Le botryche lunaire

Un article proposé par Etincelle

Avec son petit air
De mystère
Le botryche lunaire
Sort de terre.

Bien caché dans la pelouse alpine
Parmi les herbes vertes,
Les dryades et les homogynes
Sa découverte
Ami promeneur
Te remplira de bonheur.

Depuis longtemps déjà, je voulais vous faire découvrir une curieuse petite plante des montagnes que je trouve magique et qui m’émerveille chaque fois que je l’observe. Il s’agit du botryche lunaire.

Certains d’entre vous l’ont peut-être déjà remarqué lors de balades en altitude mais la plupart des gens ne connaissent pas son existence.

Il faut dire que d’une manière générale, cette espèce n’apparait pas dans les livres. Cependant, dans la flore que j’utilise le plus, Flora Helvetica, très complète en ce qui concerne la flore des Alpes, on la trouve dans les premières pages entre les prêles et les fougères.

Le botryche lunaire (Botrychium lunaria), parfois appelée Langue de Cerf ou Herbe à la lune (et dans le Vercors, Bon raisin), appartient à la famille des Ophioglossacées, une des plus anciennes familles de fougères. Elle pousse dans les pelouses subalpines bien inondées de soleil. Je l’ai personnellement observée dans différents massifs (Vercors, Queyras, Vanoise …), entre les altitudes approximatives de 1000 et 2500 mètres.

C’est une espèce arctico-alpine parvenue en Europe lors des grandes glaciations du Quaternaire. Elle s’est maintenue dans les montagnes lors du réchauffement. Il existe cependant encore une station en plaine, en forêt de Fontainebleau.

Cette plante est pourvue d’une seule feuille formée de deux parties. La première, stérile, forme un limbe découpé en très jolis folioles, dont la forme rappelle des croissants de lune. L’autre partie de la feuille, fertile, est une grappe (botrys en grec) de petits sacs remplis de spores, servant à la dissémination de l’espèce.

 Quelqu’un m’a dit un jour que l’origine du mot italien « grappa » (l’eau de vie de marc de raisin) provient du botryche lunaire dont les grappes étaient autrefois utilisées par les montagnards en macération dans l’alcool. Si quelqu’un a des informations à ce sujet …. (En tout cas, ce n’est pas cette origine qui est donnée sur Wikipédia, mais cela ne prouve rien.)

Pas très courante, sans être réellement rare, cette espèce est surtout très discrète et reste en général invisible à la plupart des randonneurs car elle dépasse rarement les brins d’herbe dans lesquelles elle se cache.

Sa taille peut varier de 2 à 3 centimètres jusqu’à une vingtaine de centimètres pour les spécimens vivant dans les endroits les plus propices.

L’apparence curieuse de cette plante explique les propriétés magiques qu’on lui attribuait autrefois : on pensait qu’elle ouvrait les serrures mêlées, qu’elle guérissait les plaies. Dans le Canton de Vaud, en Suisse, on pensait que les chevaux qui la foulaient perdaient leurs fers. On croyait aussi qu’elle pouvait rendre invisible les soirs de pleine lune. Les alchimistes prétendaient par son moyen changer le mercure en argent, connaître l’avenir …

Dans le Vercors, on fabrique la « liqueur de bon raisin » réputée combattre les coups de froid ou les maux de ventre. Appliqué sur la peau, le « bon raisin » est utilisé pour « tirer le pus ».

Je doute néanmoins que ces pratiques perdurent réellement de nos jours, le botryche lunaire étant quand même loin d’être aussi courant que des espèces comme le pissenlit ou le coquelicot.

Lors de vos futures balades en montagne, affûtez votre regard et peut-être bien que vous aurez la chance d’admirer cette mystérieuse petite plante pleine d’originalité, qui ne manquera pas de vous fasciner et de vous procurer un petit instant de bonheur.

39 réflexions au sujet de “Le botryche lunaire”

  1. Quand à toi, Yves, si tu veux connaître ce « petit instant de bonheur », il te faudra t’éloigner un peu de ta chère Bretagne. :tongue:

  2. Non, non, dès qu’on est dans les milieux naturalistes, tout se sait et on a accès à 10 fois plus de choses qu’il n’en transparaît sur internet. Il n’est donc pas compliqué de connaître les localisations exactes des plantes ou des oiseaux. Et simplement d’ailleurs par la discussion avec des amis naturalistes …

  3. Qu’est-ce qu’elle ne ferait pas l’araignée Etincelle pour attirer dans sa toile drômoise une gentille proie bretonne … ! :whistle:

  4. Bravo pour ces images de Botryche lunaire.
    Pour les comtois qui lisent cet article, vous pouvez programmer une virée du côté du Mont d’Or au-dessus de Métabief, pousser jusqu’au Risoux ou La Dôle ; et une fois sur place, tout le monde à 4 pattes à la recherche de la petite fougère aux folioles en forme de lune.
    Pour les haut-saônois, il faudra être plus perspicace, mais le Botryche est présent sur la Chaume du Ballon de Servance, en très faible quantité (très difficile à trouver pour qui ne connaît pas le lieu précis).
    Bon weekend à tous à la recherche du Botryche lunaire. :cool:

  5. Salut à tous … Désolé , j’ai passé depuis quelques jours plus de temps à regarder pousser mes plantations et semis aux potager que sur le blog à Dupdup !!!
    :blush:
    Bel article sur l’herbe à la lune …. J’en ai plein ma pelouse , difficile de s’en débarrasser de cette mauvais herbe !!!
    :devil:
    Noooon , je plaisante … j’ai le droit c’est mon anniversaire aujourd’hui , bon , mettre ce jour-là férié , ça me touche vraiment mais fallait pas …!!
    :cool:
    Pour revenir à notre botryche lunaire … Je ne sais pas où le trouver en Bretagne , pourtant les scientifiques de la botanique disent que cette plante y est présente et protégée !! Donc si un jour j’ai une adresse , je vous ferai suivre .

  6. Non non, on a le droit de plaisanter tous les jours, pas que le jour de son anniversaire.

    Pour le botryche lunaire en Bretagne, si jamais quelqu’un connaît les stations existantes, mieux vaut ne pas trop donner la localisation.

    Yves, comme tu ne les connais pas, va falloir que tu ailles dans la Drôme … ! :whistle:

  7. … avec le fisc aussi, ce qui explique que le fisc soit bien malade… ne parle-t-on d’ailleurs pas de fisc alité ? :smile:

  8. Ah bon, Yves, tu comptes venir en avion chez moi ? :wassat:
    Tu sais mon jardin est un peu petit pour s’y poser avec un avion. :wink:
    En attendant, bon anniversaire. :kissing:
    Il existe d’autres botryches, plus rares que le botryche lunaire (simple, multifide, lancéolé, à feuilles de matricaire).
    L’un d’entre vous en a-til déjà rencontré ?

  9. Le botryche affectionne surtout les sols siliceux.
    Question à Albert : ne devrait-on pas le trouver plus fréquemment dans les Vosges saônoises ?

  10. Il est vrai qu’il est écrit à plusieurs endroits, sur le net par exemple, que le botryche lunaire se trouve sur les terrains siliceux mais chaque fois que j’ai vu le botryche lunaire, c’était sur un terrain calcaire. Ce qui n’exclut pas qu’on le trouve sur les terrains siliceux mais ce qui est sûr, c’est qu’il pousse sans problème sur les terrains calcaires. Je connais en particulier une station à trois mètres d’un lapiaz dans le Vercors. On ne peut guère faire plus calcaire comme terrain

  11. Oui, j’avais bien noté dans le commentaire d’Albert qu’il n’était pas très commun dans la partie haute-saônoise des Vosges. Ma question est de savoir, alors que le terrain est bien plus favorable dans les Vosges que dans les Alpes, pourquoi on ne l’y trouve pas plus.

  12. Parce que le botryche lunaire est lunatique… :silly:
    Plus sérieusement, je vais souvent dans les Vosges saônoises mais je n’ai jamais vu cette plante… que je ne connaissais pas avant cet excellent article. J’essaierai d’ouvrir l’oeil… Souvent on ne voit pas ce que l’on ne connait pas. :wink:

  13. Comme annoncé dans ma précédente intervention, le Botryche lunaire est rare en Haute-Saône, je ne le connais que dans la Chaume du Ballon de Servance et la population est très réduite ; cela ne veut pas dire qu’elle n’est pas ailleurs mais on ne l’y a point trouvée, ça vaudrait le coup de chercher du côté de la Planche des Belles Filles et également autour de Belfahy.
    Concernant le sol, je pense que cette petite fougère est indifférente entre calcaire et silice, même si je l’ai plus souvent observée sur calcaire (Mont d’Or, Dôle, Bois d’Amont, Creux du Van, Chasseral,…), je l’ai vue aussi dans les Vosges (Grand Ballon, Hohneck,…), les Alpes et les Pyrénées.
    Elle semble marquée une préférence pour les situations montagnardes comme le laisse entendre Étincelle ; ce n’est donc pas un hasard si le site breton est secrètement gardé, probablement disparu.
    Rémy PRELLI, spécialiste français des fougères, signale dans son ouvrage de 2002 que le Botryche lunaire « est une espèce des pelouses rases à Nard, en montagne, sur terrains siliceux ou calcaires superficiellement décalcifiés. En plaine par contre, les rares localités sont sur sols neutro-alcalins (comme dans les arrières-dunes fixées du Nord) ou dans des pelouses maigres sur sables calcaires ou craies ». Dans le même ouvrage, cet auteur indique que les sites de basse altitude se font de plus en plus rare (disparition) ; seules subsistent quelques rares localités en régions Nord-Picardie, Île de France et Lorraine. En Bretagne, elle était signalée dans les Côtes d’Armor mais l’observation est antérieure aux années 1950 ; on peut toujours rechercher car cette plante présente parfois des éclipses au cours desquelles le rhizome n’est pas assez costaud pour produire une pousse aérienne feuillée. Rémy PRELLI réside dans les Côtes d’Armor, à Lamballe ; je pense que si le site existe encore il l’aurait localisé.
    Voilà, c’est tout pour ce soir. Bonne nuit à tous.

