Tingvall Trio

Il y a des formules musicales qui résistent à l’épreuve du temps.

Ainsi, le quatuor à cordes dure depuis près de trois siècles. Haydn a été le premier grand compositeur pour quatuors, Chostakovitch fut sans doute le plus grand parmi les compositeurs récents. Si le quatuor pour cordes dure autant, c’est que l’instrumentation très simple (deux violons, un alto et un violoncelle) produit un son très équilibré et permet l’expression de toute une palette de sentiments et d’états d’âme. Exemple avec un extrait du seul quatuor qu’a composé Maurice Ravel.

Dans un autre genre (et c’est le sujet de mon article d’aujourd’hui), le trio de jazz est l’une des grandes inventions du 20ème siècle, dans un répertoire jazz essentiellement. Là aussi, la formule dure et cela fait 70 ans que toutes les générations de jazz qui se succèdent l’utilisent (un piano, une batterie et une contrebasse : rien de plus simple !), certains musiciens, comme Keith Jarrett, ayant presque exclusivement consacré leur vie entière à ce type d’instrumentation. Parmi les groupes de jazz récents ayant utilisé ce type de trio, j’avais été très impressionné par tous les disques de Brad Mehldau (musicien américain) produits à la fin des années 90 (la série « Art of the trio »).

Mais ce dont j’aimerais vous parler (ou plutôt vous faire écouter) aujourd’hui, c’est la formation construite autour du pianiste suédois Martin Tingvall qui s’est associé au contrebassiste cubain Omar Rodriguez Calvo et au batteur allemand Jürgen Spiegel. Du grand art !!! C’est ma grande découverte du moment (grâce à Sylvain qui m’a fait connaître ce groupe).

Pour celles et ceux qui ont accès aux sites de streaming (Spotify, Deezer, Qbuzz …), écoutez absolument le disque « Birds » paru en 2023 (vous le trouverez facilement), vous allez être conquis !

Un concert de ce trio :

Bonne écoute à tous !

Live on KEXP (3)

Tiens, il y a longtemps que je n’ai pas parlé des petits concerts qui sont diffusés par la chaine KEXP dont j’ai déjà parlé à deux reprises sur ce blog. Je rappelle le concept de ces concerts : une prestation courte (4 morceaux en moyenne) + une interview qui a lieu soit juste après le concert soit au milieu.

Joëlle et moi avons regardé hier soir trois émissions qui nous ont beaucoup plu, dans des genres très différents :

Mumu Fresh, chanteuse d’origine amérindienne …

Huun-Huur-Tu, groupe originaire de la république de Touva (qui a une frontière avec la Mongolie, ça se ressent dans le répertoire) …

… et Anoushka Shankar, déjà présentée plusieurs fois sur ce blog.

Bonne écoute à tous !

Alan Mearns / Yes The Raven

L’Histoire (avec un grand H) est parfois injuste, elle a tendance, dans tous les domaines, à oublier des personnages majeurs qui ont contribué à façonner notre identité, notre culture … On pourrait prendre plein d’exemples, tant au niveau des peintres que des musiciens, des sculpteurs, des écrivains …

Exemple : en musique, si l’on en revient à la période faste des années 60 et 70 qui a vu naître tellement de diversité que beaucoup de musiques actuelles y trouvent leurs origine ou leurs prémices, certains groupes ou musiciens sont évidemment encore bien présents dans la mémoire collective, mais d’autres, ayant eu malgré tout beaucoup d’influence sur leur époque, ont quasiment disparu des radars. Ainsi, mis à part quelques « vieux de la vieille », qui se souvient encore des Yardbirds ? Pourtant, ce groupe né en 1963 fut le creuset de certaines musiques à venir en accueillant successivement en son sein trois guitaristes devenus ensuite très célèbres : Eric Clapton, Jeff Beck et Jimmy Page, excusez du peu !

Avec Joëlle, on a vu Jeff Beck sur scène au Palais des Sports de Besançon, ce devait être en 1973. Il faisait à l’époque partie de BBA (Beck-Bogert-Appice), groupe n’ayant produit qu’un seul disque (magnifique !) avec un morceau phare ayant connu beaucoup de succès (Superstition, reprise de Stevie Wonder).

