Citron des quatres saisons

PAPILLONS DE NOS JARDINS (5)
Les jardiniers qui souhaiteraient cultiver un citronnier peuvent le faire facilement en pot, à condition qu’ils aient à leur disposition une pièce froide (mais hors gel) et bien éclairée pour le rentrer en hiver. La variété la plus intéressante est de loin le « citron des quatre saisons » dénommé ainsi en raison de sa production continue de fruits toute l’année.

Je connais une autre espèce de citron dont la vie est elle aussi adaptée aux quatres saisons, il s’agit du papillon Gonepteryx rhamni (pour les intimes) que l’on appelle communément citron en raison de sa couleur jaune (alors que la femelle a une couleur blanc verdâtre).

citron.jpg

Ce papillon, reconnaissable aussi à ses ailes pointues, fréquente régulièrement nos jardins mais c’est avant tout un habitant des lisières, des clairières, des bois clairs, des prairies bocagères et des broussailles.

Le citron a une longévité qu’on ne retrouve habituellement pas chez les autres espèces. Les chenilles qui ont vécu sur le nerprun ou la bourdaine se métamorphosent en juin et vont visiter de très nombreuses fleurs jusqu’au mois d’octobre et même en novembre. En hiver, le papillon adulte va se cacher dans le lierre ou les ronciers mais ne va pas hésiter à voleter, dès la mi-février, à la faveur d’un radoucissement du temps. Certains sortiront sans encombres de la mauvaise saison pour continuer à vivre jusqu’au mois de juin, accomplissant ainsi un cycle annuel complet. Une vraie prouesse de longévité dans le monde très éphémère des papillons !

Tristan Lafranchis écrit dans son livre « Lors de la parade nuptiale, la femelle abaisse ses ailes et redresse l’abdomen, exposant une touffe d’écailles odorantes. Pour s’accoupler, le mâle doit réussir à passer sous les ailes de la femelle ». Quelle gymnastique ! Mais comme chez l’Homme, la patience du mâle a ses limites : faudrait quand même pas trop presser le citron !

18 réflexions au sujet de “Citron des quatres saisons”

  1. Amour impossible

    Il était une fois , un impossible amour
    Entre une rose jaune , éclose d’un jour
    Et un petit papillon citron de provence
    Qui tomba sous le charme de ses arborescences!
    Mais l’amoureux avait beau lui faire du charme
    C’est de ces épines , que la belle dame
    Sans vergogne et sans verser de larme
    Lui refusait tout sésame!

    Cette histoire n’a pas de fin
    Une nouvelle rose attira un autre papillon , dés le lendemain.

  2. Peut-être avez vous remarqué que les asters commencent de fleurir dans les jardins et que les papillons sont déjà nombreux à les fréquenter, d’autant plus que le soleil est à nouveau présent depuis quelques jours. Parmi eux, deux très beaux papillons à admirer : le vulcain et le paon du jour. Ils feront, je pense, l’objet des deux prochains articles consacrés aux papillons des jardins.

  3. Les papillons citron ne sont pas forcément tous jaune , si?
    A moins que je ne me trompe , il n’y en aurait pas des vert , couleur feuillage et qui en meme temps aurait les ailes « camouflage » façon feuillage aussi??
    Des petites ailes qui ressemblent à s’y méprendre à des feuilles d’arbre?

  4. Oui, effectivement, ce sont les mâles qui sont jaunes alors que les femelles sont plus verdâtres. Je viens de chercher dans ma photothèque, je n’ai pas de photo de femelle, dommage, je l’aurais rajoutée dans mon article.

    Voici un lien vers la page d’un site que j’ai trouvé et qui présente une photo de la femelle. On y voit bien ce côté « camouflage » dont tu parles :
    http://perso.wanadoo.es/e/carlosrey2/pages_LEPIDOPTEROS/Gonepteryx_rhamni.htm

  5. Merci et sympa pour le lien!
    Mais est-ce un moyen de « défence » que de se fondre dans le décor grace à ces ailes ou nan pas du tout?

    Dés que je sais que je vais fréquenter un bout de campagne ou un endroit un peu éloigné de Planoise ( c’est pas ici que je peux me rincer l’oeil si je puis dire ) et ben je me munis de mon appareil photo pour essayer de capturer cette petite créature mais j’avoue c’est pas évident…
    Soit j’en vois pas ou alors ils s’enfuient dés que j’approche!
    On annonce pour septembre une espece de petite canicule , tu crois que ca va jouer sur l’apparition des papillons?

  6. Je pense que c’est effectivement une tenue de camouflage. A vérifier cependant, je n’ai rien lu là-dessus dans la littérature.

    Par contre, j’ai lu il n’y a pas longtemps que les pigments colorés des ailes des papillons contiennent souvent de l’acide urique, ce qui les rend les papillons inmangeables ! Je ne sais pas, par contre, si celà concerne un grand nombre d’espèces.

  7. Mon ami Sam se passionne pour les papillons. Il m’a dit qu’il était prouvé scientifiquement que la belle-dame pouvait migrer de l’Afrique du nord jusqu’en Angleterre (par contre, je n’ai aucune idée des techniques de marquage utilisées). Impressionnant, non ?

    Je pense que la migration des papillons est un phénomène sous-estimé et peu connu. C’est probablement l’un des aspects les plus fascinants de leur biologie.

  8. Oui, effectivement, si la météo annonce une canicule en septembre, celà risque d’être bénéfique pour les papillons. J’ai déjà remarqué que les automnes ensoleillés permettent de plus belles observations dans les jardins que lors des étés trop chauds et caniculaires.

    Je doute d’ailleurs que la canicule s’installe. Ce serait invraisemblable qu’il y ait des températures supérieures à 35 °C en plein septembre. Mais sait-on jamais ?

    Au fait saviez vous que la vraie canicule ne peut avoir lieu que l’été car le mot canicule vient de canis = chien, c’est à dire que les fortes chaleurs d’été ont lieu lorsque le soleil se lève le matin au niveau de la constellation du chien. S’il se met à faire des canicules en plein septembre, l’homme devra t-il trouver un autre terme pour qualifier ce terme ?

