Robert, le diable

PAPILLONS DE NOS JARDINS (8)
J’aime beaucoup le houblon sauvage, c’est une très belle plante grimpante qui pousse dans les endroits plutôt humides. Je connais plusieurs endroits de la vallée de l’Ognon où elle pousse naturellement sur les poteaux électriques ou les poteaux téléphoniques. Ainsi, devant chez moi, quelques pieds de houblons tentent de partir à l’assaut des poteaux mais sont régulièrement détruits par les ouvriers de l’Equipement.

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Le houblon, tout comme l’orme, le noisetier ou le framboisier, abrite les larves d’un petit papillon très sympathique et reconnaissable à ses ailes très découpées : le Robert-le-Diable. Drôle de nom dont j’ai été incapable de trouver l’origine. Le nom latin c-album est par contre beaucoup plus explicite car le dessous des ailes de ce papillon révèle un C blanc qui tranche sur le fond sombre de l’aile.

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Les quelques adultes qui réussissent à passer l’hiver dans nos régions se reproduisent dès le début du printemps. Les larves donnent naissance en début d’été à une première génération de papillons de couleur fauve clair. La deuxième génération d’automne est beaucoup plus sombre. Les Robert-le-diable sont très actifs et volent beaucoup. Ils butinent les fleurs de nos jardins pendant toute la belle saison.

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Le Robert-le-diable n’est jamais très abondant car les adultes sont territoriaux et défendent chacun leur petit bout de jardin. Ce comportement territorial n’est pas très fréquent chez les papillons. Autre particularité : l’adulte aime sucer la sève qui suinte sur les écorces des arbres.

13 réflexions au sujet de “Robert, le diable”

  1. Ça ne vient sûrement pas de là, mais Robert-le-diable c’est aussi le titre d’une poésie d’Aragon, chantée par Ferrat (il s’agit alors de Desnos qui est désigné ainsi).

  2. Pour info, d’après Couplan, « les jeunes pousses de Houblon sont consommées crues ou cuites depuis l’Antiquité en Europe ou en Asie. On les vend parfois encore sur quelques marchés locaux et – très cher – dans certains restaurants de Bruxelles. »
    Je tenterai bien…

  3. Et pour le papillon, il dit quoi Couplan ?
    On peut le manger cru, cuit, à l’état de chenille, adulte ?
    (Il le sort quand son volume sur les p’tites bêtes comestibles ?)

  4. Dis donc Bernard, y’a du Houblon qui pousse devant chez toi… et tu veux nous faire croire que c’est naturel, sauvage, bref par hasard ?

  5. C’est vrai que le houblon était consommé en Europe et en Asie mais curieusement personne n’avait pensé à l’utiliser pour la fabrication de la bière. C’est beaucoup plus tard, au 11ème siècle que les Vikings, ont apporté avec eux ce procédé et la bière qui n’était jusqu’à cette époque qu’une boisson alimentaire que l’on consommait pour l’apport de calories (on l’appelait d’ailleurs « le pain liquide ») est devenue grâce à son amertume agréable une boisson que l’on s’est mise à boire pour le plaisir.

  6. Le plaisir… de l’amertume ?

    (comme s’il fallait passer le stade des paradoxes pour parvenir aux choses un peu subtiles)

  7. Voici le texte de la poésie d’Aragon intitulée Robert le diable :

    Tu portais dans ta voix comme un chant de Nerval
    Quand tu parlais du sang jeune homme singulier
    Scandant la cruauté de tes vers réguliers
    Le rire des bouchers t’escortait dans les Halles
    Tu avais en ces jours ces accents de gageure
    Que j’entends retentir à travers les années
    Poète de vingt ans d’avance assassiné
    Et que vengeaient déjà le blasphème et l’injure

    Je pense à toi Desnos qui partis de Compiègne
    Comme un soir en dormant tu nous en fis récit
    Accomplir jusqu’au bout ta propre prophétie
    Là-bas où le destin de notre siècle saigne

    Debout sous un porche avec un cornet de frites
    Te voilà par mauvais temps près de Saint-Merry
    Dévisageant le monde avec effronterie
    De ton regard pareil à celui d’Amphitrite
    Enorme et palpitant d’une pâle buée
    Et le sol à ton pied comme au sein nu l’écume
    Se couvre de mégots de crachats de légumes
    Dans les pas de la pluie et des prostituées

    Je pense à toi Desnos qui partis de Compiègne
    Comme un soir en dormant tu nous en fis récit
    Accomplir jusqu’au bout ta propre prophétie
    Là-bas où le destin de notre siècle saigne

    Et c’est encore toi sans fin qui te promènes
    Berger des longs désirs et des songes brisés
    Sous les arbres obscurs dans les Champs-Elysées
    Jusqu’à l’épuisement de la nuit ton domaine
    O la Gare de l’Est et le premier croissant
    Le café noir qu’on prend près du percolateur
    Les journaux frais les boulevards pleins de senteur
    Les bouches du métro qui captent les passants

    Je pense à toi Desnos qui partis de Compiègne
    Comme un soir en dormant tu nous en fis récit
    Accomplir jusqu’au bout ta propre prophétie
    Là-bas où le destin de notre siècle saigne

    La ville un peu partout garde de ton passage
    Une ombre de couleur à ses frontons salis
    Et quand le jour se lève au Sacré-Coeur pâli
    Quand sur le Panthéon comme un équarissage
    Le crépuscule met ses lambeaux écorchés
    Quand le vent hurle aux loups dessous le Pont-au-Change
    Quand le soleil au Bois roule avec les oranges
    Quand la lune s’assied de clocher en clocher

    Je pense à toi Desnos qui partis de Compiègne
    Comme un soir en dormant tu nous en fis récit
    Accomplir jusqu’au bout ta propre prophétie
    Là-bas où le destin de notre siècle saigne.

  8. L’aile du papillon a l’aspect animal, végétal et minéral, et remplit en même temps tous les fossés de leurs interrègnes, et contient en outre tous les reflets de l’eau, toute la kaléidoscopie des nuages, tous les reluis de la lumière, tous les reflets des métaux, la gamme de toutes les gemmes, l’étincellement et les miroirs du regard humain, et les yeux en cornaline des poissons. Il n’est aucune partie de l’immense nature qui ne trouve un « reflet » dans l’aile du papillon. Fée de la lumière, sorcier et magicien des teintes, le papillon est l’Echelle de Jacob de la lumière, reliant la couleur de la terre à la lueur magnétique et hypnotique du soleil. Celui qui fixerait une aile de papillon assez longtemps tomberait tôt ou tard en extase, car il verrait le vaste monde et tout le secret de la vie dans ces quelques centimètres carrés de drap d’infini.

    (Malcolm de Chazal, Sens plastique, Gallimard, 1948)

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