Vol de migrateurs

La migration des grues est probablement l’un des phénomènes les plus spectaculaires auquel on puisse assister. Je me souviens d’un lever du jour avec brume et soleil sur le lac du Der. Trente mille grues avaient alors décollé du site dans un vacarme assourdissant et j’en garde un souvenir magique.

Il faut dire que le lac du Der est un passage presque obligatoire pour ces oiseaux. En octobre-novembre, après s’être concentrées sur la presqu’île de Rügen au nord de l’Allemagne, les grues traversent la France en enfilade en direction des Landes, ne s’écartant que très peu de cet axe de migration. Le lac du Der, qui est un immense réservoir d’eau champenois alimenté par la Marne, est à cette époque à un niveau très bas. Il offre alors de vastes étendues découvertes qui permettent à ces oiseaux de rester quelques jours, parfois même quelques semaines, à la faveur de nombreux champs de céréales qui leur permettent de s’alimenter.

Au retour de printemps, les grues sont en général moins présentes sur le Der car elles ne s’y arrêtent que pour en repartir aussitôt, poussées par un irrésistible instinct qui les incite à regagner les lieux de reproduction nordiques au plus vite. Mais leur observation au lac du Der est aussi spectaculaire qu’à l’automne car toutes les grues arrivent alors de la même direction : le sud-ouest. Il suffit juste d’être placé au bon endroit.

Nous étions quelques franc-comtois à les observer vendredi dernier. Le spectacle fut au-delà de nos attentes. Les conditions météo avaient été exceptionnelles. En début de semaine, un grand nombre de grues étaient restées bloquées en Espagne en raison d’une mauvaise météo. Le jeudi matin, une éclaircie subite sur les Pyrénées leur a permis de traverser en grand nombre la chaîne de montagnes et de gagner dans la journée le centre de la France. Vendredi, le ciel se découvrait aussi subitement sur l’ensemble de la France et les grues ont donc pu repartir aussitôt pour arriver au bout de quelques heures en Champagne au lac du Der.

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En fin d’après-midi, de nombreuses bandes de grues sont passées au-dessus de nos têtes. Des bandes qui comptaient souvent plus de cent grues. A certains moments, nous avions au-dessus de nous une douzaine de bandes, soit un millier de grues dans notre champ de vision. Le spectacle était magnifique, accentué par une très belle lumière. D’après un spécialiste qui était là, il y avait plusieurs années que l’observation de la migration de printemps n’avait été aussi riche. Le hasard avait voulu que nous ayions choisi ce jour faste.

Si la détermination de l’espèce « grue » ne fait aucun doute (avec ses 2 mètres d’envergure), il en va de même de celle des observateurs franc-comtois qui se reconnaissent au premier coup d’oeil. Allez donc savoir pourquoi !

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Merci à Christophe Mauvais qui vient de m’adresser une très belle photo de grue faite dans la vallée de l’Ognon à Marnay. Je viens juste d’ajouter cette image, deux jours après la mise en ligne de cet article. Une telle photo manquait gruellement !

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36 réflexions au sujet de “Vol de migrateurs”

  1. Ah ! Ce lac du Der ! Bel exemple de la souplesse d’une espèce migratrice qui a « intégré » dans son parcours un néo-lac, construit par l’Homme en vue de réguler les crues de la Marne et par contre-coup celles de la Seine. Ces vols en V qui se mettent en place dès qu’il y a 6-10 oiseaux, existent, comme on sait, chez les Oies en particulier. Je crois que j’ai déjà évoqué le beau spectacle des oies des neiges que j’avais pu observer en octobre au Québec… On s’interroge : est-ce un comportement inné ?
    A PROPOS DE MIGRATEURS : voici deux jours que j’entends le chant d’une fauvette à tête noire installée dans un buisson près de chez moi.
    Il me semble que c’est un peu plus tôt que les autres années !

  2. « … Tout à coup, dans l’espace,
    Si haut qu’il semble aller lentement, un grand vol
    En forme de triangle arrive, plane et passe.
    Où vont-
    elles ? Qui sont-elles ? Comme elles sont loin du sol !

    (…)
    Regardez-les passer !
    Elles, ce sont les sauvages.
    Elles vont où leur désir le veut, par-dessus monts,
    Et bois, et mers, et vents, et loin des esclavages.
    L’air qu’
    elles boivent ferait éclater vos poumons.

