Une eau à boycotter

L’eau du robinet a de plus en plus la faveur du public. Ce changement d’attitude a démarré l’an passé lorsque l’Académie de Médecine l’a plébiscitée en affirmant par ailleurs que l’eau en bouteille n’était pas la panacée. Et puis il y a eu ce scandale étouffé dont j’ai déjà parlé sur ce blog : l’Université d’Heidelberg en Allemagne avait analysé les principales eaux minérales européennes, et il apparaissait que neuf eaux françaises contenaient jusqu’à 200 composés chimiques. Le principal accusé parmi ces composés était l’antimoine (dont les doses sont parfois 160 fois supérieures à celles du robinet) qui est un métal suspect, dont on ne connaît pas grand-chose, si ce n’est que sa toxicité semble proche de celle de l’arsenic.

Les industriels cherchent donc à faire face à cette désaffection du public. A court d’arguments, le groupe Castel (qui possède 1/4 du marché des eaux embouteillées) vient de mener une campagne ignoble pour vanter les bienfaits de son eau (marque Cristaline). Je vous laisse découvir le panneau publicitaire qui s’étale depuis une semaine à 1400 exemplaires sur le territoire français :

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Les bornes ont été dépassées par le groupe Castel dans son communiqué de presse : « Accepteriez-vous de boire une eau dont une partie peut être issue du retraitement des eaux usées ? ». Rarement on a vu une campagne publicitaire aussi éhontée. D’ailleurs, le comité de déontologie du Bureau de Vérification de la Publicité a donné un avis défavorable à cette publicité mais Cristaline a opté pour le maintien de sa stratégie.

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Voilà, cette info était juste un élément de plus à verser au dossier du lobbying des grands firmes de l’agro-alimentaires (car la publicité mensongère n’est-elle pas l’une des formes les plus insidieuses du lobbying ?).J’imagine d’ici la tête de mes amis, lecteurs de ce blog : « Qu’est-ce qu’il raconte Dupdup à essayer de nous faire croire qu’il boit de l’eau ? Une dupduperie de plus ? ». Non, non, je les rassure : l’eau ne m’intéresse que très très moyennement, qu’elle soit du robinet ou en bouteille. Je suis juste soucieux de la santé des lecteurs de ce blog, ma démarche ne va pas plus loin, et je continuerai évidemment à boire de nombreuses petites mousses avec les amis.

Tiens, au fait, à propos de bières, vous connaissez celles qui sont produites par le chanteur Robert Charlebois (Charles boit ?), propriétaire d’une brasserie ? Je viens de déguster la Maudite, la Don de Dieu, la Fin du Monde et quelques autres. Je vous les conseille toutes.

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41 réflexions au sujet de “Une eau à boycotter”

  1. Je ne dirai qu’une seule chose : « Qui prétend que les publicitaires sont des vrais créateurs et ont toujours bon goût… ne doit pas les fréquenter souvent » !

  2. L’antimoine, un métal suspect ? Dont on ne sait pas grand chose ?
    Et le « bouffe-curé » ?

  3. Quitte à passer (cette année encore !) pour le Vilain P’tit Canard, moi, sincèrement les pubs – même celle-ci de « Cristalline » – ne me gènent pas. Je les aime bien, même.

    Je n’irai pas jusqu’à dire que ce qui me gène le plus à la télé ce sont les bouts de films qu’ils passent entre les pubs… quoique la proportion de bijoux au milieu des navets étant dans les deux domaines à peu près la même il y a bien des fois où je considère la brièveté de la pub presque comme une politesse.

    Pour ce qui est des panneaux d’affichage, je ne m’en plains pas non plus et préfère mille fois être dans un pays où on y vante (même de façon parfois discutable) les mérites des bouteilles d’eau minérale que le culte du tyran au pouvoir ou la barbe de je ne sais quel prophète (le mensonge y est, on va dire, plus léger). Quant à ne plus avoir de panneaux du tout, je me souviens qu’en visitant une capitale des pays de l’Est j’avais trouvé cette absence (de couleurs et de messages… même insignifiants) plus angoissante qu’autre chose !