  9. Le poids d’une aile de papillon
    Jean PERROT
    Ce texte est la version révisée de la conférence donnée à l’Institut International de Littérature de Jeunesse
    d’Osaka (Japon) au mois de décembre 2001, pour la réception du Prix des Frères Grimm.
    I. Contempler les papillons : rêverie ou méthode
    Nous adopterons, le temps de cette conférence, l’attitude du  » Philosophe regardant deux
    papillons  » peint par Hokusai en 1814 ou 1819. Non que cette identification soit un prétexte
    pour déclarer, comme l’artiste l’a fait, à soixante treize ans,  » avoir tout juste commencé à
    comprendre quelque peu la croissance des plantes et des arbres, et la structure des oiseaux, des
    animaux, des insectes et des poissons1.  » Cette science échappe à notre compétence. Ce qui
    nous retient dans l’image de cet homme en train de contempler la danse nuptiale des insectes,
    c’est la vision d’une méditation sur le mystère de la vie : celui d’une vie légère sublimée par la
    rencontre de deux formes blanches. Les ailes des papillons suggèrent le mouvement aérien,
    mais flottent aussi au-dessus du personnage, plus comme deux idéogrammes énigmatiques que
    comme des êtres vivants ; leur vol silencieux définit l’acte de la Représentation, par excellence,
    dégagée des artifices que l’évocation d’oiseaux bavards rendrait nécessaires.
    Et c’est bien sur le sens des messages visuels adressés aux enfants du monde, et aux
    lecteurs en général, que je souhaite m’interroger aujourd’hui. L’union du texte et de l’image a
    rendu complexe la lecture ; le livre contemporain, porteur de l’écriture et  » produit de la pensée
    de l’écran « , comme le dit Anne-Marie Christin2, offre bien des surprises, s’adressant à ceux
    que j’appelle dans Jeux et enjeux du livre d’enfance et de jeunesse,  » les enfants de la
    vidéosphère3.  » Ces enfants aujourd’hui peuvent successivement aller au musée voir l’oeuvre
    des grands peintres, puis jouer avec leur  » GameBoy  » et, par exemple, suivre ensuite dans un
    film des Pokémon le combat de Starmie, l’étoile de mer qui a un joyau en son centre, et de
    Papillusion, le Pokémon-Papillon qui remplit l’air de poussière toxique. Ils retrouvent aussi
    parfois, il est vrai, les papillons dans les albums et livres destinés à la jeunesse.
    Ainsi le papillon, dans les pages qui suivent, se verra-t-il attribuer le statut d’une image
    hautement significative, mettant en perspective des systèmes de pensée différents, au même
    titre que le nuage dans les peintures occidentale et orientale, si nous suivons les
    1 Matthi Forrer, Hokusai, traduction de Catherine Bednaereck, Paris, Bibliothèque de l’image, 1996, pp. 8
    et 32. 2 Anne-Marie Christin, L’Image écrite, Paris, Flammarion, Coll. Idées et Recherche, 1995, p. 6. 3 Jean Perrot, Jeux et enjeux du livre d’enfance et de jeunesse, Paris, Éditions du Cercle de la Librairie,
    1999, p. 24.
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    démonstrations du critique Hubert Damisch dans sa Théorie du nuage4. Cet ouvrage nous a
    déjà aidé à rédiger un  » Petit traité de l’arc-en-ciel  » dans un projet d’exploration des tendances
    baroques de la littérature enfantine5. Comme pour le nuage ou l’arc-en-ciel, notre  » chasse  »
    littéraire au papillon ne se veut donc pas une recherche impressionniste de motifs, mais bien le
    déploiement d’un index permettant d’examiner quelques étapes majeures dans l’évolution de la
    culture d’enfance et d’en confronter les éléments. Pour revenir à notre exemple initial et à
    l’estampe  » Pivoine et papillon dans la brise  » de la série des Grandes Fleurs de 1831-1832,
    oeuvre du même peintre Hokusai6, le papillon dans la brise hésite plutôt entre deux symboles :
    l’un, celui de la fragilité et l’autre, de la résistance de la vie. Sa forme suggère une parenté avec
    la plante ployée, comme lui, sous le souffle du vent. Le peintre chercherait-il à communiquer le
    sentiment d’un flamboiement éphémère de la beauté, d’une participation au paysage et
    l’annonce d’une mort ? Aurait-il voulu simplement enregistrer un  » être au monde  » ? Lorsqu’il
    est question d’existence, le papillon est bien un révélateur de la nuance et de la distinction
    infinitésimale. N’est-ce pas le romancier contemporain italien, Roberto Puimini, qui dans son
    livre Lo Stralisco, récemment traduit en français sous le titre La Verluisette, s’interrogeait :  » Et
    tu crois que le papillon sait qu’il existe, quand il est posé sur la mousse vert clair comme
    lui7 ? « .
    Dans le cas des livres pour enfants, nous allons le constater, cet insecte conjoint deux
    perspectives : la première porte sur le sens symbolique qui lui est attribué et qui l’identifie
    souvent au jeune lecteur même. N’est-ce pas, encore, le poète et pédagogue allemand Jean Paul
    qui écrivait en 1807 dans La Levana ou traité d’éducation :  » Que sont donc les enfants ? Seule
    l’habitude et les préoccupations quotidiennes nous masquent les charmes de ces figures
    angéliques à qui on ne sait quels plus beaux noms donner ; fleurs, gouttes de rosée, petite
    étoile, papillon8.  » Interprétation romantique ou attitude archétypale fondant la réalité de
    l’enfance dans un regard transformé par le mythe ? Nous touchons ici à la puissance occulte de
    l’image qui transcende les frontières : c’est ainsi que l’enfant présenté sous la forme d’une
    chrysalide de papillon prête à éclore s’impose dans le frontispice de l’oeuvre d’un autre poète,
    peintre et graveur, le romantique anglais William Blake dans son poème The Gates of Paradise
    (1793). Il y apparaît sous une feuille portant, elle-même, une chenille, avec la légende : What is
    Man ? ( » Qu’est-ce que l’Homme ? « ). Le texte souligne la force de l’oeil de l’artiste qui reçoit
    l’image envoyée par le Créateur :  » La Lumière du Soleil quand il la déploie, dépend de l’Organe
    qui la regarde.  » Le commentaire de cette image nous apprend, d’autre part, que William Blake
    s’est inspiré ici de la reproduction de sceaux gréco-romains figurant dans La mythologie de
    4 Hubert Damisch, Théorie du nuage, Paris, Seuil, 1972. 5 Jean Perrot,  » Petit traité de l’arc-en-ciel  » in Art d’enfance art baroque, Nancy, Presses Universitaires,
    1991. 6 Matthi Forrer, Edmond de Goncourt, Hokusai, Paris, Flammarion, 1988, p. 279. 7 Roberto Puimini, Lo Stralisco, traduit sous le titre, La Verluisette, Paris, Hachette Jeunesse, 1992, p.
    59. 8 Ouvrage de 1807 cité par Gilles Brougère in Jeu et éducation, Paris, L’Harmattan, Série Références,
    1995, p. 83.
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    Bryant, une oeuvre de 1774-1776 présentant les différentes étapes de la métamorphose du
    lépidoptère, comme Kathleen Raine le rappelle dans son William Blake9.
    La deuxième perspective concerne la connaissance scientifique de l’objet en question : que
    savons-nous en réalité de la nature des papillons ? Le mystère de leurs transformations et de
    leur cycle a résisté longtemps au regard des savants, comme le montre le documentaire De la
    chenille au papillon10 (Gallimard Jeunesse, 1988), qui nous apprend aussi que le papillon
    national du Japon est le Sasakia Charonda. Mais l’évolution des techniques et des observations
    a révélé aujourd’hui les incroyables migrations de certains d’entre eux et la subtilité de leur
    morphologie. Dans le cadre de la culture d’enfance, le problème de la transmission des savoirs
    est ici posé : que souhaitons-nous transmettre aux enfants de ce qui se cache sous la beauté des
    choses ? Et comment ? Les papillons ne seront-ils que de superbes instruments servant à
    l’apprentissage des chiffres couronné d’une éblouis sant e débauche de couleurs ,
    comme dans l’album aus t ralien 1, 2, 3 of Australian Wildlife. Ce livre qui apprend à
    compter jusqu’à vingt, présente divers animaux tous plus beaux les uns que les autres dans une
    progression croissante : mais, après 1 dauphin, 2 échidnés, etc., 13 cacatoès, 18 superbes
    perruches et 19 magnifiques poissons, la palme revient à notre insecte :  » 20 brilliant
    butterflies bring beauty to the bush11.  » La science s’allie ici à la beauté qui la dépasse et
    plonge le lecteur dans une vision esthétique…
    Nous aborderons donc de telles questions sous un angle historique en mettant en relation
    la conception dominante de l’enfant à une époque donnée et l’enseignement des sciences qui lui
    correspond, apportant ainsi un modeste complément aux recherches entreprises, à la suite de
    Philippe Ariès, par l’équipe d’Egle Becchi et Dominique Julia dans Histoire de l’enfance en
    Occident12. Notre propos ne se limitera d’ailleurs pas à une vision européocentriste, mais
    mettra l’accent sur les rapports établis, en particulier, entre la France et le Japon ; chacun sait
    que le papillon du ver à soie a représenté autrefois un aspect non négligeable de nos rapports
    économiques.
    À cette occasion, nous considérerons les créations esthétiques de quelques artistes
    contemporains français, dans l’imaginaire desquels le papillon assume une place importante.
    Les cycles de la vie ou de la mort et des métamorphoses qu’il illustre si magistralement nous
    permettront ainsi de repérer des séries implicites dans l’histoire de la culture : à la fin du
    deuxième millénaire, le papillon a incarné ici une pulsion de mort, s’instaurant en antithèse de
    la pulsion de vie revendiquée par les écrivains romantiques, et récemment encore par les
    tenants d’un féminisme militant. Depuis l’oeuvre de George Sand revisitée par l’imaginaire de
    9 À ce sujet, voir le livre William Blake de la poétesse anglaise Kathleen Raine, London, Thames and
    Hudson, 1970, Reprint, 1999, pp. 36-37. 10 P. Whalley, De la chenille au papillon, Paris, Gallimard Jeunesse, Coll. Les Yeux de la Découverte,
    1988. 11 Steve Parish, 123 of Australian Wildlife, Nature Kids Australian Learning Collection, Steve Parish
    Publihing, Acherfield BC, Queensland, Australie, 1998. 12 Egle Becchi, Dominique Julia, Histoire de l’enfance en Occident, De l’Antiquité à nos jours, Paris,
    Seuil, 2 tomes, 1998.
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    Nicole Claveloux jusqu’aux poèmes de Paul Eluard ou de Jacques Prévert mis en scène
    graphiquement par Jacqueline Duhème et jusqu’aux fantasmagories de Frédéric Clément,
    l’illustrateur des Belles endormies de Kawabata, une complémentarité radicale s’est manifestée
    qui, curieusement peut-être, recoupe en partie celle qui unit Orient et Occident. Nous
    rencontrerons alors les contradictions de la  » société muséographique  » décrite par Catherine
    Millet dans le contexte d’une globalisation de la culture qui affecte les enfants des pays
    industrialisés13. Jamais ces derniers n’ont pu avoir accès au musée avec autant de facilité, soit
    directement, soit à travers l’aide offerte par la reproduction digitale des images dans les livres
    ou les CD Roms. Jamais la culture populaire se s’est-elle autant rapprochée de la première :
    c’est ainsi que dans tous les pays du monde, les jeunes spectateurs du film Pokémon 2 auront
    pu apercevoir, dans les volutes et le déchaînement des énergies élémentaires libérées par les
    personnages luttant contre le mal, l’image d’une coupole baroque empruntée à l’art italien ! Ces
    mêmes enfants, téléspectateurs, ont pu aussi regarder l’épisode qui oppose Starmie, l’étoile de
    mer, à Papillusion, le Pokémon Papillon : la compétition qui oppose deux tenants de
    l’imagination matérielle (l’eau et l’air) tourne, en fait, plus au ballet merveilleux faisant vibrer
    couleurs et formes turbulentes, qu’au combat mortel. Un ballet dont le succès commercial nous
    amène à introduire des considérations réalistes et financières dans notre propos et à nous
    demander si le poids d’une aile de papillon n’est pas aussi dans ce cas celui de millions de
    dollars.
    Loin de cette perspective prosaïque, c’est, en réalité, à une réévaluation de l’esthétique et
    de la culture d’enfance que la fonction décorative du papillon nous conduira : il nous
    appartiendra de resituer celle-ci à l’intérieur du projet pédagogique contemporain et des
    tendances réalistes qui en résultent dans les ouvrages adressés au jeune public. L’envol de l’aile
    du papillon vers la lumière, dans la splendeur ou la sobriété, illustrerait-il celui de l’esprit ?
    Permanence ou mutation, les cycles de la vie des papillons offriraient alors peut-être un
    modèle analogique à l’éclosion des citoyens du monde.
    II. Le frivole et l’utile : du conte à la fable
    Il est un point sur lequel le conte de Charles Perrault Le Petit Chaperon rouge se
    distingue de la version que les Frères Grimm ont intégrée dans leurs Märchen si bien étudiés
    par Jack Zipes, le précédent récipiendaire du Prix de l’Institut d’Osaka. Ce détail se trouve
    dans l’épisode de la forêt montrant comment la petite fille innocente flâne et se laisse duper
    par le loup, lequel arrive finalement le premier à la maison de la grand-mère pour la manger.
    Les raisons de cette légèreté sont données à travers des images distinctes. Dans le cas des
    Histoires ou Contes du Temps passé de Charles Perrault, le texte fondateur de la littérature de
    jeunesse publié en 1697, il est dit :  » Et la petite fille s’en alla par le chemin le plus long,
    s’amusant à cueillir des noisettes, à courir après les papillons, et à faire des bouquets des
    13 Catherine Millet, L’Art contemporain en France, Paris, Flammarion, 1987, Nouvelle édition, 1995.
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    petites fleurs qu’elle rencontrait14.  » Le conteur mondain a largement surenchéri sur la version
    populaire française qui se contentait d’opposer sans fioritures  » le chemin des aiguilles  » pris
    par la fillette à  » celui des épingles pris par le loup15.  » Si la cueillette des noisettes participe
    aux fondements du réalisme social qui commande un aspect des contes de Perrault, le papillon
    semble, d’autre part, un élément au premier abord redondant par rapport à la cueillette des
    fleurs qui seule a été maintenue dans la version allemande, où l’on peut lire :  » Elle quitta le
    chemin pour entrer dans le sous-bois et cueillir des fleurs : une ici et l’autre là, mais la plus
    belle était toujours un peu plus loin et encore plus loin dans l’intérieur de la forêt.  » Il semble, à
    voir la course de la fillette, de fleur en fleur, que l’enfant se soit ici, elle-même, implicitement
    transformée en papillon ! La présence de ce dernier paraît, toutefois, exclue de l’esthétique du
    conte, car son image serait redondante de celle des oiseaux, sur laquelle le conteur allemand a
    insisté par la voix du loup qui demandait  » Et les oiseaux ? On dirait que tu ne les entends pas
    chanter16.  »
    Le couple de l’oiseau et de la fleur renvoie à une esthétique décorative qui a cours avant
    l’intervention de Jean de La Fontaine,  » Papillon du Parnasse « . Celui de la fleur et du papillon
    instaure la note spécifique de l’esthétique baroque, esthétique de l’excès décoratif, bien liée ici à
    une vision de la turbulence enfantine qui doit être domestiquée par la moralité de l’histoire. Les
    illustrations exubérantes de M. Fauron pour l’adaptation du Petit Chaperon rouge proposée
    en 198217, montrent que ce point de vue est toujours partagé depuis 1697. Un autre album aux
    couleurs très délicates, Un petit chaperon rouge, nouvelle adaptation du conte par Claude
    Clément illustré par Isabelle Forestier (Grasset jeunesse, 2000) révèle que sur le beau bouquet
    cueilli par la fillette des papillons rouge et noir sont posés, produisant un très bel effet.
    L’enfance, dans les emblèmes du XVIIe siècle, est associée à la frivolité et à l’absence de cette
    raison qui deviendra la loi de la vision classique : une fable d’Edme Boursault qui avait fait
    fureur, l’année même de la publication du petit volume de Charles Perrault, intitulée L’Alouette
    et le papillon, nous rappelle, si besoin était, que ce système symbolique que l’on retrouve dans
    Les Caractères de La Bruyère, était bien inscrit dans la conscience de la société mondaine du
    temps, comme on peut le voir dans diverses estampes18.
    Le papillon, comme la cigale de la fable de Jean de La Fontaine offre le modèle d’un être
