26 réflexions au sujet de “Blog en congés (3)”

  1. LE GOELAND

    Dans le sans-fin
    Tu habites
    Tu le sillonnes.

    Tu y dessines
    des volutes.

    *

    De ces lignes que tu écris
    Sur le ciel gris ou bleu
    Je cherche à forger le sens

    Avec et parmi
    Tout l’entourage.

    *

    Au fait,
    T’aurai-je vu un jour,
    Ou peut-être un soir,
    debout sur une roche,

    Eclairant l’horizon ?

    *

    Tu épouses le sable des plages,
    Tu y laisses des traces,
    Tu reviens.

    *

    Tu voles
    Avec sur tes pattes
    Du sable

    Qui tombe dans la mer
    Grain par grain.

    *

    Tu aimes donc
    Tellement ce bleu d’ici

    Que toujours tu reviens
    Dans ses parages ?

    *

    Il y a des continents
    Et pour toi ce ne sont
    Que des bords de mer

    Avec du sable
    Où poser tes pieds.

    *

    Dans cette étendue
    Tu n’es qu’un point,

    Mais tu te crois
    Plus grand que tout ça.

    *

    Tu situes le centre
    Dans ta gorge

    Qui te sert
    A te plaindre.

    *

    Quand t’entendent
    Les gens d’en bas

    Ils ont plutôt
    Pitié de toi.

    *

    Je t’ai vu goéland
    Vouloir être le roi
    Et crier comme on tremble.

    *

    Jamais tu ne te poses
    Sur un arbre
    Ou sur un toit.

    Il te faut l’eau
    Ou le rocher.

    *

    Dans tes moments
    De plus grand vol

    L’horizon
    Vole avec toi.

    *

    Vole aussi
    Pour moi.

    Vole
    Avec moi.

    *

    Tu donnes toujours
    Envie de partir

    Et peur
    De ne pas revenir.

    *

    J’aimerais te voir
    De tout près en train
    D’arranger une proie.

    *

    Regardes-tu parfois
    Se dessiner ton ombre

    Sur le sable
    Ou sur l’eau ?

    Vas-tu te reconnaître,
    T’étonner ?

    Même question quant à l’image
    Que tu as vue peut-être
    De toi dans une eau calme
    Entre deux vagues ?

    *

    Pourquoi toujours tourner
    Autour des mêmes lieux ?

    Pourquoi ne pas partir
    Un jour tout droit,
    Au loin ?

    *

    La mer te nourrit
    Qui ne te doit rien,

    Que même tu ne guéris pas
    De ses démangeaisons

    Comme font certains oiseaux
    Sur de grands quadrupèdes.

    *

    Viens donc une fois
    Manger dans ma main
    Un éperlan !

    Je te regarderai,
    C’est tout.

    Je ne te retiendrai
    Certainement pas.

    *

    Je te promets même
    De ne pas te caresser les plumes

    A moins que tu ne le demandes
    Par cet oeil que j’imagine.

    *

    Je ne sais pas
    Quels sont les rapports
    Entre toi et les mouettes.

    *

    Pour moi
    Tu es plus doux que les mouettes,

    Un peu plus étranger
    A notre monde,

    Plus rattaché
    Aux origines.

    *

    Et dire
    Que sûrement tu n’apprécie pas
    Ton pouvoir de voler,

    De télever à la verticale
    Ou presque et d’aller
    Puis de redescendre,

    De te sentir
    Sur tous les points du corps
    Caressé par l’air.

    (Eugène Guillevic, ENCOCHES, 1993)

  2. « Nous sommes libres d’aller où bon nous semble et d’être ce que nous sommes »

    Richard Bach. Jonathan Livingston le Goéland (1970)

  3. Tu avais vu le film « Jonathan Linvingston le Goéland » ? Je me souviens qu’à l’époque, il m’avait marqué… Je dois même avoir quelque part la cassette.

