La révolte de Léo

Il y a longtemps que j’ai envie d’écrire des articles sur un grand bonhomme, incontestablement le plus grand des poètes-chanteurs : Léo Ferré.

Je ne sais pas encore comment l’aborder, ça me tarabuste depuis plusieurs mois mais je n’ai pas encore trouvé la porte d’entrée.

Et puis, c’est important pour moi : dans Ferré, il y a toute la révolte et la poésie dont je me suis nourri quand j’avais seize ans, au lycée.

leo_ferre.jpg

Je retrouve ce soir sur le Net deux extraits de textes écrits à cette époque inouïe du début des années 70. J’en connais presque les mots par coeur. Ils m’ont abreuvé jusqu’à plus soif (ah bon Dupdup, t’es capable d’avoir plus soif ?).

Je viens de regarder ces deux extraits avec une émotion énorme. Attention, on ne peut pas rester indifférent. Vous allez peut-être vibrer (je l’espère), mais vous allez peut-être détester. Prenez le temps, car le deuxième extrait dure seize minutes.

C’est parti pour un voyage dont vous ne reviendrez peut-être pas indemne (cliquer sur les liens en couleur) :
Le chien
Il n’y a plus rien.

Et puis il y a aussi ce morceau qui, à lui seul, résume toute l’écriture de Ferré : La mémoire et la mer. De la poésie à l’état brut. Dis Vincent, tu te souviens ? C’était peut-être il y a quinze ans. Il était peut-être deux heures du mat’. L’un de nous nous deux a commencé à réciter ce texte. Et quand il ne savait plus la suite, l’autre continuait. Et ainsi de suite. Bon an, mal an, nous sommes arrivés, je crois, les deux ensemble, au bout de ce texte extradordinaire que nous avions emmagaziné dans nos têtes. L’alccol avait sans doute dû contribuer un peu à ce moment magique.

38 réflexions au sujet de “La révolte de Léo”

  1. Voilà au moins une différence dans nos goûts pourtant souvent proches !

    J’ai adoré quelques vieilles chansons de Léo Ferré, mais en général, et je crois qu’il s’agit de ses œuvres les plus récentes, il me fout le bourdon.
    Je lui reconnais une grande qualité d’écriture, un énorme talent d’interprète, une originalité complète et quelques morceaux de génie… mais l’univers morbide qui colle à son œuvre, ces rapprochements qui ne sont pas les miens… tout ça n’est pas la vie pour moi.

    Je me considère encore comme un esprit libre et le seul mouvement politique qui recueille mon soutien (au moins moral), c’est l’anarchisme ou le courant libertaire. Eh bien, quelques tristes sires, plus avides de pouvoir qu’il n’y paraissait, ou quelques tristes vers, ont eu raison de ma fibre militante !
    Je n’en veux pas à Léo, mais à tous ceux qui n’ont su le consoler de son désespoir. Mais sans doute que le sien est trop proche du mien.

  2. Ouiiiiii, je m’en souviens, Bernard. (Cela devait être en 90 ou en 91, dans le jardin de Brussey.)

    Je me rappelle aussi avoir poursuivi en l’imitant improvisant une invitation dans le « pays fantastique, méconnu et… mauve (mais pas comme le lilas, la glycine, ni la bruyère… même quand elle est d’Apollinaire) » au milieu de son interprétation de La solitude

    (au premier quart de ce lien :
    http://www.dailymotion.com/relevance/search/leo%2Bferr%C3%A9%2Bsolitude/video/xrzjx_leo-ferre-la-solitudelenfancela-jav)

    Un drôle de bonhomme tout de même de Ferré, plein de talent et d’esbrouffe, qui agace autant qu’il séduit. Difficile d’en causer, je te comprends.

    PS : savez-vous qu’en vous baladant en Toscane, vous pourriez non seulement visiter sa maison, mais aussi rencontrer sa femme, son fils (Mathieu) et déguster son vin avant d’en ramener aux copains ?

