Débats au Sénat

Fin mars, un ami m’a fait passer un texte de Christian Velot, chercheur et enseignant en biologie à l’Université Paris-Sud et animateur de conférences sur les OGM. Christian Velot faisait partie de la délégation de militants anti-OGM qui est allée au Sénat écouter les débats sur le projet de loi et le compte-rendu qu’il en fait est assez édifiant. En voici le texte dans sa quasi-intégralité :

« Premier coup derrière les oreilles : le nombre de sièges vides. Sur 331 sénateurs, seulement 49 étaient présents en ouverture de séance, et il n’en restait plus que 35 après une demi-heure ! Je me dis alors qu’il doit au moins y avoir tous ceux qui sont (ou qui prétendent être) concernés par le sujet, et notamment qui sont censés défendre nos positions. On a bien cherché (c’était facile, ils n’étaient pas nombreux) : pas de Dominique Voynet, qui était pourtant venue le matin même faire de belles déclarations lors de la conférence de Presse ! Aucune présence non plus de Jean-Luc Mélenchon, proche de José Bové depuis la campagne contre le TCE, et pour lequel il est sans doute moins payant de venir faire son boulot au Sénat que se pavaner debout sur un banc du trottoir du boulevard Arago pour être certain de bien être remarqué pendant le passage de la manif anti-CPE de samedi dernier…

Au delà de cet absentéisme pitoyable, reste le déroulement des « débats » : à pleurer (ou hurler mais on ne pouvait pas) ! Un brouhaha incroyable ! Personne ou presque n’écoute l’intervenant qui fait (ou plutôt qui lit) son discours. Chacun parle dans son coin avec ses voisins ou y va de ses petites activités personnelles. J’ai dix fois moins de bruit dans un amphithéâtre de 200 étudiants d’une moyenne d’âge de 20 ans, et sans que j’ai besoin d’exercer la moindre autorité. L’intervenant pourrait s’adresser à la porte de ses chiottes, ça ferait le même effet.

Du balcon où nous étions situés, nous avions une vue plongeante sur les pupitres des sénateurs du groupe UMP. Pas un seul n’avait le projet de loi sous les yeux ! Raffarin et ses potes ont passé leur temps de présence (environ 30 minutes) à causer entre eux et se marrer, certains tournant carrément le dos à l’intervenant. D’autres remplissaient des dossiers, regardaient leur agenda. Deux sénatrices au fond de l’hémicycle (et donc juste en dessous de nous), après avoir regardé ensemble un album photo, s’échangeaient leur permis de conduire, leur pièce d’identité, sans doute pour mieux constater… les dégâts provoqués au cours du temps par les crèmes à l’ADN végétal de chez Dior. Un autre montrait à son voisin des photos d’une maison imprimées en couleur sur du papier A4, probablement la résidence secondaire qu’il vient de s’acheter avec les 120 000 euros annuels qu’il perçoit pour venir se gratter les couilles au Sénat, une autre encore réorganisait ses papiers et ses billets de 20 euros dans son portefeuille… Et le plus drôle (enfin, façon de parler), c’est qu’à la fin d’une intervention, et uniquement s’il s’agissait bien sûr d’un intervenant de leur groupe, ils applausissaient comme des automates.

En ce qui concerne les interventions elle-mêmes, les âneries de ceux qui défendaient le texte étaient à la hauteur de leur méconnaissance du dossier. Quand à ceux qui étaient censées intervenir dans notre sens, il est clair que je ne les choisirais pas comme avocats, à moins que je ne souhaite être assuré de faire de la prison à vie : mous du genoux sur le fond, monocordes et sans aucune conviction sur la forme. Eux non plus n’avaient probablement pas lu le projet de loi, …à moins qu’ils n’aient tout simplement pas vraiment envie de s’y opposer.

Bref, à pleurer vous dis-je … »

Voilà. Braves gens, vous pouvez dormir tranquilles, vos sénateurs ont le sens de leur responsabilité politique.

8 réflexions au sujet de “Débats au Sénat”

  1. On sait bien que la « vertu » (la morale) n’est pas un truc inventé par les puissants, mais bien par les dominés qui essaient tant bien que mal avec ça de prendre leur revanche… sur le plan symbolique.

    Mais bon… si les dominants (en régime démocratique surtout) veulent bien « jouer le jeu » en payant le bon peuple de ces mots qu’il aime entendre, ils n’ont jamais montré une quelconque tentation de croire en ces balivernes, encore moins de s’y soumettre (sauf quelques-uns, si, mais qui ont peut-être été les plus dangereux car ils ont alors forcément voulu soumettre aussi les autres !!!).