Pourquoi je vous parle de cela ? Parce que Stéphane m’a fait connaître les jours derniers un très bon guitariste (Alan Mearns), guitariste de formation classique (on trouve sur Youtube ses interprétations de Bach par exemple), qui a adapté à sa sauce des chansons d’un répertoire plus récent (en publiant notamment en 2021 un disque complet de reprises de U2 : Covered in love-Tribute to U2) et qui a produit aussi de belles compositions personnelles. Et c’est en fouillant ce soir sur Youtube ses vidéos (dans l’idée de faire un article) que je suis tombé sur cette très belle composition dont le titre s’appelle « Tombeau For Jeff Beck » et qui m’a appris indirectement que Jeff Beck était mort il y a près d’un an (j’étais passé à côté de l’info à l’époque).

Lorsqu’il intervient dans un répertoire récent, Alan Mearns joue en général sous le pseudo Yes The Raven. C’est sous ce nom qu’on trouvera sur Youtube les quelques reprises que je vous propose aujourd’hui :

If It Be Your Will de Leonard Cohen …

Virgin Mary de Joan Baez…

Come As You Are de Nirvana …

Knockin’ on Heaven’s Door de Dylan …

… et, comme on va bientôt changer d’année, pour finir ce petit article : New Year’s Day de U2

Bonne fin d’année, toute en musique !

Un disque à proposer à l’écoute ?

Petits soucis de santé minimes les temps derniers : blocage du dos après avoir fait un faux mouvement et laryngite ce week-end, au lendemain d’une conférence où j’avais été très bavard (sans doute mon côté féminin qui ressort !). Extinction de voix et 39 de fièvre le lendemain. Bien souvent, y’a pas grand chose à faire dans ce cas-là et je suis resté pas mal de temps dans mon fauteuil à attendre que ça passe, en écoutant de la musique.

Parmi les nombreux disques que j’ai écoutés, il y en a un que j’ai redécouvert et qui m’a beaucoup plu. Et ça m’a donné l’envie de proposer un article.

Aujourd’hui, presque tout le monde est sur un site de streaming musical (d’autant plus que les abonnements familiaux sont hyper intéressants), le plus usité de ces sites étant Spotify (environ 30% des part du marché, suivi de Deezer à 20% …), les plus audiophiles étant sur QoBuz (bien meilleure qualité de son). Je n’ai pas d’avis tranché sur le principe même des sites de streaming, on sait que ça rapporte peu (même très peu) aux artistes mais on sait aussi que sans eux les artistes disparaissent des radars. Là n’est le sujet de mon article (mais on peut en parler dans la discussion).

Je pense que chacun peut, dans les commentaires de cet article, proposer un disque qu’il a aimé et qu’il aimerait faire écouter aux autres. A chacun ensuite d’aller, s’il en a envie, sur son propre site de streaming et d’écouter ledit disque. Suffit juste de donner le nom de l’artiste et le titre du disque.

Juste une petite règle : chacun ne peut proposer qu’un disque par jour.

Perso, j’écouterai tous les disques proposés.

Je vous donne juste le nom du disque que j’ai aimé alors que j’étais prostré dans mon fauteuil (je n’ai même pas eu le courage de tout le week-end de m’ouvrir une bière), il s’agit de Nina Simone seule au piano, le disque s’intitule juste « Nina Simone and piano » et ça m’a réjouit l’âme (si si !). Aucun des morceaux du disque ne me semble très connu, on est loin des sentiers battus, c’est assez intimiste. Nina Simone y troque parfois son piano contre un orgue électrique. Comme je n’avais pas le courage de me lever pour changer le disque sur la platine (quand je peux j’écoute sur disque plutôt que sur mon site de streaming), je vous explique pas le nombre de fois où je l’ai écouté !

Du nouveau dans le monde de la guitare !