    gracieux, mais sans utilité sociale. C’est à cette fonction de parasite que s’oppose sans faiblir
    Fénelon, précepteur du Duc de Bourgogne, le petit-fils de Louis XIV dont il eut la charge à
    partir de 1689 jusqu’en 1695. Ce grand pédagogue est célèbre pour son ouvrage, L’Éducation
    14 Charles Perrault, Contes, Édition de G. Rougier, Paris, Garnier Frères, 1967, p. 114. 15 Claude de la Genardière, Encore un conte ? Le Petit Chaperon rouge à l’usage des adultes, Nancy,
    Presses Universitaires, 1993, p. 16. 16 Wilhelm et Jacob Grimm, Contes, traduction par Armelle Guerne (1967), Paris, Flammarion, Castor
    Poche, 1989, p. 102. 17 Charles Perrault, Le Petit Chaperon rouge, ill. M. Fauron, Paris, éditions Ruyant, 1982. Tous mes
    remerciements vont à Isabelle Nières-Chevrel qui m’a fait connaître cette édition. 18 Voir la fable de Boursault citée dans le livre de Norman R. Shapiro, The Fabulists French, Verse
    Fables of Nine Centuries, Urbana & Chicago, University of Illinois Press, 1992, p. 51.
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    des filles de 1687 et surtout pour Les Aventures de Télémaque composé en 1694-1695 pour
    l’éducation du futur roi, une fiction éducative sur le modèle des aventures d’Ulysse qui, publiée
    en 1699, connut plus d’une centaine de rééditions au XVIIIe siècle. Sa pensée se définit dans la
    tradition utilitariste de John Locke et du pragmatisme économique du ministre de Louis XIV,
    Colbert, un temps protecteur de Charles Perrault : le moraliste présente à son pupille des
    fables pédagogiques qui conservent aujourd’hui encore toutes leurs fonctions. Son propos est,
    bien entendu, de former la personnalité d’un roi catholique, dans la perspective de la Contre-
    Réforme qui est indissociablement liée à l’esthétique baroque dominant alors la cour de
    Versailles, comme cela a été souligné à l’occasion du Tricentenaire de l’édition des Contes de
    Perrault en 199719.
    Une de ces fables intitulée Les Abeilles et les vers à soie est fort instructive : elle décrit
    les joutes oratoires des abeilles et des vers à soie qui prétendent, chacun, l’emporter dans la
    faveur des dieux. Alors que les abeilles sont défendues par Jupiter qu’elles ont nourri de leur
    miel quand il était enfant, les vers à soie sont soutenus par la déesse Minerve  » qui préside aux
    arts  » et qui explique  » au Roi de l’Olympe qu’il y avait une autre espèce qui disputait aux
    abeilles la gloire des inventions utiles20.  » Opposant ses arguments à ceux des insectes
    belliqueux, malgré leur société policée et la douceur de leur nectar, le  » harangueur des vers à
    soie  » déclare :  » Nous ne sommes que de petits vers et nous n’avons ni ce grand courage pour
    la guerre, ni ces sages lois. Mais chacun de nous montre les merveilles de la nature et se
    consume en un travail utile. Nous avons la vertu de Protée de changer de forme21…  »
    Et de décrire les divers états de l’animal, visible d’abord sous forme  » de petits vers
    composés de onze petits anneaux entrelacés avec la variété des plus vives couleurs qu’on
    admire dans les fleurs d’un parterre « . Ces êtres ont le privilège et le sens de la distinction :
     » Nous filons de quoi vêtir les hommes les plus magnifiques jusque sur le trône.  » Ils ont
    encore celui de la sensibilité la plus vive :  » Enfin nous nous transformons en fève, mais en
    fève qui sent, qui se meut et qui montre toujours la vie.  » Le dernier argument qui prétend
    donner l’avantage est celui de l’envol :  » Après ces prodiges, nous devenons tout à coup des
    papillons avec l’éclat des plus riches couleurs. C’est alors que nous ne cédons plus aux abeilles
    pour nous élever d’un vol hardi vers l’Olympe22.  »
    Lié à l’image de la fleur et au culte des jardins, comme dans la poésie précieuse du temps,
    un culte présent dans l’iconographie religieuse dès le début du XVIe siècle, comme dans Les
    Grandes Heures d’Anne de Bretagne23, le papillon est l’état qui clôt une vision épique de la vie
    par une élévation vers le domaine des dieux. Il y a là une magique transsubstantiation, une
    19 Voir ma conclusion  » Contes et chocolat ; Plaisirs de Versailles, Plaisirs d’Eaubonne « , in
    Tricentenaire Charles Perrault : Les grands contes du XVIIe siècle et leur fortune littéraire, Paris, In Press,
    1998, pp. 377-387. 20 Fénelon,  » Les abeilles et les vers à soie « , in Oeuvres 1, Édition établie par Jacques Le Brun, Paris,
    Gallimard, La Pléiade, NRF, 1983, p. 225. 21 Ibid. 22 Ibid. 23 Les Grandes Heures d’Anne de Bretagne illustrées par Jean Bourdichon (1500-1508).
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    apothéose, effectuée sans doute par le pouvoir de cette  » douceur  » qui oppose le papillon aux
    abeilles et qui rappelle celle que prônait le quiétisme de Madame Guyon. Dynamique baroque,
    s’il en fut, et que la fable transforme en leçon de morale. Fénelon, qui, dans les années 1680,
    fréquentait assidûment les salons des trois filles de Colbert24, n’ignorait rien des projets de
    celui qui voulut relancer la culture de la soie et du Bombyx du mûrier en France, comme le
    rappelle un documentaire de 1993, Le Ver à soie, diffusé dans la série  » BT Nature  » des
     » Bibliothèques du Travail « , Publications de l’École Moderne Française fondée par le célèbre
    pédagogue Célestin Freinet25. Ce documentaire met à la portée de tous les éléments de
    connaissances que Fénelon, dans son temps, ne destinait qu’au Prince ; il présente, d’autre
    part, des gravures extraites d’une publication de 1602, Bref discours sur la manière d’élever le
    ver à soie, et mentionne les superstitions les plus fantasques qui avaient cours à son sujet : les
    ouvrières en effet, devaient couver littéralement les oeufs qu’elle plaçaient sur leur peau ou
    chauffaient avec des bouillottes. Un Mémoire sur l’éducation des vers à soie de 1777 précise
    même :  » La graine se donnera à une femme qui la met entre deux jupes… Il faut que cette
    femme soit saine, d’un naturel tranquille, point sujette à sueur, et jeune26…  » On remarquera
    l’ambiguïté du terme  » l’éducation  » donné dans le titre de l’ouvrage : une relation maternante
    très forte unissait, en réalité, l’insecte à l’être humain, faisant du ver une sorte de nourrisson et
    instaurant une réciprocité exemplaire analogue de celle qui unit l’élève à son maître dans le
    système de Fénelon : à la bonne mère doit correspondre un bon rejeton…
    Fénelon, de son côté, écrivit pour son élève une  » Histoire naturelle du ver à soie « ,
    résultat d’une observation plus réaliste et inspirée en partie par Les Métamorphoses d’Ovide :
    dans ce texte inclus dans l’édition de la Pléiade citée plus haut, se lit d’abord un historique de
    l’introduction des oeufs du ver à soie en Europe,  » sous Justinien à Constantinople « , puis
    intervient une description qui n’échappe pas à l’emprise baroque :  » Le ver est enfermé dans
    une écorce transparente comme une perle. « 27 L’objet emblématique du style concerné est bien
    présent :  » Barroco  » signifie la  » perle irrégulière  » en portugais…
    Une dernière remarque extraite de cette  » Histoire naturelle du ver à soie  » où se mêlent
    rigueur de l’observation et pratique superstitieuse, suggère peut-être enfin une explication de
    l’exceptionnelle fascination du pédagogue pour un animal si extraordinaire. Fénelon, en effet,
    conclut son récit à propos des vers à soie laconiquement et en ces termes :  » Au printemps, on
    les arrose de vin et d’eau tiède ; ils sont couvés sous les aisselles des femmes28.  » Résultat de
    l’union de deux forces disparates, mais complémentaires (le feu du vin masculin et celui – aussi
    capiteux ? – du corps féminin), l’élevage (l’éducation ou l’élévation ?) des papillons devient un
    pur miracle…!
    24 Voir à ce sujet l’introduction de Jeanne-Lydie Goré, pour Les Aventures de Télémaque, Paris,
    Classiques Garnier, 1987, p. 18. 25 BT Nature, sans nom d’auteur, Le Ver à soie, PEMF, Mouans-Sartoux, 06 France, 1993. 26 BT Nature, op. cit., p. 6. 27 Fénelon, op. cit., p. 272. 28 Ibid., p. 273.
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    Le documentaire BT, toutefois, corrige très utilement les informations sommaires
    d’apparence scientifique données par Fénelon dans ses descriptions. Nous apprenons ainsi que
    la larve du Bombyx du mûrier connaît en fait quatre mues et que, contrairement à ce qui est
    affirmé au Duc de Bourgogne, elle n’a pas de belles couleurs, pas plus que son papillon :
     » C’est un papillon nocturne d’un blanc grisâtre à l’aspect peu agréable.  » Ses belles couleurs
    dans la fable n’étaient bien que l’effet de la rhétorique baroque !
    La BT Nature communique encore au jeune lecteur français des réalités de la production.
    Celle des cocons était en France de 26 000 tonnes en 1857, ce qui correspondit à la grande
    prospérité du Sud de la France (dans les  » magnaneries  » de l’Ardèche, en particulier). Cette
    prospérité fut affectée par l’épidémie de pébrine et tomba à 4 000 tonnes en 1865. Elle était
    remontée en 1967 à 10 tonnes, ce qui est infime sur un marché, où le Japon est le principal
    producteur mondial, grâce, notamment, aux techniques de filature, car étant le seul à disposer
     » de machines entièrement automatiques longues de 100 m et fonctionnant avec quatre
    ouvriers29.  » Le documentaire aujourd’hui met à la portée de tous les éléments de connaissances
    que Fénelon, en son temps, ne destinait qu’au Prince : dans une perspective internationale
    précise correspondant au développement des échanges commerciaux et des techniques, il
    indique encore tous les types de soies que de superbes papillons asiatiques peuvent produire.
    III. Le bal des papillons : l’éveil du Sujet romantique et le regard scientifique
    Au moment où le peintre Hokusai méditait sur  » la pivoine et le papillon  » ployant sous
    la brise, une femme écrivain exceptionnelle, George Sand, celle qui venait de défrayer la
    chronique par ses amours avec Musset, rédigeait le roman Le Secrétaire intime (1834) qui met
    en scène un savant entomologiste au nom symbolique de Cantharide, et offre la description
    d’un jeu mondain inspiré par  » la plus bizarre et la plus folle des inventions de la princesse
    Cavalcanti  » :  » le bal entomologique.  » Dans cette fiction, il s’agit pour les invités de se
    déguiser  » en une immense collection de papillons et d’insectes.  » Après  » avoir consulté vingt
    savants et lu beaucoup d’ouvrages « , George Sand pouvait se targuer de la précision de ses
    descriptions. Ainsi écrivait-elle à propos d’une jeune femme au  » long corps de velours noir  »
    et portant  » de grandes ailes de taffetas jaune rayé de noir  » :  » Avec sa longue face pâle, les
    déchiquetures de ses ailes et sa démarche péniblement folâtre, on l’eût prise pour le grand
    papillon nommé Podalyre, qui est si embarrassé de sa longue stature que les hirondelles
    dédaignent de le poursuivre et le laissent se débattre contre le vent, pêle-mêle avec les feuilles
    jaunes et dentelées du sycomore30.  »
    Envol romantique bien proche de la vision d’Hokusai et dérision burlesque ! Le même
    procédé du déguisement carnavalesque et d’une science, la physiognomie, fondant la
    personnalité humaine dans la ressemblance avec l’animal, commande la perspective des Contes
    29 Ibid., p. 18. 30 Voir l’extrait donné par Philippe Berthier dans George Sand, Contes d’une grand-mère, 2e série, Meylan,
    Éditions de l’Aurore, 1983, p. 30.
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    d’une Grand-mère écrits trente ans plus tard pour les petites-filles de la romancière entre 1872
    et 1876, et publiés en partie dans la grande revue du XIXe siècle La Revue des Deux Mondes.
    George Sand qui s’intéresse alors fortement à la pédagogie et vient de publier Les idées d’un
    maître d’école, est une disciple de Jean-Jacques Rousseau. Elle a lu son Botaniste sans maître
    (1773) et a préfacé La Botanique de l’enfance de Jules Néraud (1847) que Jules Hetzel,
    l’éditeur du Magasin d’Éducation et de Récréation vient de rééditer en 1866. C’est avec Jules
    Néraud, disciple de Cuvier, qu’elle s’est initiée à l’étude des papillons dans sa jeunesse et elle
    a transmis sa passion de l’entomologie à son fils Maurice qui, en 1867, a publié Le Monde des
    papillons, sous-titré  » Promenades à travers champs « , une somme représentant des années de
    recherche31.
    Un de ses contes en particulier,  » La fée aux gros yeux « , publiée dans Le Temps en 1875,
    montre un personnage merveilleux dont la conception littéraire témoigne des progrès de la
    science :  » ses yeux étaient deux lentilles de microscope qui lui révélaient à chaque instant des
    merveilles inappréciables aux autres32.  » Comme l’a bien montré Max Milner dans La
    Fantasmagorie33, l’imaginaire littéraire s’affine à l’aune des découvertes scientifiques : dans ce
    conte fantastique hérité de Hoffmann, un certain Monsieur Bat ( » M. Chauve-souris « , un
    précurseur de Dracula ?) est saisi par le regard ambigu de  » la fée aux gros yeux « , une
    gouvernante irlandaise, à l’imagination aussi bizarre que celle de la princesse Cavalcanti du
    Secrétaire intime. Est-elle un être fantastique, elle aussi ? Semblable à un gros insecte, elle
    organise en tout cas un  » bal entomologique  » rassemblant de véritables papillons de nuit
    qu’elle accueille en ces termes :
     » En voici un ! C’est la princesse nepticula marginicollelia avec sa tunique de velours noir
    traversée d’une large bande d’or. Sa robe est en dentelle noire avec une large frange. Présentonslui
    une feuille d’orme, c’est le palais de ses ancêtres où elle a vu le jour34…  »
    Chaque papillon est ainsi présenté avec son nom latin, ses caractéristiques physiques et
    le végétal dont il se nourrit. Le conte se termine, dans le récit de la conteuse illuminée par  » la
    danse fantastique autour de mes fleurs  » de ces  » petites fées de la nuit  » (autre version des
    visions de La Petite Fadette ?), dans un ballet qui culmine  » dans les nuits d’orage « , et dont
    l’évocation est couronnée d’un appel à la recherche scientifique :  » il y en a une multitude
    d’autres qui, selon la saison, éclosent à une courte existence d’ivresse, de parures et de fêtes.
    On ne les connaît pas toutes, bien que certaines personnes savantes et patientes les étudient
    avec soin et que l’on ait publié de gros livres, où ils sont admirablement représentés… Mais ces
    31 À propos de la relation avec Rousseau et la pédagogie, voir notre étude  » George Sand et la propagation
    des Lumières sous le signe de la lumière  » in Le livre d’enfance et de jeunesse en France, Bordeaux,
    Société des Bibliophiles de Guyenne, 1994, pp. 177-211. La garantie scientifique des travaux de Maurice
    Sand semble apportée par la collaboration de ce dernier avec l’entomologiste A. Depuiset, dont l’étude,
     » L’histoire naturelle des Lépidoptères d’Europe  » était incluse dans Le Monde des Papillons, Promenades
    à travers champs, Paris, J. Rothschild, 1867. 32 G. Sand, op. cit., p. 180. 33 Max Milner, La Fantasmagorie, Paris, PUF, écriture, 1982. 34 G. Sand, op. cit., p. 188.
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    livres ne suffisent pas, et chaque personne bien douée et bien intentionnée peut grossir le
    catalogue acquis à la science par des découvertes et des observations nouvelles. Pour ma part,
    j’en ai trouvé un grand nombre qui n’ont encore, ni leurs noms, ni leur portraits publiés, et je
    m’ingénie à réparer à leur profit l’ingratitude ou le dédain de la science35.  »
    Ainsi l’élève de Jean-Jacques Rousseau parvient-elle à dépasser son  » maître  » ; celui-ci
    en est resté à l’étude des plantes, mais la femme écrivain a porté plus loin le culte de la vie et
    s’est élevée d’un degré dans l’échelle des vivants. La théorie de l’évolutionnisme de la
    Philosophie zoologique (1809) de Jean-Baptiste Lamarck et le transformisme du livre De
    l’origine des espèces par voie de sélection naturelle (1859) de Charles Darwin exercent
    d’ailleurs d’une manière plus explicite leur influence sur l’écriture de ses contes. Dans l’un
    d’entre eux,  » Le chien et la fleur sacrée « , traitant aussi le thème du  » passé des espèces  » sur le
    mode burlesque, le héros, M. Lechien, prétend avoir été chien dans une autre vie et s’interroge