  3. J’aime beaucoup cette version de Le chien que tu as mise en lien (l’accompagnement d’église magnifie davantage le texte que la psychédélique originale).

    J’apprécie cependant moins celle de La mémoire et la mer qui me paraît précipitée, comme récitée sans grande implication.

    (Quelqu’un a-t-il des informations concernant cette dernière chanson, notamment des éléments biographiques qui lui sont liés et dont on retrouverait trace dans ce texte mystérieux ?)

  4. Je pense que les trois vidéos que j’ai mises en ligne, ainsi que celles de Vincent, sont issues de concerts enregistrés au TLP Dejazet, le théâtre libertaire que Ferré avait inauguré lui-même en 1986.

    Justement, Mathieu Ferré vient d’éditer un coffret de 6 CD + un DVD + un livret de 40 pages qui n’est pas disponible dans le commerce mais uniquement sur le site suivant (allez y faire un tour, on peut écouter des extraits de 30 secondes de chacune des chansons) :
    http://www.leo-ferre.com/oscommerce/catalog/product_info.php?cPath=21_25&products_id=91

  5. Avant d’aller en Toscane il avait acheté au début des années 60 une île minuscule dans la région de St Malo, l’île du Guesclin, à un lancé de pierre de la côte. Chaque fois que nous allons dans ce « coin » de Bretagne cette petite île nous fait rêver et c’est par hasard, lors d’une balade à St Coulomb le village d’en face dans les terres qu’on apprit que durant des années il y avait séjourné. Il venait y faire ses courses en toute simplicité avec sa compagne, Pépé leur donnant la main. Je crois me souvenir que c’est la mort de Pépé qui le décida à quitter la Bretagne.
    S’il vous arrive d’aller faire un tour dans cette région magnifique, faites le détour … tendez l’oreille, au milieu du mugissement des flots, on entend parfois Léo sur son île !

  6. L’histoire de la guenon Pépée dont tu parles, Michèle,est étonnante. Le point de rupture de la vie de Ferré a été ce 7 avril 68 lorsque la femme de Ferré, Madeleine, jalouse de l’amour que Ferré portait à ses animaux, a fait creuser un trou dans le jardin et a enterré les animaux après les avoir tués.
    Il en reste une chanson extraordinaire que viens de retrouver sur dailymotion (Pépée, plutôt très mal enregistrée mais il faut absolument l’écouter) et ces deux petites vidéos que je viens de trouver à l’instant :
    http://www.dailymotion.com/relevance/search/ferr%C3%A9%2Bp%C3%A9p%C3%A9e/video/x1nawb_leo-ferre-pepee
    http://www.dailymotion.com/relevance/search/leo%2Bferre%2Bpepee/video/x12l8y_leo-ferre-et-pepee

  7. « Un revolver à cheveux blancs », je ne sais plus vraiment si l’expression est d’André Breton pour désigner Ferré, mais elle me paraît bien trouvée, nan ?

    A propos de Breton, je trouve pour ma part l’écriture de Ferré très proche de celle des surréalistes (style « écriture automatique ») même si lui ne s’en revendiquait pas (et le contestait même). Qu’est-ce que vous en pensez, vous ?

  8. Moi j’péfère quand il chante Verlaine, Rimbaud, Aragon, Baudelaire, Apollinaire, bref les autres… parce que, honnêtement, « Pépée, t’avais les oreilles de Gainsbourg, mais toi t’avais pas besoin de scotch pour les replier tandis que lui, ben oui », je ne sais pas si c’est surréaliste mais si ça fait à la limite sourire la première fois qu’on l’écoute, ça devient assez vite « lourd » je trouve.

  9. Je trouve qu’elle est étonnante cette phrase à propos de Gainsbourg. De quel scotch parle-t-il ? Du rouleau d’adhésif ou du bourbon ?