Peut-être que le monde de la guitare évolue actuellement grâce à de nouvelles manières de jouer venant de musiciens virtuoses très jeunes.

Premier exemple avec Ichika Nito  :

Deuxième exemple avec Marcin :

Les deux musiciens ensemble :

Bonne écoute !

Il y a 60 ans aujourd’hui …

J’avais 9 ans mais j’ai encore le souvenir très nette de ma mère qui pleurait lorsque je suis rentré de l’école. La radio venait de lui apprendre la mort d’Edith Piaf. C’était il y a 60 ans aujourd’hui.
Pour celles et ceux qui auraient envie de lire une courte biographie sur la vie hors du commun de la chanteuse, voir ce lien (le texte a été écrit il y a 20 ans par quelqu’un qui l’a connue).

Léo Ferré, 30 ans aujourd’hui !

Ce blog est en congés et reprendra le vendredi 15 septembre.

Aujourd’hui 14 juillet, jour des vacances de ce blog, c’est le trentième anniversaire de la mort de Léo Ferré.

Pour un vieil anar, disparaître un 14 juillet ressemble à un ultime pied de nez à la société. Sans doute n’est-ce là qu’un hasard du calendrier. Mais avec Ferré, va t-on savoir !!!

En ce jour anniversaire, il convient de saluer le travail extraordinaire mené par Matthieu Ferré pour la reconnaissance de l’œuvre de son père. Le 4ème et dernier volume de l’intégrale est paru il y a moins d’un an, la parution des 4 coffrets s’est étalée de 2018 à 2022. La réalisation est magnifique, on y retrouve la réplique des pochettes originales sur carton. Le découpage en 4 coffrets correspond à 4 périodes créatrices bien différentes de Ferré.

  • un premier volume correspondant aux années Odéon (1944-1959) (14CD)
  • un deuxième volume correspondant aux années Barclay (1960-1967) (16CD)
  • un troisième volume correspondant à la période la plus engagée de Ferré (1968-1974) (18CD)
  • un quatrième volume qui laisse une large place à la musique et à la direction d’orchestre (1975-1991) (20CD)

68 CD donc au total ! Pour moi, de quoi supporter avec enthousiasme et passion la chaleur estivale pendant mes vacances (même si avec Léo, ça chauffe). Et peut-être que l’écoute de Ferré va tenter certains d’entre vous aussi.  Mais attention, si vous rentrez dans son œuvre, vous n’en sortirez pas indemne !!! Mesurez bien le risque avant de vous lancer dans l’aventure !

Ci-dessous, de la télé comme on n’en fait plus !

Bel été à toutes et à tous !

Keith Richards

J’ai toujours aimé lire des livres sur la musique, sur la vie des grands jazzmen, des chanteurs, des grands compositeurs de l’époque baroque, des rockers …

Je termine à l’instant « Life » de Keith Richards (paru en 2010). Il y avait longtemps que j’avais envie de lire ce bouquin, d’une part parce qu’un ami m’en a parlé avec passion mais aussi parce que, intuitivement, j’ai toujours senti que Keith Richards était l’âme des Rolling Stones (tout autant, sinon plus, que Mick Jagger en tous les cas).

Ce livre est un fabuleux témoignage de la vie des grands groupes de rock, leurs débuts, leurs tournées épuisantes dans le monde entier, leur rapport à la drogue, les tensions qu’il peut y avoir entre les membres d’un groupe, la manière de composer à deux (Richards/Jagger), les conflits avec la police, les séances d’enregistrement en studio…