    pour savoir, si, en évoluant, il a  » suivi l’échelle de progression régulièrement, sans franchir
    quelques degrés  » ou s’il a  » recommencé plusieurs fois les diverses stations de sa
    métempsycose36.  »
    Dans la même page, se prenant au jeu, les enfants qui l’écoutent lui demandent :  » Avezvous
    été grenouille, lézard, papillon ?  » Sa réponse est alors très significative de la coupure
    introduite par rapport à la vision du botaniste, car l’état de papillon est vécu comme une
    libération bien particulière :
     » Papillon ? Je ne me souviens pas ? J’étais fleur, une jolie fleur blanche délicatement
    découpée, probablement une sorte de saxifrage sarmenteuse, pendant sur le bord d’une source
    et j’avais toujours soif, toujours soif. Je me penchais sur l’eau sans pouvoir l’atteindre, un vent
    frais me secouait sans cesse. Le désir est une puissance dont on ne connaît pas la limite. Un
    matin, je me détachai de ma tige, je flottai soutenue par la brise. J’avais des ailes, j’étais libre et
    vivant. Les papillons ne sont que des fleurs envolées un jour de fête où la nature était en veine
    d’invention et de fécondité37.  »
     » Puissance du désir  » sans limite ? La métaphore d’une telle naissance, qu’on retrouvera
    dans un autre conte de grand-mère,  » Ce que disent les roses  » magnifiquement illustré, nous le
    verrons plus loin, par Nicole Claveloux sous le titre Brise et Rose publié par les Éditions des
    Femmes en 1977, est un résumé poétique de l’histoire de la féministe engagée George Sand :
    elle transcende les sexes, est passage du féminin au masculin, en pleine conformité avec les
    attitudes et costumes provocants arborés parfois par l’écrivain. L’itinéraire de cette femme est
    typique de l’évolution des idées en matière d’éducation au XIXe siècle. Dans la première partie
    de celui-ci, alors que George Sand chasse et classe les papillons avec son ami Neraud, les
    découvertes de ce qu’un ouvrage, authentique  » documentaire  » de la fin des années trente,
    illustré de très belles planches de couleurs et intitulé Les Papillons, appelle  » l’histoire
    35 Ibid. 36 Ibid., p. 70. 37 Ibid.
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    11
    naturelle « , incitent les pédagogues à recourir aux lépidoptères pour  » procurer des
    récréations  » aux enfants lecteurs. Ces insectes, en effet, classés en papillons de jour, de nuit et
    crépusculaires, s’offrent comme un matériel pédagogique remarquable :  » La beauté de leurs
    couleurs et l’aspect riche et varié qu’ils donnent aux collections expliquent la prédilection dont
    ils sont l’objet38.  » Dans le dernier quart du siècle, après la publication de la classification
    proposée par Maurice Sand dans son Monde des papillons, cette démarche est mise au service
    des utopies et à la libération de la petite fille, comme le montre l’un des Contes d’une grandmère
    :  » Le château de Pictordu.  » Tout pénétrés d’orientalisme et d’une philosophie proche
    du zen, Les Contes d’une grand-mère reposent sur une conception de l’enfance qui conduit à
    une défense d’inspiration  » écologique « , avant la lettre, de la nature et des papillons.
    Pédagogue et écrivain, George Sand, qui a déjà mis en scène une fée sous la forme de  » la
    demoiselle bleue  » dans Histoire du véritable Gribouille en 1850, s’adonne à l’éducation de ses
    petites-filles, comme on éduque  » la petite demoiselle  » de la  » dame d’Akashi  » dans Le Dit du
    Genji de Murasaki-shikibu dont une illustration par Soryu Uesugi vient de paraître en
    France39. Mais la socialiste idéaliste veut s’adresser, en fait, à tous les enfants de la terre.
    IV. Pulsion scopique : pulsion de vie, pulsion de mort
    Le papillon apparaît naturellement dans les premiers albums de l’Atelier du Père Castor,
    qui a révolutionné l’illustration pour enfants dès le début des années 1930 et transcrit dans la
    pratique les idées éducatives de Bakulé et de l’Éducation Nouvelle. Le petit livre Album
    magique40 de 1932 utilise un matériel ludique :  » une espèce de lunette magique faite d’un
    carreau bleu et d’un carreau rouge, au travers desquels le lecteur regarde successivement deux
    aspects différents de la même image. La mise au point de cette petite  » machine baroque  » été
    rendue possible par les nouvelles matières plastiques et suscite le recours à des thèmes et à des
    animaux, eux aussi baroques : ainsi, faisant face au papillon sur la page de gauche de l’album,
    on aperçoit un paon, l’animal favori de Circé et emblématique de cette esthétique, comme le
    note Jean Rousset41. Un album de coloriage du Père Castor de 1937 prendra aussi pour thème
    les papillons.
    La planche du papillon dans l’album de 1932, en tout cas, joue sur  » le secret  » de la
    métamorphose : le carreau bleu révèle la chenille,  » pas une très jolie bête « , et le carreau rouge
    ne laisse voir qu’un  » grand papillon brillant pareil à une fleur volante « . Dans le battement du
    38 Anonyme, Les Papillons, Description de leur nature, de leurs moeurs et habitudes. Ouvrage dédié à la
    jeunesse, orné d’un grand nombre de figures peintes d’après nature et gravées sur acier. Paris, Amédée
    Bedelet, libraire, éditeur de livres à gravures destinés aux enfants vers 1840, et situé 20, rue des Grands
    Augustins. 39 Un extrait traduit par René Sieffert in Murasaki-shikibu, La Branche du prunier, ill. Soryu Uésugi,
    Paris, Éditions Alternatives, Coll. Grand Pollen, 1998. 40 Rose Celli, images de Nathalie Parrain et d’Hélène Guertik, Album magique, Paris, Flammarion, Le
    Père Castor, 1932. 41 Jean Rousset, La Littérature de l’âge baroque en France, Circé et le paon, Paris, Librairie José Corti,
    1985.
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    regard qui joue sur les deux phases de la métamorphose, le papillon est chargé de révéler les
    forces de la vie porteuses de beauté et d’illumination. Le préambule donné à l’ouvrage par  » Le
    père Castor  » souligne que c’est le procédé de  » la baguette magique  » et du  » tapis volant « ,
    auxiliaires merveilleux qui appartiennent au  » Roi du Temps  » et dont l’usage partagé par le
    jeune lecteur fait de lui le maître de toute croissance. Les mêmes artifices techniques se
    retrouvent dans Le Papillon (1995) de la collection Mes Premières Découvertes des Éditions
    Gallimard, où le jeu d’illusion est produit par le déplacement d’un transparent en matière
    plastique.
    Emblème parfait de la vie personnelle harmonieuse, la métamorphose de l’enfant revient
    en force dans la poésie politiquement engagée du poète Paul Eluard, lorsque, en 1951, il
    demande à l’illustratrice Jacqueline Duhème d’illustrer Grain d’aile, un conte montrant les
    transformations d’une petite fille dont le nom est une transposition du nom réel du poète Paul
    Grindel.  » Légère et jolie « , Grain d’aile pousse comme une plante et veut avoir des ailes et
    voler :  » Mais ce qu’elle aimait le plus, c’était les papillons. Elle en était jalouse, quand elle les
    voyait zigzaguer, heureux comme des poissons dans l’eau42.  » Ce désir sera exaucé, comme
    celui du Zéphyr dans le conte de George Sand, mais, privée de ses bras, l’enfant souhaitera
    retrouver la terre et son ami Pierre avec qui elle peut jouer ! Le principe de réalité est atteint,
    après l’épuisement du principe de plaisir qui correspond au merveilleux : Grain d’aile,
    dépassant ce stade du narcissisme enfantin, sera  » avec les autres, tous les autres, ceux qui sont
    légers et ceux qui le sont moins, ceux qui marchent en regardant les cailloux du chemin et ceux
    qui regardent le ciel « . On verra comment Jacqueline Duhème qui a illustré par trois fois ce
    conte (de nouveau en 1977 et en 1988), a parsemé ses illustrations d’images de papillons, selon
    l’humeur du moment. Une démarche d’artiste qui est flagrante aussi dans les deux versions
    qu’elle a données du livre de Maurice Druon, Tistou les pouces verts, un conte écologique dont
    l’illustration lui a été confiée en 1957 après le succès du premier et aussi, celui de L’Opéra de
    la lune de Jacques Prévert illustré en 1953, livres tous traduits en japonais.
    Que le papillon soit associé à l’éphémère de l’instant appelait son inscription privilégiée
    dans l’esthétique de l’impressionnisme et en particulier de l’impressionnisme japonisant en
    France, où la maison de Monnet à Giverny, toute décorée des estampes d’Hiroshige et
    d’autres, a encouragé la pratique de ce style, notamment en direction des enfants, avec le
    décalage qui caractérise la culture enfantine. Une collection d’estampes du Metropolitan
    Museum de New-York montre que ce trait est partagé, au XIXe siècle, par les illustrations de
    l’Anglais Richard Doyle pour la représentation de la Reine des fées dans l’illustration,  » The
    Fairie Queene Takes an Airy Drive  » tiré de la deuxième édition en 1875 de In Fairyland43,
    comme par les laques du japonais Shibbata Zeshin (1807-1891). Une de nos illustratrices les
    42 Paul Eluard, ill. Jacqueline Duhème, Grain d’aile, Paris, Raisons d’être, Coll. Raisins d’enfance, 1951. 43 Voir la reproduction de cette image in Jonathan Cott (éd.) Masterworks of Children’s Literature,
    Victorian Color Picture Books, Commentary by Maurice Sendak,.V. Vol. 7. London, Allen Lane, 1984,
    pp. 156-157.
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    plus délicates, Michelle Daufresne, a ainsi lâché la bride à sa fantaisie et à sa fougue en
    publiant Papillon bleu à l’École des Loisirs en 1984. Sur la musique d’une chanson d’enfant
    ( » Gentil coquelicot, Mesdames… « ) qui vante les beautés d’une fleur rouge, elle a construit une
    petite comédie rythmée par le distique :  » Gentil papillon de rêve, Gentil papillon tout bleu.  »
    L’enfant qui dort dans l’herbe est réveillé par l’insecte qui l’invite à  » jouer, danser et voler « . Le
    mythe de l’enfant  » qui s’amuse  » est donc mis en scène, entraînant le regret d’un instant trop
    court, dès que le papillon s’enfuit. Le motif de la poursuite dangereuse est incarné par
    l’apparition d’un merle noir, mais se termine sur une virevolte : » Sur ma main, il s’est posé. M’a
    donné un petit baiser.  » Et l’album se ferme sur l’envol du papillon vers la liberté des fleurs
    flottant au vent. La délicatesse des couleurs pastel, la légèreté des aquarelles rendent à
    merveille l’impression d’un moment de bonheur dans le  » vert paradis des amours enfantines « ,
    selon la formule de Baudelaire : elles renforcent le jeu des contrastes entre le rose d’un visage et
    les papillonnements d’une touche de couleur bleue.
    Pulsion de vie et d’amour, pulsion de mort ; la deuxième est rarement évoquée d’une
    manière directe dans les livres d’enfants. On notera, toutefois, la publication du Pont de Kafka
    dans la collection Enfantimages de Gallimard en 1981, avec des illustrations de Henri Galeron :
    dans ce texte terrible, le sentiment d’horreur du personnage du pont qui a peur de s’effondrer
    dans le gouffre du torrent est rendu graphiquement par la représentation d’une truite qui saute
    pour dévorer un très beau papillon. Les couleurs de celui-ci sont le noir et le rouge brique dont
    l’union préside aux rituels sado-masochistes…
    V. Frédéric Clément : de l’esthétisme japonisant au dépassement de la féerie ornementale
    Mais c’est l’oeuvre de Frédéric Clément qui a exploité avec le plus de brio les formes et
    couleurs, ainsi que les métamorphoses, des papillons pour en tirer les effets esthétiques les
    plus surprenants. La fascination de l’artiste éclatait déjà dans Soleil O, une rhapsodie
    graphique publiée en 1986 chez Magnard, dans une collection créée par Frédéric Clément, luimême,
    pour la circonstance et baptisée Atelier Nuaginaire, sans doute pour marquer l’antithèse
    esthétisante qui l’oppose à l’Atelier du Père Castor. On voyait dans cet album sans texte
    d’abord le soleil surgissant de l’ouverture du cône d’un volcan en éruption rappelant vaguement
    celui du Mont Fuji. La montagne se fendait ensuite et libérait une forme qui se tordait et
    devenait un magnifique papillon : des métamorphoses successives faisaient passer celui-ci à la
    forme d’une femme enveloppée de voiles, puis à celle d’une fleur, qui, se repliant, se
    transformait en chrysalide, puis redonnait un papillon. Enfin, à travers celui-ci, transparaissait
    de nouveau, à travers la technique de l’anamorphose, le cône du volcan. Cycle qui unissait le
    feu terrestre au feu céleste, le papillon, la femme et la fleur, dans un raffinement de couleurs et
    d’effets de matières portés à l’extrême. Cet album, épuisé, a été réédité en 2000 par Albin
    Michel Jeunesse inaugurant la collection  » Instants cléments « , dans une nouvelle version
    intitulée Minium, rêve rare de 1 minute 12, et le texte qui l’accompagne, nous fait savoir que
    – 14 –
    14
    cette rêverie japonisante s’est produite sur le quai du Louvre, le samedi 21 avril 1986. Des
    images de délicats cailloux, brindilles, plumes, ont été rajoutées aux illustrations originales,
    accentuant les effets concrets de matières. Nous allons le constater, ces effets dans un instant
    vont nous ramener au Japon…
    Ces recherches inédites ont été transposées et transformées dans deux oeuvres majeures :
    dans Songes de la Belle au Bois Dormant44 d’abord, Frédéric Clément a imaginé de représenter
    les rêves de l’héroïne de Charles Perrault qui dort cent ans. Les songes de la Belle sont envahis
    par un être fantastique : un papillon de nuit, éphémère nocturne et prédateur, dont le texte
    rapporte les impressions et qui se repaît de la beauté féminine. Montrant un superbe paysage
    onirique qui est celui de Venise revisitée à travers la technique d’un style décoratif jouant sur la
    splendeur des cadres et de l’architecture plongée dans une atmosphère obscure, Clément joue
    sur les désirs troubles d’un voyeur qui est le double du héros des Belles endormies, ce roman
    de Yasunari Kawabata qu’il a illustré ; buvant  » la rosée  » au coin des yeux des belles, ce
    visiteur du soir confond ivresse orale et griserie du regard. Les illustrations soulignent
    l’enracinement du plaisir dans la qualité des étoffes, la matière des décors, la moire des eaux. La
    pulsion scopique culmine sur la représentation à la Klimt d’une double image de femme
    endormie encadrant la place Saint-Marc, sur laquelle les formes crépusculaires d’êtres
    inquiétants par la multiplication des manteaux identiques qu’ils arborent et qui sont des ailes
    de phalènes. Les ocelles de celles-ci sont démesurément grandis comme des yeux dans la
    planche suivante, alors que la Belle apparaît nue, comme flottant sur la place de Saint-Marc
    couverte par les eaux. Rêve de mort ou de plaisir, l’album est la version laïque inattendue d’une
    sensuelle Visitation.
    Une deuxième oeuvre, plus ambitieuse encore de Frédéric Clément, intitulée Muséum45 est
    le carnet fictif d’un entomologiste qui s’est exilé au Brésil pour étudier les papillons. Il reçoit
    aussi des spécimens venus de tous les pays. Chacun des douze chapitres est donc consacré à
    une espèce particulière associée à une histoire et à des illustrations. Le livre se veut encore un
    hommage à Vladimir Nabokov, qui découvrit un papillon et lui donna son nom, et dont
    Clément partage la passion d’entomologiste et de collectionneur. Il se conclut sur des
    fragments des carnets véritables de l’écrivain montrant l’emprise de cette fantasmagorie sur
    l’imaginaire littéraire. Une carte de Saint-Pétersbourg suggère même que les pièces d’eau du
    Jardin d’Hiver où Nabokov connut son premier amour, ont la forme d’ailes de papillons46.
    Frédéric Clément qui nous a ouvert ses propres carnets d’artistes47 et qui a eu recours à
    plusieurs jeunes Japonaises comme modèles pour ses différents livres, est un fin connaisseur
    de la peinture et de la calligraphie de votre pays ; il est d’ailleurs venu à Tokyo, après avoir
    réalisé son livre. Le papillon japonais qu’il choisit est assez curieux, puisqu’il s’agit de
    44 Charles Perrault et Frédéric Clément, Songes de la belle au bois dormant, Paris, Casterman, Coll. Les
    Authentiques, 1997 45 Frédéric Clément, Muséum, Paris, Ipomée-Albin Michel, 1999. 46 Ibid., p. 156. 47 Jean Perrot, Carnets d’illustrateurs, Paris, Éditions du Cercle de la Librairie, 2000.
