Discographie de Brassens (6)

Suite de notre petite exploration de l’oeuvre de Brassens, disque par disque. Le sixième disque contient les chansons suivantes : La traîtresse – Tonton Nestor – Le bistrot – Embrasse les tous – La ballade des cimetières – L’enterrement de Verlaine – Germaine Tourangelle – A Mireille dit « Petit Verglas » – Pénélope – L’orage – Le mécréant – Le verger du roi Louis – Le temps passé – La fille à cent sous.

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Ce disque est plutôt méconnu. Une seule chanson de l’album a connu un fort succès : L’orage (cliquer sur les liens en bleu) qui nous raconte tous les bienfaits du mauvais temps jetant parfois une voisine apeurée dans vos bras (relativisons cependant : j’ai beau « guetter » la porte d’entrée les soirs d’orage, j’en suis arrivé à la conclusion que ce genre de chose n’arrive que dans la poésie). René Fallet, écrivain et ami de Brassens, avait suggéré que cette voisine ne pouvait être que Pénélope dont Brassens nous a parlé juste avant dans la chanson précédente. Pénélope est le symbole même de la fidélité mais ses désirs inavoués l’emmenent parfois en rêve (et en rêve seulement) dans les bras du voisin. Aurait-elle enfin franchi le pas ? J’avoue que cette idée me séduit et peut-être était-ce là l’idée du poète de juxtaposer ces deux textes (peut-être aussi que Fallet tenait cette information directement de Brassens).

La mort est peut-être moins présente sur cet album que dans les autres disques. On sait depuis longtemps que Brassens affectionne les cimetières. En racontant l’histoire invraisemblable de ce jeune homme qui collectionne, partout où il le peut, caveaux, tombeaux et sépultures diverses, on pourrait croire que la chanson La ballade des cimetières est placée sous le signe de l’irrespect. Je crois qu’il s’agit, une fois de plus, d’une immense farce dont Brassens a le secret.

A l’opposé, Le verger du roi Louis est par contre emprunt de gravité et même d’une certaine solennité. Malgré l’aspect rieur du lieu (« des grappes de fruits inouis », « un essaim d’oiseaux réjouis »), on sent la présence oppressante des pendus qui ornaient autrefois les branches des arbres. Brassens a-t-il écrit ce texte en pensant à François Villon, pendu célèbre, dont il s’est toujours senti très proche ? Brassens, farouchement opposé à la peine de mort, écrira beaucoup plus tard (dans son dernier disque) La messe au pendu.

Après avoir enregistré sur le disque 5 Le cocu, Brassens continue dans la même veine avec cette autre farce qu’est La traîtresse, chanson dans laquelle il s’en prend à Madame Dupont qui lui fait l’infidélité de coucher avec son propre mari.

Le thème de l’amour libre est développé dans l’une des plus belles chansons du disque Embrasse-les tous. Sous une apparente incitation à l’amour volage, se cache la recherche éperdue de l’amour vrai et René Fallet n’a pas hésité à parler, à propos de cette chanson, « d’hymne à la pureté ».

Brassens n’a aucun respect pour cette institution vénérable qu’est le mariage et on s’en rendra compte plus tard à l’occasion de la célèbre Non-demande en mariage (disque 9). Pour l’instant, il se contente de raconter les mariages successifs et malheureux de Jeannette gâchés par un vieux malappris : Tonton Nestor. Et, avec La fille à cent sous, loin aussi des préoccupations de mariage, il se contente de raconter le quotiden et les amours passagères des pauvres gens, ceux qui vivent dans le « quatrième dessous » et qui voient parfois fleurir, au milieu de leur pauvre vie, l’amour et la tendresse.

Le mécréant, qui a donné son nom au titre du disque, est une drôle de chanson dont les 21 couplets très courts (de deux lignes seulement) sont égrénés de façon un peu martiale. Ce n’est pas ma préférée et je dois dire que je trouve le dernier vers particulièrement mal écrit.

Brassens était un admirateur de Paul Fort, qu’il connaissait bien, et dont il mettra en musique plusieurs textes (La marine, Le petit cheval et Si le Bon Dieu l’avait voulu). Sur ce disque, il récite successivement trois autres poèmes. Mais qui sait que Brassens a enregistré l’un d’eux L’enterrement de Verlaine sur un document vidéo probablement rare, en réutilisant l’air de la Marche nuptiale (sur le disque 4) ?

En retravaillant actuellement les chansons de ce disque à la guitare, je les redécouvre et leur qualité musicale me saute aux yeux. Je me demande d’ailleurs pourquoi elles sont été un peu boudées par le public. Une chanson comme Embrasse-les-Tous méritait certainement un très grand succès. C’est, en tous les cas, l’une des plus belles de Brassens.