  10. Le peu que je connais de Ferré me bouleverse.
    Les liens vers les vidéos m’ont permis de le découvrir chanter. J’avais bien dû voir quelques images à la télé étant môme, mais je ne m’en souviens pas.
    Je ne sais pas pourquoi, mais je trouve qu’en général, l’image n’apporte rien de plus à la musique, et je préfère écouter le disque d’un concert que le voir en vidéo. C’est peut-être dû en partie au fait que je regarde les vidéos sur mon ordinateur qui a un bien moins bon son que ma chaîne hi-fi, mais je suis certaine qu’il n’y a pas que cette raison.
    Pourtant, là, j’avoue, voir Léo Ferré chanter sur scène m’a vraiment touchée.

    Je crois que c’est justement le surréalisme de ses textes qui les rends audibles, pour répondre aux commentaire de Christophe et de Vincent. Audibles au sens qu’ils ne sont pas insupportables de tristesse puisque celle-ci est sublimée.
    Je n’écoute plus jamais de Jacques Brel, par exemple. Qui, hormis les adolescents, est capable d’écouter du Brel ? Je pense que Brel n’est pas poète et que le chagrin de ses chansons nous claque à la figure.
    Ferré ne fait pas de mélodrames.
    Par contre, le voir vivre ses chansons sur scène donne une dimension réaliste à ses textes. Et je me sens touchée deux fois.

    Je viens de découvrir cette histoire de Madeleine qui a tué et fait tuer ses animaux. Cela ressemble à un crime passionnel sans en être vraiment un. Qui sait ce qu’il est advenu de Madeleine ? A-t-elle fini en hôpital psychiatrique ? Comment en arrive-t-on là dans une relation ? Quelle relation avait Ferré avec ses animaux pour provoquer un tel ressentiment ?

    Pour alléger un peu, j’ai une drôle d’histoire vraie à vous raconter à propos d’un animal.
    Je suis allée ce matin au concourt de pétanque organisée par « Pas serial s’abstenir », festival bisontin de littérature noire et policière. Hugo, 8 ans, s’adresse à une petite fille du même âge que lui :
    »Tu vois ce chien, il s’appelle Saucisse, il s’est présenté aux élections et il a eu 4% des voix. ».
    Je trouve que le môme a une imagination étonnante et j’en parle à un ami organisateur du festival qui m’apprend que l’histoire est vraie : le chien Saucisse est le chien de l’écrivain Serge Scotto, qui a fait de lui le héros de romans policiers écrits à la première personne (quand Scotto dédicace un bouquin, il met l’empreinte de la patte de son chien). Marseillais, Scotto a présenté une liste aux dernières municipales au nom de Saucisse. Le slogan était » Pour une sauciété plus humaine, contre une vie de chien ! ». Saucisse a effectivement obtenu 4 % des suffrages.

  11. « […] J’adore la vie, j’ai une peur atroce de mourir. Même très malheureux, je n’ai jamais voulu mourir. J’adore ma femme aussi, et depuis si longtemps que cela revient à dire que j’adore notre fille. J’adore la musique, la belle musique. C’est tout. C’est beaucoup d’adoration.
    Eh bien, j’ai au moins autant de haines.

    Je hais la bêtise, sous toutes ses formes. Ça ne veut pas dire que je me pense, et veuille me faire paraître, très intelligent. Sincèrement, je ne sais pas ce que c’est, d’être très intelligent. On est intelligent pour ceci ou pour cela, on est doué, on a du talent. Le génie, vous savez la phrase de Jacques Iber : c’est 5% d’inspiration et 95% de transpiration. Je hais l’ennui, et la bêtise distille l’ennui. « La bêtise au front de taureau », comme disait Baudelaire. Remarquez que je ne suis pas tellement d’accord avec lui, car je préfère personnellement le taureau au toréador. Enfin, passons.