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     » l’Actias selene (Famille des Attacidae), le papillon-lune opale, vert d’eau » qui, écrit-il, lui a
    été  » posté le 30 septembre 1988 d’une île du Japon, Tsukishima, île de la Lune48.  »
    La rêverie qui l’accompagne nous ramène à l’atmosphère du Quai du Louvre de Minium,
    mais dans un autre décor :
     » Heure de la Souris. Minuit à Edo. Je vois. La voûte d’un pont, l’arc d’un dos penché sur
    le reflet de la lune. L’eau. L’homme. Je sens monter une marée de mots. Edo… Yoshiwara…
    Utamaro… Yanagi…49  »
    Le peintre Utamaro est au centre de la fiction :
     » Sur le pont de Benkei, à deux pas de Yoshiwara, le quartier des plaisirs, le vieil
    Utamaro voûté attend, le pinceau levé, il guette le moment délicieux où la lune est avalée par
    un poisson-nuage…50  »
    Culte de l’instant esthétique et de la création, au moment où se produit une éclipse de
    lune et où  » apparaît le cortège, le long des cerisiers : douze demoiselles d’une exquise pâleur
    marchent à petits pas comptés « .
    Les femmes, papillons de la lune, que le peintre,  » papier vert-pâle sur les genoux « , va
    saisir avec son pinceau, avant la fin de l’éclipse. Défi suprême lancé, comme par Hokusaï, au
    temps de la Représentation, sous le signe du sacré et du déguisement. Non pas  » bal
    entomologique « , comme chez George Sand, mais  » cortège  » majestueux, parade baroque
    rythmant  » la litanie des blancs d’Utamaro « . Ainsi se découvre  » la liste  » d’un Don Juan d’un
    nouveau type et des correspondances inédites entre la femme et le papillon. Dont celle-ci :
     » 5° demoiselle : le blanc argenté d’une aile de luciole collée sur l’écorce du bouleau
    derrière le théâtre Ishimuka à Edo à l’heure du Dragon, ciel voilé51.  »
    Ou, cette autre :
     » 8° demoiselle : le blanc ocre rosé du papillon à soie, le Kaïko poudré, posé dans
    l’échancrure du kimono de Morokoshi endormie, un soir d’été à la lueur de la lanterne rouge de
    la maison Echizen52.  »
    Spectacle fantastique frappé au sceau du  » blanc argenté d’une aile de luciole…  » ou, tout
    aussi délicat, de ce  » blanc ocre rosé du papillon à soie, le Kaïko poudré « , spectacle proche
    des illuminations romantiques débridées de  » la fée aux gros yeux « . Par cette sensuelle
    évocation, le papillon à soie boucle notre itinéraire inauguré avec Fénelon et prolongé par
    George Sand. Mais ici, la description devient poème, haïku. Ce n’est plus la valeur d’usage
    48 F. Clément, op. cit, p. 64 49 Ibid., p. 67. 50 Ibid., p. 68. 51 Ibid., p. 70. 52 Ibid.
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    marchande qui est revendiquée, mais la valeur de prestige : tout le Japon se trouve valorisé et
    porté au rang de modèle artistique.  » Instants cléments  » de l’artiste Frédéric Clément qui
    s’écarte du pur impressionnisme, parsème encore sa page de brindilles, de coquillages, de
    plumes d’oiseaux et d’idéogrammes dans son message crypté. Et la planche centrale d’un
    chapitre53 de Muséum est une construction de collages, un palimpseste  » de traces et de
    restes « , selon l’expression de Clément, lui-même : ailes de papillons, fleurs et feuilles séchées
    qui masquent à demi un visage. Le blanc au milieu du tableau est le signe d’un épuisement du
    paysage humain évoquant l’atmosphère du Livre épuisé du même illustrateur. La vie triomphe
    ainsi à travers les ombres d’une éclipse et la pure essence des visions.
    VI. Entre apothéose et humour
    Frédéric Clément a réalisé l’intégration de la science entomologique dans une fiction qui
    représente à sa manière la fin du paysage, la construction-déconstruction d’un sujet en quête
    d’intégrité et guetté par la contamination de l’objet ; ses montages de fragments d’ailes ou sa
    peinture des ocelles rappellent ainsi les documentaires scientifiques sur les papillons qui
    utilisent aujourd’hui les ressources du scanner pour montrer le recouvrement des écailles de ces
    derniers, comme c’est le cas pour le surprenant Monarque venimeux dans un livre animé
    consacré à notre thème54. La difficulté dans ce genre d’ouvrages est d’équilibrer information et
    illustration séduisante, afin de ne pas accentuer le rôle de l’image ou de l’anecdote aux dépens
    de celui de la science, de préserver la représentation sans atténuer la fiction. La classification,
    la description des cycles et des milieux sont d’une grande complexité et l’on soulignera la
    réussite que représente à nos yeux le très beau documentaire d’Una Jacobs, L’Année des
    papillons55 qui sait unir de splendides planches à une didactique éprouvée : le côté signifiant de
    l’image est exploité, par exemple, dans la double page montrant la grande métamorphose,
    comme une énorme corne d’abondance libérant l’énergie de ces superbes créatures que sont les
    machaons56. Plus loin, la planche  » le papillon dans son milieu naturel  » représente l’animal
    comme dans une gloire baroque57. Enfin la planche qui relie l’insecte à l’image de la plante dont
    il se nourrit ressemble à un roue rayonnante58. L’alternance de déchaînements d’énergie et de
    recueillements est bien concentrée autour d’une vision qui, dans la planche résumant les cycles
    de l’année, notamment, exprime la ligne de vie à la fois sous la forme d’une descente et d’une
    élévation et comme l’emblème d’une totalité orientée. Nous retrouvons ainsi l’esthétique chère à
    Fénelon.
    53 Ibid., p. 72. 54 Maria M. Mudd et Wendy Smith-Griswold, trad. française, Les Papillons, Paris, Albin Michel
    Jeunesse, 1991 55 Una Jacobs, Die Schmetterlings-Uhr, München, Verlag Heinrich Ellermann, 1990. Traduction
    française, L’Année des papillons, Paris, École des Loisirs, 1991. 56 Ibid., p. 8. 57 Ibid., p. 11. 58 Ibid., pp. 16-17.
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    Mais le papillon se déploie aussi dans les livres  » d’histoires naturelles « , comme celles de
    Jules Renard, écrites  » pour faire sourire « , et où il est traité graphiquement par Michelle
    Daufresne à partir de cette phrase :
     » Le papillon.
    Ce billet doux plié en deux cherche une adresse de fleurs59.  »
    Il tend ici encore à l’esthétique du haïku, et, contrairement à la légèreté de Papillon bleu,
    prend dans l’image de Michelle Daufresne, des tonalités sombres, crépusculaires… Il apparaît
    encore dans les abécédaires facétieux, comme dans celui de Jacqueline et Claude Held, Les
    Papillons s’éparpillent60, où il sert le principe de saturation burlesque de la lettre  » P  » dans
    l’esprit du  » nonsense  » cher à Lewis Carroll :
    Place
    aux papillons !
    Pelotonné
    sous le plus proche
    pommier,
    Papillon du Premier Mai,
    Parlera ?
    Parlera pas ?
    Mais
    les papillons
    S’éparpillent
    Le papillon offre aussi l’antithèse légère de la vache dans Mona, la vache, où la grosse
    bête qui  » est amoureuse « , mais ne sait pas de qui, trouve son bonheur et son amour au
    spectacle des couleurs de cet insecte,  » car Mona la vache aime les couleurs « ,  » Mona la vache
    est une artiste « . Et l’animal de se donner, dans un autoportrait paradoxal, les traits de Mona
    Lisa61 !
    VII. Le surréalisme d’Alain Gauthier : les ailes de l’impertinence et de la tendresse
    Nous abordons ici la tradition de cet humour qui est au principe d’une réflexion sur la
    croissance de l’enfant dans Les Aventures d’Alice au pays des merveilles, une oeuvre centrale
    dans la littérature de jeunesse. La chenille bleue qui fume son narguilé, refuse les arguments
    d’Alice qui prétend que passer de l’état de chenille à celui de papillon est chose  » bizarre « ,
    mais la petite fille, qui dialogue avec le Bombyx, après avoir mangé du champignon, voit son
    cou croître et est prise pour un serpent par le pigeon. Cette indécision sur l’identité qui hante
    59 Jules Renard, Le Sourire de Jules, Paris, Éditions Alternatives, 1999, p. 23. 60 Jacqueline et Claude Held, Les Papillons s’éparpillent, Toulon, Pluie d’étoiles, éditions, 1998. 61 Claude Bonnin, Mona la vache, Paris, Thierry Magnier, 2000.
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    l’enfance a été magistralement exprimée par Alain Gauthier dans l’image qui illustre cette
    métamorphose fantaisiste : Alice s’enroule comme un serpent autour du pigeon, mais arbore de
    magnifiques ailes de papillon62.
    Alain Gauthier est un artiste qui s’est trouvé au coeur de la révolution esthétique
    accomplie en France dans les années soixante-dix par François Ruy-Vidal et Harlin Quist et
    qui a introduit le surréalisme dans l’album pour enfants avec le retard déjà constaté par
    Philippe Ariès à propos du transfert des objets culturels de l’adulte vers la jeunesse : Les
    Papillons de Pimpanicaille, un volume de comptines et formulettes rassemblées et préfacées
    par François Ruy-Vidal63, est la première oeuvre qui lui a permis de passer de la peinture à
    l’illustration pour enfants. Ce recueil, typique d’une édition refusant l’opposition entre  » art
    pour enfants  » et  » art pour adultes « , se fondait sur la bonne humeur populaire
    ( » Pimpanicaille, roi des papillons, en se faisant la barbe, s’est coupé le menton… « ) et sur un
    imaginaire qui conjoignait gaudriole, sensualité et rhétorique amoureuse naïve ( » La rose est si
    belle qu’on la cueillera « ). Rien d’étonnant à ce que la planche correspondante rassemble la rose,
    l’image de la femme et le papillon64. Rien d’étonnant aussi à ce qu’on ait demandé à Alain
    Gauthier d’illustrer Le Papillon de toutes les couleurs de Didier Daeninckx, un auteur connu
    pour ses romans policiers65. L’histoire est celle de la naissance d’une papillonne appelée
    Esmeralda, qui se fait enlever par un bellâtre, l’empereur Agrias Sardanapalus et qui lui
    échappe : dans sa fuite, l’héroïne du conte, traverse alors une école et contemple les
    magnifiques dessins de papillons réalisés par les enfants, mais n’évite finalement ses
    poursuivants qu’en plongeant dans l’arc-en-ciel. La représentation d’une papillonne à forme
    humaine est techniquement, chose difficile, si on ne veut pas tomber dans le puéril ou le
    grotesque. Aussi, pour ce mélange de réalisme et de fantaisie rappelant, Alain Gauthier a-t-il
    choisi, dans la lignée de Matisse et de Paul Delvaux de montrer sa papillonne nue et de lui
    donner une ligne élégante relevée de grandes touches de couleurs. Avec retenue, toutefois, il a
    choisi des teintes sombres dominées par les bruns et les ocres illustrant un imaginaire
    nocturne, bien propre à suggérer le mystère. Enfin, il s’est refusé à représenter l’arc-en-ciel,
    dont la présence dans l’image traduirait un excès esthétique. La même économie et délicatesse
    président aux illustrations réalisées par Alain Gauthier pour le conte La Belle et la Bête66 de
    Madame Leprince de Beaumont, dans lequel la Bête apparaît comme un monstre affublé
    d’ailes de papillon et faisant le beau devant la Belle qui le dompte. Le papillon manifeste enfin
    une énergie accrue dans les images, de véritables tableaux, qu’Alain Gauthier, en authentique
    peintre, a mises sur le texte d’Anne Iklehf pour l’album, Ma Peau d’âne67 : les ailes de
    62 Lewis Carroll, Alice au pays des merveilles, ill. Alain Gauthier, Paris, Rageot éditeur, 1991, p. 35. 63 François Ruy-Vidal, ill. Alain Gauthier, Les Papillons de Pimpanicaille, Comptines et formulettes
    d’ici, de là-bas et d’ailleurs, Paris, Éditions de l’Amitié, G.T. Rageot, 1980. 64 Ibid., p. 11. 65 Didier Daeninckx, Le Papillon de toutes les couleurs, Paris, La Farandole, 1993. 66 Mme Leprince de Beaumont, La Belle et la Bête, ill. Alain Gauthier, Paris, Ipomée, 1988. 67 Anne Ikhlef, ill. Alain Gauthier, Ma Peau d’âne, Paris, Seuil, 2002.
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    l’insecte transparaissent sous la redingote des personnages, se posent même, éclatantes, sur un
    char ailé tiré par un cygne baroque et, littéralement, sur le visage de l’héroïne à qui elles servent
    de masque.
    Un tel sensualisme semble répondre à celui que Nicole Claveloux a introduit dans
    l’édition pour la jeunesse avec son illustration d’une adaptation du  » Conte d’une grand-mère  »
    de George Sand,  » Ce que disent les roses « , repris sous le titre Brise et Rose, un livremanifeste
    de la libération féminine publié par les Éditions Des femmes dans la collection  » Du
    côté des petites filles  » en 1977. Le thème de ce conte qui paraît répondre à une fable de 1719
    de Houdar de la Motte,  » La rose et le papillon  » dénonçant l’attitude des libertins est le
    suivant : le monstrueux ouragan,  » fils aîné du Roi des orages  » qui détruit tout sur son
    passage, se repend, finalement vaincu par  » l’esprit de vie qui voulait être  » et qui s’est incarné
    dans la douceur de la rose. Il est magiquement métamorphosé au dénouement par la force
    féminine qui préside aux destinées du monde :  » Et l’être brillant me toucha et mon corps
    devint celui d’une belle enfant avec un visage semblable à celui de la rose. Des ailes de papillon
    sortirent de mes épaules et, devenue brise, je me mis à voltiger avec délices.  » L’image de
    Nicole Claveloux montrant la femme nue parée d’ailes de machaon, s’élevant dans le lumineux
    ciel bleu et rose, puis évoluant au milieu d’une profusion de fleurs, a paru d’une audace
    incroyable pour un livre d’enfant à l’époque ; son surréalisme se sublime dans une poésie de
    délicatesse et de brillantes couleurs. Epuisé, le livre n’a pas été réédité depuis. Il témoigne d’un
    foisonnement de traits et de couleurs traversés par des zébrures lumineuses s’employant à
    capturer la bigarrure et la structure d’une trame qui semble celle d’une gigantesque aile de
    papillon.
    VIII. Jacqueline Duhème : l’art naïf au service des poètes
    Si bien que l’alternative dans le traitement artistique du papillon se définit entre ces
    recherches subtiles et une naïveté décorative orientée, proche d’un  » esprit d’enfance  » souvent
    identifié à celui de l’imagerie populaire. Jacqueline Duhème est le représentant éminent de cette
    seconde tendance. Il est intéressant, à cet égard, de comparer les différentes versions réalisées
    par l’illustratrice pour trois éditions de Grain d’aile à différentes étapes de son évolution.
    Dans la version de 195168, celle des débuts d’une autodidacte qui se cherche (Jacqueline
    Duhème a vingt-quatre ans), mais qui jouit de la protection d’écrivains reconnus, le trait est
    léger et les couleurs, restreintes par les moyens d’impression de l’époque, se limitent à un
    contraste de verts et roses ou ocres délicats. Les images n’offrent que quelques libellules et
    éphémères aux ailes transparentes et effilées, comme les héros enfantins de la période : l’enfant
    de L’Opéra de la lune de Jacques Prévert, Tistou, les pouces verts. Dans la version de 1977, le
    ton a changé : c’est la période de la fougue et de la maturité (l’artiste a tout juste la
    cinquantaine, comme le sage d’Hokusai au début de notre exposé !). Jacqueline Duhème qui a
    68 P. Eluard, op. cit.
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    20
    illustré différentes oeuvres de Miguel Angel Asturias : The Talking Machine, L’homme qui
    avait tout, tout69, cède au charme des couleurs flamboyantes de la jungle sud-américaine : dans
    ses images brûlent les rouges et les jaunes, dans un contraste violent avec les verts. Les
    papillons y sont nombreux, aux ailes rougeoyantes piquetées ou bordées de noir, aux formes
    pleines et musclées. Le sang et la turbulence de vivre les animent et ils volètent autour de
    remarquables bouquets. La période se conclut symboliquement par L’Enfant qui ne voulait pas
    grandir de Paul Eluard en 1980, toujours publié par G. P, un texte mettant face à face la
    guerre, la misère des pauvres et la beauté salvatrice de l’enfance idéalisée et proche de la nature.
    L’illustration conduit donc Caroline,  » l’enfant qui ne voulait pas grandir « , du papillon jaune
    d’un premier bouquet baignant dans le vase bleu sous lequel elle est assise, à un arc-en-ciel où
    dominent le jaune, le rouge et l’orangé, soutenant  » le désordre des insectes dans les astres de la
    rosée « . On voit l’enfant, triomphante, nous faire signe de la main pour marquer sa victoire et
    un papillon,