60 réflexions au sujet de “Discographie de Brassens (6)”

  1. Aïe, aïe, aïe, oubli, simplement un oubli lamentable. Où donc avais-je la tête ? Pourtant, j’étais au bistrot hier soir, j’avais déjà une partie de mon article dans la tête et j’aurais dû y penser. En plus, nous avons été quelques-uns à chanter cette chanson avant-hier soir et nous l’avons tous trouvée très belle.
    J’ai toujours aimé les vers courts dans les chansons de Brassens (ma préférée, de ce point de vue étant « La marguerite ») et c’est vrai que Le bistrot, avec ses vers à cinq pieds seulement (des verres à cinq pieds ?) est un vrai modèle d’écriture.

  2. « Brassens a-t-il écrit ce texte en pensant à François Villon, pendu célèbre, dont il s’est toujours senti très proche ? »

    Et bien non, il ne l’a pas écrit en pensant à François Villon, et cela pour la bonne et simple raison que « Le Verger du roi Louis » est un poème de Théodore de Banville, mis en musique par Brassens.

    Pour le peu de succès de ce 6ème disque, je me permet de penser, sans juger la qualité du travail de Paul Fort, que les 3 poèmes lu au milieu du disque cassent un peu le rythme de l’écoute et ont pu nuire aux autres titres. Ca n’a pas été le cas pour moi mais je n’ai pas connu les contraintes du 33 tours et c’est plus facile de passer au titre suivant sur un CD ou un support numérique.

  3. Oui effectivement, quand j’ai écrit le passage consacré au Verger du Roi Louis, la terre a légèrement tremblé et j’ai aussitôt pensé à une secousse tellurique. Mais ce n’était finalement que ce vieux Théodore qui se retournait dans sa tombe.

  4. J’ai un faible pour les trois poèmes de Paul Fort lus par Brassens, mais c’est vrai qu’ils cassent le rythme du disque. Je connais plusieurs personnes qui aiment beaucoup Brassens mais qui n’aiment pas spécialement ces poèmes et qui n’aiment pas non plus les autres textes de Paul Fort que Brassens a mis en musique. La chanson « Le petit cheval » ne fait pas l’unanimité parmi mes amis. Certains disent même que la chanson magnifique « La marine » vaut beaucoup plus par la musique qu’a composé Brassens que par les paroles de Paul Fort. C’est vrai que la musique de cette chanson est extraordinaire.

  5. Moi je les aime plutôt bien les textes de Paul Fort.
    Ils atteignent, je trouve, une simplicité, une ingénuité, proche de celles des comptines enfantines (« Lanturlurette et lanturlu… » etc.).
    Et je trouve cela, ma foi, bien plus impressionnant que les virtuosités -toujours un peu verbeuses (voire ampoulées) – des poètes subtils, raffinés et spirituels !

  6. Un vrai bijou, cet « Enterrement de Verlaine » chanté sur la mélodie de « La marche nuptiale »… et pas uniquement parce que la contrebasse est jouée à l’archet (à propos, quelqu’un sait-il sur quelles autres chansons il utilise ce procédé ?)

  7. La voisine apeurée de « L’Orage », Pénélope ?… Mouais, pourquoi pas… Je la trouve surtout sacrément proche de l’ange du « Parapluie » (album 1), pas vous ?

  8. La contrebasse est également jouée à l’archet sur « la non demande en mariage » et « le roi ».

    Les textes de Paul Fort contrastent nettement avec le reste de l’oeuvre de Brassens mais je pense que c’est un apport qui n’a pas été inutile. Je ne suis pourtant pas convaincu par les textes lus, indépendamment de leur écriture.

    Pour répondre à Vincent à propos de « L’Orage », ce ne sont pas les seules chansons de Brassens qui sont à rapprocher. Je pense notamment à « Le nombril des femmes d’agents » et à « Carcassonne ». J’ai toujours été frappé par la construction totalement symétrique de ces 2 chansons …

  9. En fait après avoir réécouté ces deux là, la musique est la même donc il doit s’agir d’une réécriture par Brassens de sa propre chanson…

    Si vous en savez plus, je suis intéressé….

  10. La chanson « Carcassonne » n’est pas de Brassens, c’est une vieille chanson de Nadeau (vous connaissez ? moi pas.). Brassens en a modifié les paroles et a fait ce texte très drôle qu’est « Le nombril des femmes d’agents ». Ce n’est pas la deuxième chanson sur ce même air mais la troisième. Car Brassens, alors qu’il était au STO en Allemagne, faisait rire les camarades de sa chambrée en chantant, sur le même air que Carcassonne, et dans le même esprit, un texte très rigolo qu’il avait écrit et qui s’appelait « La chaude-pisse ». Maxime Le Forestier, dans sa tournée consacrée à Brassens, chante les trois chansons dans l’ordre chronologique et il les a d’ailleurs enregistrées les trois dans son dernier coffret de CD :

    Je me fais vieux, j’ai soixante ans
    J’ai fait l’amour toute ma vie
    Sans avoir pu durant ce temps pu satisfaire mon envie.
    Depuis ma venue ici-bas
    Rien jamais ne me fut propice
    Mon voeu ne s’accomplira pas.
    Je n’ai jamais eu la chaude-pisse.

