Les inégalités sont de règle chez l’homme, aussi bien sur l’ensemble de la planète que dans notre propre société. Notre enquêteur spécial est allé vérifié dans le règne animal s’il en était de même, en prenant comme exemple la famille des gastéropodes.
Eh bien, finalement, c’est comme chez l’homme, les escargots en bavent aussi !
J’adore !
Hé, on refait le coup des papillons ? On donne la parole aux grandes plumes ?
« Casanier dans la saison des rhumes, son cou de girafe rentré, l’excargot bout comme un nez plein.
Il se promène dès les beaux jours, mais il ne sait marcher que sur la langue. »
(Jules renard, Histoires naturelles)
« Moi, tout comme eux,
Disait l’escargot,
Je pourrais me décarcasser.
***
Je vais aller voir,
Disait l’escargot à la mouche,
Suis-moi.
***
Je ne sais pas pourquoi,
Disait l’escargot,
Mais j’ai chaud.
***
J’aimerais bien,
Disait la limace,
Etre escargot. »
(Eugène Guillevic, Echos)
Sans oublier, bien sûr, le célèbre texte de Jacques Prévert (1945) : « la chanson des escargots qui vont à l’enterrement » :
A l’enterrement d’une feuille morte
Deux escargots s’en vont
Ils ont la coquille noire
Du crêpe autour des cornes
Ils s’en vont dans le noir
Un très beau soir d’automne
Hélas quand ils arrivent
C’est déjà le printemps
Les feuilles qui étaient mortes
Sont toutes ressuscitées
Et les deux escargots
Sont très désappointés
Mais voilà le soleil
Le soleil qui leur dit
Prenez prenez la peine
La peine de vous asseoir
Prenez un verre de bière
Si le coeur vous en dit
Prenez si ça vous plaît
L’autocar pour Paris
Il partira ce soir
Vous verrez du pays
Mais ne prenez pas le deuil
C’est moi qui vous le dis
Ça noircit le blanc de l’oeil
Et puis ça enlaidit
Les histoires de cercueils
C’est triste et pas joli
Reprenez vos couleurs
Les couleurs de la vie
Alors toutes les bêtes
Les arbres et les plantes
Se mettent à chanter
A chanter à tue-tête
La vraie chanson vivante
La chanson de l’été
Et tout le monde de boire
Tout le monde de trinquer
C’est un très joli soir
Un joli soir d’été
Et les deux escargots
S’en retournent chez eux
Ils s’en vont très émus
Ils s’en vont très heureux
Comme ils ont beaucoup bu
Ils titubent un petit peu
Mais là-haut dans le ciel
La lune veille sur eux.
L’escargot est d’après le « Petit Robert » :
« un gastéropode pulmoné à cornes rétractiles hermaphrodites stylomatophore » !!!
Rien que ça !!! … à vos souhaits !!!
Dis Bernard, la limace aussi elle est hermaphrodite non ?
Vous imaginez vous, que les humains deviennent hermaphrodites ? !!! Quelle tristesse !!! …
Et notre ami Pierre Louki, n’a-t-il pas, lui aussi, écrit quelques vers sur l’escargot ? Tiens, voilà un premier petit texte qui s’appelle « vers bissextils » :
« Tiens, dit l’escargot au ver de terre, vous avez grandi…
– C’est exceptionnel, répond le ver. Cette année je suis bissextil. »
La limace
C’est vorace
C’est coriace
Mais aussi
C’est cocasse
Ca s’efface
Quand on passe
C’est poli
Ca vous trace
Des rosaces
Pleines de grâce
C’est joli
Quand ça chasse
Ca agace
La tignasse
Du persil
Puis tenace
Ca s’embrasse
Faut qu’tout s’fasse
C’est la vie
(Pierre Louki)
J’aime ce genre de texte construit uniquement sur des vers à trois pieds (genre « la marguerite » de Brassens)
Comme tu le dis, Nico, les limaces sont hermaphrodites, c’est-à-dire qu’elles sont à la fois mâles et femelles. Mais pas en même temps ! Les organes mâles sont d’abord activés, puis c’est au tour des organes femelles. Le déclenchement de ces deux phases de l’activité sexuelle est régulée par un système hormonal assez complexe. Donc, même si les limaces sont hermaphrodites, elles doivent forcément s’accoupler avec un partenaire et ne pourraient se féconder elles-mêmes. Quitte à faire, autant y prendre un peu de plaisir, non ?
