La France rurale et les fonds européens

Voici donc le premier anniversaire du référendum sur la constitution européenne et à nouveau des tas d’articles dans les médias. C’est bizarre, cette manière de parler de l’Europe par intermittence. Entre le traité de Maastricht et le vote sur la constitution, il s’est passé plus d’une douzaine d’années de silence sur la question européenne. Même silence depuis une dizaine de mois. Et voilà que le sujet ressort aujourd’hui pour mieux disparaître dans quelques jours. Espérons tout de même qu’un vrai débat commencera dans quelques mois avec l’approche de l’élection présidentielle.

L’an passé, lors de la campagne à l’occasion du référendum, j’ai été surpris que personne n’aborde le problème des FONDS EUROPEENS. Les élus partisans du « oui » auraient pu nous dire ce que l’Europe, par le biais des sommes reversées aux différents Etats, avait amené aux citoyens de base, en terme de développement local, notamment dans la France rurale. Pourquoi n’ont-ils pas mis en avant cet apport de l’Europe ? Peut-être parce qu’il n’y a pas de quoi être fiers de ce que nous avons fait de cet argent. Je m’explique :

– premier constat : une partie des Fonds Européens est repartie à Bruxelles, faute d’avoir été utilisée. Ainsi, pour ne prendre que l’exemple du département de la Haute-Saône, le Préfet de Région avait, en son temps, montré du doigt les cantons de Marnay, de Gy et de Gray qui n’avaient dépensé que 10 F par habitant alors qu’ils avaient 300 F de disponibles. Est-ce parce que les élus de ces cantons manquaient d’idées, de projets ? Est-ce qu’ils n’ont pas relayé l’info auprès de leur base, notamment auprès du milieu associatif qui est souvent une force de proposition ? Est-ce que ces élus locaux n’ont pas soutenu les projets associatifs lorsque ceux-ci existaient (les associations étant souvent vues par les élus, comme un contre-pouvoir dangereux) ?

– deuxième constat : les Fonds Européens ont souvent été utilisés à mauvais escient. Ainsi, dans le village où j’habite, le cimetière a été agrandi grâce à des fonds européens. Un cimetière, est-ce du développement ? Un chemin forestier a été créé avec les mêmes fonds, il ne sert pas à grand’chose et les élus municipaux disent qu’ils l’ont fait parce que le coût était presque entièrement pris en charge.

– troisième constat : les fonds européens ont fait le jeu des politiques locaux. C’est souvent l’élu le plus important du coin (le conseiller général, le député) qui dit à « ses » maires : « je peux t’apporter tant sur ce projet ». Il s’agit bien entendu de fonds publics, la plus grande part étant souvent européenne, mais tout est présenté comme si le petit seigneur du coin distribuait cet argent en fonction de ses accointances politiques ou simplement de son bon vouloir princier. En milieu rural, l’argent européen est parfois dépensé à des fins électoralistes et clientélistes et renforce le pouvoir de nos petits hobereaux locaux.

Demandez au citoyen espagnol ou portugais : il sait combien l’Europe a permis à son pays de se développer. Demandez au citoyen français, il ne sait pas grand chose de l’existence de ces fonds et de leur utilisation (ou de leur non-utilisation).

Le référendum organisé il y a un an était une bonne opportunité pour aborder un peu ce sujet. L’occasion a été ratée !

13 réflexions au sujet de “La France rurale et les fonds européens”

  1. A mon sens, l’occasion n’a pas été ratée du tout… bien au contraire ! Et le sujet que tu évoques là n’a même pas eu besoin de se débattre… car la position de la majorité des Français sur la question de l’Europe me semble déjà bien établie, comme l’a signalé le résultat du référendum (malgré le déploiement des forces de la « bien pensance » et du « politiquement correct » pour rendre immorale, donc impossible, le « Non » !).

    Ce qui me paraît le plus grave, c’est qu’un an après, ce « NON » ne soit toujours pas entendu, analysé, pris en compte… pas plus que Le Pen au deuxième tour des dernières présidentielles) Il y en a du coup un autre qui est en train de se préparer, et qui risque de faire bizarre s’il ne trouve que cette voie pour s’exprimer : le « NON » au résultat couru d’avance et seul envisageable car seul acceptable par l’élite et la non-pensée dominante, bref le « NON » au duel « Sarkozy-Royal » au deuxième tour des prochaines !!!!

    Jusqu’où la surenchère (entre ceux qui disent « où il faut faire » et ceux qui répondent « merde ! ») va-t-elle monter ?