J’aime énormément de choses dans ce livre : la manière dont il raconte les séances d’enregistrement de chacun des disques, les réflexions qu’il fait sur la musique, le recul qu’il a pris par rapport à cette époque déjà lointaine … Petites phrases par exemple sur l’évolution de la technologie : « Juste après « Exile On Main Street », la technologie a fait de tels bonds en avant que même les ingénieurs du son les plus balèzes n’ont pas compris ce qui leur arrivait; « Comment se fait-il que j’aie eu une super sonorité de batterie au Regent Sound Studio, avec ses boîtes à oeufs et un seul micro, et maintenant, avec quinze micros dans tous les coins, le son de la batterie me fait penser à quelqu’un en train de chier sur de la tôle ondulée ? ». Tout le monde s’est laissé emballer par la technologie, et tout le monde commence lentement à en revenir. (…) J’ai toujours eu l’impression qu’au fond de moi-même je rejetais la technologie, qu’elle ne m’aidait pas du tout, bien au contraire. (…) Cette idée qu’il faut séparer les instruments lors de la prise de son est l’antithèse du rock’n roll. Le rock’n roll, c’est une bande de types qui produisent du son dans un lieu clos, un son qu’il suffit de capturer. Et c’est ce son qu’ils font ensemble qui compte, pas les sons individuels. Tous ces mythes stupides à propos de la stéréo, de la hi-tech et du dolby, tout ça va totalement à l’encontre de ce qu’est la musique. »

Keith Richards fêtera ses 80 berges cette année.

Deux vidéos (sans les Rolling Stones) pour terminer cet article.

Star Dust

Ce blog est en congés et reprendra le 1er janvier.

Sommes nous tous les enfants des étoiles ? Tout ce qui constitue notre organisme : notre peau, nos os, nos muscles sont des tissus vivants composés de molécules qui sont elles-mêmes constituées d’atomes de carbone, d’oxygène, de fer, d’azote, de calcium, …. Tous ces éléments qui flottaient dans l’espace, fabriqués au départ au coeur des étoiles, ont été intégrés à la Terre lors de sa formation, il y a près de 4 milliards d’années. On est donc bien des poussières d’étoiles et tous ces atomes d’origine stellaire on les retrouve dans les arbres, les fleurs, les oiseaux … Cette idée de partager la même origine avec nos frères animaux ou végétaux me plait beaucoup.

Avant que je ne sache tout cela avec certitude, je me suis souvent demandé si j’étais vraiment constitué de poussières d’étoiles. Et puis un jour, il y a moins d’un an, alors que je ne pensais pas spécialement à tout cela, je me suis rendu compte que j’avais dans ma discothèque un morceau d’Oscar Peterson qui a été enregistré pile-poil le jour de ma naissance (12 avril 1954) et qui s’appelait justement « Star Dust » (« poussières d’étoiles »). Alors, là, j’en suis resté baba. Je savais déjà que j’étais né le jour de la naissance du rock & Roll (puisque c’est le 12 avril 1954 que Bill Haley a enregistré « Rock Around The Clock ») mais là … wouah !!!

Qu’Oscar Peterson réunisse à New York de très grands musiciens de l’époque (Lionel Hampton au vibraphone, Ray Brown à la basse et Buddy Rich à la batterie, excusez du peu !) et tout ça en l’honneur de la naissance de Dupdup, quand même !!!

Mes parents étant de pauvres paysans sans le sou, je pense que ce ne sont pas eux qui ont passé commande de ce morceau ! Alors Dieu peut-être ? Sans doute, vu que lui seul savait que j’allais arriver sur terre ce jour-là …

C’était juste pour finir cette saison par un truc pas sérieux.

Belles fêtes à tous !!!

Poil Ueda

Quand le rock alternaif français le plus percutant s’allie au chant vocal traditionnel japonais, ça déménage !!!

La Grande Farce

Ce blog est en congés (cela m’arrive souvent pendant les vacances scolaires) et le prochain article sera mis en ligne le lundi 2 mai.

J’ai souvent eu envie d’écrire quelque chose sur Pâques, non pas que je sois très sensible au côté religieux de certaines fêtes, mais par le fait que ces fêtes coïncident aussi à des moments précis du rythme annuel de la nature : l’inversion des saisons à Noël, l’entrée en hibernation de la nature à la Toussaint, le renouveau printanier à Pâques (mot qui d’ailleurs a pour sens « passage »), …