  4. Quand tu dis « tu », je ne suis pas sûre de savoir à qui tu (Vincent) t’adresses. Comme ton commentaire se rapporte à mon ramage, je vais y répondre : Non, je n’ai, hélas, pas vu ce film, mais je me demande si je n’ai pas le bouquin. (eh oui, j’ai, comme ça, des bouquins que je n’ai pas encore lus)

  5. Oui, j’ai la même impression. Et ce mode de communication me surprend encore.
    Comme une presque intimité ( à deux, c’est forcément intime, non ?) mais publique en même temps.
    S’adresser directement à l’autre (tu as remarqué qu’on se tutoyait avant de se connaître ?), tout en sachant que d’autres liront.

  6. Typiquement « moderne » en quelque sorte : tout autant virtuel que briseur de frontières (…entre sphères privée et publique en l’occurence).

  7. Il semblerait que les anglo-saxons ne fassent pas la différence entre Mouettes et Goëlands puisque mon dictionnaire traduits les deux mots par « Seagull ». Etrange !

    J’aime bien « Seagull », j’y entends comme « Gueule de mer »… mais « Go ! – élan ! » n’est pas mal non plus, à bien y regarder !

  8. Tu as encore raison, Vincent (ça va finir par me faire te soupçonner de vérifier tes dires avant de laisser des commentaires sur ce blog !). La distinction entre Goéland et Mouette est particulière à la langue française. D’un point de vue taxinomique (ou taxonomique), c’est à dire la partie de la biologie visant à établir classification systématique des êtres vivant, les Goéland et les Mouettes font tous deux partie de l’ordre des Charadriiformes et de la famille des Laridés.
    Et pour compléter les commentaires sur les Martinets, sais-tu que la famille à laquelle ils appartiennent est la famille des Apodidés ?

  9. Salut tous les deux, j’espère que vous ne m’en voudrez pas de m’incruster dans votre intimité ! Mais mon chef est parti en vacances alors je m’ennuie au bureau…
    C’était juste pour dire qu’en anglais, comme pour les laridés, les chouettes et les hiboux ne font qu’un (je crois que c’est awl, mais alors je ne suis pas sûre du tout il va falloir que je vérifie tout ça) ; à mon avis, ça évite pas mal de confusions pour les néophytes, du genre « le papa hibou et la maman chouette »!
    Tiens, et pendant qu’on y est, crapaud et grenouille ?

  10. En effet, en anglais, Chouettes et Hiboux, qui font partie de l’ordre des Strigiformes et de la famille des Strigidés, s’appellent tous Owl.
    Mais pour ce qui est d’éviter la confusion chez les néophytes, ça ne marche pas à tous les coups puisque l’Effraie des clochers s’appelle Barn Owl … alors qu’elle appartient à la famille des Tytonidés.
    Il est vrai qu’en français, on l’appelait Chouette effraie il y a encore peu de temps.

    Tout cela paraît bien compliqué mais loin de moi, l’idée de décourager les débutants.

    Il faut savoir que la classification des oiseaux est « mouvante ».
    En 1990, C. G. Sibley et B.L. Monroe ont publié une liste mondiale des oiseaux qui était une authentique révolution, alors que jusque là, les divergences portaient surtout sur l’organisation de familles au sein des ordres ou sur l’appartenance de telle espèce à une sous-famille plutôt qu’à une famille.
    Depuis quelques années, on utilise comme critère de spéciation le séquençage d’une partie de l’ADN mitochondrial (choisi pour sa stabilité au cours de l’évolution, son taux de mutation étant particulièrement faible).
    Mais la systématique traditionnelle a encore de beaux jours devant elle. Son respect est très ancré chez les ornithologues et dans les ouvrages.
    En 2004, la décision a été prise de modifier la position systématique d’un groupe important, les Galloanserae (Canards et Faisans). Il s’agirait d’une concession à l’école moderniste.

  11. D’après mon dico,
    crapaud = toad,
    grenouille = frog…
    Incroyable, les saxons seraient donc parfois capables de distinguer des espèces proches !!!

