Moments de partage (1)

Celui qui n’est jamais allé faire une soirée d’affût en forêt ne comprendra certainement pas la teneur de cet article. Tant pis … !

En forêt à la tombée de la nuit, il y a des moments de grâce qui sont rares. Si rares qu’il est quasiment impossible de les partager avec d’autres personnes. Être deux, c’est déjà diminuer considérablement les chances d’observer une scène exceptionnelle (à deux, on multiplie sans doute par 10 les risques de se faire repérer). Mais il y a quelques exceptions. En voici deux – en deux articles différents – que je tiens à raconter avant que ce blog ne se termine (il faut bien une fin à tout, non ?). Toutes deux se déroulent devant des terriers de blaireaux.

Je ne ramène aucune image de ces deux soirées, la prise de vue crépusculaire en forêt est d’ailleurs exceptionnelle pour moi, tellement j’ai l’impression de violer l’intimité de la forêt et de la vie animale (j’ai certainement passé 600 soirées – plus ou moins 100 – en forêt à observer la vie du blaireau, 600 soirées de bonheur, et le nombre de soirées avec prises de vues se compte sur les doigts d’une seule main). Ceux qui ont l’habitude de ces moments crépusculaires en forêt, savent que ce sont des moment exceptionnels qui nous font toucher de près le Sacré.

La première soirée s’est déroulée avec Yves. C’était le 9 août dernier je crois. La scène est donc déjà ancienne, aussi ne puis-je me baser que sur l’impression que j’en garde huit mois plus tard. Une impression imprécise certes mais si forte !

Nous étions assis sur un banc, immobiles, vaguement dissimulés derrière quelques morceaux de toiles et quelques branchages, ma tête dépassait du côté gauche d’un tronc d’arbre, celle de Yves du côté droite. Les blaireaux n’étaient pas encore sortis.

A une trentaine de mètres de nous, sur la droite, est alors apparu un jeune chevreuil. Il nous a aussitôt fixés du regard et, contrairement à toute attente, est venu devant nous tout en nous fixant du regard, comme s’il était attiré par un aimant. Il savait que nous étions là car il ne nous a pas quittés des yeux. Il se rapprochait mais de manière tangente, en nous contournant par le devant.

Le chevreuil est passé très près entre les terriers et nous. Puis il est arrivé sur notre gauche. Là, il s’est approché de nous, très près de nous, et c’est devenu magique. Il avançait une patte de devant, l’immobilisait, la ramenait ensuite en arrière, et ainsi de suite. Le corps ne bougeait pas (ou très peu), seuls les membres remuaient dans une espèce de valse hésitation faite d’avancées et de reculs. Le tout produisait une danse, une belle danse nommée Harmonie.

S’il ne fallait retenir qu’une seule impression de cette scène, ce serait cette impression de danse gracieuse qui nous a émerveillés.

A quelle distance était-il ? Trois mètres peut-être. Je voyais tous les détails du visage, les cils, les petits replis de la peau, et je visualisais précisément la respiration haletante de la bête. Une impression de grande fragilité accentuée par la finesse des traits de la tête.

Mes souvenirs s’arrêtent là, je ne me rappelle plus comment ce jeune chevreuil est reparti (pas en vélo, ça s’est sûr, je m’en serais rappelé !). Entre temps, les blaireaux étaient sortis de leur terrier et la soirée a continué de manière un peu plus habituelle pour moi.

Vivre de tels moments et pouvoir les partager est un rare bonheur.

Je vous parlerai d’un autre vrai bonheur, rare lui aussi, dans un prochain article.