    Je hais les gens faux et hypocrites, je hais la lâcheté, la lâcheté morale. Je ne hais pas celui qui fuit sous les bombes, car je hais la guerre. Je n’aime pas la musique dodécacophonique, qui, comme son nom l’indique, compte les demi-tons comme on compte les huîtres à la douzaine. Je n’aime pas les meubles modernes, la pluie quand elle s’attarde, le plastique quand il attaque la cuisine et qu’il se prend pour un objet d’art, les académies, quelles qu’elles soient, car on y vieillit trop vite, les jurys. Je hais les jurys de toute mon âme, les critiques, quand pour faire un mot ils détruisent une pièce de théâtre ou un livre, les critiques à l’aise devant un art difficile. Je hais les foules muettes devant un pantin de la politique. Je hais, au fond, je hais ce qui est haïssable comme on dit, et cela fait beaucoup au bout du compte.

    J’adore le soleil, tous les soleils, je hais les cours sombres et humides. J’adore les fleurs des champs, je hais les fleurs artificielles, j’adore les gens qui cueillent les fleurs des champs, je hais les gens qui achètent des fleurs artificielles. J’adore le vent, la nature, le bruit des choses de la vie simple, je hais le bruit des voitures devant ma maison et les trompettes de l’apocalypse quand elles font pin-pon pin-pon comme les pompiers et l’ambulance. J’adore l’air libre et que l’on respire à grandes gorgées avec un être qu’on aime et qu’on adore. »

    (Léo Ferré, radio, 1970)

  12. Si, si, siiiii, Anne, Brel est un poète !
    Je me permets de réagir sur ce détail de ton commentaire car il m’est cher. Pourquoi ? Non pas que je sois grand fan de Brel (je ne l’écoute pas… mais je n’écoute à vrai dire pas grand chose), mais il se trouve que je l’ai découvert en lisant ses textes avant de l’entendre chanter… et que j’ai alors été marqué par la force de ses images (sa poésie est en effet avant tout, dans l’art percutant de la métaphore). C’était en quelque sorte mon premier livre de poésie (j’en ai ensuite dévoré tout un tas). Et si j’admets volontiers que ce n’est sans doute pas le plus grand des poètes, il l’est tout de même assez pour m’en avoir ouvert la voie.

    A part ça, d’accord avec toi pour dire que la tristesse de Ferré est supportable car sublimée. Toute tristesse mise en musique l’est d’ailleurs à mon sens (que ce soit la sienne ou celle de Brel, des bluesmen, etc.). Je ne sais pas vous mais moi, quand je broie du noir, un peu de musique « cafardeuse » quelque part me requinque (en me faisant voir qu’il ne dépend finalement que de moi d’en faire quelque chose d’au moins « joli »).

  13. Moi aussi, parfois, j’aime écouter de la musique triste quand j’ai le blues.
    Et je me dis que je ne suis pas toute seule à être tout seul.

  14. Bel éclairage sur Léo Ferré au travers de vos différents commentaires. Je partage plutôt la sensibilité d’Humeur badine pour cet artiste.
    Il y a des univers dans lesquels on ne peut entrer, avec même parfois le regret de ne pouvoir y trouver l’émerveillement que tant d’autres partagent.
    A ce propos, Brel et Ferré partageaient je pense une stupéfiante capacité d’écriture et d’interprétation : de vrais artistes quoi !

  15. « On doit tous quelque chose à Ferré. On lui doit, lui qui a chanté la solitude, de l’avoir brisée, un soir d’adolescence désespérées dans une ville de province ; ou un matin de révolte vitale dans une chambrée de service militaire ; ou quelque part, jadis, dans le djebel algérien. On lui doit d’avoir, sur les ondes et sur les Teppaz, rompu le silence du conformisme, d’avoir crée un fil d’espoir entre tous ceux qui se reconnurent en lui…