A l’intention de Jules Renard (2ème commentaire) :
« Escargot » pas « Excargot » !
Ex-cargo ! Jules, tu nous mènes en bateau !
« Au contraire des escarbilles qui sont les hôtes des cendres chauds, les escargots aiment la terre humide. « Go on », ils avancent collés à elle de tout leur corps. Ils en emportent, ils en mangent, ils en excrémentent. Elle les traverse. Ils la traversent. C’est une interpénétration du meilleur goût parce que pour ainsi dire ton sur ton – avec un élément passif, un élément actif, le passif baignant à la fois et nourrissant l’actif – qui se déplace en même temps qu’il mange.
(Il y a autre chose à dire des escargots. D’abord leur propre humidité. Leur sang froid. Leur extensibilité.)
A remarquer d’ailleurs que l’on ne conçoit pas un escargot sorti de sa coquille et ne se mouvant pas. Dès qu’il repose, il rentre aussitôt au fond de lui-même. Au contraire sa pudeur l’oblige à se mouvoir dès qu’il montre sa nudité, qu’il livre sa forme vulnérable. Dès qu’il s’expose, il marche.
Pendant les époques sèches ils se retirent dans les fossés où il semble d’ailleurs que la présence de leur corps contribue à maintenir de l’humidité. Sans doute y voisinent-ils avec d’autres sortes de bêtes à sang froid, crapaud, grenouilles. Mais lorsqu’ils en sortent ce n’est pas du même pas. Ils ont plus de mérite à s’y rendre car beaucoup plus de peine à en sortir.
(…) C’est parfois une gêne d’emporter partout avec soi cette coquille mais ils ne s’en plaignent pas et finalement ils en sont bien contents. Il est précieux, où que l’on se trouve, de pouvoir rentrer chez soi et défier les importuns. Cela valait bien la peine.
Ils bavent d’orgueil de cette faculté, de cette commodité. « Comment se peut-il que je sois un être si sensible et si vulnérable, et à la fois si à l’abri des assauts des importuns, si possédant son bonheur et sa tranquillité. D’où ce merveilleux port de tête.
A la fois si collé au sol, si touchant et si lent, si progressif et si capable de me décoller du sol pour rentrer en moi-même et alors après moi le déluge, un coup de pied peut me faire rouler n’importe où. Je suis bien sûr de me rétablir sur pied et de recoller au sol où le sort m’aura relégué et d’y trouver ma pâture : la terre, le plus commun des aliments. »
Quel bonheur, quelle joie donc d’être un escargot. Mais cette bave d’orgueil ils en imposent la marque à tout ce qu’ils touchent. Un sillage argenté les suit. Et peut-être les signale au bec des volatiles qui en sont friands. Voilà le hic, la question, être ou ne pas être (des vaniteux), le danger.
Seul, évidemment l’escargot est bien seul. Il n’a pas beaucoup d’amis. Mais il n’en a pas besoin pour son bonheur. Il colle si bien à la nature, il en jouit si parfaitement de si près, il est l’ami du sol qu’il baise de tout son corps, et des feuilles, et du ciel vers quoi il lève si fièrement la tête, avec ses globes d’yeux si sensibles ; noblesse, lenteur, sagesse, orgueil, vanité, fierté.
(…) Rien n’est beau comme cette façon d’avancer si lente et si sûre et si discrète, au prix de quels efforts ce glissement parfait dont ils honorent la terre ! Tout comme un long navire, au sillage argenté. Cette façon de procéder est majestueuse, surtout si l’on tient compte encore une fois de cette vulnérabilité, de ces globes d’yeux si sensibles.
