Avec les faits, avec les fées, avec les fêlés …

Autrefois, dans un passé pas si lointain, les régimes totalitaires s’installaient par la force.
Aujourd’hui ils commencent à s’installer ça et là par la voie des urnes.
Avec l’affaire Tesson et la bande de fêlés qui l’a déclenchée, on voit se profiler un nouvel ordre mondial et une nouvelle dictature  : celle de la bien-pensance, qu’il conviendrait plutôt d’appeler celle de la rien-pensance.

En attendant que sur ce blog il y ait débat (ou non) sur ce sujet, une vidéo dans laquelle Sylvain Tesson parle de son dernier livre « avec les fées » :

13 réflexions au sujet de “Avec les faits, avec les fées, avec les fêlés …”

  1. Merci Christophe pour cet article très très intéressant.

    L’histoire de cette polémique est ahurissante. Je résume. Depuis plusieurs mois, ça ne se passe pas bien au sein de l’institution du Printemps des Poètes. Le climat semble y être délétère. Pour s’en prendre sans doute à la directrice, un groupe de 600 personnes (puis 1200), autoproclamées « poétesses et poètes » que personne ne connaît (à part peut-être deux ou trois auteurs) attaque la décision de choisir Sylvain Tesson comme parrain de la manifestation. Le prétexte est que Sylvain Tesson a fait une préface d’un livre de Jean Raspail (« le camp des saints ») considéré comme un livre d’extrême droite. Or, il apparaît que Sylvain Tesson n’a jamais préfacé ledit bouquin, il a juste préfacé un recueil de trois romans de Raspail parlant de la Patagonie, dont le livre « Qui se souvient des hommes » que j’ai connu grâce à Etincelle et qui m’a bouleversé (c’est un très grand livre à mon avis et j’en profite pour remercier Etincelle de me l’avoir fait connaître). Aucun des1200 signataires de la tribune, faisant pourtant partie du métier, n’a vérifié le fait que Tesson avait préfacé « le camp des saints ». Libé, qui a publié la tribune, ne l’a pas fait non plus. Et le Monde, qui a relayé l’info, n’a pas pris non plus le soin de vérifier (c’est dire le niveau des journalistes littéraires de Libé et du Monde). Les réseaux sociaux s’enflamment et personne, dans tous les articles que j’ai lus, n’arrive à citer une seule phrase de Tesson qui serait douteuse. Quelques jours plus tard, alors qu’on se rend compte qu’il y eu erreur et que Tesson n’a jamais préfacé ledit bouquin, l’organisateur de la pétition enlève de la pétition en catimini la phrase fausse, sans même demander l’avis des 1200 signataires, et surtout sans s’excuser auprès de Tesson. Il ne reste finalement aucun élément à charge contre Tesson, mais la polémique est lancée, elle continue, bien évidemment, et le mal est fait. Ce qui est assez incroyable, c’est que LeMonde et Libé n’ont pas fait part à leurs lecteurs des nouveaux éléments de l’affaire et n’ont pas dit que la charge contre Tesson était foireuse. Ainsi va le monde des médias …

  2. De Sylvain Tesson :

    « L’été venait de commencer quand je partis chercher les fées sur la côte atlantique. Je ne crois pas à leur existence. Aucune fille-libellule ne volette en tutu au-dessus des fontaines. C’est dommage : les yeux de l’homme moderne ne captent plus de fantasmagories. Au XIIe siècle, le moindre pâtre cheminait au milieu des fantômes. On vivait dans les visions. Un Belge pâle (et très oublié), Maeterlinck, avait dit : « C’est bien curieux les hommes… Depuis la mort des fées, ils n’y voient plus du tout et ne s’en doutent point. » Le mot fée signifie autre chose. C’est une qualité du réel révélée par une disposition du regard. Il y a une façon d’attraper le monde et d’y déceler le miracle de l’immémorial et de la perfection. Le reflet revenu du soleil sur la mer, le froissement du vent dans les feuilles d’un hêtre, le sang sur la neige et la rosée perlant sur une fourrure de mustélidé : là sont les fées. Elles apparaissent parce qu’on regarde la nature avec déférence. Soudain, un signal. La beauté d’une forme éclate. Je donne le nom de fée à ce jaillissement. Les promontoires de la Galice, de la Bretagne, de la Cornouailles, du pays de Galles, de l’île de Man, de l’Irlande et de l’Écosse dessinaient un arc. Par voie de mer j’allais relier les miettes de ce déchiquètement. En équilibre sur cette courbe, on était certain de capter le surgissement du merveilleux. Puisque la nuit était tombée sur ce monde de machines et de banquiers, je me donnais trois mois pour essayer d’y voir. Je partais. Avec les fées. »

  3. Ce qui est certain, c’est que dans la polémique en cours, si j’en crois les dizaines d’articles que je viens de lire sur le sujet (je peux expliquer pourquoi j’ai creusé le sujet), tout cela a énormément servi à Sylvain Tesson qui fait un tabac au niveau des ventes. « Avec les fées » caracole en n°1 des ventes.
    Le lien suivant est édifiant : Sur les vingt livres les plus vendus sur Amazon cette semaine, il n’y a que trois romans (les autres sont des livres pour enfants ou des livres liés aux loisirs), les trois romans sont de Tesson.

    https://www.amazon.fr/gp/bestsellers/books/355635011/ref=sr_bs_0_355635011_1

    « La panthère des neiges » qui s’était déjà vendue à 600 000 exemplaires est repartie à un niveau élevé de ventes. Grâce à la polémique ?