    On lui doit Aragon, Baudelaire, Rimbaud et ce pauvre Rutebeuf – dont on ne connaît toujours pas le visage – bien plus sûrement qu’à nos maîtres d’école. On lui doit l’ « Affiche rouge », cet autre Aragon. On lui doit la valse musette, la gaieté, le tango, quand la gauche était triste. On lui doit les coups de gueule, quand la télé était en noir et blanc, qu’elle était la voix de son maître et que le maître s’appelait De Gaulle. On lui doit l’anarchie, la belle, la vraie, pas celle qui, la bombe à la main et le terrorisme à la bouche, avait mal lu Bakounine ou Stirner. Pas non plus l’anarchisme de droite, cette obscénité fascinante dont notre ami Pascal Ory a bien parlé. L’anarchie, la vraie, la sienne, c’est une posture éthique. Merci Ferré. »

    (Georges-Marc Bénamou, éditorial de Globe hebdo du 21 juillet 1993)

  16. Je suis plutôt d’accord avec Anne à propos de Brel. Il y a une trentaine d’années, alors que je connaissais toutes les chansons de Brel, j’ai acheté le livre des éditions Seghers avec les paroles des chansons de Brel. sans la musique, les textes m’ont paru plutôt fades. Mais il faudrait que je les relise et ne pas rester sur mon jugement premier … !

  17. […] « Léo Ferré était un révolté, était la révolte. Révolte contre la condition humaine, dépendante d’un sens qui ne viendra jamais, d’une transcendance qui n’existe pas. Révolte contre l’oppression que des hommes font subir à d’autres hommes. Ni dieu, ni maître. Révolte métaphysique et révolte sociale. Pas l’une sans l’autre et donc un seul programme, le programme rimbaldien – « Changer la vie, changer le monde ».

    C’est cela qui a fait de Léo Ferré la voix la plus fraternelle de notre génération. Elle nous paraissait, à nous qui étions sentis totalement abandonnés à notre désespoir pendant la guerre d’Algérie, et livrés à l’ennui d’un gaullisme de préfecture qui avait délaissée l’épopée du 18 juin pour les bondieuseries de tante Yvonne, réconcilier les fastes de l’épopée révolutionnaire et les plus hautes vérités de l’amour. Léo Ferré nous accueillait dans notre famille, pas celle qui nous dégoûtait, la naturelle, imposée par le sang et la terre, mais la vraie, celle qu’on élit. Les sur-réalistes et les révolutionnaires philosophes, les communards et les poètes des « Fleurs du mal », les chanteurs obstinés du mal d’aimer, « bluesmen » de la déchirure et désespérés du « chant profond » flamenco, internationalistes des brigades internationales, et écorchés de la vie, Artaud et Van Gogh. A tous, Léo Ferré donnait l’accolade pour rester lui-même. Il n’enseignait rien. Il chantait. Et pourtant, je crois bien que c’est dans ses mots de musique que je peux le mieux entendre les seuls préceptes qui conviennent à ceux qui n’ont ni dieu ni maître, l’impératif éthique énoncé par Lacan : « Jamais céder sur son désir. » Salut, Léo ! »

    (Jean-Paul Dollé, Globe-hebdo du 21 juillet 1993)

  18. Pour ce qui concerne Brel, il suffit je pense de relire ne serait-ce que Le plat pays, Les vieux ou Orly, Amsterdam, etc… pour se rendre compte que ses textes ne sont souvent qu’une suite plutôt réussie (et sensible) d’images, de métaphores. Son mot-clé est le « comme »

    Si on peut qualifier l’écriture de Brassens de « classique », celle de Ferré « surréaliste » (ou « symboliste » ?), celle de Brel est plutôt, il me semble, de style « impressionniste ».

  19. Oui, évidemment, si tu prends « le plat pays » ou « les vieux », OK !
    Intéressante cette comparaison avec les classiques, les surréalistes et les impressionnistes. Il y a deux mois, je suis allé au Musée d’Orsay voir les tableaux des impressionnistes, pour m’apercevoir sur place … que je n’aimais pas les impressionnistes ! ça explique peut-être que je n’aime pas trop l’écriture de Brel. L’écriture seulement, car pour le reste … !

  20. En fait, la seule chose que j’aime chez Brel, c’est, comme chez Piaf, cette manière incroyable d’habiter ses chansons.