La colère des escargots est-elle perceptible ? Y en a-t-il des exemples ? Comme elle est sans aucun geste, sans doute se manifeste-t-elle seulement par une sécrétion de bave plus floculente et plus rapide. Cette bave d’orgueil. L’on voit ici que l’expression de leur colère est la même que celle de leur orgueil. Ainsi se rassurent-ils et en imposent-ils au monde d’une façon plus riche, argentée.
L’expression de leur colère, comme de leur orgueil, devient brillante en séchant. Mais aussi elle constitue leur trace et les désigne au ravisseur (au prédateur). De plus elle est éphémère et ne dure que jusqu’à laprochaine pluie.
Ainsi en est-il de tous ceux qui s’expriment d’une façon entièrement subjective sans repentir, et par traces seulement, sans souci de construire et de former leur expression comme une demeure solide, à plusieurs dimensions. Plus durable qu’eux-mêmes.
Mais sans doute eux, n’éprouvent-ils pas ce besoin. Ce sont plutôt des héros, c’est-à-dire des êtres dont l’existence même est oeuvre d’art, – que des artistes, c’est-à-dire des fabricants d’oeuvres d’art.
Mais c’est ici que je touche à l’un des points principaux de leur leçon, qui d’ailleurs ne leur est pas particulière mais qu’ils possèdent en commun avec tous les êtres à coquilles : cette coquille, partie de leur être, est en même temps oeuvre d’art, monument. Elle, demeure plus longtemps qu’eux.
Et voilà l’exemple qu’ils nous donnent. Saints, ils font oeuvre d’art de leur vie, – oeuvre d’art de leur perfectionnement. Leur sécrétion même se produit de telle manière qu’elle se met en forme. Rien d’extérieur à eux, à leur nécessité, à leur besoin n’est leur oeuvre. Rien de disproportionné – d’autre part – à leur être physique. Rien qui ne lui soit nécessaire, obligatoire.
Ainsi tracent-ils aux hommes leur devoir. Les grandes pensées viennent du coeur. Perfectionne-toi moralement et tu feras de beaux vers. La morale et la rhétorique se rejoignent dans l’ambition et le désir du sage.
Mais saints en quoi : en obéissant précisément à leur nature. Connais-toi donc d’abord toi-même. Et accepte-toi tel que tu es. En accord avec tes vices. En proportion avec ta mesure.
Mais quelle est la notion propre de l’homme : la parole et la morale. L’humanisme.
(Francis Ponge, Le parti pris des choses)
Plutôt tentant du coup cet hermaphrodisme-là… Un coup mâle, un coup femelle… Moi j’suis pour !
Sinon Nico… c’est toi qui a trouvé la plus belle poésie : “un gastéropode pulmoné à cornes rétractiles hermaphrodites stylomatophore” C’est joli ! En plus ça recrée presque le mouvement spiralaire de la coquille avec au fond de celle-ci ce drôle de mot « stylomatophore » (qui veut dire, comme chacun sait : « tellement fort qu’il peut écrire sur les tomates »)
Si vous avez vu le film « Microcosmos », je pense que – comme moi – vous ne pouvez plus voir un escargot sans penser à ces deux « stars » qui nous ont gratifié d’un des plus beau baiser du cinéma (toutes langues dehors !!!)
Dur dur après ce très beau texte de Francis Ponge de rajouter une nouvelle petite « ânerie » de Pierre Louki. Mais bon, essayons :
L’ESCARGOT ET L’ELEPHANT :
Certain soir de printemps, flânait un escargot
Une corne de gauche, une corne de droite,
Il allait gentiment, d’une démarche adroite,
Un pas sur la salade, un pas sur le haricot.
Dans le même jardin, trottait un éléphant.
Il cheminait parmis salsifis et tomates,
Posant de-ci de-là ses pattes sans épate,
Lâchant de petits pets comme font les enfants.
Or, et depuis toujours, l’escargot appréhende
Que l’éléphant s’en vienne piétiner ses plates-bandes.
– Je suis ici chez moi, cria-t-il. Le sais-tu ?
L’éléphant étranger ne faisait pas de phrases,
Il ne savait qu’un mot, un simple mot. – Ecrase !