Cela dit, même si ces trucs cathos, j’en ai soupé un peu plus qu’à mon gré dans mon enfance, je sais aussi que, d’un point de vue musical, beaucoup d’oeuvres sacrées sont les plus belles oeuvres musicales que l’on puisse entendre. Par exemple, en ce qui concerne Pâques, je dois beaucoup de mes émotions à certaines oeuvres que j’ai écoutées des centaines de fois : le Stabat Mater de Pergolèse, la Passion selon St Matthieu de Bach, Les leçons de Ténèbres de François Couperin, Les Septs Dernières Paroles du Christ de Joseph Haydn …

Justement, à propos des dernières paroles du Christ mises en musique de plusieurs manières par Haydn (une version orchestrale, puis une version chantée, puis une version pour quatuor à cordes), il me semble intéressant de vous présenter « La Grande Farce » de Leny Escudero (oui, je sais, j’en ai déjà parlé sur ce blog en 2015 … mais j’en arrive à l’âge où l’on commence à se répéter, alors j’ai des excuses).

Ecoutez, c’est vraiment un contrepoint indispensable à toutes les choses qu’on a pu écrire (ou chanter) sur le sujet. J’ai hésité entre deux versions que voici. Elles sont très fortes toutes les deux.

Evidemment, le titre « la grande farce » pourrait faire penser à la situation politique (du type « la peste ou le cholera ») qu’on vit en ce moment. Mais promis, ce n’est qu’un hasard …

Brassens : l’association musique/texte

Dans le dernier article que je vous ai mis sur Brassens, j’ai parlé de la qualité de ses musiques.
Aujourd’hui, j’aurais aimé vous parlé de l’articulation entre la musique et les textes (car c’est là la force majeure de Brassens) mais une fois de plus beaucoup de choses sont déjà dites par ailleurs sur internet et je ne suis pas en mesure d’apporter une plus-value suffisante sur le sujet. Alors, autant vous proposer des choses qui existent déjà ! Voici donc trois vidéos que j’aime particulièrement :

Jusqu’au bout d’eux-mêmes !

Profondément marqué par les hommes et femmes décrits dans les livres de Simenon, je suis toujours très touché par les gens qui vont, tels des personnages de romans, « jusqu’au bout d’eux-mêmes ». Car se réaliser ainsi, c’est sans doute la seule manière honnête de vivre et de pouvoir se regarder dans la glace.
Ces gens-là, on n’en trouve pas forcément beaucoup. Mais il y en a … notamment chez les grands artistes. Ces « grands parmi les grands », perdus (avec leurs ailes d’albatros) dans notre monde de dingue et qui, même vieux (comme Dylan en musique, mais ce n’est qu’un exemple), continuent leur trajectoire d’extraterrestre jusqu’au bout de leur vie (malgré la maladie, malgré la déchéance), me fascinent.

Je ne sais pas si les quelques lignes que je viens d’écrire ci-dessus seront comprises, mais c’est ce que j’ai eu envie d’écrire très spontanément en regardant les dernières images d’un géant, Johnny Cash, filmé ici en 2002, l’année précédant sa mort. Ce sont juste les mots qui me sont venus. Il y a dans les yeux et les traits du visage du vieux Cash le résumé et l’aboutissement de toute une vie. Et le regard plein d’amour que porte la chanteuse June Carter sur son mari est quelque chose de très fort dans la vidéo. June mourra quelques mois après le tournage de ces images, Johnny ne lui survivra que de quelques mois.

Les musiques de Brassens

Lorsqu’en 1969 je suis entré dans l’univers de Georges Brassens, c’est grâce à ses musiques. Pas ses textes ! Ses textes, pour si magnifiques qu’ils soient, ne sont entrés en moi que plus tard (enfin, guère plus tard …). Plusieurs de mes amis sont comme moi, c’est bien la musique qui a constitué pour eux la porte d’entrée dans  l’oeuvre de Brassens.

La richesse des musiques de Brassens, les musiciens connaissent bien … un  jeune saxophoniste de jazz qui évolue dans les milieux musicaux parisiens me disait il y a quelques semaines que tous ses copains musiciens, de son âge, connaissaient tous les musiques de Brassens.