  21. « Ce que j’aimais le c’était sa déchirure. On l’entend dans sa voix – la voix, c’est vraiment ce qui caractérise un être humain. Il y avait une émotion, dans la sienne… L’émotion oure. Quand tu entends ça, cette vibration derrière les mots, quelque chose, exprimé ou pas, te déchire aussi. Je ne sais pas ce qu’il cachait, lui, derrière ses fureurs ; je sais que sa gueule, sa colère, sa révolte, sa folie n’ont jamais menti. Son chant nous menait loin, sans balisage possible ; lui-même n’arrivait pas à expliquer ses textes. Est-ce qu’on a besoin d’un mode d’emploi pour aimer La mémoire et la mer ? »

    (Michel Jonasz, Télérama n°2272, 31 juillet 1993)

  22. « Léo Ferré, c’était la révolte dans la vie. Il a eu une vie passionnée. Il a vécu. Il s’est marié, plusieurs fois, a fait des gosses, il a toujours voulu combattre. Beaucoup de chansons ont été écrites sur la joie de vivre, mais elles sont toutes moins humaines, moins vivantes que les siennes, même les plus désespérées. Léo Ferré, c’était l’espérance par le désespoir. »

    (Guy Béart, Le Figaro, 19 juillet 1993)

  23. L’anti-Ferré, finalement, de ce point de vue, ce serait Charles Trenet.
    Reste à déterminer lequel des deux réellement est le plus déprimant !!! (ce n’est pas si évident qu’il n’y paraît)

  24. Il n’y a rien de déprimant dans la musique de Ferré. La tonalité d’ensemble est très sombre, je te l’accorde Humeur Badine, mais il y a tellement de souffle et de force de vie qu’il n’y a pas place pour la déprime !

  25. Elle me plaît bien cette phrase de Guy Béart sur « l’espérance par le désespoir ». Il va remonter dans mon estime le monsieur !

  26. Je garde un très beau souvenir d’un concert de Ferré au théâtre à Besançon, ce devait être en 78 (à un an près). Je me souviens par exemple de ses chaussures … vertes !

  27. Pour répondre à Humeur badine :

    Trénet est, pour moi, sans conteste plus déprimant que Ferré !

    Rien n’est en effet pire, quand on broie du noir, que cette joie forcenée (tellement appuyée d’ailleurs, dans son cas, qu’elle en paraît suspecte).

    Au moins, comme dit Anne, avec Ferré, on en ne sent pas seul… On se rend même compte que y’en a qui sombrent beaucoup plus bas !

    ;-)

  28. Et bien moi, je ne trouve aucune joie suspecte dans Trenet. Il me semble que ses chansons me font toujours du bien, mais peut-être aussi que je ne les écoute pas dans toutes les situations.

  29. Je ne connais pas beaucoup Trenet, mais il gagne à être connu, c’est aussi pour moi un grand artiste et un esprit libre qui a su créer énormément de belles et profondes chansons.
    Et comment ne pas aimer Higelin qui s’en est tant approché ? Il y a chez lui aussi une énergie hors du commun et une plaisir qui envahit tout.

  30. Allez, je vous l’accorde, Trénet est « aimable »… ne serait-ce que pour avoir apporté jazz et légèreté (mais est-ce vraiment deux choses distinctes ?) dans la chanson française.
    Je retire donc (si vous me le permettez) ma suspiscion.

  31. Franchement je ne connais pas vraiment Léo Ferré (l’interprète )… Mais j’ai lu beaucoup de textes de lui , et aimé des chansons de lui interprétées par d’autres comme Léotard ou Noir désir .
    On peut donc dire que j’ai connu Léo tard ou même trop tard …

  32. « La mémoire et la mer », sans doute le plus beau des textes de Ferré interprété ici par quelqu’un que je ne connaissais pas : Monica Passos.

    (merci à Claudine qui m’a envoyé ce lien ce matin. Une bien belle manière de commencer la semaine !) :wub:

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