  2. Comme souvent, Vincent contredit Bernard, et, comme souvent, je suis un peu d’accord avec vous deux.
    La majorité des français a voté non à une certaine construction de l’Europe. Mais Les Fonds Européens existent déjà bel et bien et nous nous devons de veiller à leur utilisation.
    Une petite anecdote pour apporter de l’eau au moulin de Bernard: J’ai été chargée de mener un développement informatique pour une instance publique régionale (je sais, ça fait un peu secret). Quand je leur ai fait savoir que les délais octroyés étaient impossibles à tenir, on m’a répondu que je devais faire ce que je pouvais, que ça n’était pas grave si le produit était « bancal » (sic), que le but était de présenter quelque chose à telle date pour obtenir une subvention européenne !
    Quant aux futures élections, je ne comprends pas ce que veut dire Vincent. S’il espère que le candidat socialiste ne soit pas la Royal ? S’il souhaite un choix large à gauche au risque d’avoir un Sarko-Le Pen au deuxième tour ? Je pose la question car personnellement, elle commence à m’obséder.

  3. En l’occurence, Anne, je n’évoquais pas ce que je pouvais « souhaiter » ou « espérer » (c’est pas mon genre !)… mais seulement ce que je « pressentais ».

    Pour le dire autrement : plus les médias, politiques, sondages et autres « maîtres à (bien) penser » glosent sur le duel attendu « Royal-Sarkozy » et plus on prépare, évidemment, un second tour avec aucun de ces deux là !

    Rien de plus !

  4. Non non Vincent, tu te trompes sûrement. Je pense plutôt qu’il y aura un duel Le Pen-Royal. Je le pressens depuis quelques temps déjà.

    La bête immonde avance, elle se tait pour l’instant. C’est beaucoup plus insidieux que pour les autres élections. La stratégie du FN a changé c’est évident.

    Et puis, les déclarations de Ségolène aujourd’hui, très sécuritaires et qui vont probablement dans le sens de ce qu’attendent les français (62 % des lecteurs du Monde approuvent ce soir les déclarations de Mme Royal) me laissent à penser que Sarkozy va finir pas être à l’étroit, pour ne pas dire coincé, entre l’extrême-droite et la frange PS « blairiste » la plus à droite. Il n’a pas beaucoup de marge de manoeuvre si l’on y réfléchit bien.

    Seule une gauche non libérale pourrait faire contrepoids à tout celà (pas seulement la gauche qui est plus à la gauche du PS, je pense aussi à des gens comme Peillon et Montebourg qui auraient dû quitter ensemble l’appareil socialo depuis longtemps … mais ils n’ont pas osé !).

    Bon Dieu de Bon Dieu, qu’est-ce qu’ils attendent, tous ces Bové, Buffet, Besançenot … pour se structurer en vrai pôle alternatif ! Il y a peut-être une chance historique suite aux propos de Ségolène d’aujourd’hui qui laissent présager que le centre de gravité de la prochaine élection sera beaucoup plus à droite !

  5. Sarkozy ? Villepin ? Royal ? Strauss-Kahn ? Lang ? Le Pen ? De Villiers ? la gauche « anti-libérale » (…mais « pro »-quoi, au fait ?) ?

    La seule chose qui est peut-être assurée, en fin de compte, c’est que, quelque doit le scénario qui se finalisera (il y en a encore plusieurs possibles), le résultat final créera en quelque sorte une « surprise », une « nouveauté » , un « événement »… mais essentiellement au niveau symbolique, spectaculaire, médiatique.

    Une autre chose est certaine (et là je suis prêt à parier gros) : c’est qu’on n’a pas fini d’en parler de ce nouvel « Elys’Academy », de concentrer sur lui une quantité décuplée de moyens, paroles (d’experts et de microtrottoirs), d’énergie, de bonnes volontés… avec toute la bonne conscience de qui croit (ou veut faire croire) que se passionner pour cette mascarade est tout autant un acte politique qu’un devoir de citoyen !

    Relisons donc le fameux « Elections, piège à cons » de Sartre. Il est plus que toujours d’actualité !!!

  6. Oui, effectivement, le slogan « élection, piège à cons », c’est tentant. En tous les cas, l’idée m’effleure depuis quelques temps déjà ! Et il m’a fallu arriver à envisager cette possibilité à plus de cinquante ans, moi qui croyais dur comme fer aux vertus de la démocratie !

    Mais bon, je sais qu’au dernier moment, j’irai voter pour le moins pire ! Comme à chaque fois !

    Il y a vingt ans, je votais rose. Il y a dix ans, je votais rose pâle. Je sais déjà que la prochaine fois, ce sera rose délavé. Il y a beaucoup de résignation dans tout ça.