Dit-il à l’escargot. Et l’escargot se tut.
Trop fort l’ami Louki : une ode à la limace ! Merci pour elle.
Encore plus fort : un sonnet classique sur l’éléphant qui pète (avec un echute à 2 balles), fallait oser (ou vraiment s’ennuyer) !!!
En réponse à Louki :
« Ecraser l’escargot
N’arrangerait rien. »
(Eugène Guillevic, Du domaine)
Etonnant tous ces textes et poèmes sur l’escargot alors que la limace, si l’on excepte le texte de Louki, n’a pas autant d’honneur.
Pourtant, quand on y regarde de plus près, il n’y a pas de différence fondamentale entre un escargot et une limace. Si ? Ah bon, j’ai fait une coquille … !
Et si on faisait un petit détour par le Japon… et ses haïkus ? Ca vous dit ?
L’escargot n’accorde
Pas un regard
A l’oeillet
(Issa)
***
L’escargot
Levant la tête
C’est moi tout craché
(Shiki)
***
Escargot
A quoi penses-tu
Avec ta corne plus longue que l’autre
(Buson)
***
A deux, avec le rosignol
Puisque je m’en vais, garde lamaison
Escargot
(Issa)
***
Lune du soir
Il s’est mis torse nu
L’escargot
(Issa)
***
Escargot, tout doucement
Escalade
le Mont Fuji
(Issa)
***
Escargot
Regarde donc
Ton ombre
(Issa)
Tiens, du coup je vais en rajouter un (magnifique) dans le précédent article sur les papillons.
De quand date le texte de Louki ? N’aurait-il pas été inspiré par Queneau qui publiait en 1968, dans « Battre la campagne » :
LA LIMACE
Limace pure et sans tache
dont la bave trace dans le dédale des bourraches
son espace tout en surface
limace vorace dont la fringale
ravage la salade automnale
limace âme sagace
semblable aux sargasses humaines
limace brave qui perpétue ta race
vivace malgré la haine du campagnard
limace trisyllabe limace méconnue
il faut te donner un peu d’affection
pour que tu continues paisiblement ton chemin
et que sur ta face s’efface la trace de ton angoisse
et celle de ta bave aussi
sur les soucis
… Ce serait de bonne guerre, Queneau ne se serait-il pas inspiré lui-même de Victor Hugo (il suffit de transposer l’idée de l’araignée à la limace) :
J’aime l’araignée et j’aime l’ortie,
Parce qu’on les hait ;
Et que rien n’exauce et que tout châtie
Leur morne souhait ;
Parce qu’elles sont maudites, chétives,
Noirs être rampants ;
Parce qu’elles sont les tristes captives
de leur guet-apens ;
Parce qu’elles sont prises dans leur oeuvre ;
Ô sort ! fatals noeuds !
Parce que l’ortie est une couleuvre,
L’araignée un gueux ;
Parce qu’elles ont l’ombre des ab^^imes,
Parce qu’on les fuit,
Parce qu’elles sont toutes deux victimes
De la sombre nuit…
Passants, faites grâce à laplante obscure,
Au pauvre animal
Plaignez la laideur, plaignez la piqûre,
Oh ! plaignez le mal !
Il n’est rien qui n’ait sa mélancolie ;
Tout veut un baiser.
Dans leur fauve horreur, pour peu qu’on oublie
De les écraser,
Pour peu qu’on leur jette un oeil moin superbe,
Tout bas, loin du jour,
La vilaine bête et la mauvaise herbe
Murmurent : Amour !
(Les Contemplations, 1842)
« La coque de l’escargot roule sur les vagues de son corps qui déambule comme un bateau sur l’eau – souvenir ancestral qui se répète dans les gestes de celui qui fut, dans le lointain passé, un animal marin. Se basant sur ce « principe » dans son essence, ne peut-on pas se demander si la manière de bercer l’enfant n’influerait pas par hasard sur sa démarche d’adulte ?… »
(Malcolm de Chazal, Sens Plastique)
Eh non, Vincent, c’est l’inverse ! S’il y en a un qui s’est inspiré de l’autre, c’est bien Queneau qui a dû se remémorer ce texte de Louki paru six ans plus tôt. Louki a d’abord chanté ce texte sur un disque paru en 1962. Le texte est ensuite reparu sous forme écrite dans « âneries » publié en 1998 aux éditions Pirot.
