La rousserolle turdoïde

La turdoïde, c’est « mon » oiseau !
Je m’explique.
Je n’ai aucun souvenir d’avoir vu le moindre piaf dans mon enfance. Pourtant, vivant dans une ferme et allant souvent dans les champs, j’ai dû en côtoyer un grand nombre. Mais non, je ne me rappelle de rien.
Plus tard, à la fac, deux stages avec mon professeur Claude-Roland Marchand m’ont ouvert les yeux. L’un des deux stages avait lieu dans la Dombes. Outre quelques chansons de Brassens à la veillée et quelques bouteilles vidées, je me rappelle alors avoir vu mes premiers oiseaux : il s’agissait de la guifette moustac, de la mésange à longue-queue et du coucou gris. Y’a pire pour commencer une passion d’ornitho ! C’est Claude-Roland, devenu un ami, qui m’a donné le déclic. C’était au printemps 1976.

Pendant les vacances de Pâques de cette année-là, j’avais travaillé à la Poste de Voray-sur-l’Ognon pour 15 jours (j’étais facteur pendant toutes mes vacances scolaires). C’est avec la paie de ces vacances de Pâques 1976 que je me suis acheté ma première paire de jumelles, aussitôt revenu de mon séjour en Dombes.
Lors de ma toute première balade, très fier d’avoir mes jumelles autour du cou, j’arpentais les rives de l’Ognon.
Les oiseaux étaient bavards ce jour-là et l’un d’eux chantait à tue-tête : karrakarrakarra kiètkiètkirrikirrikirrikrâkrâkrâ krokrotiritiri krik.
En fait, je ne savais même ce qu’était un chant d’oiseau, alors j’ai imaginé que ça pouvait être un adulte qui criait avec ses jeunes, tellement ça faisait du boucan …
Mais je n’ai rien vu au sol. Et c’est après pas mal de recherche que aperçu un oiseau qui chantait en se balançant en haut d’un roseau.

1Il s’agissait de la rousserolle turdoïde. J’étais stupéfait qu’un oiseau aussi petit puisse faire autant de bruit. Jugez-en par l’enregistrement de Fernand Deroussen issu du site Xeno Canto :

Les jumelles sont restées autour du cou depuis cette époque. C’était Claude-Roland qui m’avait appâté, mais c’est la turdoïde qui m’a définitivement ferré. Les oiseaux ne m’ont alors plus jamais quitté.

Pendant toutes les années qui ont suivi, j’ai retrouvé chaque printemps, dès les derniers jours d’avril, la rousserolle turdoïde. J’ai appris à la connaître, dans le secret des roselières du bord de l’Ognon.

2 3Plus tard, j’ai eu la chance, pendant 8 années d’affilée, d’avoir cet oiseau devant chez moi (on habitait en bordure d’un massif de roseaux à Brussey). C’est d’ailleurs peut-être de là que vient l’enregistrement de la turdoïde ci-dessus, Fernand Deroussen étant venu l’enregistrer. Et puis en 1992, l’espèce abandonnait les lieux.

4Cette fauvette aquatique était encore très commune à la fin des années 70 et au début des années 80. Mais son déclin fut inexorable. Les sites de nidification sont devenus très rares dans ma vallée … comme presque partout ailleurs.

5L’an passé, j’ai retrouvé cet oiseau en Camargue et j’en ai profité pour faire quelques images (toutes les photos de cet article ont été faites dans le delta du Rhône en mai 2013).

6Mais ce n’était pas vraiment dans de bonnes conditions. Alors, peut-être que cette année, en juin … !

32 réflexions au sujet de “La rousserolle turdoïde”

  1. Petit ajout à mon article :
    Le « karrakarrakarra kiètkiètkirrikirrikirrikrâkrâkrâ krokrotiritiri krik » dont je parle est la transcription phonétique qu’a faite Paul Géroudet du chant de la turdoïde dans le tome 2 de son livre sur les passereaux d’Europe.

  2. Dans les étangs auprès de chez moi , j’ai bien plus l’occasion d’entendre chanter la Rousserolle effarvatte .
    Le premier été où j’ai fréquenté ces étangs … Un vrai casse tête pour repérer les oiseaux qui poussaient ces cris et de quel bec sortaient tous ces sons métalliques et puissants !!
    Je n’avais ni internet , ni de CD pour écouter les chants d’oiseaux , juste un guide ornitho . Il me fallait donc arriver à observer la bête au milieu des roseaux pour tenter ensuite de déterminer l’espèce .
    Je peux vous dire qu’il m’a fallu du temps pour découvrir toutes ces fauvettes des marais , comme la Rousserolle effarvatte , la Bouscarle de cetti ou encore le Phragmite des joncs !

  3. Encore un oiseau mythique en ce qui me concerne. Très rare en Belgique, complètement absent de ma région, j’en rêve… :smile:
    43 individus capturés en Belgique en 2012 contre 9000 pour la verderolle et 65 000 effarvattes!
    http://users.teledisnet.be/web/gga07974/oiseaux%20en%20main,%20rousserolles%20et%20phragmites.htm
    Même si tes photos ne sont pas à la hauteur de tes attentes, je reste tout de même scotché parce que arriver à faire le point sur un oiseau dans ce genre de biotope, c’est rarement top!

  4. Le vécu de chacun est très différent. Je ne connais pas bien cet oiseau. Cependant, contrairement à Bernard, j’ai commencé très jeune à m’intéresser aux oiseaux, ou plutôt à leurs chants.

    Mes premiers contacts c’était à travers une émission radio qui s’appelait « Oiseaux qui êtes vous » diffusé sur France-inter me semble-t-il (je peux me tromper) au tout début des années soixante.
    Je me souviens nettement du chant de la mésange charbonnière quand je descendait à pied à l’école distante de 2 km de la maison. J’avais l’impression qu’elle répétait mon prénom !