22 réflexions au sujet de “Moments de partage (1)”

  1. Les yeux de ce chevreuil dans les miens … ça restera un souvenir impérissable , un moment magique de ma vie . Il n’y a pas de mots pour vous dire l’émotion qui à pris mon corps lors de cette douce soirée d’été assis sur ce banc . Un troglodyte fouille les feuilles à moins de deux mètres , l’ombre d’un pic qui grimpe sur un vieux tronc , quelques insectes qui bourdonnent encore … Et puis , les blaireaux sont sortis malgré le raffut occasionné par le passage du chevreuil sur le terrier … Le temps s’arrête , la respiration se fait douce malgré cette boule qui monte à la gorge devant cette petite famille qui fait un dernier brin de toilette avant de disparaître dans les fougères … Et il est temps de laisser la forêt vivre sa nuit . De la lisière , nous apercevons l’ami chevreuil qui broute l’herbe verte du champ voisin , là , il ne reste pas nous attendre et file se réfugier poussé par cette peur d’avoir vu l’homme debout . Nous rentrons chez Bernard les yeux plein de souvenirs de ce partage d’une nuit d’été . Le raconter c’est bien mais le vivre , de plus entre amis …. Putain quel pied !!!
    :wub:

  2. Waouh ! Magique ! Ca fait rêver !
    Mais au fait, vous aviez emporté combien de bouteilles dans votre affut ? :w00t:
    Non, je vous charrie …
    Un chevreuil qui danse rien que pour soi et son pote en visite, ce n’est pas rien quand même !
    Dis, Bernard, qu’est-ce tu lui avais promis à ce chevreuil ?
    Un accès illimité à ton jardin potager ? :biggrin:

    Dans la lumière de la lune
    Le chant de la forêt
    Images dans la brume
    Je vous attendais

    Tout près dans le bois
    un chevreuil aboie
    s’approche et me voit
    Danse pour moi.

    Instants magiques
    Instants uniques
    Instants idylliques
    Instants féeriques.

  3. Ce n’était pas dans un affût. Nous étions juste cachés derrière une espèce de rideau avec un morceau de toile, quelques branchages et une large trouée devant les yeux. Rien sur la droite, rien sur la gauche, rien derrière nous. Juste donc quelque chose pour couper nos formes.

  4. Yves croit que le chevreuil le regardait dans les yeux. Et moi je pensais qu’il regardait dans les miens. Va falloir qu’on y retourne pour lui demander … !

  5. C’est ça qui est magnifique dans cette scène , c’est que pour observer ce terrier on n’est pas caché plus que ça , la forêt est ouverte autour de nous . Qu’un chevreuil soit venu un soir frôler un affût bien clôt ne m’aurait pas étonné plus que cela , mais là , qu’il vienne à trois mètres de nous alors que nous étions à découvert … Il a du sentir le goémon et l’air iodé du marin breton .

  6. Je ne suis pas un adepte de l’affût. De nuit comme de jour, j’ai la bougeotte, même flemmarde. Il faut que je trainaille, furette, pisse partout, je suis plutôt renard. Pourtant, je pense bien comprendre cet instant magique que Yves et toi avez vécu ce jour là. La rencontre partagée avec un animal sauvage -c’est-à-dire qui, à juste titre, se méfie de l’homme- est trop rare pour ne pas bouleverser.
    Quand je dis partagée, j’entends bien sûr avec un ami, mais je veux surtout parler de la réciprocité de l’émotion avec l’animal, en dehors de la peur. C’est ainsi qu’une nuit, j’ai vécu un tête à tête mémorable avec un hibou grand duc et un jour, une assez longue balade en compagnie complice d’un renard qui sans doute allait au même « nul part » que moi.
    Nous avons me semble-t-il tellement l’habitude d’être fuit, que le jour où une bête (quel incroyable mot) nous fait un instant l’honneur de sa compagnie, nous ne pouvons pas en sortir indemne…

  7. On avait fini au Pontarlier … C’est bon ça !!!
    :w00t:
    Je suis comme toi Luc , plutôt renard . Je ne suis pas un adepte des longs affûts … Mais là , ça n’est pas comme attendre un oiseau un après midi pendant 5 heures pour une photo , contorsionné sous une tente … Là , il y a un horaire précis , ça marche ou ça ne marche pas mais ça passe très vite .
    J’ai l’impression que lorsque la nuit tombe nos sens sont plus ouverts à la nature . Depuis que je vais observer ( enfin tenter d’observer !!) le blaireau , j’ai découvert une autre nature , celle que l’on devine par des ombres , des bruits , des odeurs . Je comprend mieux le pourquoi de certaines légendes des anciens .