  10. dans le coin en haut de la page de droite , signale par ces formes lourdes , la diagonale ascendante de l’espoir…il y a là une première ébauche de cet arc en cial qui courronnera le héros du « Cancre » de Prévert en 1989…

  11. La 3ème periode de Jacqueline Duhème a été marquée par le passage chez les éditions Gallimard.Une légéreté retrouvée ici :Grain d’aile en Folio benjamin en 1988 est bien entourée d’une ronde de 3papillons sur la couverture de l’album.
    Les derniers sont le résultat d’une mutation : plus fins , bouffants comme les robes d’enfants , ils ont supplantés le sphinx à tete d mort des deux premières pages et ont retrouvés la transparence des bleutés et la délicatesse des gris.
    Cette évolution est plus sensible encore si l’on compare deux versions de « Tistou les pouces verts » celle de G.P en 1977 et celle de Gallimard en 1993.Fleurs éclatantes , trés beaux bouquets à forte valeur décorative , papillons mordorés , dans un cas ,comme pour contrer les horreurs de la guerre.Et dans le second cas , le contraste entre les verts et les rouges a été supplantés par celui qui oppose les orangés , les bleus , les gris et les violets.Les ailes de papillons s’allègent , se déchiquètent , alliant finesse et sérénité nouvelle.En femme libérée , Jacqueline Duhème , bat papillon d’une sobriété maitrisée , comme dans son illustration du poeme « le papillon » dans le receuil  » les animaux font leur cirque » de Joel Sadeler.
    Elle est proche maintenant de l’age qu’avait Hokusai à l’heure de la sagesse et a atteint la bonne mesure du papillon…