Brassens est repris depuis longtemps par des tas de musiciens, par exemple des quatuors à cordes, mais surtout par les jazzmen (au moins une cinquantaine de ses morceaux ont été repris en jazz) et on sait que sa musique, quand on la regarde d’un peu près, c’est du jazz (comme le dit Joël Favreau qui a été son dernier musicien) ou tout du moins qu’elle « appelle » à être interprétée en jazz.

Il fut une époque où les gens raillaient le côté simpliste des musiques de Brassens. Aujourd’hui, je n’entends plus ce type de propos, je crois que les vieilles générations ont été remplacées par d’autres générations pour qui la musique a pris de l’importance au fil du temps. Depuis la période des sixties, on a tous été plus ou moins été baignés dans la musique et finalement, il y a bien plus de gens pour se rendre compte de la qualité des choses.

Avant de continuer ma série d’articles sur Brassens, j’ai donc trouvé important d’insister sur la qualité de ses musiques. Et je vous propose, en deux articles successifs, une série de vidéos qui en diront bien plus que moi, et infiniment mieux surtout. Prenez le temps de regarder ces trois premières, elles sont vraiment de qualité.

Dans le prochain article sur Brassens, trois autres vidéos vous parleront de l’adéquation entre musiques et textes. D’ici là, vivez … en musique !

Ah oui, j’oubliais un truc important : je dédie (« une fois n’est pas costume » dirait Fillon) cet article à Florent. :wink:

Contrebrassens

Avec des amis on est rentré tout juste ce soir de Liège, la tête pleine de musiques. Pleine de musiques de Brassens. Car notre objectif était avant tout le festival Brassens. Nous n’avons pas tout vu, pas tout entendu, mais en deux jours : 6 concerts + une scène ouverte. Et pas beaucoup de temps pour aller boire des bières dans Liège !!!

Je reparlerai peut-être du festival dans un autre article mais pour l’instant je dirai juste quelques mots sur l’une des deux prestations qui m’a le plus impressionné : Contrebrassens organisé autour de la chanteuse Pauline Dupuy. Sur ses disques (deux albums et deux singles que vous pouvez écouter sur les sites de streaming), il y a en général de nombreuses musiciens mais en live l’accompagnement se réduit juste à Michael Wookey, homme « touche à tout » (banjo, piano, cloches …). Mais Pauline a une telle présence, elle est si scotchante avec sa contrebasse qu’elle remplit l’espace sonore à elle seule …

Sur Youtube, on trouve quelques vidéos de cette artiste, j’en ai sélectionné trois :

Vous pouvez trouver sur Youtube d’autres vidéos en tapant simplement « Contrebrassens ».

Bonne écoute à tous.

Les Passantes (Antoine Pol / Georges Brassens)

Drôle de destin que ce texte d’Antoine Pol. Texte magnifique écrit il y a plus d’un siècle (1911) mais qui aurait pu sombrer dans les oubliettes de l’Histoire, y compris son auteur d’ailleurs, sans leur découverte par Brassens.

Lorsque Brassens est arrivé à Paris, il a été pendant quelques années un véritable « rat de bibliothèque », avalant goulûment tous les textes des poètes (on dit qu’il connaissait des milliers de poèmes par coeur) et c’est chez un bouquiniste qu’il a découvert en 1942 un livre de poésie d’Antoine Pol. Le texte « Les Passantes » l’a attiré et il a commencé à travailler dessus avant de le laisser de côté … pendant près de trente ans. Ce n’est que bien plus tard qu’il en a fait la musique définitive (ou plutôt « les musiques » car il existe deux versions alternatives non retenues), après avoir obtenu l’autorisation de le faire par Antoine Paul, auteur inconnu.

Lorsque Brassens a pris rendez-vous avec Antoine Pol, celui-ci venait juste de décéder et n’a donc jamais entendu la chanson.

La musique a été composée en 1969 et la chanson a été créée sur scène en octobre 1972, la voici chantée pour la première fois.

A noter que Brassens a apporté quelques modifications au texte d’Antoine Pol : il a éliminé deux strophes, remplacé trois mots et interverti deux vers.

