« Les fêlés de la graine »

« Sur l’autoroute du blog, tous les deux mois une petite pause s’impose ! » Alors ce blog fait une petite trêve pour la période des fêtes et reprendra le 1er janvier.

Ce dernier article de la saison est très important pour moi. J’avais dit dans un précédent commentaire que j’annoncerais en fin d’année une initiative dans le domaine des graines. Nous y voilà !

Le 5 octobre dernier une petite bande de joyeux jardiniers s’est réunie autour de quelques verres de bières et d’un couscous pour poser la première pierre d’un mouvement qui pourrait essaimer un peu partout (enfin on l’espère !).

Mais avant d’entrer dans le vif du sujet, un petit préambule s’impose.

Il y a deux objectifs primordiaux pour le jardinier : d’abord ne pas se contenter de produire des légumes juste en été mais essayer de vivre de ses légumes toute l’année (un principe devenu rare dans notre monde actuel mais qui a pourtant été une nécessité pendant plusieurs millénaires), c’est à dire boucler la boucle : DU PRINTEMPS AU PRINTEMPS. Ensuite, de donner de la cohérence à son activité de jardinier en participant, pour un certain nombre de légumes, au cycle complet de la plante, c’est à dire en bouclant une autre boucle : DE LA GRAINE  À LA GRAINE ! On a tous conscience que ces deux objectifs sont très difficiles à atteindre et qu’il s’agit-là d’un très long cheminement qui se déroule sur toute une vie de jardinier.

Les amis jardiniers impliqués dans ce projet ont décidé de se focaliser uniquement sur le deuxième aspect (la graine) en essayant de répondre à la question suivante : « Sachant qu’il est impossible pour un jardinier de produire lui-même les graines de tous ses légumes, la seule manière d’y arriver ne serait-elle pas de le faire collectivement ? » D’où l’idée d’un petit groupe qui se constituerait sur une base de fonctionnement très simple : par exemple, l’un des membres se charge de produire des semences de carottes pour tous les membres du groupe, un autre des graines de radis, un autre de haricots, etc …

A noter que le mot « graines » est utilisé en priorité car il s’agit-là du mode de reproduction le plus habituel des légumes. Mais le terme n’est pas exclusif car notre groupe se penchera bien évidemment sur les autres modes de reproduction : bulbes, tubercules, bouturage, … A noter également que si les légumes constituent le cœur de notre action, il devrait être aussi question de fruits et de fleurs.

Mais quel intérêt à constituer un tel groupe alors que nous avons accès aujourd’hui, notamment grâce à internet, aux semences d’une foultitude de variétés ? Concernant notre action, il y a bien entendu la volonté de s’affranchir du monde des semenciers et d’entrer dans une démarche de résistance par rapport au mode de jardinage que les grands groupes veulent nous imposer (variétés non reproductibles, semences très chères …). Mais il y aussi et surtout l’importance d’adapter nos semences aux changements climatiques en cours. Comme je l’ai déjà dit sur ce blog, les graines que l’on nous vend sont produites dans des conditions optimales (souvent sous serre), à partir de plantes qui poussent sur un type de sol idéal, qui n’ont jamais eu trop froid ou trop chaud, qui sont à l’abri des vents, et qui n’ont jamais manqué d’eau ou d’éléments nutritifs. Or, les changements actuels sont tels qu’il nous faut sélectionner des plantes qui résistent de plus en plus aux conditions extrêmes que nous connaissons. Et la première des préoccupations est d’adapter ces plantes à nos terroirs. D’où l’idée de constituer un groupe à l’échelle d’un petit territoire. Et aussi évidemment l’idée de susciter la création d’autres groupes à l’échelle d’autres territoires (j’en parlerai plus loin).

De par notre passé, beaucoup d’entre nous avons fait le tour du fonctionnement associatif. Nous n’avons donc pas envie de retomber dans les lourdeurs d’une organisation quelconque (réunions, conseils d’administration, assemblée générale, cotisations …) et son lot de problèmes éventuels (conflits de personnes, luttes de pouvoir …). D’où l’idée d’un groupe qui soit juste un groupe informel, de petite taille, et qui privilégie la convivialité. C’est pourquoi nous l’avons constitué à partir de personnes qui, pour beaucoup d’entre elles, avaient déjà l’habitude d’échanger sur le thème du jardin et qui surtout prenaient du plaisir à se retrouver autour d’un verre. L’idée n’est pas d’étendre la taille de notre groupe, mais bien de susciter la création d’autres groupes avec lesquels nous resterions en contact. C’est un type de fonctionnement qui nous semble être d’une très grande souplesse.