  12. Conclusion :
    Un seul coup d’aile : Harmonie ou Chaos?
    L’album pour enfants n’est il pas un billet doux que l’artiste , apres la perte sanglante du bonheur initial adresse à la légitimité de son propre passé?
    Comme l’écrit Frédéric Clément , dans les notes de ses carnets préparant Museum , les papillons sont aussi des « ames ».Et a ce titre , sont censés retourner vers leur créateur.Le papillon et le Bouddha de madame Saeko Ishizawa illustré par Ryokichi Ozawa en 1980 : la rencontre de l’insecte et de la statue du Bouddha est impressionnante , surtout dans l’image qui montre le papillon entre les énormes mains du géant de pierre.
    Elle se transforme en don symbolique , lorsque l’animal, désirant communiquer un peu de sa chaleur et de sa joie de vivre à cette forme immobile, accepte finalement de mourrir pour la divinité.
    Le don de la vie éphémère au nom de l’amour, est l’inverse de celui qui inspirait « Ce que disent les roses » de Georges Sand, mais apporte pourtant une lueur d’espoir.Aussi, en contrepoint des lucioles de Frédéric Clément, le professeur Hatanaka, citant des oeuvres des poètes « Doyos » des années 20 de ce siecle, terminant en fevrier 2000 son exposé à l’institut internantional de charles perrault par ce poeme d’un enfant japonnais de 12ans , Noboru Tooyama : »Au ciel embrasé un papillon devenu tout rouge et qui volait encore… »
    Contre la violence et le feu des bombes, contre la mort infligée par les désordres de la civilisation, l’aile de papillon exprime le réconfort d’un espoir.Son envol est le signe d’une harmonie fragile mais toujours retrouvée.Il entre dans un sabbat nocturne et son ombre fait fondre la neige et annonce aussi l’aube printannière dans l’album Haru no chou de Tejima Keisaburo.On sait enfin, selon les tenants de la théoris du chaos que le battement d’une aile de papillon au large des cotes du bresil est capable de declencher une tornade sur le texas.C’est pouquoi il faut supposer que l’éclat de l’aile de papillon entrevus dans notre étude aura des effets sur notre conception de l’illustration pour enfants, tout entière.Et que cette reflexion sur sa forme légère pourra aussi contribuer à former un nouveau type de lecteur.