    (…)
    Regardez-les, vieux coq, jeune oie édifiante !
    Rien de vous ne pourra monter aussi haut qu’
    elles.
    Et le peu qui viendra d’elles à vous, c’est leur fiente.
    Etc. Etc. Etc. »

    (Jean Richepin, Les oiseaux de passage)

  3. Certains parmi vous avaient-ils vu le documentaire : Le peuple migrateur qui était passé – jen e sais plus quand – au cinéma (produit par Jacques Perrin, après le succès de Microcosmos) ?L’idée était excellente : faire accepter un ULM (avec caméraman) par des colonies d’oiseaux migrateurs et les filmer pendant leur migration.

    J’en garde pour ma part le souvenir d’une de mes plus grande déception cinématographique. Je m’apprétais, en effet, (naïvement) à vivre 2h à la place d’un oiseau et… je me suis retrouvé coincé sur l’ULM, dans la peau d’un faiseur d’images avec un walkman sur les oreilles. Je m’explique : l’ULM ne pouvant se placer ailleurs qu’à la pointe du V, la caméra était toujours retournée, regardant les oiseaux à côté ou derrière (ce qu’aucun oiseau ne fait) et au lieu d’apprécier le silence des grands espaces (juste ponctué rythmiquement par le vent dans les plumes) j’avais les oreilles saturées par une bande originale d’autant plus pompeuse qu’elle tentait manifestement d’imiter les réussites de celle de Microcosmos.

    Et vous, vous en gardez quel souvenir ?

  4. Info complémentaire :
    Le Der est le plus grand lac artificiel d’Europe : 77 km de rives.

  5. Belle trouvaille que ce conte de la grue-boule qui fait écho à l’article précédent en expliquant l’origine des éclipses.

    Un autre conte évoque ce volatile, celui de l’épouse-grue, recueilli au Nord de Honshû, au Japon donc (cité par Maurice Coyaud dans Fourmis sans ombre, Phébus, 1978) :

    « Jadis vivait quelque part un jeune homme honnête. Un jour qu’il travaillait à la rizière, une grue descendit vers lui en planant. Belle grue blanche, blessée, voici tout à coup qu’elle chancelle et, d’un vol mal assuré, tombe aux pieds du gars. Celui-ci écarte les ailes, ausculte l’animal : une flèche est fichée à la racine de l’aile.
    – Ah ! la pauvre. Bien sûr qu’elle ne pouvait pas voler !
    Il arrache la flèche, lave la plaie, et la grue recouvre bientôt la santé. A présent, elle peut voler. Il la relâche en disant :
    – Désormais, prends garde aux chasseurs !
    En guise de remerciement, la grue fait trois tours au-dessus du jeune homme, lance un « kau », et disparaît haut dans le ciel.
    – Ah ! j’ai fait aujourd’hui une bonne action ! Le coeur et la houe en sont tout légers !
    Le garçon laboure toute la journée, et les étoiles brillent déjà quand il rentre chez lui. A la porte, une superbe fille l’attend.
    – Vous devez être bien las, dit-elle en l’accueillant gentiment.
    Le gars est ébahi. C’est pourtant bien sa propre maison. La fille lui dit en souriant :
    – C’est bien votre maison. Et je suis votre nouvelle épouse.
    – Pourquoi me taquiner ? Je suis pauvre. Aucune chance de me marier : je n’aurais pas de quoi nourrir deux personnes.
    – Il n’y a pas à s’inquiéter pour cela. C’est moi qui apporterai le riz.
    Et de son sac, la voici qui sort du riz. Elle va à l’arrière de la maison et se met à moudre.
    – Vous êtes bien aimable comme épouse ! Soit, je suis d’accord !
    Les jours et les mois passent, dans l’aisance, et sans inquiétude. Un jour l’épouse dit au mari :
    – J’ai une prière à te faire. Ne voudrais-tu pas me fabriquer un métier à tisser ?
    A l’instant, le mari réunit l’argent nécessaire et construit le métier.
    – Pendant sept jours, exige la femme, tu ne regarderas sous aucun prétexte ce que je fais à l’intérieur.
    Durant sept jours, elle tisse, jour et nuit. On n’entend, sans cesse, d’autre bruit que celui-ci :
    kikkopatan kikkopatan ». Le garçon cependant, conformément à la prière de l’épouse, se garde bien d’épier. Au septième jour, l’épouse sort de la pièce avec un superbe vêtement, si beau que le jeune homme n’en avait jamais vu de tel. Elle lui dit :
    – Porte demain ce vêtement au marché, et vends-le pour cent taëls.
    – Il vaut donc cent taëls ? fait le garçon ahuri.
    Le lendemain, rendu au marché, il vend en effet le vêtement à ce prix exorbitant. Et l’épouse de continuer à tisser.
    – Comment peut-elle arriver à tisser d’aussi beaux tissus sans même avoir du fil, pense le jeune homme ? C’est au moins du brocart.
    Et l’envie le saisissant de voir comme elle s’y prend, il se résoud à l’épier. Or ce n’était pas sa femme qui tissait, mais une grue blanche, qui s’arrachait les plumes. Mais à la vue du benêt, elle cesse aussitôt son travail et se redresse :
    – Tu m’as dévoilée, c’est bien triste, je ne peux plus rester ici. En reconnaissance du bien que tu m’as fait, je m’étais changée en humaine, pour te servir. Garde précieusement ce tissu en souvenir de moi.
    A ces mots, soulevée par la brise, elle s’élève, s’éloigne dans le ciel et disparaît. »