Si on avait envisagé d’en rester seulement à la création de notre groupe, nous n’aurions pas eu besoin de nom. Mais notre démarche n’a de sens que si nous suscitons la création d’autres groupes similaires un peu partout. D’où forcément la nécessité de communiquer. D’où aussi l’importance d’être identifié et donc d’avoir un nom. Evidemment, comme bon nombre de mes amis sont des gens passionnés et donc un peu fêlés sur les bords, le nom « les fêlés de la graine » s’est imposé très vite.

Le nom de domaine « les fêlés de la graine » a été déposé et un site internet démarrera prochainement. Ce site sera sans doute très rudimentaire au départ puis s’étoffera au fil du temps. Probablement que sur ce site nous proposerons quelques outils du genre « tableau de durée germinative des graines », « méthodologie pour la récolte des graines ». Mais tout cela va se construire lentement, nous sommes en plein dans l’expérimentation et il nous semble donc important d’échanger avec d’autres sur la manière de faire, les difficultés rencontrées …

Nous n’avons pas encore vraiment parlé entre les membres de notre groupe des relations avec d’autres groupes qui pourraient naître et qui pourraient faire partie de notre petit réseau. Mais il me semble que le fait de se revendiquer des « fêlés de la graine » suppose juste que ces groupes aient pour objectif principal l’autonomie au niveau graines et gardent un contact avec notre groupe fondateur (constitué de Michèle, Catherine, Daniel, Jacques et Brigitte, Christophe et Isabelle, Didier et Christiane, Joëlle et moi-même). Pour le reste, je ne pense pas qu’il y aura autre chose dans le cahier des charges. Donc, très grande souplesse du système !

Vous l’avez compris: ce projet n’en est qu’à ses débuts. Il va falloir tout construire. Ou plutôt co-construire. Car chacun peut amener sa pierre à cet édifice collectif :

  • En amenant des idées pour construire notre réseau (quel maillage du territoire ? quelles relations entre les différents groupes ?..).
  • En amenant du contenu pour notre futur site internet (techniques de récoltes de graines, de conservation, quels critères pour le choix des variétés …).
  • En mettant éventuellement à disposition des différents groupes certaines variétés locales en voie de disparition.

Mais dans l’immédiat, le plus simple est encore de faire connaître notre initiative auprès de vos amis jardiniers (en leur envoyant le lien de cet article) … et de créer dès maintenant quelques groupes de « fêlés de la graine » pour amorcer la dynamique.

Joyeuses fêtes à vous tous, bande de fêlés !

« Heureux soient les fêlés car ils laisseront passer la lumière » (Michel Audiard)

37 réflexions au sujet de “« Les fêlés de la graine »”

  1. Bravo pour cette belle initiative.
    Je vais faire suivre cet article à quelques personnes que cela pourrait intéresser.

  2. je rappelle l’existence de la plate forme « graines de troc », graines échangées entre jardinier(e)s par simple voie postale.. (13 000 variétés, évolutives, certaines graines ayant un temps de germination limité)

    http://www.grainesdetroc.fr/

    j’appartiens aussi à l’association « les jardiculteurs », basés à Louhans, qui organisent des échanges graines, plantes, livres, matériels, etc..3 fois par an dans la cité. Je communiquerai les dates 2020 dès fixation.

  3. Ah en effet , vous êtes vraiment des fêlés ! … Accompagner un couscous de bières !?! :biggrin: :silly:
    Non , c’est une belle initiative que j’ai moi aussi mis en place dans mon entreprise .

  4. Comme tu l’as fait, j’aurais plein de questions à te poser.
    Par exemple celui qui fait des graines de carottes pour tout le groupe, il laisse combien de pieds monter en graines ? Et pour combien de personnes ?
    Celui qui fait les pommes de terre, comment a t-il fait pour trouver une variété reproductible (celle du commerce ne l’étant pas, ou juste pour quelques années en attendant la dégénérescence génétique qui a lieu inévitablement) ?
    Mais le sujet est immense. Mis à part les variétés faciles comme les tomates, les poivrons, les aubergines, les piments, les laitues … que nous faisions tous avant la constitution de notre groupe et pour lesquels nous n’avons pas besoin de faire les choses collectivement, chacun des autres légumes pose un problème très particulier, notamment parce que les jardiniers qui font leurs graines habituellement ne le font pas avec les plantes bisanuelles et avec les plantes à fort risque d’hybridation. On a constaté que sur les cinquante types de légumes dont on vise la production de graines, les deux tiers relèvent de ces deux difficultés. Donc ça m’intéresse bougrement de savoir comment ton groupe fait.