  7. Les esprits s’échauffent et les arguments avancés laissent présager douze mois de débats animés et d’empoignades musclées, dans la presse écrite ou audio-visuelle et peut-être entre nous également.
    Ce qui me gêne, et ça n’est pas propre à l’élection de 2007, c’est la présidentialisation de notre démocratie. Il y a, que je sache, deux chambres parlementaires (qui nous coûtent assez cher) dont la Constitution a bien délimité les attributions. Et elles en ont encore pas mal (sur le papier en tout cas).
    En exagérant le rôle du président (ou de la présidente) de la République on personnalise trop le pouvoir, on attend de lui (ou d’elle) ce que beaucoup attendaient du Roi Soleil. Ona vu où ça menait !
    On sait bien qu’une telle élection était faite sur mesure pour De Gaulle. Très critiquée par Mitterrand lorsqu’il était dans l’opposition, il s’y est trouvé très à l’aise une fois élu. Et plus personne n’y trouve à redire, puisque tous les partis proposent un candidat.
    Il me semble qu’un candidat à cette responsabilité suprême doit avoir un programme et des orientations claires, tant pour l’Hexagone que pour l’Europe et le Monde en général, mais qu’il ne pourra les réaliser qu’avec un relais parlementaire dynamique et efficace.
    Il n’est pas certain qu’en 2008 le chef de l’Etat et l’Assemblée Nationale aient la même couleur politique.
    Ce qu’il faut exiger des candidats ce n’est pas qu’ils soient des Zorros ou des Docteurs-miracle, mais qu’ils aient un passé honorable, qu’ils aient assuré efficacement et honnêtement des fonctions électives dans la transparence et en collégialité ; et qu’ils laissent entendre que le gouvernement et les parlementaires conserveront toutes leurs prérogatives.
    Ne glissons pas vers le modèle état-zunien.
    Et ne caricaturons pas, avant l’heure, le deuxième tour en un duel Père Fouettard / Fée Carabosse !

  8. Tout à fait d’accord (comme quoi, je ne suis peut-être pas irrécupérable !) avec Roland ! L’assimilation de la démocratie à la simple élection du Président n’est qu’un phénomène médiatique de reality show grandeur nature, façon « Star’academy ». Une perversion du système en tout cas, à laquelle il conviendrait peut-être de ne pas être complice.

    Quant à l’ « Election, piège à cons ! » de Sartre, si mes souvenirs sont bons, il ne signifie pas un rejet des vertus de la démocratie, mais bien au contraire un rappel salutaire à ses fondements.

    La démocratie, c’est tout bêtement le projet – utopique – d’accorder le pouvoir (cratos) au peuple (demos). En aucun cas donc, le vote ne peut en être l’acte fondateur : qu’est en effet ce soit-disant « pouvoir » s’il n’est que celui de choisir, une fois de temps en temps, parmi des candidats qu’on nous présente, celui à qui on déléguer entièrement son pouvoir ?

    Une démocratie ne vit pas de ses votes (même s’ils sont parfois nécessaires, ils ne sont qu’annexes, secondaires) mais de l’organisation de multiples « contre-pouvoirs », organisation qui doit être « instituée » car on sait bien qu’elle n’est pas naturelle.

    Tout ça pour rassurer Bernard : on peut tout à fait s’abstenir de participer aux « mascarades votatoires » et rester un farouche démocrate. En effet, la citoyenneté, c’est tous les jours que ça s’exerce (dans les différents « combats » qu’on peut mener contre tout abus de pouvoir)… bien plus que le jour où on nous demande simplement de trancher sur la couleur de la corde qui va nous tordre le cou !

    Et puis, si tu portes ton espoir sur la constitution d’une gauche « anti-libérale », pourquoi attendre que Peillon et Montebourg fassent le travail pour toi (je devrais dire « pour eux mais en ton nom ») ? Ne pourrait-il pas y avoir la place, par exemple, sur ce blog, pour réfléchir au projet et y porter sa ‘tite contribution ?

  9. (Petite parenthèse)

    Effet pervers de la mascarade actuelle : n’ayant plus que le vote pour se faire entendre et tenter de constituer ces salutaires « contre-pouvoirs », les citoyens sont inconsciemment tentés de voter pour « ce qui va à l’encontre de la pensée dominante et bien-pensante » (extrême gauche ou droite, NON à la Constitution européenne, etc.)

    Plus on méprisera ces votes contestataires (en les considérant uniquement comme des « erreurs » du bas-peuple raciste et/ou ignorants de la réalité du monde) et plus on accentuera le phénomène.

    D’où ma question (cf plus haut) : Jusqu’où la surenchère (entre ceux qui disent “où il faut faire” et ceux qui répondent “merde !”) va-t-elle monter ?

  10. Un candidat à la Présidentielle ne désire que le prestige, une affaire animal de dominance : être en haut de la pyramide.
    Je croirais à la sincérité d’un(e) candidat(e) présentant son programme s’il accompagnait cette présentation d’une candidature au poste de… Premier Ministre (laissant le poste de Président à qui veut avant tout se pavaner).
    Pas vous ?

  11. Les grand esprits se rencontrent, dit-on (les petits aussi probablement !) : je m’étais fait la même réflexion hier !

  12. C’est donc toi qui me l’a soufflée ? Je me demandais d’où pouvait bien me venir cette réflexion !

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