Il y a trois jours, un article du Monde m’a fait sauter au plafond. Il était consacré à la revente des cadeaux de Noël qui se généralise, notamment sur les sites Priceminster et eBay. Il semblerait que 39% des internautes trouvent que l’idée a du bon et envisagent d’avoir bientôt recours à cette pratique.
Aujourd’hui, je ne saute pas au plafond, je le traverse littéralement. Je viens de recevoir un mail d’Amazon intitulé « vos cadeaux peuvent vous rapporter gros » et qui commence ainsi : « Cher Amazonaute, même le père Noël peut se tromper de cheminée… Ne stockez pas : vendez vos cadeaux sur Amazon.fr. Simple et rapide, la mise en vente est gratuite ! ».
La société de consommation dans sa forme la plus caricaturale ! L’argent est devenu la seule valeur reconnue. Notre société a-t-elle perdu tout sens du Sacré pour en arriver à considérer comme normal de monnayer les cadeaux de ses amis ?
En même temps, qui se sent obligé d’offrir quelque chose à Noël et qui en plus se gourre dans le choix du cadeau mérite-t-il d’être considéré « ami » ?
N’est-il pas finalement plaisant de pouvoir désormais se venger (de la déception qu’il nous procure ?) en renvoyant symboliquement chez lui (dans la vile sphère marchande) celui qui a cru « acheter » notre amitié ?
La logique économique tend à tout transformer en marchandise. Et c’est dans ses excès même qu’elle finit par faire naître en retour une réaction de défense qui s’oppose à elle, lorsque chacun se rend compte qu’elle envahit des domaines où elle n’a pas lieu d’être.
Une partie des combats actuels et à venir n’est-elle pas justement la définition des limites à l’intérieur desquelles la cantonner ?
Ce qui se passe notamment en matière de musique aujourd’hui ne me semble à cet égard pas anodin : les majors gagneront-ils contre ceux qui souhaiteraient extraire la musique de la sphère marchande ?
Hé Humeur Badine, on saura qu’il ne faut pas t’offrir de cadeaux !
En tout cas pas le jour de Noël… mais ça laisse encore 364 autres possibilités !
Je ne sais pas trop quoi penser de cette histoire de cadeaux de Noël. Comme Humeur badine, je n’y attache pas trop d’importance. Le côté hyper commercial de cette fête m’est assez insupportable.
Depuis plusieurs années, à la maison, on fait un réveillon de Noël un peu particulier, en invitant les copains qui ne vont pas dans leur famille le soir de Noël. Comme on avait envie qu’il y ait quand-même des petits cadeaux symboliques et qu’on est nombreux (23 cette année), chacun amène un cadeau qui ne doit pas dépasser 5 euros et on tire au sort qui emporte quoi. On doit donc trouver quelque chose qui convienne aussi bien à un garçon de 17 ans qu’à une femme de 50 ans !
C’est vrai que, du coup, ce ne sont pas des cadeaux personnalisés. Je me demande si ça n’est pas pour compenser ça que les mômes (je dis toujours mômes, mais ils ont entre 17 et 24 ans) nous ont préparé un petit sketch qui nous a fait mourir de rire. Ils avaient fait une « Hécatombola » qui servait de prétexte à distribuer un cadeau pour chacun, avec une description forcément fausse de ce que contenait le paquet, mais, pour le coup, très personnalisée.
Je ne pense pas qu’il s’agisse de dénoncer le côté hypercommercial des cadeaux de Noël, ce côté commercial n’est pas plus choquant que ça à y regarder de près. Je crois par contre que la plupart des gens sont prêts à revendre tous leurs cadeaux, pas seulement ceux de Noël, leurs cadeaux en général, et que celà me semble être beaucoup plus pathologique. Pour résumer, l’individu me semble être bien plus malade que la société elle-même !
C’est curieux ton histoire d’individus plus malades que la société. Ce serait un peu comme si tu disais ce n’est pas moi qui suis malade, ce sont mes poumons, ou mes reins…
Je pensais bien que ce qui te choquait dans cette histoire, c’était le simple fait de revendre un cadeau, quel qu’il soit.
Je n’attache pas la même valeur à un cadeau selon qui me l’a offert et dans quelles circonstances. Il m’est déjà arrivé de donner un cadeau qu’on m’avait offert, parce que je savais que le plaisir de la personne la personne à qui je le ré-offrais serait bien plus grand que le mien. Et puis, dans un cadeau, tout le monde sait que le plaisir est souvent au moins aussi grand pour celui qui offre.
Mais jamais, au grand jamais, je ne vendrai un cadeau. Ce serait le rabaisser à sa seule valeur marchande, en gommant sa valeur affective (ou sociale).
Je pense néanmoins que ces considérations sont très liées à notre culture. Je me souviens que quand nous préparions la Fête du Don, j’avais lu que dans je ne sais plus quelle peuplade (il me semble en Nouvelle Zélande) pour qu’un don soit un don, il fallait que celui qui donne accepte que celui qui reçoit ait le droit de faire absolument ce qu’il voulait de l’objet reçu, y compris le redonner et même le casser. On ne parlait pas de le revendre… mais il s’agissait d’une société sans argent.