  13. Le papillon est un billet doux plié en deux,
    Qui cherche une adresse de fleur

    Jules Renard

    C’est joli, nan?

  14. La poésie de Jules Renard, oui c’est joli… mais tout le reste c’est plutôt indigeste à mon goût : j’ai eu beau tenter… impossible de parvenir à tout lire ! La présentation bien sûr cause souci (avec ces passags à la ligne intempestifs), mais le sens de tout ça aussi : tu voulais en venir où, Butterfly ? Pourquoi ces présentations de livres ? Tu les as lu et nous les conseilles ? Tu veux savoir si on les connaît et ce qu’on en pense ? C’est une info… ou juste une tentative de « record du monde du commentaire le plus long » (imbattable là, je crois !)

  15. LOL
    C’est vrai que j’ai un peu abusé j’avoue!
    Désolé!
    J’ai trouver ca joli, trés joli cette façon de voir les choses autour du papillon…
    Est-ce si indigeste que ca?
    J’ai pris plaisir à lire entièrement cette étude, je suis d’accord avec toi pour dire malgrés tout que la présentation laisse à désirer!

  16. Observation d’un citron samedi dernier derrière la maison. Le même jour un de mes collègues a vu deux autres espèces : vulcain et petite tortue.
    Cette date est très tardive pour la Franche-Comté.

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