  4. Iznogood nous cite Francis Blanche. Vous saviez que Francis Blanche était co-auteur de la chanson consacrée à l’eau qu’a chantée Trenet en 43 ? En voici juste quatre vers (dont le deuxième, lui aussi, n’incite vraiment pas à boire de l’eau) :
    « Ah qu’il est beau le débit de lait
    Ah qu’il est laid le débit de l’eau
    Débit de lait si beau débit de l’eau si laid
    S’il est un débit beau c’est bien le beau débit de lait… »

  5. C’est un peu exagéré, non, de dire qu’une ville sans publicité est angoissante. Evidemment, certaines villes des pays de l’Est sont si noires qu’un peu de couleur les rendrait peut-être plus riantes. Mais bon, il faut comparer ce qui est comparable. Il y a des pays très proches de nous dans lesquels la publicité est presque inexistante, beaucoup plus réglementée, et où les gens ne se portent pas plus mal.

    Je pense que la publicité n’est pas plus gênante que ça. Par contre, il y a de quoi râler contre l’excès de pub, qui frise l’indigestion, et sur la teneur des messages publicitaires qui est parfois mensongère.

  6. Moi je dis qu’on est quand même gâtés de pouvoir assister à un problème comme celui-là : quel est le meilleur moyen de faire consommer une eau plutôt qu’une autre ?…
    Vaste question qu’une grande partie de la population planétaire, pour qui le problème est d’avoir de l’eau tout court, aimerait se poser…

    Concernant le message sur le panneau publicitaire, s’il est mensonger, la pub sera retirée après avoir marqué les esprits? Peut-être, mais après tout, les Français ne sont peut-être pas tous des ânes et peuvent facilement faire le lien entre cette stratégie et celle des journaux à scandales qui préfèrent être attaqués en justice pour diffamation et payer une amende, quitte à raconter des gros bobards…

    Après, concernant l’eau du robinet, j’ai un ami qui travaille dans la plus grosse boîte de gestion de l’eau du robinet depuis 30 ans et depuis deux ans… il boit de l’eau en bouteille!!! parce qu’il sait exactement ce qu’ils sont obligés d’ajouter à l’eau pour la rendre buvable… (Après, peut-être que s’ils avaient rajouté du pastis pour la rendre potable, il serait resté fidèle à l’eau du robinet… mais bon…)

  7. Sincèrement, avez-vous récemment rencontré – même parmi ceux qui vous semblent les plus simplets – quelqu’un qui croirait encore que la pub a à voir avec la « vérité » ?

  8. Ben si, moi, en achetant ma voiture là où c’était le moins cher et en gagnant ainsi 1 000 euros, j’ai crû qu’en achetant 100 voitures j’allais gager 100 X 1000 euros, c’est à dire 100 000 euros. Et en fait, je me suis ruiné ! Tu as raison Vincent, la pub qui me disait que j’allais gagner 1000 euros n’a rien à voir avec la vérité !

  9. Salut à tous c’est un nouveau! sauf pour Nanar, mais ça, c’est une autre histoire d’anars…je ne m’étalerai pas au sujet du monde publicitaire, mais effectivement au niveau de l’eau je voulais en ajouter au moulin: je vis sur une ile de la méditérrannée, où l’eau potable coule à flots. Mais quoi?! Alors il y a des fontaines partout – en général hors des villages – où la bonne eau de montagne coule perpétuellement. Là où ça se corse, c’est que cette eau n’arrive dans les robinets des maisons que quelques dizaines de minutes par jour. Le reste du temps, c’est de l’eau de citerne qui sort, récupération des eaux de pluie, réputée non potable. Alors, ceux qui n’ont pas comme moi le temps et l’énergie d’aller chercher l’eau à la fontaine ou de remplir les bouteilles aux heures voulues achètent, par la force des choses de l’eau minérale. Le gag, c’est qu’un pack d’eau locale (6x2L) coute 3€. Et un pack d’eau de Bologne, au nord de l’Italie, donc importée (toujours 6x2L)…1,5€. Et l’eau de nos belles fontaines coule, et les memes consortiums s’enrichissent. E va!

  10. Ce qui me semble le plus pervers dans la pub, ce n’est pas tant qu’elle soit prête à tout pour vendre sa camelote, mais surtout qu’elle nourrisse et entretienne en quelque sorte tous les clichés fantasmatiques d’un monde « idéal » (où les gens ne sont que beauté, jeunesse, sourire, les paysages magnifiques, les maisons claires et spacieuses, etc.) et finisse du coup par nous dégoûter du »réel » qui paraît en comparaison bien imparfait !