  14. Fifitoucourt dit « Souvent on ne voit pas ce que l’on ne connait pas ».
    C’est tout à fait vrai.
    Et surtout en ce qui concerne le botryche lunaire.
    Avant que quelqu’un ne me parle de cette plante, je ne l’avais jamais vue et pourtant, je parcours la montagne depuis bientôt 40 ans. Maintenant, je la vois assez souvent.

  15. Plusieurs livres ou articles parlent de cette plante comme n’aimant pas le calcaire actif. Est-ce à dire que là où elle est présente sur des massifs calcaires dans le secteur d’Etincelle (exemple du Vercors …) c’est uniquement sur des zones calcaires ayant subi une décalcification et donc une fuite en profondeur des ions calcium ?

  16. Alors là, je ne suis pas assez calée en géologie pour répondre.
    Tu cherches la petite bête, Dupdup !

  17. Non, non, ce n’est pas forcément une question de géologie.
    il y a pas mal de plantes que l’on pourrait trouver dans plein d’endroits mais qu’on ne trouve pas car le calcaire actif est pour elles un véritable poison et la présence d’ions calcium revêt alors un caractère rhédibitoire pour la plante (exemple du cognassier ou du châtaignier). ça m’intéresse juste de savoir si le botryche fait partie de ces plantes là car ce qu’on trouve sur les livres ou sur les sites internet est parfois contradictoire, on parle parfois uniquement de calcaire décalcifié mais pas toujours …

  18. Vivant en New-Zeland depuis deux ans, je connais bien cette petite fougère pour l’avoir vu dans le park national de mount aspiring.

  19. Euh oui, effectivement, je viens de voir qu’on le trouve aussi en Australie, en Argentine, au Japon …
    En faisant quelques recherches, j’ai vu aussi qu’il devait son nom de « lunaire » à son nom médiéval, on disait à l’époque qu’il avait la propriété de rendre les gens invisibles si on le cueillait les soirs de pleine lune.

  20. « En Suisse, dans le canton de Vaud la botryche avait la propriété de déferrer les chevaux qui avaient posé leurs sabots sur cette plante. Dans beaucoup de régions elle avait aussi la réputation de pouvoir ouvrir les serrures rouillées tandis que les alchimistes la ramassaient pour changer le mercure en argent. Au Moyen –âge on se servait de la botryche pour prédire l’avenir mais son usage magique le plus important était celui de pouvoir vous rendre invisible à condition de la ramasser le soir de la pleine lune. »
    Décidément, une sacrée plante ! :whistle:

  21. A propos de calcaire décalcifié, les zones qui présentent ce caractère sont relativement courantes dans les régions au sous-sol calcaire. De plus, l’action des acides organo-humiques libérés par la dégradation des débris de plantes peut engendrer des micro-zones très localisées dans une contexte plus large neutre à calcicole, voir calcaire. Ce genre de micro-milieu peut suffire au « bonheur du Botryche pour se développer, même abondamment, dans des pelouses montagnardes sur roche calcaire.
    J’espère n’avoir pas été trop barbant avec des explications un peu technique.
    Bonne soirée à tous. :smile:

  22. J’aime bien tes photos de l’herbe à la lune. En Bretagne, je ne sais pas ce qu’il en est. Moi j’en ai croisé dans le Queyras (Hautes-Alpes). Et j’en ai fais un article aussi! Elle est trop bien cette fougère.

  23. Bonjour,
    Tout d’abord je voudrais vous dire que les photos sont magnifiques ! En Suisse, je vais chaque année fin juin début juillet en ramasser sur la route du col du St-Bernard. Ici on l’appelle la griffe du diable et j’en fais un baume avec des H.,E. qui fait merveille contre les douleurs d’arthrose, polyarthrite, arthrite des doigts. Mais je ne connaissais pas ses autres propriétés. Je vais aller voir du côté du Jura, on m’a dit qu’elle y pousse aussi.

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