    Pendant qu’on y est…
    Hirondelle = swallow… qui signifie aussi « avaler » (sans doute en référence à la quantité de moustiques ingurgitée)
    Martinet = swift… ce qui est tout aussi bien vu, car c’est non seulement le bruit que fait cet oiseau lorsqu’il passe à toute vitesse au dessus de nos têtes (comme celui du martinet de notre enfance lorsqu’il passait tout près de nos fesses) mais aussi celui d’un écrivain irlandais à l’humour tout aussi cinglant (auteur entre autres du Voyage de Gulliver en 1726)… dont la seule faute de goût est peut-être de porter un prénom de Goéland (à moins que ce ne soit une délicatesse pour indiquer qu’on n’a pas oublié le sujet lancé par Bernard au départ)

  12. J’aime beaucoup les directions multiples que prennent les commentaires. Je ne dirai pas qu’ils tournent en rond, c’est péjoratif, mais, plutôt, qu’ils dessinent des volutes, qu’ils se croisent et se recroisent sans cesse.
    Comme s’ils avaient une vie propre.

  13. J’arrive juste de Bretagne, les goélands m’ont laissé repartir, peut-être en avaient-ils marre de me voir, les jumelles au cou, en train de les observer.

    Justement, à propos des goélands, je ne sais pas de quel oiseau a voulu parler Eugène Guillevic dans son beau poème (premier commentaire), mais à priori, il ne s’agit pas de goéland. Les premiers vers « dans le sans-fin, tu habites, tu le sillonnes » parlent d’un oiseau de haute-mer. Or, le goéland n’est pas à proprement parler un oiseau marin mais plutôt un oiseau du littoral. Il s’aventure peu en pleine mer (il y a quelques jours, j’en ai vu quelques-uns évoluer au large entre le continent et Ouessant alors que je faisais la traversée en bateau, mais je n’en ai vu que quelques-uns seulement, ils ne semblent pas vraiment téméraires pour s’aventurer plus que ça en pleine mer).

    Idem pour la phrase « il y a des continents et pour toi ce ne sont que des bords de mer ». Au contraire, les goélands colonisent de plus en plus le continent et il y a plusieurs centaines de couples qui nichent actuellement dans les villes françaises (le Monde a consacré un article à ce phénomène récent, il y a quelques semaines). D’ailleurs le succès de la reproduction du goéland argenté est quatre fois plus élevé sur le continent qu’en bord de mer, ce qui laisse présager une véritable colonisation de l’intérieur des terres dans les temps à venir.

    Autre phrase à problème : « Jamais tu ne te poses sur un arbre ou sur un toit ». Au contraire, je signale que les toits du bord de mer, y compris dans les villes, sont salis par les fientes des goélands et bon nombre d’habitants s’en plaignent. Par ailleurs, les goélands, du haut des toits, harcèlent par leurs cris, ceux qui ont la mauvaise idée de faire la grasse matinée. J’ai une amie, Maryse, qui pourrait en parler en connaissance de cause … !

    Quant à la phrase « t’élever à la verticale », elle montre clairement que le texte ne s’adresse pas au goéland, qui est plutôt un oiseaux trop peu agile pour se permettre ce genre de prouesses.

    Alors, de quel oiseau parle le poème ? Mystère ! Reste évidemment que le poème est très beau et mes remarques n’enlèvent rien à sa qualité.

  14. J’aime beaucoup ce qu’a écrit Anne sur les directions multiples que prennent les commentaires de ce blog. Ils me donnent aussi cette impression de dessiner des volutes se croisant et se recroisant sans cesse.
    Il fallait bien qu’il y ait une fumeuse parmi nous pour pouvoir l’expliquer d’une façon aussi imagée.

  15. Heu… Ben pour moi, tes remarques si, elles enlèvent de la qualité au poème… ou en tout cas de la confiance que je pouvais porter peut-être de façon trop inconditionnelle à son auteur. On est en effet en droit d’attendre de ses poèmes qu’ils nous aident à mieux voir le vaste et mystérieux « Réel »… pas nous ouvrir seulement sur la seule imagination d’un charmant « faiseur ».