  5. Je vais avoir du temps pour trier mes graines car je suis immobilisé pour un moment. Je sors de chez le médecin. Claquage des muscles du mollet.
    Je passe du statut de « fêlé de la graine » à « fêlé de la jambe » ! :devil:

  6. T’es un p’tit malin toi …
    T’as trouvé le bon moyen pour passer Noël bien au chaud comme un pacha, choyé par ta douce et tendre :w00t:

  7. ça ne va pas changer grand chose, pour moi la période de Noël est toujours une période bien au chaud avec bouquins, musique, …
    Le seul truc qui me gêne dans cette immobilisation, c’est l’annulation des séances de brassage de bière.

  8. organisé comme tu es tu dois bien avoir des copains pour te remplacer s’ils n’ont pas mal aux bras.
    Joyeux Noël

  9. hou non, les copains viennent rarement au moment du brassage, bien plus souvent lorsque la bière est prête et bonne à boire.
    A leur place, j’en ferais d’ailleurs autant …

  10. Oui , mais faites donc attention à ce qu’il n’achètent pas une bande de bretons afin de les lâcher dans la nature Franc-comtoise … Ils vont vous boire toute vos bières !!!! Du coup , même le vin de paille et Macvin pourraient disparaitre rapidement de votre région … :tongue: :lol:

  11. Le concept me semble bizarre. Je comprends bien la volonté de laisser vivre ces animaux de leur belle vie dans des enclos bien plus grands qu’un zoo classique. Ils ne peuvent évidemment pas être relâchés car devenus inaptes à vivre en plein nature. Mais pourquoi les soustraire à l’oeil du public et n’envisager que des « visites en réalité virtuelle » ? Empêcher l’imprégnation par l’Homme de ces animaux n’a de sens que si les animaux ne sont pas encore imprégnés (ce qui n’est pas le cas ici) et s’ils sont ensuite relâchés dans leur milieu naturel (ce qui ne sera pas non plus le cas).

  12. Ça fait des années que ça dure les problèmes financiers de ce zoo … personne ne voulait y mettre un rond !! Et tout à coup , une cagnotte et tout va aller pour le mieux !?? Hum hum ! :unsure:
    Je souhaite bien du courage aux repreneurs même si je trouve le concept un peu vague …. ça fait un peu coup de com .

  13. Là où c’est de la com, c’est de dire que les animaux auront plus d’espace que dans un zoo classique. Il faut relativiser cette annonce car un peu partout en Europe, les zoos ont su se moderniser et il existe beaucoup d’endroits (mais pas assez encore, bien évidemment) où chaque animal a beaucoup plus d’espace, parfois de l’ordre de plusieurs hectares pour certaines espèces.

  14. Faut filer un coup de main à Sylvain pour la bière du coup ?
    En tous cas j’approuve totalement ce genre de démarche.

  15. Un jardinier d’un village environnant m’a donné des graines d’une tomate extrêmement précoce. Elle s’appelle « Budanovska » et je n’avais jamais entendu parlé de cette variété-là. Je l’ai semée le vendredi 27 décembre à 11H et la première petite plantule est sortie hier dimanche 29 décembre à 16H. Guère plus de deux jours donc. Je n’ai jamais vu de germination aussi rapide, ça promet … ! Je ne garderai qu’un plant pour moi et je pourrai donc donner quelques plantules à ceux qui n’habitent pas très loin autour du 15 janvier.

  16. quel pays de Cocagne, ta région, mais prudence, si tu donnes tout et qu’un bon coup de froid arrive………………..