  6. Les grues et autres oies sauvages ont aussi inspiré quelques beaux haïku. En voici quelques-uns (pour ceux qui savent les apprécier : Humeur badine, t’es pas obligé de les lire !!!) :


    Les oies sauvages vocifèrent
    Chacune se charge
    De sa publicité

    (Issa)

    ***

    Nuit d’automne
    Ma passion brûlante pour une femme passe
    Sur une grue

    (Hakyô)

    ***

    Sur un tas d’ordures
    La grue se pose
    A Waka no Ura

    (Issa)
    NOTA : Waka no Ura est un des plus célèbres paysages du Japon.

    ***

    Oie, oie sauvage
    Tu l’as fait à quel âge
    Ton premier voyage ?

    (Issa)

    ***

    Oies sauvages
    Certes vous avez mangé mon orge
    Mais votre départ me rend chagrin

    (Yasui)

    ***

    Pas de corde à l’arc
    De la nouvelle lune
    Cri des oies sauvages

    (Gonsui)

    ***

    Elles volent bas
    Les oies sauvages
    Il va pleuvoir

    (Shôba)

    ***

    Sans calendrier
    de pays en pays elles voyagent
    Les oies sauvages

    (Shunpa)

  7. Et bien concernant les haïku, mes avis sont partagés… Il y a les deux extrêmes ici…

    J’aime beaucoup

    Oies sauvages
    Certes vous avez mangé mon orge
    Mais votre départ me rend chagrin

    Mais alors celui là vaut des points (c’est un effet de la traduction ??)

    Elles volent bas
    Les oies sauvages
    Il va pleuvoir

  8. Toujours aussi formidable de voir ces migrations d’oiseaux, poussés par leur instinct, à l’aide d’une sorte de petite boussole qu’ils semblent avoir en eux…
    Et tout le mistère qui plane autour du: « pourquoi reviennent-ils quasiment toujours exactement au même endroit que l’année d’avant, avec une précision de GPS haut de gamme !!!!! »……….
    Et puis c’est quand même fabuleux de voir à quel point ces oiseaux sont organisés (chefs de file « GPS », relais entre eux, etc…), sans parler de la capacité incroyable qu’ils ont à voler en « V » parfait tel une figure de haute voltige de la patrouille de France………

  9. Je ne connais toujours pas l’ambiance du lac du der… J’ai tendance à snober les destinations touristiques ornithologiques, je le reconnais… comme j’ai un peu snobé aussi le peuple migrateur…

    Mon meilleur souvenir de grues est au sol, au détour d’un coin de val de Saône. Je suis sorti de la voiture pour jeter un oeil derrière un coin de haie, par acquis de conscience, et j’en ai pris plein la vue. Elles étaient près de 175 pâturant un domaine de courlis… Et il y en a un autre aussi, beaucoup plus ancien, souvenir de gamin cocheur, en vallée de l’Ognon au cours de mes vacances à la maison de la nature de Brussey…

  10. Tiens, en parlant de migration, j’ai montré à Bernard des photos que j’ai prises Samedi à Thise, sur le champs de l’aérodrôme…… ou plutôt ce qu’il en reste !!!
    Avec toute la pluie qu’il est tombé, c’est une sorte de lac qui a remplacé ce champs.