  8. Finistère
    Royaume de l’imaginaire
    A la lisière de l’irréel de l’extraordinaire
    Là où les légendes s’écrivent dans le paysage et prennent corps dans la pierre …

  9. Aucun blaireau d’observé hier soir. Mais un chevreuil m’a éventé, s’est mis à aboyer longuement et je crois que les blaireaux ont pensé qu’il y avait danger.

  10. j’ai vu, j’ai lu, j’ai apprécié, c’est trop beau. Félicitations.
    Jacqueline :smile:

  11. Merci les amis … C’est vrai que ce sont de très beaux moments !!
    Et dans ces moments là , je me demande ce qui peut passer par la tête d’un chasseur pour qu’il ait envie de tuer la bête , juste pour le plaisir de la chasse , comme ils disent !!?!!

  12. Moi je voudrais juste partager ma peine.
    Je viens d’apprendre les résultats des européennes…
    :sick: :sick: :sick:

  13. Non, plutôt quelque chose de fort, histoire de faire passer la pilule!
    Mais les résultats en Belgique m’inquiètent encore plus.

  14. Inquiétez-vous amis Français, un Grand général, le votre, avait traité l’OTAN de « machin », je ne suis pas le seul à penser que cette « chose putride » qu’est l’EUROPE » n’est qu’une vaste fumisterie, juste bonne à monter les habitants de tous les pays concernés, les uns contre les autres, tant pis pour toi, disait l’autre, il fallait pas y mettre les doigts! Rassurez-vous tout de même, il est CERTAIN que tel l’ancien empire romain, cette nouvelle entité se détruira toute seule, mais que de malheurs elle aura fait entre temps! Si vous vous plongiez un tant soit peu, dans « certaines » écritures, vous y liriez sans doute ceci: « …Et je vis, une femme en bleu, douze étoiles sur la tête, la lune sous le pied, qui était dans les douleurs de l’enfantement, elle donna naissance à un fils qui mènera les nations avec une verge de fer! ce sera un temps de détresse tel, que l’humanité n’en aura pas connu de pareil! »… Ce qu’il faut lire par contre ensuite, c’est justement la suite, parce que jusque-ici, toute les prophéties annoncées, se sont produites…Continuons donc tous et toutes à vaquer dans nos occupations diverses hors communauté machine, qui, chassant, appareil photo en main, les papillons, les chamois, les milans et autres abominables bestioles qui selon certains, n’ont pas leurs places sur cette terre, qui, cultivant mille sortes de légumes ou de céréales laissent de côté les tracas de tous ces inutiles (Je parle de tous nos SDF*, qui vont à Monaco passer une nuit à 23.000 euros quand d’autres peinent à acheter une baguette de pain!) (j’en ai pas fini avec l’indécence, un article suivra bientôt!) Je me suis laissé dire qu’il y à même un baba, en Suisse, qui confectionne chaque jour, des menus spéciaux pour touristes ailés venant passer quelques mois de vacances en « Europe » Et bien,, quand arrivera justement, la fin du temps des nations, eux, viendront toujours chez nous, d’une part, parce que la bouffe est bonne et d’autre part, eux ignorent parfaitement les pays et les frontières! et finalement, parce que nous, on reste une île dans ce vaste océan de conneries! bonne semaine quand même, et ne venez pas me dire que je suis un aigri! meuhhhh non, comme on dit sur nos montagnes de neige! je dors peut être mois profondément que d’autres…Jéhan :heart:
    SDF* Sans Difficulté Financières

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