  11. « …On nous inflige
    Des désirs qui nous affligent
    On nous prend faut pas déconner dès qu’on est nés
    Pour des cons alors qu’on est…
    Des foules sentimentales… »
    Etc.

  12. « Je me prénomme Octave. Je suis publicitaire : eh oui, je pollue l’univers. Je suis le type qui vous vend de la merde. Qui vous fait rêver de ces choses que vous n’aurez jamais. Ciel toujours bleu, nanas jamais moches, un bonheur parfait, retouché sur PhotoShop. Images léchées, musiques dans le vent. Quand, à force d’économies, vous réussirez à vous payer la bagnole de vos rêves, celle que j’ai shootée dans ma dernière campagne, je l’aurai déjà démodée. J’ai trois vogues d’avance, et m’arrange toujours pour que vous soyez frustré. Le Glamour, c’est le pays où l’on arrive jamais. Je vous drogue à la nouveauté, et l’avantage avec la nouveauté, c’est qu’elle ne reste jamais neuve. Il y a toujours une nouvelle nouveauté pour faire vieillir la précédente. Vous faire baver, tel est mon sacerdoce. Dans ma profession, personne ne souhaite votre bonheur, parce que les gens heureux ne consomment pas… »

    (Frédéric Beigbeder, « 99 francs », 2000)

  13. Avec le lien suivant au son très médiocre, un morceau des Cowboys Fringants bien dans le thème, mais vous connaissez sans doute.
    http://www.youtube.com/watch?v=Wzum7nio62I&mode=related&search=

    Sur leur site qui vaut le coup http://www.cowboysfringants.com, il faut jeter un oeil et une oreille au clip « plus rien » mais aussi à bien d’autres choses plus gaies.

    Quand le Russe dit « ça se corse », cela rappelle furieusement un truc entouré d’eau, surtout qu’un Russe normalement constitué résiste à beaucoup de vodka… alors en litres d’eau, j’ai du mal à imaginer combien ça fait !

  14. D’accord avec toi, Vincent, sur le fait que la pub nous fait miroiter un monde trop idéal « où les gens ne sont que beauté, jeunesse, sourire, les paysages magnifiques, les maisons claires et spacieuses, etc… ». Mais tu imagines une pub qui nous montrerait des vieux, des gens laids, qui font la gueule, des paysages dégradés et des maisons délabrées ?

  15. Salut à toi, le Russe, que Joëlle a reconnu facilement et que je viens enfin d’identifier (avec peine, je dois dire).
    Si je ne me trompe pas, tu es aussi un grand admirateur de Brassens. On devrait donc te retrouver sur d’autres articles.

  16. Petite précision technique : si jamais vous mettez plus d’un lien avec un autre site dans votre commentaire, l’administration du site va m’envoyer automatiquement un mail pour me demander de valider le commentaire avant qu’il ne soit mis en ligne (c’est un système de protection du blog vis à vis d’éventuels spams). Ainsi, il a fallu que je valide le commentaire d’Iznogood ci-dessus car il contenait deux liens. C’était déjà arrivé une fois avec un commentaire de Anne.
    Voilà, je donne l’info juste pour que vous soyiez au courant. Ce n’est pas plus gênant que ça, il suffit juste de savoir qu’il peut y avoir plusieurs heures de décalage entre le moment où vous pensez mettre en ligne un commentaire et le moment où il apparaîtra sur l’écran.

  17. Les enjeux du prix de l’eau sont énormes. Notre ami russe sicilien nous a rappelé ci-dessus les prix de l’eau embouteillée. Le Canard enchaîné de cette semaine nous rappelle que boire de l’eau du robinet coûte 2 euros par an, alors que boire de l’eau minérale coûte 360 euros, soit 180 fois plus cher. On comprend ainsi mieux pourquoi les vendeurs d’eau utilisent tous les moyens pour nous faire boire de l’eau en bouteille. L’affaire semble plutôt juteuse pour eux.

