Grands bluesmen (2)

WILLIE DIXON
Personnage hors du commun, Willie Dixon est l’un des plus grands noms du blues. Son parcours est étonnant. D’abord obligé de fuir la justice et de quitter précipitamment en stop l’Etat du Mississippi, Willie Dixon devient boxeur et gagne en 1936 le titre Golden Gloves dans la catégorie poids lourds. Résistant ensuite à un recrutement pour venir combattre en Europe pendant la seconde guerre mondiale, il se retrouve en prison. Au sortir de la guerre, il retrouve son professeur de contrebasse et fondera avec lui son premier groupe de blues. Il deviendra vite le pillier du célèbre label de disques Chess Records, occupant dans cette maison les fonctions de contrebassiste, producteur, arrangeur et musicien de studio. Il accompagnera les plus grands de la scène blues : Muddy Waters, Bo Diddley, Howlin’ Wolf, Otis Rush, Sonny Boy Williamson et collaborera avec les grands musiciens blancs des années 60 et 70 : Yardbirds, Grateful Dead, Rolling Stones, Van Morrison, Eric Clapton, Led Zeepelin … Miné par le diabète, sa fin de vie sera difficile et il mourra en 1992 peu de temps après l’amputation d’une jambe.

L’enregistrement que je vous propose date de 1962. Il s’agit de I’m nervous (« je suis nerveux »).

16 réflexions au sujet de “Grands bluesmen (2)”

  1. J’ai oublié de préciser que Willie Dixon est accompagné (et présenté) sur la vidéo par le grand pianiste Memphis Slim avec qui il joua très souvent et qui fut son complice de scène, notamment sur la scène française du début des années 60. Il y a d’ailleurs un grand disque à conseiller : « Memphis Slim et Willie Dixon aux Trois Mailletz »

    Je viens par ailleurs de retrouver, sur Youtube, une version différente de I’m nervous :
    http://www.youtube.com/watch?v=RQrQLvBQax0

  2. Après avoir mis en ligne cet article, j’ai réécouté un coffret consacré aux grands enregistrements auquels a participé Willie Dixon, en tant que contrebassiste, arrangeur, producteur ou chanteur. Ce Chessbox de 36 titres est un véritable condensé de l’histoire du blues. On y retrouve My Babe de Little Walter, Hoochie Coochie Man de Muddy Waters, Pretty Thing de Bo Diddley, Evil de Howlin’ Wolf… Chaque titre est connu, est rentré dans l’histoire du blues. On comprend parfois pourquoi Willie Dixon disait « I am the blues ». A possèder absolument pour ceux qui aiment ce genre de musique.
    Voici les référence de ce disque dont on peut écouter 30 secondes de chaque titre en ligne :
    http://www.amazon.fr/Chess-Box-Willie-Dixon/dp/B000002P8I/ref=sr_1_1/403-2671662-1974061?ie=UTF8&s=music&qid=1193484056&sr=1-1

  3. Un sacré rigolo, ce Willie Dixon !

    Et triplement, je trouve :

    – d’abord, écrire une chanson d’un gars qui bégaye (seul Henri Salvador aurait osé)

    – ensuite, la chanter sans sourire, ou presque (ça, même Henri Salvador n’aurait pas su faire)

    – enfin, pour en rajouter une couche, chanter « I’m nervous ! » avec autant de… nonchalance !

    Ça donne en tout cas une tout autre image du blues (…et conforte on ne peut mieux l’idée, développée par Rosset, que le tragique est étroitement lié à la joie de vivre)

  4. PS : c’est pas lui, par hasard, qui jouait deux accords à la guitare (« Bling » et « Blang », comme Bobby Lapointe) dans une vidéo que tu nous a projetée chez toi, Bernard ?

  5. Oui, c’est bien de lui qu’il s’agit : j’avais montré une vidéo dans laquelle Willie Dixon joue une chanson très lente, sur deux accords seulement, avec beaucoup d’émotion.
    J’avais d’ailleurs mis un lien sur cette vidéo dans mon article sur l’American Blues Festival mais ce lien ne donne plus rien. Si on va aujourd’hui à l’adresse que j’avais indiquée, un message écrit en rouge apparaît, il semblerait qu’il y ait eu violation de droits avec cette vidéo. Bizarre :
    http://www.youtube.com/index?&session=VolOYqc74mRvbA2_9vIjo_wVqYG41pa6ei_AdaUQ1diSTw7ppZHKnsQG4oVyqpQMyiX97prv6fASkHVNnmIlpmK0Arlw8lygODNhZ7IyV2bTrCkD959_jOOZ0gLaFfiv1yH-lSt4jowHozmQ-5nOCfAb7opIooS-w7s4ttr-ohTQ3dRNyZZlNN1fplEmFKTbEgRdqiUv8dtZpOkQ0skRqrW3yGO-hLotrIo_HvpStGPRHspOW2rDxU7PflA8W7tjubeE8KE9JlcKs8qJ4X2w3X4uyM7IWUQxvKBrP_QCzxQgWzwEuHn16tPaqRgGcKj1