    J’y ai pu photographier des mouettes rieuses et cela m’a surpris dan sun premier temps car je ne pensais pas qu’il pouvait y avoir des mouettes à Besançon !!! (ou presque Besançon…)

    Mais Bernard m’a expliqué que cette espèce passe régulièrement au mois de Mars au dessus de notre région lors de leur migration…
    Il m’a dit aussi qu’il y en avait aussi souvent à côté de chez lui à cette époque de l’année et que le passage de cette espèce-là n’est donc pas si rare, voir même plutôt commune.

  11. Magique est le mot quand on a la chance d’être invité au spectacle. Sans doute parmi mes meilleurs souvenirs de naturaliste aussi, la migration de ces merveilleux voiliers.

    Quand on rencontre cette magnifique espèce, son doux cri et sa merveilleuse danse, il me semble que bien des mots doivent être repensés…
    Grue… à voir le spectacle du val de l’Ognon (et je ne m’attarderai pas sur ce mot) transpercé par le chantier TGV-est et ses engins, ainsi que celui des pauvres femmes qui tapinent à Besançon.
    Con… à écouter la très belle chanson de Pierre Perret « celui d’Alice » ou celle plus connue du vieux Georges sur le triste vocable.

    Comment l’homme peut-il avilir ainsi la féminité ? Par mépris ? Par méconnaissance ?

    A mon avis par peur : celle de sa propre sensibilité ou celle d’exprimer certaines émotions. Cette peur qui est le meilleur argument de ceux qui ont quelque chose à nous vendre… nous qui n’avons besoin de rien !

    La grue est un symbole très important en Asie, et surtout au Japon et si vous avez l’occasion de regarder la danse de la Grue du Japon, allez-y ! C’est un oiseau merveilleusement beau, et dont la danse est… magique !

    Et dire que presque toutes les grues cendrées sont passées en moins d’une semaine !

  12. On a loupé les grues de quelques heures à Pagney dimanche dernier mais on y a trouvé un administrateur de la maison de la nature ; on peut pas tout avoir !
    Et en repartant, on a croisé une blogueuse dans sa 205 rouge, mais elle ne nous a pas reconnu… Bernard, tu nous fournirais des autocollants Adepte du blogadupdup à bord pour qu’on s’identifie (ou qu’on se coche!) ?

  13. Le caractère japonais pour « élégance » : les dents d’un animal et… un oiseau en vol (une grue, une oie, un cygne sauvage ?)

  14. Oh c’est sympa d’être venu me rendre visite (je le sais parce qu’over blog me donne les stats … approximatives… en temps réel et pour une fois il n’ont pas buggé (sourire)

    j’adore les vols de grues, dans ma belle région du sud Gironde
    elles viennent et vont avec leur chant de miracle
    leurs vols sont denses et somptueux
    ponctuation saisonnière qui m’est réjouissance de l’âme et du coeur
    il s’en pose à demeure
    pas très loin de chez nous
    réchauffement climatique terres riches et labours aidant…

  15. Suite à des problèmes de commentaires-spams-pubs, désormais, pour poster un commentaire, vous devez entrer un code de sécurité…

    Ce commentaire est juste un test pour voir si ça marche ;)

  16. Mince, alors ! J’apprends du même coup que j’ai raté Mag et des grues en une seule après-midi.
    Bien que j’en aie vu des milliers deux jours plus tôt, j’aurais volontiers admiré quelques individus à Marnay. Difficile d’expliquer aux « non pratiquants » le plaisir que cela procure.
    Bernard l’a dit, le spécialiste du coin nous a précisé que le jour où nous étions au lac du Der a été une journée exceptionnelle. Nous avions évidemment fixé la date bien auparavant, sans savoir que la météo nous serait aussi favorable (pas une goutte de pluie, un doux soleil, assez chaud pour chauffer nos cœurs mais pas nos bières). Et en ne sachant pas non plus, contrairement à l’ornitho rencontré là-bas, que cette succession de très mauvais temps puis de temps clément ferait venir des milliers de grues ce jour-là.

