Comme chaque année, je prends le risque de mettre mes tomates en pleine terre un mois avant « les saints de glace ». Cette année, elles ont été plantées en plein champ le 13 avril, il y a donc pile poil un mois. La météo n’a pas été très clémente, plutôt venteuse (bise très forte par moments) et températures fraîches (mais ne descendant pas en dessous de 8°C la nuit). Les tomates se sont endurcies et se sont bien développées malgré tout. Les premières ont été mûres le 8 mai. Cette photo a été prise hier soir.
J’ai souvent parlé sur ce blog, notamment dans les commentaires, de l’échelonnement des semis de tomates mais je n’en ai jamais fait un article spécifique. Voici donc une présentation de la méthode que j’ai affinée au fil des années (cela fait maintenant 15 ans que je consomme mes premières tomates en mai).
Le constat qui m’a amené à développer cette méthode est très simple : les changements climatiques (peu de gel au printemps, automnes plutôt ensoleillés), pour peu qu’on les mette à profit, permettent d’étaler largement la période de récolte des tomates de part et d’autre de la période habituelle (qui est globalement située en Franche-Comté entre le 15 juillet et le 15 septembre) mais les plants de tomates, pris individuellement, n’ont pas la possibilité de donner des fruits sur une trop longue période car ils finissent par s’épuiser. Je considère en effet qu’un pied de tomates qui a donné des fruits pendant deux mois a largement fait sa vie, la production de fruits a épuisé le pied et les plants sont alors très sensibles au mildiou (notamment les variétés modernes qui sont plus productives et qui épuisent d’autant plus vite les plants). A contrario, un plant qui n’a pas encore donné de fruits en fin d’été est en super forme (car il n’est pas encore épuisé par la production) et peut donc mieux résister au mildiou, d’où ses meilleurs performances à l’automne. De ce constat est né un mode de culture (qui au début n’était qu’une expérimentation) basé sur l’échelonnement systématique des semis et plantations.
Aujourd’hui, je sème mes premières tomates le jour de Noël (enfin, plutôt le 26 car le lendemain du Réveillon je ne suis pas très frais), je sème ensuite une deuxième série au début février, une troisième au début mars, une quatrième au début avril, une cinquième au début mai et une sixième et dernière série au début juin. Les années où j’ai besoin de faire des sauces tomates (parce que le stock qui est à la cave tire à sa fin), je sème une série intermédiaire au 15 mars (j’en reparlerai plus bas dans mon article).
J’avais 400 variétés de tomates, j’en ai éliminé une centaine (je commence à lever un peu le pied). Je les sème en pratiquant un roulement, chaque variété ne revenant que tous les 6 ans (les graines se conservent bien sur cette durée).
Même si les variétés semées sont complètement différentes d’une année à l’autre, chaque année est organisée exactement de la même manière et j’ai mis en place un planning rigoureux que je respecte scrupuleusement (je le suis « à la lettre » car au départ il ne s’agissait que d’une expérimentation et il me fallait donc suivre le même protocole, année après année, afin d’en tirer des conclusions).
– à Noël, je sème une variété précoce ou assez précoce, réputée pour supporter des températures assez fraîches, en général une variété venant des pays de l’Est (exemples : Stupice, Bloody butcher, Matina …).
– au début février, je sème 8 variétés : une moyenne rouge, une moyenne rose, une moyenne jaune, une moyenne orange, une moyenne rayée, deux cerises rayées, une petite bicolore, une cerise bicolore.
– au début mars, je sème 10 variétés : deux très grosses rouges, deux très grosses roses, une très grosse orange, une grosse jaune, une cerise blanche, une petite verte, une tomate bleue, une grosse bicolore.
– au début avril, je sème 8 variétés : une moyenne rouge, une cerise rouge, une moyenne noire, une cerise orange, une cerise jaune, une grosse blanche, une cerise verte, une très grosse bicolore.
– au début mai, je sème 8 variétés : une moyenne rouge, une cerise rouge, une grosse rose, une petite noire, une cerise jaune, une moyenne blanche, une moyenne verte, une moyenne rayée.