Allez, une toute dernière petite « ânerie » de Pierre Louki, ça s’appelle « Rattrapez-le ! » :
– Rattrapez-le, rattrapez-le, rattrapez-le ! qu’ils criaient les gens. Et l’escargot fuyait ventre à terre.
– J’ai quatorze centimètres d’avance, pensait-il. Si je commets la moindre erreur, je suis cuit !
Il prit le virage à la corde en suivant le trottoir. Il y eut comme un nuage de poussière mais sans poussière à cause de la pluie. La pluie à cause de l’escargot pour faire vraisemblable.
– Encore trois kilomètres cinq cents et je suis sauvé, murmura l’escargot qui ne désespérait pas facilement.
– Rattrapez-le, rattrapez-le ! criaient les gens en tête desquels courait un énorme bonhomme qui devait bien chausser du 54.
– Ils arrivent sur moi. Plus que deux centimètres, constata l’escargot dans sa corne rétroviseur, ça va se jouer serré !
Le ciel se couvrit d’un seul coup.
– Rattrapez-le, rattrapez-le !
Il y eut comme un coup de tonnerre. Cracc !
– Je l’ai échappé belle, expira l’escargot.
Et, à l’instant même, commença la troisième guerre mondiale.
Cet article me rappelle soudain un mauvais épisode de ma vie. J’ai en effet passé un an et demi de ma vie à étudier l’escargot, lors d’un DEA puis d’un début de thèse que j’ai vite arrêtée, à peine commencée.
J’ai castré des escargots, disséqué en long, en large et en travers des prostates et des glandes à albumens qui n’avaient plus de secret pour moi sous le microscope.
Il ne reste rien de tout ça si ce n’est une certitude : les escargots, je les préfère en poésie !
Une poésie sur les glandes à albumen des gastéropodes disséqués… c’est vrai que ça va être dur à trouver !
Chanson des escagots qui vont à l’enterrement
A l’enterrement d’une feuille morte
Deux escargots s’en vont
Ils ont la coquille noire
Du crepe autour des cornes
Ils s’en vont dans le soir
Un trés beau soir d’automne
Hélas quand ils arrivent
C’est deja le printemps
Les feuilles qui étaient mortes
Sont toutes ressuscitées
Et les deux escargots
Sont trés desappointés
Mais voila le soleil
Le soleil qui leur dit
Prenez prenez la peine
La peine de vous asseoir
Prenez un verre de bière
Si le coeur vous en dit
Prenez si ca vous plait
L’autocar pour paris
Il partira ce soir
Vous verrez du pays
Mais ne prenez pas le deuil
C’est moi qui vous le dit
Ca noircit le blanc de l’oeil
Et puis ca enlaidit
Les histoires de cercueils
C’est triste et pas joli
Reprenez vos couleurs
Les couleurs de la vie
Alors toutes le betes
Les arbres et les plantes
Se mettent a chanter
A chanter a tue tete
La vrai chanson vivante
La chanson de l’été
Et tout le monde de boire
Tout le monde de trinquer
C’est un trés joli soir
Un joli soir d’été
Et les deux escargots
S’en retournent chez eux
Ils s’en vont trés émus
Ils s’en vont trés heureux
Comme ils ont beaucoup bu
Ils titubent un pti peu
Mais la haut dans le ciel
La lune veille sur eux
Jacques Prevert
« Près de moi deux escargots s’accouplent. S’accouplent : mot qui ne dit rien, n’image rien quand il s’agit d’amours gastéropodes. Car ces deux Escargots ne sont pas, comme les hominiens, accolés l’un à l’autre ou sous l’autre, ils sont lovés, spiralés, imbriqués en eux-mêmes en un muscle unifié, nimbé d’écume blanche.