    Christophe parle de la grue du Japon. Tu peux en dire un peu plus ? Pour avoir l’occasion de la voir, faut-il vraiment aller au Japon ? Tu y es allé ?

  17. Je ne sais pas si la météo était assez chaude pour réchauffer nos bières. Je sais simplement que lorsque je vais faire de l’ornitho avec Anne, Guy & Co, les bières sont toujours présentes, qu’elles se laissent toujours déguster et qu’elles me semblent toujours à la bonne température. J’ai l’impression que la température n’est jamais un élément qui contrecarre nos projets de boire un coup. J’ai d’ailleurs constaté la même chose lors des soirées Brassens. Bizarre, bizarre !

  18. Si Anne nous organise un charter en Amérique du Sud pour voir la prochaine éclipse et Christophe au Japon pour observer les grues, je ne vais jamais arriver à suivre … !

  19. Finalement mieux que Le peuple migrateur pour tenter de se mettre à la place des oiseaux migrateurs : Le pays sous l’écorce du regretté Jacques Lacarrière (Seuil, 1980). Dans ce livre magistral, qui reprend un thème celte traditionnel (la métempsychose initiatrice), le narrateur – donc le lecteur qui s’identifie forcément à lui – passe successivement « dans la peau » d’un Loir, d’une Grue cendrée, d’un Criquet, d’un Lombric, etc.. et apprend à chaque fois quelque chose. Voici quelques extraits du « passage par la Grue » :

    « Je L’ai surprise à l’instant même où l’envol La prenait : une patte encore sur le sol, l’autre déjà levée, les ailes battant lentement comme pour estimer la portance du vent. En me voyant, Elle s’arrêta et demeura ainsi, indécise entre terre et ciel. (…)
    – Vous venez juste à temps, me dit-Elle.
    Pardonnez-moi. J’avais à faire sous une feuille. L’automne m’y a surpris. Il est venu tard cette année.
    – L’automne ne vient ni tôt ni tard. Il vient.
    – Je vous dérange. (…) Vous alliez partir. Je vous ai retardée.
    – Il y a eu l’Appel. Quand on L’entend, on part. Vous ne L’avez pas entendu ?
    Je n’osai Lui avouer que non. Elle m’observait de son oeil rond, avec une lueur d’agacement. Et moi, je L’admirais : un oiseau magnifique, élancé, au corps souple et charnu, aux plumes couleur de cendres tièdes (et déjà, sans même les toucher, je ressentais sur tout mon corps le soyeux des rémiges), un bec légèremet pointu, un crâne noir, luisant avec des plages rouges. Et l’oeil, cerné d’un étang d’or, l’oeil noir qui m’observait. La plus belle, la plus troublante de toutes les Grues cendrées ! Je ressentis comme un émoi dans tout mon corps, dans mes jambes – ou pattes – qui se mirent à trembler, impatientes de quelque chose.
    – On aura tout le temps de s’observer là-haut, fit-Elle. L’Appel a retentit. Allons.
    Et nous nous envolâmes. »

    Je m’arrête là, sinon je vais recopier tout le chapitre… puis tout le livre !

  20. (…) Maintenant, je sais ce qu’est le Vent. Non ce souffle inconstant qui sur terre fait bouger les arbres et tourbillonner la poussière mais une Force fière, un Esprit orienté dans l’infini du ciel. Il a des courants, des humeurs, des méandres, des zones qu’Il évite, des turbulences qu’Il affectionne. Il connaît les pressions et dépressions de l’air, les émois de l’orage, les récifs invisibles de l’azur et des nuits. Tout cela, les Grues le savent aussi depuis l’aube des Grues. La Meneuse volait entre ses courants invisibles, ces prairies d’air, ces collines de souffles, ces gouffres de colère, montant de descendant, tournant et dérivant sans jamais se tromper. J’avais quelque mal à La suivre. Il me fallait lutter contre le vent debout, remonter après des chutes terribles dans le vide, ne sachant comme Elle deviner les creux qui font choir, les rafales qui vous déportent. A mes côtés, la Grue volait sans la moinde fatigue. Je remarquai qu’aucune d’elles ne fixait des yeux la Meneuse. Elles avançaient le cou tendu, la tête droite, obéissant ensemble aux changements de direction en un accord pour moi inexplicable. Parfois, nous traversions des couches de nuages où je perdais de vue le groupe. Un cri me rappelait, m’orientait en cette ouate incertaine. Parfois aussi, la terre apparaissait, des villages, des champs puis, plus tard, la mer ourlée de moutons blancs. Nous allions vers le sud. La Grue ne parlait pas. (…)