  6. Quelques précisions sur le personnage (d’après le dictionnaire du rock de Michka Assayas) :

    S’il a fait de la prison, c’est pour avoir refusé de servir dans une « guerre de blancs ».
    Il a été le premier noir à être employé par le label Chess. Il avait rencontré les deux frères Chess, des blancs Polonais (je ne sais pas pourquoi je précise blancs, je doute qu’il y ait eu beaucoup de noirs Polonais, surtout dans les années 40 !) avant que ceux-ci ne montent leur maison de disque. Et comme le dit Bernard, Willie Dixon est devenu le pilier du label : c’est lui qui recrute les artistes, compose ou arrange les chansons, les produit, et accompagne les artistes à la contrebasse !
    Quand, au début des années 60, le label de blues Chess commence à se faire distancer par Tamla Motown puis Stax, labels de soul, il met sur pied avec Memphis Slim les « American Folk Blues Festivals » qui contribueront largement à ce qu’on a appelé le « blues boom » en Europe.
    À la fin des années 60, il crée la Blues Heaven Foundation pour aider à la reconnaissance des droits des artistes, lui même ayant dû aller en justice pour récupérer les copyrights de ses compositions.
    Pour la petite histoire, le morceau Whole Lotta Love du Led Zeppelin II est largement inspiré du You Need Love, écrit par Willie Dixon et enregistré par Muddy Waters (le groupe est réputé pour sa tendance à ne pas révéler ses sources). L’affaire menée par Dixon devant les tribunaux en 1985 sera, pour finir, réglée à l’amiable et des rééditions récentes créditent Willie Dixon comme compositeur… ainsi que les 4 autres membres du groupe Led Zeppelin !

  7. Cette histoire de Whole lotta love n’est pas la première du genre, le répertoire des noirs ayant été souvent pillé. N’est-ce pas les noirs qui ont inventé le rock ‘n roll et non Bill Haley ou Elvis Presley ?

  8. Il va falloir que j’ouvre cette rubrique consacrée au blues à des artistes plus récents, y compris aux quelques blancs qui ont suffisamment de feeling pour pouvoir être qualifiés de bluesmen. Je viens juste de regarder sur Mezzo quatre morceaux de Kelly Joe Phelps (que Anne m’a fait connaître il y a quelques temps) et j’ai été, une fois de plus, impressionné par la sensibilité de ce musicien.

  9. Finalement non, après écoute ce matin, je n’incluerai pas Kelly Joe Phelps dans cette rubrique. On est plus dans le domaine de la ballade que du véritable blues et l’esprit n’y est pas vraiment, c’est moins « écorché » !

  10. A propos du procès entre Willie Dixon et Led Zeppelin, voici ce que j’ai trouvé sur une site entièrement consacré à ce groupe :

    « Les paroles proviennent pour la plupart de « You Need Love » de Willie Dixon (influence majeure du Dirigeable naissant), mais le célèbre riff est bien de Page. En 1985, Dixon fit quand même remarquer à Page qu’il y avait de fortes ressemblances entre le texte de son « You Need Love » et « Whole Lotta Love ». Page ne voulant rien savoir, il porta plainte et obtint gain de cause suite à un arrangement à l’amiable. Son nom figure désormais aux crédits du morceau, et il pu toucher des royalties qui on s’en doute devaient être conséquentes… Willie Dixon est mort en 1992.
    En réalité, il est plus que probable que « Whole Lotta Love » s’inspire surtout d’une version de « You Need Love » enregistrée par The Small Faces en 1966. La ressemblance entre le chant de Steve Mariott et celui de Plant est frappante. »

  11. Difficile à saisir cette « âme du blues », car autant je comprends ce que Bernard entend par « écorché », autant cela ne me semble pas convenir pour définir justement Willie Dixon, qui semble même carrément « placide ».

  12. Effectivement, on ne retrouve pas, bien au contraire, ce caractère écorché dans la musique de Willie Dixon. En fait, je crois que c’est aussi sur un plan musical que ça se situe, les fameux trois accords de Mi7, La7 et Si7 (les 7ème étant l’une des caractéristiques du blues). Je reviens donc un peu sur mon premier propos : si je ne mettrai pas Kelly Joe Phelps dans cette rubrique, c’est peut-être avant tout que se musique ne se restreint pas au cadre musical du blues et que ses ballades sont assez régulièrement en Do Fa Sol (type country), ce qui créé un climat différent du blues.

  13. Salut Anne, salut Bernard,

    Je visite ce blog et je m’aperçois que vous aimez tous les deux Kelly Joe Phelps. C’est rare de trouver des amateurs de ce fantastique musicien.
    Votre post-ci est de l’année dernière mais mieux vaut tard que jamais comme on dit.
    Si vous aimez cet artiste, je vous invite à rejoindre le forum suivant :
    http://american-music.forum-actif.eu/kelly-joe-phelps-f25/

    C’est en français et gratuit :w00t: :heart:

    a+ Anne, a+ Bernard
    odszen

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