  18. Entendu ce matin dans l’émission « Le bateau Livre », dans la bouche de Bernard Maris (qui venait présenter le tome 2 de son « Antimanuel d’économie »), cette citation :

    « Tout ce qui a un prix n’a pas de valeur. » (Nietzsche)

    Joli, nan ?

  19. Une petite anecdote qui m’est arrivée hier, et qui se rapporte et à l’eau, et la publicité : dans ma boîte aux lettres, un courrier format A4, qui porte la mention LETTRE ainsi qu’un encadré, du type de ceux qui figurent sur les courriers du trésor public :
    Motif de non distribution
    q N’habite plus à l’adresse indiquée
    q Absent
    q Refus- motif :……………
    Je ne remarque pas immédiatement que dans la fenêtre, au lieu de mes nom et adresse, il est simplement écrit « Information importante sur votre canalisation d’eau principale »
    Le courrier contenu dans l’enveloppe reprend toutes les caractéristiques d’un courrier administratif, avec une référence écrite en gros : GRNS69RN
    Il s’agit, en fait, d’une publicité pour un service d’assurance, proposé par la générale des eaux.
    Cela s’adresse aux propriétaires puisque que ce sont eux qui sont responsable de l’éventuel dégât couvert par l’assurance en question.

    J’ai un autocollant PAS DE PUB sur ma boîte aux lettres, j’en reçois donc plutôt moins que Monsieur Tout Le Monde. Je ne me suis pas méfiée et je me sens prise pour une idiote. Le courrier est formulé de telle manière que l’on peut croire à une offre exceptionnelle. Alors qu’il est distribué à tous (je ne suis pas propriétaire). Il ressemble, à s’y méprendre, à un courrier d’une administration.
    Je suis en colère car j’ai le sentiment qu’on a essayé de me berner.

    Pou en revenir à la pub qui dirait, ou pas, la vérité, je crois que ça n’est pas vraiment la problématique, même si, quand elle est mensongère, la pub m’énerve deux fois plus.
    Le but de la pub est unique : faire vendre. Faire croire que l’on a besoin de. Faire envie de. Séduire. À n’importe quel prix. Il suffit de connaître le prix payé par les annonceurs pour une seconde en « prime time » pour se rendre compte de ce que cela peut rapporter.
    Le problème de la pub n’est pas qu’elle soit inesthétique – elle est souvent assez belle, en tout cas dans les canons de l ‘époque – mais qu’elle procède d’une espèce d’endoctrinement.
    Qui pourrait se vanter de ne pas être influencé par elle ?
    Je me répète : les moyens mis dans la pub sont gigantesques, car elle permet de rapporter encore beaucoup plus.
    Si pendant plusieurs semaines, vous avez vu (subi) une pub pour un certain yaourt, que vous ayez, ou pas, trouvé la pub jolie ou bien faite, vous allez être tenté par ce produit une fois face au rayon laitage du supermarché. D’autant plus tenté que le produit en question sera très en évidence car le marketing ne se limite pas aux spots et aux affiches. Et ce, sans même forcément en avoir conscience – sans vous dire, tiens, il avait l’air bon, dans la pub, ce yaourt. Uniquement parce que vous aurez vu le yaourt des dizaines de fois à la télé.
    Je dis vous, mais je me mets évidemment dans le lot (pour la pub papier puisque je n’ai pas la télé). Et, une fois de plus, je trouve qu’on manque vraiment de recul pour n’être pas capable de tenir ce simple raisonnement que la pub a comme but unique de faire vendre et que ce qu’elle nous vante n’a rien à voir avec une vérité quelconque.

  20. La mairie de Paris porte plainte contre le groupe « Castel », puisqu’apparemment, cette pub fleurit plutôt en Île de France ; le service public de l’eau sur le secteur se sent (à juste titre d’après moi) donc attaqué.
    Sur les panneaux d’en face, on pourrait imaginer des pubs pour contrer Cristalline, non ? « Ceux qui boivent de l’eau en bouteilles accélère la crise du pétrole, favorise l’augmentation de déchets, aiment jouer aux porteurs d’eau, … ». J’sais pas moi, on peut en trouver plein ! Mais je croyais qu’en France, la publicité comparative était interdite…

  21. La publicité comparative n’a-t-elle pas finalement (et récemment) été autorisée – dans une certaine mesure – dans le cadre de l’harmonisation des lois au sein de la Communauté Européenne ?
    Je n’en suis pas sûr…
    Après tout, pourquoi pas, laissons tous ces grands prédateurs se battre entre eux, ils finiront bien par s’entretuer !

