L’ART dans la nature (1)

Alors qu’il y a quinze jours j’étais à Venise, notre ami Jean-Yves, qui croyait que j’étais en Corse (non, la Corse, c’est pour dans quinze jours) a laissé un commentaire sur mon article « blog en congés » en essayant de mettre une image en ligne. Mais je ne crois pas que, techniquement, on puisse mettre une image dans un commentaire. Si quelqu’un sait, je suis preneur. Voici l’article de Jean-Yves et la photo qu’il m’a envoyée ensuite par mail :

« C’est bien ma veine ! Le voilà en Corse…
Je ne savais pas où déposer l’image suivante… Pas sur ObsNatu, ni chez les entomologistes, pas plus que les botanistes. Les géologues n’ont pas le sens de l’humour (ou très peu, car on sait bien qu’ils sont terre-à-terre).
J’ai pensé à toi et à vous tous, qui avez un sens artistique non conventionnel, d’inspiration naturelle.
Je proposerai à Bernard une image, celle-là pour commencer car j’en ai plusieurs en réserve, une sculpture créée de toute pièce par LA Nature, une sculpture stochastique, nouvel art premier s’il en est. Elle trônait dans un tas informe de cailloux, mais en ex-dessinateur-peintre-sculpteur, elle m’a sauté à la figure.
Combien y avait-il de chances pour que les processus érosifs entamassent cette roche de cette manière ? Et combien encore pour que je passasse par là ? Et que je la visse ? C’est donc du domaine des probabilités composées : p = p1 . p2 . p3, soit à mon humble avis beaucoup moins que de voir péter une centrale nucléaire, et en tous cas infiniment moins que d’entendre un de nos zoumpolitic’ dire une connerie au sujet de l’environnement.
Amitiés à toutes et tous.
Jean Yves C. »

Dans le mail qu’il m’a envoyé, Jean-Yves ajoutait : « Peut-on croire que les artistes aient inventé l’art ? Modigliani n’a qu’a bien se tenir. »

Alors, vos réactions ?

8 réflexions au sujet de “L’ART dans la nature (1)”

  1. La question que je me pose : quelle était la réaction des peuples primitifs lorsqu’ils tombaient sur ce genre de sculpture naturelle ? Leur vouaient-ils un culte particulier ?

  2. La problématique que pose Jean-Yves me semble difficile à résoudre. D’une part, il me semble que l’Art est quelque chose de spécifiquement humain (du moins si j’en juge la définition du Petit Larousse). Donc, de ce point de vue strict, le « caillou » de Jean-Yves n’est pas de l’Art. Par contre si l’on présente ce caillou à la plupart de gens, en leur faisant croire qu’il s’agit là de l’oeuvre d’un artiste, chacun sera convaincu qu’il s’agit là d’une véritable oeuvre sortie d’un esprit créatif fécond.

  3. Cette sculpture naturelle est effectivement saisissante. Son caractère d’oeuvre d’art spontanée est renforcé pas son assise sur un socle de pierre de couleur bleue. Fruit du hasard que cette juxtaposition, ou intervention de la main humaine pour composer l’ensemble ?
    En tout cas, comme écrit Jean-Yves : « en ex-dessinateur-peintre-sculpteur, elle m’a sauté à la figure ». Eh, oui, pour qu’une nature morte puisse naître à l’art, il faut qu’intervienne un regard humain qui ordonne la matière originelle, la modèle par la peinture, la photo, la sculpture…
    La nature peut être belle, mais il faut encore que la parole de l’homme la nomme ainsi pour être reconnue comme telle.

  4. Si je n’y avais regardé à deux fois, la pierre bleue m’aurait évoqué les calcaires microcristallins du Bathonien dont les veines bleues parent la bonne ville de Besançon comme le rose occupe Toulouse !
    Bon sang ne saurait mentir (ouaf ouaf !) et bien que botaniste de bas niveau, il me semble que la plante que l’on voit en arrière-plan (tiges rougeâtres et feuilles coriaces) donne un caractère au moins méridional à l’origine du cliché…
    Me trompe’je ? M’égare’je ?

    En tout cas un beau sujet de rubrique pour les amoureux de nature car je dispose dans le rayon art naturel bien controversé par Bernard de quelques exemples. L’un au moins doit être accessible dans ma photothèque. Il faudrait considérer ici toute la projection humaine… en faisant abstraction des déjections de ladite condition. Je m’en avoue incapable.