Oui, tu avais bien compris au départ, c’est bien l’idée de revendre un cadeau, quelqu’il soit, qui me choque. Enfin, je relativise un peu car c’est plutôt le fait que cela devienne une pratique générale et organisée qui m’exaspère, et surtout le fait que cela prenne actuellement de telles proportions, devienne en quelque sorte un véritable fait de société. Et évidemment surtout le fait que l’argent ne soit plus que la seule valeur valable dans notre société.
Ce que je sous-entendais dans mon commentaire ci-dessus (et je m’aperçois que je me suis mal expliqué), c’est que notre société n’est pas responsable de tout. On peut évoluer dans cette société de consommation, ce que nous faisons chacun d’entre nous, mais en gardant ses propres valeurs et sans descendre en-dessous d’un certain seuil. Le fait de monnayer des choses qui viennent d’amis, c’est à dire n’accorder aux dons aucune valeur sentimentale ou symbolique, est, à mon avis, le fait de gens qui sont dans la négation la plus complète, non seulement la négation des valeurs qui auraient pu les habiter, mais aussi quelque part la négation d’eux-mêmes. Oui, ces gens-là me semblent bien atteints, pour ne pas dire malades.
Comme vous le voyez, le virus du net a encore frappé … je devrais être en train de travailler, mais bon. Moi ça ne me choque pas tellement cette idée de se débarrasser des cadeaux « intutiles »; mais au lieu de les vendre, on peut les donner, et on n’a pas forcément besoin du net pour faire ce qu’on a à faire.
Pour moi, il y a des choses utiles on non dont j’aurais du mal à me débarrasser justement parce qu’elles ont une valeur sentimentale, qu’elles me rappellent quelque chose ou quelqu’un, un instant, etc.
Mais je me souviens d’amis qui avaient vendu à la salle des ventes tout ce qu’ils possédaient parce qu’ils voulaient faire une retraite de trois ans chez les bouddhistes. Et ça m’avait fait hurler de rire de voir la tête du commissaire priseur qui ne comprenait vraiement pas pourquoi ils voulaient tout vendre, du service de table à … la bague de fiançailles!
Les bouddhistes pensent que le monde n’est qu’illusion; tout ce qui s’y agite s’appelle « samsara » et n’est que pur produit de notre espprit. La sagesse consiste à se débarrasser de ces illusions.
je ne sais pas, mais moi ça me fait beaucoup de bien de penser qu’il y a du vrai là-dedans…
Joli pseudo : « Brin’dpaille !
Je pense aussi qu’il y a beaucoup d’illusion dans ce monde, peut-être plus aujourd’hui encore qu’autrefois car nous sommes en plein dans la société de consommation. Cette illusion, on la retrouve à plusieurs niveaux. D’abord, dans l’illusion de la possession. Posséder des biens matériels n’amène finalement qu’une satisfaction toute relative. Il y a des gens riches qui crèvent de solitude et de pauvres gens qui sont heureux que la vie leur apporte le peu qu’ils ont.
Mais l’illusion, on la retrouve aussi dans la manière de fonctionner de notre société. Il nous faudrait prendre de la distance avec ce monde où tant de choses sont artificielles.
La première étape de la sagesse est peut-être de regarder ce monde d’un regard amusé, un peu comme on regarde une pièce de théâtre, avec ses figurants, ses personnages en carton-pâte qui se donnent de l’importance, où chacun joue un rôle… J’en suis à peu près-là dans mon évolution personnelle.
La deuxième étape est peut-être de se désintéresser de tout ça et de se recentrer sur ce qui nous semble absolument essentiel. Les amis boudhistes dont tu parles en sont probablement à ce stade car j’imagine que leur parcours personnel, qui leur a fait prendre de la distance par rapport aux biens matériels, les a fait prendre également de la distance par rapport à notre société en général. Je n’en suis pas encore là.
Je pense que la recherche d’une vie recentrée sur des valeurs qui nous semblent fondamentales est indépendante du fait que l’on soit chrétien ou boudhiste ou d’une autre religion (même s’il est vrai que le boudhisme est incontestablement la religion qui se rapproche le plus de cette vision de la vie). Rechercher la spiritualité qui est en soi et pouvoir s’affranchir en même temps de toutes les religions, n’est-ce pas là l’ultime étape de la sagesse ?
Cher Bernard, tu es sur la voie de la sagesse plus que tu ne crois. Tu dis que tu regardes le monde d’un œil amusé, figures-toi que les bouddhistes pratiquent l’humour, c’est leur première manière de se distancer. Deuxièmement, quand je vois que tu sais parler aux oiseaux, te transformer en épouvantail (les épouvantails sont des poètes c’est bien connu), te concentrer aussi bien sur les tomates (ça c’est normal, concentré de tomates, ah ah) que sur les potirons ou les fleurs qui poussent à Noël dans ton jardin, ne sont-ce pas là toutes choses essentielles?
Ne faut-il pas aller jusqu’au bout de ses passions ? N’est-ce pas celà être « jusqu’au bouddhiste » ?