  22. En matière de publicité, on ne dénoncera jamais assez ces montagnes de pubs qui sont distribuées dans nos boîtes aux lettres. Elles représentent près d’un million de tonnes en France. Et le fait que certaines personnes apposent une étiquette « pas de pub » sur la boîte aux lettres ne change absolument rien.

  23. Pourquoi tu penses que ça ne sert à rien ? Avant de les interdire, commençons par les refuser, et rendons-les par là-même inutiles… Et un jour, des groupes annonceront fièrement qu’ils n’inondent plus nos boîtes aux lettres par espect pour nous ou pour l’environnement !

  24. # Vincent dit :
    21 janvier 2007 à 22:03

    Entendu ce matin dans l’émission “Le bateau Livre”, dans la bouche de Bernard Maris (qui venait présenter le tome 2 de son “Antimanuel d’économie”), cette citation :

    “Tout ce qui a un prix n’a pas de valeur.” (Nietzsche)

    Joli, nan ?

    C’est joli, mais c’est surtout le nom de la tragédie que nous vivons. Si on y regarde de près, les poussières de pourcent d’humanité dont nous faisons partie (européens non morts de faim), une sorte d’aristocratie planétaire (la chance d’être né quelque part, maxime), a justement substitué le critère du prix au critère de la valeur. ça, on le sait. Ce qu’on sait peut-être moins, c’est que c’est justement Nietzsche qui invitait l’homme nouveau à créer ses valeurs, en face du dernier homme. Le dernier homme, c’est le blasé, le pseudo-cynique (un vrai cynique a, disons, les C de ses convictions) à qui il ne reste plus qu’à cligner de l’oeil pour t’inviter dans son monde de connivences malsaines. Le dernier homme possède tout mais joue au brimé. Je pense que chacun d’entre vous voit de quoi on parle. « Oh oui tu sais toutes ces conneries, l’écologie, l’Afrique, l’Irak, moi, tant que je peux payer mes factures », ben oui c’est là, c’est celui-là.
    Mon île c’est la sicile, et en matière de dernier homme ici on s’y connait. Pourcentages effrayant de votes berlusconi, appui diffus et accepté à la mafia, qui justement pendant des centaines d’années a tenu l’île à sa botte en contrôlant…l’eau dont je parlais dans la précédente intervention. C’est bien simple, regardez n’importe quel vieux film tourné en sicile il y a cinquante ans (ok ça court peut-être plus les champs…) et vous verrez un désert tout sec. C’est que ces messieurs tenaient encore les sources. Entre temps pour divers motifs que j’ignore ils ont lâché prise, et la sicile est verte, et la terre extrêmement riche et fertile.
    Alors finalement, cette histoire de valeur, de dernier homme et d’eau…et bien voilà: le dernier homme, le méchant, ce n’est même pas le mafieux, ou, si vous transposez dans la campagne présidentielle française, les grands candidats médiatiques. Ceux là sont perdus irrémédiablement depuis belle lurette aux yeux de l’éthique. Le dernier homme c’est celui qui appuie ça, qui le soutient, alors que lui même fait partie de la catégorie dominée. Un genre de syndrome de Stockholm. Le dernier homme finalement, l’accomplissement de ce à quoi Vincent faisait référence, c’est l’individu conscient de ce qui se passe sur cette planète bénie, mais qui continue à cligner de l’oeil en regardant les non-analyses de TF1.
    Je suis très heureux d’avoir découvert sur ce blog un espace de discussion où les intervenants s’efforcent, comme moi je crois, de voir un peu plus loin que le bout de leur nez,avant qu’on nous le refasse.
    Doux Jésus que je suis loquace ce matin…
    Bien vu Joelle, t’as identifié le Russe, alors bonjour à vous deux et encore bravo pour l’initiative.