Voici une autre version enregistrée quelques années plus tard en 1977 (derrière Brassens, Pierre Louki) :

Tout est dit ! Les autres versions qu’on trouve sur internet, bof bof … Je viens d’en regarder une dizaine, peu de choses m’ont séduit. A noter toutefois, dans un registre musical très différent, Djamel Djenidi :

Sans doute que je parlerai d’autres versions dans les commentaires de cet article, mais il faut que je cherche un peu plus sur Youtube et de manière plus approfondie que ce que j’ai fait jusqu’à présent.

En attendant, deux versions instrumentales aux antipodes l’une de l’autre :

Brassens, le sceptique

Brassens, homme libre par excellence, a toujours revendiqué le droit de vivre sa propre vie loin du troupeau. L’une des chansons des premiers disques, « la mauvaise herbe » le dit clairement.

Je me rappelle que le grand-père de Joëlle, dans les années 60, tombé comme beaucoup de personnes sous le charme du Brassens des années 50, ne lui avait pas pardonné le fait d’avoir écrit « La guerre de 14-18 ». Je comprends … mais on doit reconnaître bien évidemment le droit à Brassens d’avoir un avis contraire de celui de la majorité des gens (d’autant plus que, contrairement à la plupart des autres chansons, « la guerre de 14-18 » est à prendre au second degré. Et d’autant plus aussi que, fait peu connu, Brassens disait à ses amis que sans la guerre de 14-18, qui a tué le premier mari de sa mère, il ne serait jamais né). Ceci explique peut-être en partie cela.

Même si Brassens a été touché par le fait que sa chanson ait suscité une polémique, il a récidivé quelques années plus tard avec un texte de la même veine : « Les deux oncles ». Mettre dos à dos les Anglais (les alliés) et les Allemands (les attaquants), évidemment, ça n’allait pas faire l’unanimité, même si l’on était à une époque où la fibre patriotique était devenue rare. Et les mêmes personnes qui avaient réagi à « La guerre de 14-18 » lui en ont voulu une fois de plus. Je connais cette chanson par coeur, je la chante depuis 50 ans (j’en aime énormément la musique), mais comme cet été j’ai découvert un grand bonhomme (Jean-Pierre Arbon, dont je reparlerai dans un autre article), je vous la livre dans une version récitée, le fait de la réciter apportant, contre toute attente de ma part, un éclairage un peu différent (si vous n’avez pas le temps de regarder toutes les vidéos de cet article, regardez au moins celle-ci).

En 1971, dans son avant-dernier disque, Brassens a sorti une chanson qui n’a pas été comprise par les mêmes personnes et qui a été critiquée par nombre de militants de tous bords : « Mourir pour des idées ». Mais malgré tout la chanson a eu, d’une certaine façon, son heure de gloire car bon nombre de chansons du disque XI ont été très diffusées à la radio (Brassens, à cette époque-là, était devenu une institution et il était hors de question de censurer ses propos, contrairement à la décennie précédente). Je vous présente une autre version, récitée elle aussi (mais en plus théâtral) de cette chanson.

Et enfin, pour continuer sur le scepticisme de Brassens vis à vis des grandes causes, une dernière chanson qu’il a composée juste avant sa mort, dans laquelle il enfonce encore le clou, et qu’il n’a pas eu le temps d’enregistrer : « Le sceptique ». Jean Bertola l’a chantée et fait connaître au public en 1982, deux ans après la mort de Brassens. Même si je reconnais le mérite énorme de Bertola d’avoir fait connaître cette chanson posthume au grand public, je préfère celle de LeForestier une dizaine d’années plus tard et celle également de Denis Ruelland (membre du trio « Le bon maître nous le pardonne »). Voici les versions, très différentes l’une de l’autre, de Bertola et de Ruelland :

Brassenssophile ou non, y a dans cet article matière à discuter sur l’engagement militant et sur le fait que si on regarde notre histoire, récente ou non, même les idées les plus nobles ont engendré énormément de morts. De quoi effectivement être sceptique !