    J’ai réalisé des enregistrements avec … un des premiers magnétos à cassette en 1971. J’étais encore collégien. J’ai encore quelques uns de ces enregistrements… encore parfaitement audibles !

    Si Fernand Deroussen était né, il ne devait pas être bien vieux ! A l’époque, j’écoutais les enregistrements de J.C. Roché, un pionnier de l’enregistrement de qualité en pleine nature. Une encyclopédie sonore fort utile pour initier de jeunes oreilles…

    C’est tout de même curieux que cet article réveille ces vieux souvenirs ! Merci Bernard ! :smile:

    Pour dire que les conditions n’étaient pas bonne, la première photo, elle, est très réussie … :wub:

  5. Evidemment, les vieux de notre âge ont débuté avec les enregistrements de Jean-Claude Roché. Je ma rappelle de la collection d’une trentaine de 45 tours …
    Je ne sais plus quand j’ai rencontré Fernand Deroussen, sans doute dans le milieu des années 80. C’était avant qu’il ne créé les éditions Nashvert. Depuis, il a fait un bien grand chemin : 120 disques publiés dont un qui a dépassé les 100 000 exemplaires.

  6. La dernière est très bien aussi. Tu remarqueras tout de même qu’elles se ressemblent même si l’une est cadrée plus serrée… :smile:
    Luc a raison, choper la bestiole dans tous ces roseaux, ce n’est pas évident ! :wink:

  7. Je dois dire que j’ai fait une cinquantaine de photos et que la plupart étaient très mauvaises, je n’ai gardée que les 6 de cet article (toutes recadrées).

  8. Petite précision :
    La turdoïde est de grosse taille (19 cm), elle est bien plus grosse qu’un moineau alors que sa proche cousine, l’effarvatte, est de taille inférieure à celle du moineau (elle ne mesure que 13 cm). La turdoïde pèse deux fois plus lourd que l’effarvatte. Mais si on avait un doute en en voyant une, il faut repérer le sourcil blanc, seule la turdoïde en est pourvue et ça se voit sur toutes les photos de cet article.

  9. Eh ben voilà !
    Le Dupdup préfère la dernière photo ?
    Evidemment, la belle s’est maquillée :biggrin:
    Je ne sais pas où elle a trouvé ce si joli rouge à lèvres. :wassat:

  10. Je me souviens trop bien de ma première fois avec ce piaf… je l’entendais dans la roselière de l’étang de Pagney… j’ai chopé mon portable et appelé Christophe pour lui faire écouter cette grenouille qui chantait si bizarrement, un deux tons surprenant… magique…. C’est lors d’une autre sortie que j’ai pu enfin voir à qui j’avais à faire… j’adore !!!

  11. Oh ! De nos jours, mâle ou femelle :whistle:
    Et d’abord, qui a dit qu’un mâle ne pouvait pas mettre de rouge à livre ? :devil:

  12. Autrefois les gens de mon secteur appelaient les deux rousserolles : le grand caracouin (turdoïde) et le petit caracouin (effarvatte).
    Caracouin ou Karakoin, je ne connais pas vraiment l’orthographe d’ailleurs (de toute façon ça ne s’employait qu’à l’oral).
    Le terme de caracouin est tellement évocateur du chant !
    Je me demande quand même combien de bières avait bues le cinglé du Museum d’Histoire Naturelle pour donner à cet oiseau un nom aussi affreux que turdoïde. A mon avis, il était aussi pété que celui qui a pondu la réforme du temps scolaire !

  13. Déchaîné le Bernard ce soir ! La Etincelle elle en perd son latin…
    Du coup, on ne l’entend plus gazouiller… :silly:
    Et le caracoin-coin, c’est un canard ? :w00t:

  14. Enormément de souvenirs avec ce fameux grand caracouin, le commentaire est à la hauteur des images, comme d’hab’. Un gros faible pour la dernière aussi avec un effet graphique japonisant, merci les roseaux, on attend les bambous. :wink:
    J’ai passé des heures à découvrir, écouter et observer la turdoïde et je suis sûr que tous les ornithologues ont un jour ou l’autre un peu flashé sur cette espèce de la roselière, son chant puissant ou (Etincelle ne rate jamais le détail féminin :wink: ), son superbe rouge à lèvre : un rouge en bouche en fait ! Le milieu, le marais, la rareté, l’identification ? Quel drôle d’oiseau, je ne savais pas que c’était le tien. :smile:

  15. Tous les vieux pêcheurs connaissaient cette rousserolle qui était partout le long de l’Ognon.
    Incroyable comme cette espèce a pu disparaître aussi rapidement ! :wassat:

  16. Ah mais c’est génial ce site ! :smile:
    Je viens d’écouter l’accenteur alpin.
    L’enregistrement est super bon.

  17. sur le blog de l’étang du ravoir prés d’orleans il y a des planches entières d’oiseaux avec leurs ramages et des photos presque aussi belles de bernard ,

  18. S’il va dans l’étang , il vaut mieux lui donner les deux palmes … Autrement , il va tourner en rond et on est pas près de le ravoir !!
    :smile:

  19. Waouh ! Quel esprit Yves … :smile:
    Je le savais déjà (je me souviens entre autres de « Je la laiche ou je la carex » :wink: ) mais une fois de plus tu m’épates :cool:

  20. Bravo Bernard pour cette page .
    Nous avons encore manqué cette jolie bête cette année à Brussey .

  21. Elle a chanté dans un des massifs de bambous de la maison de la nature il y a quelques années mais cela fait plus de 15 ans qu’elle n’y niche plus. :angry:
    Bravo pour la capture de la hulotte dans les filets ! :wink:

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