  25. et je crois que mag a profondément raison:
    rendre inutile est la plus haute forme de destruction, la plus certaine, la plus darwinienne finalement.
    Le mensonges des groupes on les connait.
    Ici on dit  » Chi sa, sa, e chi non sa, non vuol’sapere »: qui sait, sait, et qui ne sait pas, ne veut pas savoir.

  26. Elle me plait bien ta formule sicilienne « qui sait, sait, et qui ne sait pas, ne veut pas savoir ». Elle s’applique tellement à l’endormissement général dans lequel nous sommes, alors que finalement on sait très bien ce qui est en train d’arriver. On se contente de cligner des yeux, comme tu le dis, alors qu’il faudrait les garder grands ouverts et affronter la réalité de face.
    Ravi d’apprendre que la Sicile est redevenue verte, je gardais effectivement l’image véhiculée par les vieux films d’il y a cinquante ans.
    Ravi aussi de te retrouver sur ce blog.

  27. Ce qui me gène toujours un peu, Le Russe, avec les analyses en terme de « dernier homme » c’est que c’est finalement toujours de l’ « Autre » qu’il s’agit. Ca n’est bien souvent, en plus, qu’une façon polie ( et érudite ?) de continuer de parler du « con » (ou du « méchant » comme tu le laisses entendre), bref de persister à penser en termes de « Bien et de Mal » (en se plaçant évidemment toujours du bon côté), alors que justement le même Nietzsche suggérait de tenter d’aller « au-delà ».

    C’est compliqué tout ça (Nietzsche entre autre), jubilatoire quand on s’y laisse prendre, mais en fin de compte bien abstrait je trouve.

    Ce qui m’intéresse davantage, dans toutes les pistes que tu entrouvres, le Russe, c’est cette étonnante histoire de l’eau sicilienne qu’on découvre grâce à toi. Tu dis ignorer comment les mafieux qui détenaient l’eau (et asséchaient le pays) en sont venus à lâcher prise : ça serait intéressant qu’on sache comment/pourquoi ça s’est passé, nan ? Pour une fois que quelque chose semble aller « dans le bon sens » quand tout autour donne l’impression d’empirer, ça vaut le coup de s’y pencher un peu il me semble.

    Quelqu’un a-t-il des infos sur la question ? (…ne serait-ce que pour ne pas contredire l’adage sicilien)

  28. -je crois qu’il y avait une petite finesse qui est passée inaperçue: nous sommes TOUS des « derniers hommes » dans la terminologie de Nietzsche. Il n’y a qu’une question de degré, pas de nature, de « eux » à « nous » ou du « bon » au « méchant ». Tu as raison de le faire remarquer vincent, parce que c’est profondément vrai: c’est le jeu des pouvoirs de cloisonner les hommes en « eux » et « nous ». Alors que je pense bien qu’il n’y a qu’une question de degré dans la nature humaine, de Hitler à Jésus, de Bernard Dupont à Paul Pot, du Russe au tchétchène, un peu comme dans la vodka si vous voyez ce que je veux dire, une question de degrés quoi.
    -Pour les clins d’oeil rien à redire nanard: tonton georges nous le dit bien assez souvent de les garder ouverts.
    -au sujet de l’eau d’ici je n’ai vraiment aucune idée de ce qui s’est passé, je peux m’informer (enfin…). Mais comme bien souvent dans ce genre d’histoire, s’ils ont laché le doigt ils ont pris le bras:::mais ça sortirait du sujet sur l’eau définitivement.
    -pour Nietzsche il y a beaucoup à dire, mais on se donne, là aussi peut-etre, rendez-vous ailleurs!

    Ce que je voulais dire fondamentalement, c’est cette histoire de degrés dans la nature humaine, de puissance, et non de natures différentes. Accepter le contraire nous oblige à donner raisons aux curés d’une part (les illuminés par dieu, croyants, sont supérieurs aux athées ou paiens aveugles, donc fondamentalement deux natures humaines données par dieu) et aux totalitarismes d’autre part (le nazi et le juif). Bon. Mais c’est surtout pareil pour l’eau: trop chaud vapeur, trop froid glace, trop d’alcool tu meurs (vodka ne signifie-t-il pas « petite eau »?) et pas assez c’est encore pire! (une manière de cligner de l’oeil)

    Content de te revoir nanard.
    Content de t’entrevoir vincent

  29. Si je ne me trompe pas, Mag (le Russe, sinon corrigera), c’est surtout dans « Ainsi parlait Zarathoustra » qu’on trouve les développements sur le Dernier Homme. Tu verras (si tu ne le connais pas déjà) c’est vraiment un drôle de bouquin. Pas du tout ce qu’on imagine trouver dans un rayon « philosophie ».