Oui, lovés, spiralés, imbriqués, soudés, unifiés en eux-mêmes puisque les Escargots sont des mollusques hermaphrodites. Chacun s’unit à l’autre en tant que mâle et que femelle, pénétrant pénétrée, un absolu coït. Je regarde l’immobile élan de leur étreinte, l’intensité de la double accolade, la spirale musclée où les sexes s’immiscent. Plénitude de l’union totale, sinon pourquoi durerait-elle des jours entiers, cette étreinte, au point qu’ils ne parviennent à se désimbriquer qu’au prix d’un difficile arrachement, chacun portant en lui le sperme et la ponte de l’autre, père et mère à la fois, progéniteur progénité, engrosseur engrossé ? ici, plus de combats, plus de rivalités entre des sexes hostiles (et s’affrontant toujours dans l’impossible rêve d’être l’autre avec l’autre), mais la mixtion des sexes mixtes, la double identité de l’Unique en soi-même, le délice du soi au calice du toi, l’amour hermaphrodite…
Je m’approche, je touche les corps enrubannés d’écume, je hume avec les senteurs de la pluie l’odeur primale du coït, le remugle des émois doubles, le cherche en vain, au fil des soles soudées, l’impossible lisière où les sexes diffèrent. leurs rêves aussi doivent être soudés l’un à l’autre et leurs mots – s’ils en ont – des mots au sexe double, des mots hermaphrodites. Non, ils/elles, elles/ils n’ont pu me parler. Les Escargots ne parlent pas, surtout pendant l’amour. Et puis, pour exprimer ce qu’ils/elles, ce qu’elles/ils me disent, il me faudrait des mots non hominiens, ni masculins ni féminins, des mots… Non, ils/elles elles/ils n’ont pu me parler, ce doit être la pluie et les gouttes ruisselant une à une sur les feuilles qui égrenaient ce que je crus entendre, ce double murmure qui disait…
…moitoi… toimoi… jetu… tuje… tututuje… moimoimoitu…. toitoitoije…. jejejejenous… nousnousnousje…
Ainsi chantait la pluie. Ainsi chantait la terre. Alors, je les laissai à leurs noces d’écume et partis, tout heureux du beau chant d’hyménée que j’avais cru entendre. La pluie avait cessé. Le soleil revenait dans le ciel. Non, je me trompe : le pluie avait cessé. La soleil revenait dans la ciel… »
(Jacques Lacarrière, Le pays sous l’écorce, 1980)
C’EST FOU CE QUE L’ESCARGOT VOUS INSPIRE !!!
Son hermaphrodisme légendaire en intrigue plus d’un… mais ça n’est pas aussi évident que vous le dîtes.
On a observé que dans les accouplements il n’y avait pas échange automatique de sperme ; autrement dit il y a des spécialistes du don de sperme et des animaux plutôt récepteurs de sperme… et cela semble dépendre du partenaire.
Pour les avoir un peu fréquentés je peux vous dire que les Escargots Petits-gris s’accouplent tête-bêche, côté gauche contre côté gauche, alors que les Escargots de Bourgogne se redressent, sole contre sole et se contorsionnent pour copuler… certaines Limaces s’accouplent même la tête en bas, collées à une tige ou à une pierre !!!
STYLOMMATOPHORE : ça veut dire que les yeux sont placés à l’extrémité des tentacules (escargots, limaces), par opposition à BASOMMATOPHORE où les yeux sont situés à la base (exemple : la Limnée, cet escargot d’eau douce qui peut vous nettoyer les parois d’un aquarium en 30 secondes…)
Pour ceux qui ont fantasmé sur l’escargot voici un autre exemple d’hermaphrodisme saisonnier : c’est un Mollusque -très connu des gastronomes- qui est 6 mois mâle/6 mois femelle : il q’l’huître…. mais il n’y a jamais d’accouplement… puisque les produits génitaux sont libérés dans l’eau de mer lors d’un vulgaire BAILLEMENT !!!
Bernard qui a tout oublié des prostates et des glandes à albumen de l’escargot… m’a rendu amnésique. (Mes 15 ans de recherches sur le cerveau d’escargot sont passés aux oubliettes).