Le « compositeur assassin »


Don Carlo Gesualdo (1560-1613), Prince de Venosa, a souvent été qualifié de « génie hors pair » et de musicien « révolutionnaire ». S’il est considéré ainsi, c’est parce que ce compositeur, à cheval sur la fin de la Renaissance et sur le début du Baroque, a constamment recherché à se libérer des contraintes musicales de son époque. Cela l’a conduit à composer une musique très riche, faites notamment de dissonances fort en avance pour son époque.

Sa musique m’a toujours beaucoup touché. Le dictionnaire des grands musiciens de Larousse (qui est « ma bible » en deux tomes et qui est épuisé depuis longtemps) dit de son oeuvre : « Quant à l’expression, elle atteint souvent une intensité angoissée, voisine de la violence, soit dans la sensualité de ses madrigaux (…) soit dans la contrition, le recueillement qui sont l’essence de la musique religieuse ».

Musique très contrastée donc.

Quant à sa vie, elle est faite d’horreurs. Le mot n’est pas trop fort. Lisez jusqu’au bout ce qu’en dit le dictionnaire cité ci-dessus : « En 1586, Gesualdo épousa sa cousine Donna Maria d’Avalos, femme très belle dont c’était le troisième mariage. Cette union ne fut guère heureuse : Gesualdo délaissa très vite sa femme qui reporta son affection sur le duc d’Andria. En 1590, découvrant son déshonneur, il fit poignarder les deux amants en sa présence. Redoutant la vengeance des familles, il se réfugia dans son château et s’y prépara à l’éventualité d’un siège. Doutant de tout, même de la légitimité de son fils, il le fit étouffer. Grâce à son oncle, il put signer un contrat de fiançailles avec Eleonora d’Este, fille d’Alfonso d’Este, duc de Ferrare (1593). Ce second mariage fut encore plus houleux. La famille d’Este s’acharna à faire divorcer Eleonora, qui s’y opposait et réussit à ramener son époux dans le sein de l’Eglise. Gesualdo composa alors de la musique religieuse, dont un livre de répons pour l’office de ténèbres. Dans ces oeuvres, on note pour thème premier celui de la mort avec, en contre-chant, la parole du décalogue : « Tu ne tueras point ».

La vie de Gesualdo m’a toujours fasciné. Comment un personnage aussi horrible a-t-il pu composer des oeuvres aussi belles et aussi poignantes ?

Bonne fin de semaine à tous !

9 réflexions au sujet de “Le « compositeur assassin »”

  1. « Comment un personnage aussi horrible a-t-il pu composer des œuvres aussi belles et aussi poignantes ? » C’est lié, non? L’homme n’est-il pas un être de pulsions? Transcender, c’est toucher au sublime… :face:

  2. j’ai écouté les deux premiers morceaux c’est magnifique :cool:
    je n’avais jamais entendu le nom de ce compositeur
    belle découverte

  3. Luc, peut-être que tu as raison. Mais c’est tout de même difficile à admettre. On aimerait tellement, à l’intérieur de nous, que les auteurs des belles oeuvres soient des personnages vertueux, d’autant plus qu’on a des bons exemples dans ce domaine (JS Bach, Joseph Haydn, …)

  4. Je partage l’avis de Luc, notre esthète préféré.
    Et puis on se trouve là dans l’extrême : dans la création, la sublimation comme le dit Luc, et on a donc affaire à des humains dont d’autres dimensions, tout aussi extrêmes, sont moins glorieuses ou « entendables. »
    En tout cas, parmi tous ces êtres extraordinairement doués, l’interrogation des conjoints doit être éclairante !
    N’interrogez surtout pas ma femme pour vous en convaincre : je ne suis pas très doué. :whistle:

  5. J’ai écouté ces vidéos plus que je ne les ai vues, c’est très beau.
    A chaque fois que j’entends quelques chose de beau dans une autre langue, je cherche le sens de ce qui est dit, cela m’a permis d’apprendre l’anglais à force de le traduire.

    J’ai toujours du mal car la langue anglaise est très riche et certains auteurs très complexes, alors parfois je m’imprègne plus que je ne comprends.

    J’aimerais bien avoir des traductions de ces textes pour savoir ce que cette énergie à composer veut transmettre…

  6. J’ai lu il y a peu la critique des disques de Gesualdo par des internautes et l’un d’eux regrettait le temps où les livrets des disques donnaient les traductions en français des textes de Gesulado et des autres compositeurs. A priori donc, pas de traduction en français dans les livrets des cd d’aujourd’hui. :angry:
    Christophe, va donc falloir que tu apprennes l’italien ! :whistle:

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