  4. Mais c’est quoi les wokistes ? :ninja:
    Bien heureux de me tenir éloigné de cette fange sans cesse rebattue. L’humain 2.0 est binaire : si tu n’es pas avec moi, alors tu es contre.
    Dommage, il existe des milliards de nuances entre le noir et le blanc.

  5. Le monde qui arrive sera sans nuance aucune.
    Je fuis.
    D’ailleurs Sylvain Tesson dit que, même si ce n’est pas très glorieux, la fuite est l’une des solutions. Je suis d’accord avec ça et j’ai d’ailleurs écrit il y a assez longtemps un article sur le sujet qui s’appelait « lâcher prise ».

  6. C’est devenu compliqué de discuter car en plus de positionnements intellectuels suspects émerge une réelle violence.
    Fuire, dans certains cas oui, c’est ce qu’a fait la directrice de cet événement en laissant en plus sa parole au silence (elle a dit un truc du genre je crois). Lâche prise, absolument !
    Mais aussi faire un pas de côté, se décoller des assertions, refuser les injonctions… et surtout ne pas laisser la chaise vide dans des assemblées lobotomisées. Si on peut.
    Il manque quand même la parole des intellectuels qui ont des connaissances, et une représentation cohérente d’un monde complexe, ou alors des artistes, des personnes lambda qui ont la capacité de nuancer et d’éclairer.
    Rallumez les lumières !

  7. « Emplissez-vous de cette certitude : tout ce qui existe, tout, est comme un chant endormi et n’attend que le passage d’un regard assez pur pour se ranimer »
    (Joë Bousquet, Lettres à une jeune fille)

  8. L’extrait cité par Bernard du dernier livre de Sylvain Tesson est magnifique.
    Je crois que je vais acheter le livre.
    Même s’il y a des choses en cette personne qui ne me plaisent pas (je l’ai déjà dit, il m’est antipathique), j’ai été effarée par cette polémique idiote qui me l’a finalement rendu plus sympathique (l’esprit de contradiction sans doute).
    On est dans une époque pas très glorieuse où on lynche quelqu’un par le biais des réseaux sociaux sans rien connaître à l’histoire.
    Délation, lynchage …
    Cela me dégoûte :angry: :sick:

  9. Je ne savais pas, avant de lire « Avec les fées » de Tesson, ce qu’étaient les stacks, ces piliers qui n’ont pas été érodés par la mer (voir ces images).

    Voici ce qu’écrit Tesson à leur sujet (p.183) :

    Les Anglais appellent Old man les stacks. Ils ont raison, on dirait des vieillards, partant mourir au large. S’en aller, noblesse ultime.
    Politiquement, ces piliers symbolisent la position du dissident. Le stack se détache. Désarrimé (désengagé, dirait-on en politique), il n’appartient plus au corps constitué. Vomissant la masse, il s’en distingue. « Ni au-dessus, ni en-dessous, à côté », disait le dandy des bocages, Barbey d’Aurevilly.
    Si le stack était un homme, il serait le réfractaire, solitaire plus que solidaire, esthète plutôt que militant, préférant la posture à la position. Pourquoi se battrait-il contre l’autorité ? So vulgaire ! Son pas de côté est sa protestation. Son départ sa légitimité. En s’écartant, il embarrasse l’Etat. L’autorité sait lutter contre le terroriste : il suffit d’envoyer la troupe. Mais comment s’en prendre aux fantômes ?
    – Les gars ! dis-je à Benoît et Humann, les stacks sont des modèles : des refuzniks !
    – Aux pieds trempés ! dit Humann.
    Les mouettes, moins versées que moi dans les allégories, semblaient y trouver des perchoirs parfaits. Je rêvais de me tenir un jour à la pointe de ces bilboquets.

  10. Je pense que ce portrait des stacks cité plus haut correspond quelque part à un auto-portrait de Tesson. Il est traité de réac par les bien-pensants mais en fait le mot qui lui correspond tout à fait c’est le mot « réfractaire », mot qu’il emploie d’ailleurs dans son texte. Tesson est allergique à la modernité, il n’attache de l’importance qu’aux choses qui restent après que le temps ait fait son œuvre. Il n’est pas dans l’ère du temps et cela dérange un certain nombre de personnes qui croient à cette idée « d’homme augmenté », augmenté par la technique, la technologie, la mobilité …
    Je pense que lorsque chacun d’entre nous sera sur son lit de mort, ce sera les choses toutes simples de notre vie qui nous viendront en tête et pas les choses dont la modernité nous a abreuvés jusqu’à plus soif. Enfin, c’est une idée …
    Brassens, s’il vivait aujourd’hui, serait également traité de réac.

  11. Sylvain TESSON est sans doute l’écrivain le plus précoce du monde. Il aurait, selon ses détracteurs, préfacé le livre de Raspail « le camp des saints ». Ce livre est paru en 1973, Sylvain Tesson était né l’année précédente. Chapeau bas !
    :w00t:

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