sur le Monde.fr, ça donne ça le dimanche soir :

    19:48 : CAN : Le Ghana élimine l’Angola

    19:45 : Handball: France se fait encore peur face à l’Allemagne REUTERS

    19:40 : Handball : en battant l’Allemagne, les Bleus se rapprochent des demies LE MONDE.FR

    19:37 : Football européen : Arsenal trébuche, la Juventus s’écroule

    S’il y a un jour où je boude l’info, c’est bien le dimanche !

  17. L’info en continu sur ce blog :

    20H08 : allez les bleus (Yves)
    20H09 : allez les bleus (encore Yves)
    20H10 : allez les bleus (toujours Yves)
    20H11 : allez les bleus (Yves, toujours et toujours)

    S’il y a un jour où il faut bouder ce blog, c’est bien le dimanche ! :cheerful:

  18. Le Figaro (que je lis régulièrement pour plein de raisons différentes) est souvent malhonnête dans ses présentations d’article. Exemple de l’affaire Fillon où l’on fait croire au lecteur dans la manchette de l’article que les arguments de Fillon sont liés au fond du dossier alors que si on lit l’article entièrement, on voit bien que c’est la forme qui est attaquée et non le fond.
    http://www.lefigaro.fr/actualite-france/soupcons-d-emplois-fictifs-les-epoux-fillon-renvoyes-en-correctionnelle-20190423
    Ce qui intéresse le lecteur c’est avant tout le fond de l’affaire. Comme il est fautif, qu’importe qu’il y ait quelques problèmes de forme, non ?

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