    Pour info, Guillevic a publié son premier recueil « Terraqué » en 1942, année où de son côté Ponge sortait son « Parti pris des choses ». Ils font en quelque sorte parti, avec peut-être des poètes comme Roger Caillois qui publia quelques années plus tard son incroyable recueil sur les minéraux (« Pierres »), d’un groupe de poètes qui régénéra la poésie (dominée à cette époque par le surréalisme) en ayant implicitement pour mot d’ordre ces vers de Rimbaud : « Si nous avons du goût ce n’est guère / Que pour la terre et les pierres. »). Qu’il soit ici surpris en flagrant délit de « verbiage » n’est à mon sens pas anodin !!! Mais je l’apprécie assez par ailleurs pour lui pardonner (seulement je serai désormais plus méfiant)

  16. Je réitère ce que j’ai dit : ça n’enlève rien à la beauté du poème. Il a dû y avoir confusion avec une autre espèce, ça arrive souvent. La plupart des goélands qui écument les plages sont appelés mouettes par les touristes et même par les locaux. Guillevic a forcément observé l’oiseau avant d’écrire son poème (à moins que, évidemment, il ne l’ait que peu observé et que l’imagination du poète ait fait le reste… ce ne serait pas anormal, n’est-ce pas le rôle du poète que de transcender la réalité ?).
    Il y a quand même beaucoup d’oiseaux de haute mer qui correspondent à la description qu’en fait Guillevic (Fous, pétrels, …), sauf peut-être le fait de monter presque à la verticale qui me semble très très exagéré. Donc, excepté le nom de l’oiseau, le poème reste largement plausible.

  17. C’est quoi votre oiseau marin préféré ? Moi, comme ça, du tac au tac, je réponds : la sterne arctique (si c’est bien elle qui migre d’un pôle à l’autre) !

  18. Moi aussi, mes oiseaux marins préférés sont les sternes, pas forcément l’arctique que je connais assez bien pour l’avoir observée au nid ce printemps à Texel, mais toutes les sternes. J’aime leur grâce, leur vol saccadé et même leurs cris percants qui n’ont pourtant rien d’harmonieux. En écrivant ces lignes, je me rends compte que si j’aime autant la sterne, que l’on appelle aussi « hirondelle de mer », c’est peut-être aussi parce que mon oiseau terrestre préféré est l’hirondelle de fenêtre. Finalement, la sterne est, d’une certaine manière, la version marine de cette hirondelle terrestre que j’aime tant.

  19. Je rajouterai que les oiseaux marins qui m’impressionnent le plus sont ceux qui ne sont marins que très occasionnellement et qui survivent dans des conditions que je n’arrive même pas à imaginer.
    Je veux parler de ces petits passereaux américains qui, pour passer de l’Amérique du Nord à l’Amérique du Sud, coupent à travers la mer des Antilles, sont parfois violemment rejetés du côté de l’Europe par des tempêtes, meurent la plupart du temps en route, épuisés, mais dont certains, on ne sait pas trop par quel miracle, se retrouvent vivants par exemple sur l’île d’Ouessant en Bretagne. Comment est-ce possible pour un oiseau qui ne fait que 10 grammes et dont l’anatomie ne prédispose pas à devenir marin … Mystère ! Aussi fascinant en tout cas que la sterne arctique dont parle Vincent et qui est aussi, de par son comportement, l’une des pures merveilles de la nature !

  20. Moi aussi j’aime beaucoup les sternes. Avec une petite préférence pour la caugek dont la calotte toute décoiffée casse un peu l’image si élégante.
    Ce que j’aime chez la sterne arctique, c’est le plaisir de la trouver au milieu de dizaines de pierregarin .
    Mais je crois que mon oiseau marin préféré est le fou de Bassan, dont les traits de la tête semble dessinés.. à la plume. (je n’ai pas réussi à trouver d’où lui venait son nom, il existe bien un peintre italien du XVIe qu’on appelait Bassan, sinon un village de l’Hérault, mais cela me paraît encore plus improbable).

  21. Plus sérieusement, le Fou de Bassan doit son nom à l’îlot Bass Rock, en Écosse. Cet îlot est le lieu d’origine du spécimen type du fou de Bassan (Morus bassanus, en latin), où se trouvait une colonie importante de ces oiseaux au XVIIIe siècle. Ce nom d’espèce a été proposé par Carl von Linné en 1758.

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