    Le plus surprenant après tout… c’est qu’on soit encore surpris de cette « réalité ». On vit sur Terre quoi, pas à Disneyland (quoique des fois…) !

  2. Ce n’est pas le sujet mais… ça sent le Martinet, vous ne trouvez pas ?
    (Ils ne devraient pas tarder, je ne serai pas surpris d’apercevoir le premier demain)

  3. Comme Bernard, je trouve ce texte édifiant. Et heureusement qu’on est encore surpris quand on nous relate ce type d’expérience, heureusement qu’on ne s’y habitue pas. Cela doit nous révolter, et nous faire réfléchir à la manière de changer ce fonctionnement en politique. Il faut diffuser ce genre d’information (d’ailleurs, je suis curieuse de savoir comment tu t’es procuré ce texte ?).
    Quant au martinet, il est déjà là… mais je suis surprise, je croyais que Vincent ne connaissait rien aux oiseaux.

  4. La révolte, pourquoi pas (question de tempérament sans doute, ou d’énergie disponible)… si ça aide vraiment à « réfléchir » aux éventuels changements à impulser en politique.

    On a déjà évoqué ici l’idée (séduisante) du « non cumul successif » des mandats. Comment faire maintenant pour la diffuser, en faire un débat de société ? Tout le monde conviendra, jepense, que sur ce point les anathèmes de blog, de café ou de fin de soirée ne peuvent suffire.

    Quoi d’autre ?
    Cette fameuse « 6e République » qui va sûrement devenir un sujet de la prochaine campagne présidentielle ? Pourquoi pas…. allons-y ! Qu’impulser en priorité : un peu plus de « fraîcheur » (cf. article précédent) et de « responsabilité politique » ? Pourquoi pas mais… comment ? Qui propose quoi ?

    (Aucun cynisme dans ma question, juste l’idée implicite que la « responsabilité politique » qu’on demande toujours aux autres d’incarner devrait nous inciter à pousser nous-mêmes la réflexion sur les problèmes constatés… jusqu’à la recherche et la proposition de solutions ! C’est loin d’être simple, mais bon… cogitons, on en a tous besoin, nan ?)

  5. Vincent, tu poses avec raison la question « qui propose quoi ? ». Je crois qu’il y a en France des personnes qui essaient de proposer des choses différentes, y compris au sein des partis politiques. Mais l’appareil politique est souvent sclérosé, vérouillé par les « vieux ». Un « petit nouveau » a peu de chances de bousculer les choses, il ne peut que se brûler les ailes à essayer de changer les choses de l’intérieur. Le NPS impulsait de nouvelles idées (notamment la 6ème république dont tu parles) mais on a vu comment il s’est fait phagocyté lors du dernier congrès du PS. Seul Montebourg a eu du courage. Reviendra-t-il plus fort après sa « traversée du désert » ?

  6. L’idée de suprimer le Sénat (qui est ce qu’il est… aussi car il ne sert pas à grand chose) est de plus en plus « dans l’air du temps » (et pas seulement au NPS), il me semble. Mais bon… est-ce bien là le principal combat ? Ne le regretterons-nous pas lorsqu’il ne sera plus là ?

    Il faut toujours se méfier des pensées faciles, surtout en politique, nan ? En tout cas, la jeunesse (qui cherche toujours à « bousculer les choses » comme tu le dis si bien, Bernard) n’est pas un gage de pertinence ni de justesse. Je ne fais pour ma part aucune confiance aveugle au « jeunisme » ambiant. Les « djeun’s » ne cherchent-ils pas souvent à changer les choses… avant de les comprendre ?

    Que les « vieux » mettent des obstacles et autres résistances à leurs furies oedipiennes ne me paraît finalement pas du coup si grave que ça ! Et la « traversée du désert » du sémillant Montebourg ne m’inquiète guère plus que l’avenir de Raffarin (mais bon… je viens de voir mes premiers Martinets de l’année, tout me paraît bien insignifiant à côté… je penserai peut-être autrement demain… surtout si vous m’y aidez)

    (N)PS : Lu aujourd’hui (dans une biographie de Courbet) ce testament de Louise Michel, la « Vierge Rouge » de la Commune :
    « (…) J’en vins rapidement à être convaincue que les honnêtes gens au pouvoir sont aussi incapables que les malhonnêtes sont nuisibles. Il est donc impossible que la liberté s’allie jamais avec un pouvoir quelconque. »
    Mais sans doute est-ce encore une parole visant à réfréner les si belles ardeurs révolutionnaires des jeunes !

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