– au début juin, je sème 6 variétés : une moyenne rouge, une cerise rose, une moyenne orange, une grosse rayée, une grosse bicolore, une cerise bicolore. Et pour la deuxième année consécutive, pour ce semis très tardif, je teste aussi une variété hybride F1, sensée résistante au mildiou et pouvant aller donc jusqu’en novembre si la météo le permet.
Ce planning de plantation, qui tient compte des tailles et des couleurs (afin d’avoir en permanence des salades multicolores qui soient aussi un régal pour les yeux), revient à l’identique tous les ans. Seules les variétés changent chaque année.
Il y a donc 40 variétés semées par an X 6 ans = 240 variétés + les 60 variétés de très grosses tomates que je sème certaines années pour faire de la sauce = 300 variétés.
Concernant les variétés de tomates destinées à faire des sauces les années où j’ai besoin d’en faire, je fais toujours mon semis autour du 15 mars, en une seule fois, ceci afin d’avoir ensuite une récolte groupée en été. Pour cela, je réserve uniquement les très grosses variétés (parfois plus d’un kg) qui sont rouges ou roses. Car c’est une très mauvaise idée de faire des sauces avec des tomates de toutes les couleurs, on obtient au final une sauce d’une drôle de couleur (type « caca d’oie ») peu flatteuse à la vue (j’en ai fait l’expérience).
A noter que je ne plante toujours qu’un seul pied par variété, ce qui fait qu’au final je n’ai pas une très grande plantation (40 pieds seulement les années où je ne fais pas de sauce).
Les avantages de cette méthode d’échelonnement des semis sont importants :
– la période de production des fruits, qui était jusqu’à présent de 2 mois (3 mois les années favorables) passe à 6 mois en année normale (la récolte s’échelonnant du 15 mai au 15 novembre), 5 mois seulement les années difficiles comme 2024. On double donc la période habituelle de récolte des tomates.
– le problème du mildiou n’a plus à être traité car dès qu’un pied est atteint, on ne cherche pas à prolonger sa vie artificiellement, on l’arrache tout simplement (et sans scrupules car on sait qu’arrivent derrière d’autres séries de tomates en meilleure forme).
– en échelonnant les semis et en ne mettant donc pas « toutes les tomates dans le même panier », on s’affranchit assez bien des aléas météorologiques, certaines séries de tomates s’en sortent toujours (à noter que la diversité des tomates aide aussi à surmonter les variations météos, il y a toujours quelques variétés dans le tas qui sont mieux adaptées au sec, à la chaleur, au froid, à l’humidité …).
Parmi les inconvénients de la méthode, il y a surtout la difficulté à gérer les deux premiers semis (c’est à dire ceux de Noël et de février) car le mois d’avril (date à laquelle je mets les plants en pleine terre) est encore loin à cette époque et il faut que je jongle entre le salon, les rebords de fenêtre ensoleillés, ma petite serre et mon sous-sol. Et le jardinier doit avant tout apprendre à ce que ses petites plantules ne « filent » pas à l’intérieur de la maison (j’en parlerai dans un autre article).
A noter que celui qui voudrait adopter ma méthode mais en la commençant seulement en février (au lieu de Noël) aura une production de fruits qui durera 5 mois (au lieu de 6), ce qui reste malgré tout très intéressant.
Si certains d’entre vous sont intéressés, je ferai une série d’animations dans mon jardin fin juin/début juillet sur ce thème de la tomate. J’ai d’ailleurs organisé cette année mon jardin en conséquence afin de passer progressivement d’une série de tomates à l’autre, dans l’ordre exact de plantation.
Sacrée organisation !
)
T’es un vrai pro … et tes paniers de tomates sont un régal pour les yeux (et j’imagine pas que
Pro je ne pense pas ! Je crois juste que le fait d’avoir autant de variétés oblige à gérer les choses très méthodiquement et sans rien laisser au hasard.