  30. Merci pour l’info, je vais aller voir ça !

    Dis donc Bernard, ce blog devient hautement culturel ; t’en connais beaucoup toi, des blogs qui incitent leurs lecteurs à fouiller dans Nietzsche, Pascal, Spinoza ou Tchékov… C’est ma libraire qui est contente !

  31. C’est vrai que c’est Zarathoustra qui fournit le pan négatif de la « philosophie » nietzschéenne, c’est-à-dire la figure du dernier homme.
    Mais c’est un peu comme la physique quantique…c’est un chouia abstrait comme première lecture si l’on ne s’est pas un peu « rodé » avant.
    L’avantage sans limite de Nietzsche sur les quantas, c’est que zarathoustra est une véritable oeuvre de poésire.
    On pourra diverger sur les interprétations, comme toujours en poésie, mais on ne peut pas lui enlever ce caractère: c’est magnifique (ça me donne envie de le relire tout ça)
    Mag je ne sais pas si tu es familière du bonhomme, mais il y a un chemin moins ardu pour comprendre assez clairement cette partie obscure de la philosophie: »la généalogie de la morale ».
    Là c’est du texte philosophique à peu près canonique dans le mode d’explication. Et c’est, quoi qu’on en dise, très bon.

  32. Je crois avoir lu Zarathoustra il y a … 35 ans peut-être (à l’époque où j’ai connu les parents du Russe). Je crois que je vais relire le bouquin, histoire de ne pas me sentir trop con et de me replonger dans mon adolescence.

  33. j’ai pu constater, étant encore, quoi qu’en dise ma petite amie au vu de mes performances, assez jeune, l’écart d’attention à la relecture d’un livre, surtout de philosophie, à 10 ans de distance. Je ne peux pas imaginer ce que ça peut être après avoir traversé l’existence au sens plein, la paternité, les entreprises, les maladies, les changements de gouvernement, …si il y a 35 ans je n’étais même pas un projet de partie de jambes en l’air, je serais quand même curieux aujourd’hui, une fois que tu auras fini de relever ce nouveau défi, de savoir comment tu juges le tien (d’écart de lecture, pas le projet de parties de jambes en l’air).

  34. J’ai plu qu’à lire les deux ! Mais le côté poésie de Zarathoustra me tente bien quand même ; je crois que je commencerai par lui, on verra bien si je tiens le choc. Merci pour toutes ces précisions, Vincent et le Russe.

  35. C’est de la poésie dans le sens où c’est allusif, mille interprétations sont possibles.

    L’argument est simple (je cite de mémoire, ça fait pour moi aussi un bail que je n’y ai pas fourré le nez) : Zarathoustra, une sorte de prophète, descend de sa montagne et s’adresse aux humains.

    On ne comprend pas vraiment ce qu’il dit (il parle beaucoup en métaphores), on ne sait même pas vraiment de quel côté se place Nietzsche, pourtant tout sa philosophie (à considérer qu’il en ait une) y est plus ou moins présente.

    C’est un livre étrange car singulier, je veux dire sans équivalent. Un souffle indéniable y circule… mais le flou continuel dans la lecture peut autant plaire que rebuter.

    Pour aborder Nietzsche (sacré sujet abordé là, en marge !!!!) ok avec le Russe pour « La généalogie de la morale » qui est aussi un peu la généalogie de sa pensée… mais je conseillerais également volontiers les livres rédigés en juxtaposition de petites (par la taille) pensées (Aurore, Le gai savoir, etc…) voire « Ecce Homo » qui est une sorte de résumé de son parcours par l’auteur lui-même.

    Ca donne envie d’y retourner !!!

  36. Boire l’eau du robinet reste un geste incontournable en matière de prévention des déchets … Et pourtant !!

  37. Très bon argumentaire.
    Je le dis d’autant plus objectivement que je suis très peu concerné par la chose, n’étant buveur d’eau que très accidentellement … :wink:

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