    Pour la controverse proprement dite, je me demande de plus en plus si l’absence de sensibilité, d’intelligence, d’amour, d’esprit… et gnagnagna que l’homme prête (avec usure) à l’animal, a priori mis à mal par bien des observations troublantes et pas forcément récentes… ne doit pas concerner aussi l’art.

    Et rappelons que si le rire est le propre de l’homme, même le geai ricane !

  5. Lu dans Agora, un texte (Métaphysique de la vision) dont je vous livre la conclusion.
    L’auteur (Claude Gagnon) part d’abord de deux théories : la vision procède de deux « rayons » lumineux, l’un qui part de notre œil (extramission) et l’autre qui provient de l’objet (intromission). Il constate ensuite, citant Ivan Illich, que nous avons perdu cette partie de la vision « externe » : « Le régime du regard selon lequel nous percevons aujourd’hui nous fait accomplir l’acte de voir comme une forme d’enregistrement, par analogie avec les cassettes vidéo. »
    Puis il dit « C’est le Monde qui est vu mais c’est l’âme qui dirige la vision en déterminant et orientant le regard. Nous voyons ce que nous regardons mais nous regardons ce que nous voulons regarder. » pour conclure « Nous vivons dans un monde coupé de la richesse du rayon lumineux (càd intromission) mais aussi de notre propre rayonnement visuel et intellectuel dans son prolongement (…) Refuser à la fois l’intromisssion et l’extramission nous enferme dans un espace de visionnement où nous ne sommes plus responsables de ce que nous regardons en même temps que nous postulons le caractère bénin de ce que nous voyons. La volonté n’anime plus le regard et les horreurs visuelles, que nous fournissent abondamment les affaires humaines, sont banalisées dans l’effet qu’elle nous font quand elles pénètrent en nous. Pourtant, il n’y a rien de banal dans la vision et ses conséquences sur le réel. »
    « Enclos dans la physique de la vision, nous sommes devenus parfaitement conditionnés à développer une vision non plus en profondeur mais en longueur ou en largeur, si on peut dire; une vision qui serait satisfaite de voir ce qui n’est pas immédiatement là sous les yeux, une télé-vision qui remplacerait la richesse de l’échange entre le rayon lumineux et le rayon visuel. Faut-il souligner encore une fois la richesse d’un objet réel à portée de vue par rapport à un objet télévisé puis télévisionné? Il est là le rayon visuel caché de notre psychologie moderne: ce sont les diffuseurs de programmes d’ondes de toutes couleurs et formes dans le ciel de nos antennes cablées en réseaux, qui ont remplacé le rayon visuel individuel. »

    « Nous pouvons tout voir, mais on peut se demander à quoi sert de regarder un objet qui n’est pas vraiment là pour recevoir l’affection de notre assentiment ou le sentiment de notre désaccord. L’art de la représentation, qui nous fait voir des choses qui ne sont pas là aurait, au long de notre histoire occidentale, lentement détourné notre habitude visuelle en la vidant de sa substance, c’est-à-dire des intentions des objets à notre égard et de nos intentions envers eux. Ainsi avons-nous oublié que la moitié de ce que nous voyons est, dans les faits, proprement du domaine de l’invisible, de l’intelligible qui émane de notre regard et de notre volonté de prétendre choisir ce que nous allons regarder. Ce choix est la preuve que le rayon visuel existe et qu’il est la médecine définitive contre la téléphagie et la pornographie. »

    Revenir donc à l’objet vu parce que présent, et à la relation que nous nouons avec lui?

  6. Si l’Art est, par définition, une émanation de l’Homme, une production de la nature ne peut être considérée comme telle … sauf si, et c’est le cas de l’oeuvre que nous propose Jean-Yves, le regard que nous lui portons la transfigure au rang d’Art. Finalement, c’est peut-être le regard porté sur les choses qui est important, plus que les choses en elles-mêmes …

  7. Je passais justement faire un tour sur le blog à Nanard…
    Précision sans doute utile : la pierre n’est pas là où je l’ai trouvée ! Sur la photo, elle est installée dans ma rocaille sur un bout de calcaire de l’Oxfordien en effet bleuté par le fer réduit qui colore aussi le calcaire dit de la Citadelle ! Et tu as raison Christophe, les plantes proches sentent le Midi : Iris chamaeiris et Euphorbia characias, des plantes de la garrigue (elles se reproduisent chez moi et j’en distribue si ça vous intéresse).
    Le caillou était à l’origine dans un tas en bordure de carrière dans la région de Censeau.

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