    (Jacques Lacarrière, Le pays sous l’écorce, Seuil, 1980)

  21. P’tite question, en passant :
    Est-ce que les Grues forment toujours un angle approximatif de 45 degrés lorsqu’elles volent ensemble ? Sinon, est-ce que cela varie a priori en fonction du nombre de grues dans la formation, du sens du vent, de leur état de fatigue, du simple hasard… ou du nombre de bières ingurgitées par l’ornitho qui les observe ?

  22. Vincent pose une bonne question.
    Il est indéniable que la qualité et la quantité de bière ingurgitée par l’ornithologue sont une source certaine d’erreur dans l’estimation de l’angle des vols de grues !!!
    Plus sérieusement : il semblerait que les grues se disposent derrière leur leader en fonction des turbulences d’air existant dans son sillage, pour les mettre à profit et réduire les dépenses énergétiques. Un peu comme le fait un cycliste qui se « met dans la roue » de celui qui le précède.
    Selon la taille des ailes, la force des vents, l’altitude… les turbulences se modifient et en conséquence la position de chaque oiseau dans le groupe. Si bien que l’angle peut s’ouvrir ou se fermer.
    Ce qui étonne c’est qu’à partir de 4, les oies (les grues aussi ?) se mettent immédiatement en V, même pour un vol très court. Comportement réflexe inné ?

  23. il semblerait que les grues se disposent derrière leur leader

    Je croyais que l’individu qui était devant était régulièrement remplacé par un autre, reposé après s’être laissé porté. Non ? C’est vraiment un leader ?

  24. « il semblerait que les grues se disposent derrière leur leader »

    C’est pas un commentaire qui aurait dû apparaître à propos des élections, ça????

  25. Hier soir, en revenant du travail, il y avait deux vols de grues au-dessus de notre voiture, l’un de 20 grues, l’autre de 15. Elle partaient vers le nord, à peu près dans la direction du lac du Der. Ce matin, à Brussey, 13 grues remontaient la vallée. Si j’avais du temps, je partirais le week-end prochain au lac du Der ou des milliers de grues doivent être rassemblées en ce moment.

  26. Hééé , pour observer les grues dans la longue vue il faut enlever le bouchon !!
    Ahhh Ok !!! Pshhhiiiitttt
    Non , pas sur le bock de bière , sur la longue vue !!!!!! :angry:
    Ohhh Bardonn , crand bupbup !!!! :sick:

    C’est pas beau la vie d’ornithologue amateur !!! :tongue:

    Blague à part , ça doit être un spectacle magnifique que ce rassemblement de grues !!!

  27. Ben je serai au lac du Der dimanche en 8… devinez pourquoi !
    Eh oui, pour l’avoir vécu plusieurs fois, la grande migration printanière des grues cendrées et la halte du Der a quelque chose de magique. Alors j’aurai une pensée pour ceux qui n’y sont pas en entendant les krou krouuu de ces charmantes visiteuses. Il y deux ans, j’ai ainsi vu arriver des milliers d’oiseaux : en discutant avec les ornithologues locaux, ils estimaient à 20000 le nombre d’oiseaux venus en une journée gonfler l’effectif local à près de 40000 !

  28. 4 grues cendrées ce matin au dessus du jardin !!
    Chez moi dans le Finistère , ça n’est pas une observation très commune !! C’est vraiment une drôle de sensation d’entendre dans le coin des grues trompeter alors que vous êtes devant votre café le matin au réveil :blink: … J’ai cru que je rêvais , je suis sorti avec mon APN , j’ai eu le temps de prendre une ou deux photos pour partager ce moment !! :happy:
    http://naturepassion.e-monsite.com/medias/images/grue-cendree-lj3.jpg

  29. en fait non, d’autres priorités …

    Cela dit, si, je vieillis …

    Enfin non, je reste très très jeune mais la seule différence c’est que je suis jeune depuis bien plus longtemps que la plupart d’entre vous … ! :tongue:

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