  17. Je n’avais pas lu les commentaires depuis un moment, et n’avais donc pas vu que tu aurais pu avoir besoin d’un brasseur par intérim.. dommage, j’aurais secondé Sylvain avec grand plaisir.
    Pour la tomate précoce, je n’ai jamais entendu ce nom là non plus.
    Je lui ferais bien un peu de place dans la serre à cette petite qui a l’air de venir des pays de l’Est…

  18. Bonjour a tous et a chacun ,notre ami dupdup fait encore parler de lui cette manie qu’il a d’aider toujours les autres a avance, r de trouver des idees nouvelles , de passioner les gens je me retrouve aujourd’hui reporter quelques annees en, ariere annees ou j’etais un petit jardinier qui a tout apris sur le cite tomates de dup dup et le l’en remmercie il m’a permis de developper par ses conselles »l’ananas zebra  » qui est connu maintenant dans toutes la France et ces grace a lui que cette tomate existe bravos ,c’est un grand passioné et merci
    a tous d’avoir pris le temps de me lire ?
    jp dit le Papet

  19. Jean-Pierre,
    Comme beaucoup de gens qui sont venus à un moment donné sur le blog, les relations continuent par mail entre nous. Dommage car je crois que beaucoup de choses dont on parle seulement par mail pourraient intéresser aussi d’autres jardiniers. En tous les cas, avec tes 81 ans (depuis ce mois de janvier), je suis sûr qu’avec tes 800 variétés de tomates tu aurais des tas de choses à nous dire ! :wink:

  20. Bonsoir,

    Documentaire qui a été diffusé sur France 5 aujourd’hui pour ceux qui seraient passés à côté…

    Il s’intitule Terres nourricières. D’une très grande richesse. Histoire de l’agriculture de la préhistoire à nos jours. Rencontre avec ceux qui font de la terre une terre nourricière.

    https://mobile.france.tv/france-5/science-grand-format/1262435-terres-nourricieres.html

    Bernard, j’ai posté le lien ici car je trouve que ça rejoint et complété bien ton initiative. Tu verras, on y parle des ancêtres des fêlés de la graines ! 😉

  21. Oui documentaire de 90 minutes. Un voyage dans le temps et l’espace qui les vaut bien. 😉

    On y découvre, à travers un tour du monde (Guyane, Maroc, Pérou, Philippine…), les techniques, qui ont permis d’améliorer la fertilité des terres et de nourrir l’humanité, sauvegardées par les héritiers du génie des traditions agricoles, la domestication des semences et leur préservation.

    Le partie du documentaire qui concerne les héritiers de la civilisation inca dans la région de Cuzco au Pérou m’a interpellée. Mais quelle sagesse et que dire du respect porté à la terre.

    Vous verrez, on y parle de la pomme de terre sauvage, aïeule millénaire aux multiples descendants. Que de chemins parcourus…

  22. Magnifique reportage que je finis de regarder à l’instant. Les cultures en terrasse, en Asie mais aussi au Pérou, m’ont énormément intéressé. Il est surprenant de constater que ce sont les agriculteurs les plus déshérités de la planète qui ont mis au point les systèmes de culture les plus ingénieux. « Nécessité fait loi » dit le proverbe … J’ai adoré ce jeune Français qui nous sert de guide aux quatre coins de la planète.

  23. coucou Bernard, ta tomate miracle est-elle en fleurs ou as-tu déjà mangé ta première salade ?

    des photos……………….

  24. Toujours en lien avec le documentaire Terres nourricières…

    Bernard, tu as remarqué que leur ingéniosité est le fruit d’un long travail d’observation, d’expérimentation et surtout un travail de groupe !
    La survie de chacun dépend de l’effort collectif.

    Une autre qualité, la patience doublée de bon sens. Un exemple, une parcelle après une culture de pommes de terre sera mise au repos durant 7 années. Une jachère qui permet de favoriser la fertilité des terres.

    Dans ce documentaire d’Arte (voir le lien plus bas), il est mentionné que la 1 ère année la pomme de terre est cultivée, la seconde ce sont les petits pois ou l’oca, la troisième de l’orge, de l’avoine ou du blé et ainsi de suite.

    Pérou, les mères de la terre :
    https://youtu.be/L410K0GR-As

    Et pour conclure, une citation tirée de ce reportage.

    « ON APPREND À NOS ENFANTS À AIMER LEUR TERRE. »

  25. On n’avance pas si vite que ça. Que quelqu’un fasse des graines de carottes ou de radis en quantité suffisante pour alimenter en graines 7 autres personnes (et cela, toutes les années), ce n’est pas si simple que ça ! Chaque légume pose une problématique particulière. Evidemment, pour faire comme d’autres iniatives de ce genre, produire pour tout un groupe des graines de tomates, poivrons, piments, haricots, salades, bettes, betteraves … ce n’est pas bien compliqué, mais s’attaquer à la vingtaine d’autres légumes infiniment plus compliqués, ce n’est pas gagné !

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