    Le vicaire a cent fois raison
    C’est des imprudents que nous sommes
    Il disait dans son oraison
    Que l’ambition perd les hommes.
    Si je pouvais trouver pourtant
    Quelque obligeant qui me la glisse
    Mon Dieu que je mourrais content
    Si j’avais eu la chaude-pisse.

    Mon Dieu, mon Dieu pardonnez-moi
    Si ma prière vous offense
    On voit toujours plus haut que soi
    En vieillesse comme en enfance
    Ma fille a connu de l’action
    Du Tréponème les délices
    Mon épouse a eu des morpions
    Je n’ai pas eu la chaude-pisse.

    Ainsi traduisait son émoi
    Un honnête habitant de Vienne.
    Je lui dis «ami suivez-moi
    Je m’en vais vous passer la mienne».
    On s’accoupla le lendemain
    Mais que le bon Dieu le bénisse
    Il mourut à moitié chemin
    Il n’a pas eu la chaude-pisse.

  11. Lors de mon précédent article consacré au 5ème disque, Vincent nous avait cité Jacques Drillon parlant de Brssens. Je rappelle le texte pour mémoire : « Pour Brassens, comme pour Stravinski, la musique n’exprime rien – rien qui relève de l’expressivité. La distribution des notes longues et brèves se calque rarement sur celle des syllabes : la métrique musicale aussi est indépendante et peut courir, identique, sur deux vers dissemblables. Le même rythme accompagne Philistins (chanson antibourgeoise) et Le Vin – qui n’a rien à voir – ; quant au Vieux Léon, une réussite totale, son épitaphe est chantée sur un air de java.”

    Je pense, au contraire, que chez Brassens, les musiques collent parfaitement aux textes. « La prière » et « Il n’y a pas d’amour heureux » sont chantées exactement sur le même air, traitent de sujets différents et pourtant rien ne choque. Chanter un enterrement, celui de Verlaine, sur le même air qu’une marche nuptiale peut sembler à priori incongru et il fallait que Brassens ose le faire ! Il l’a fait, à mon avis, parce que, contrairement à ce que nous dit Drillon (dans le texte plus haut et ailleurs), il est doué d’un sens musical très sûr. Et puis, je pense aussi que dans l’esprit de Brassens, la vie et la mort font partie d’un tout, sa vision du monde est plutôt assez cohérente. Alors, chanter la mort sur le même air que chanter la vie, ne serait-ce pas là un très beau concept ? Et ne serait-ce pas là l’un des apports majeurs de Brassens ?

  12. Mais… tu n’es pas en désaccord avec Drillon, Bernard (enfin, je crois)
    En effet, il ne dit pas que Brassens n’a pas de sens musical, qu’il ne sait pas adapter texte et musique, bien au contraire. Il dit juste qu’il ne cherche pas à lui faire « exprimer » des idées, des sentiments. Pas de musique triste ou joyeuse donc pour Brassens (une même musique peut tout aussi bien convenir pour un mariage qu’un enterrement). Je sais que c’est rare sous sa plume souvent acerbe, mais pour le coup, je crois qu’il faisait un vrai compliment à Brassens… lui qui n’hésitait pas – dans le pétillant « De la musique » (cf. commentaire à ton article d’août dernier sur les intégrales de Mozart et Bach) – à reprocher à Bach lui-même l’usage des « moyens rhétoriques élémentaires » qui consistent à placer des notes graves sur le mot « mort », des sinuosités sur « serpent », des dissonances sur « trahison », et ainsi de suite.

  13. Oui, peut-être, tu as sans doute raison Vincent, il peut en effet s’agir d’un compliment envers la musique de Brassens.
    Je viens de me rendre compte ce matin, en réécoutant les inédits de Brassens, qu’il avait enregistré la chanson La visite (celle que Bertola chantera plus tard) sur le même air que Le boulevard du temps qui passe.

  14. Cela rejoint pour moi ce que disait Jacques Charpentreau, cité par Fallet, commentant les textes de Paul Fort lus par Brassens dans cet album : « (…) Il dit les vers comme il a toujours chanté, c’est-à-dire sans déclamation, sans outrance, sans grandiloquence, comme on devrait toujours les dire ».

    Il y a dans cette neutralité, je crois (aussi bien dans l’expression musicale que vocale), une vraie modestie (teintée de pudeur ?) qui préfère laisser parler les notes et les mots sans avoir besoin d’en rajouter. En y ôtant tout ce qui est « humain, trop humain » !

    (L’exemple typique me semble être « Le petit cheval » : aucun changement de rythme, de ton, aucun silence, coup de cymbale ou de contrebasse… bref aucun effet de manche, aucun sentimentalisme ne vient appuyer la bascule qui a lieu dans les deux derniers couplets. Tu as raison, aucun autre interprête n’a « osé » faire cela : Les Frères Jacques y ont placé un orgue d’église, etc.)

    Voilà en tout cas une des principales différences entre Brassens et… Brel ou Ferré. Il n’est pas moins poète qu’eux, mais peut-être juste plus modeste, pudique. Plus attaché à la poésie elle-même qu’à la figure du poète.

  15. …La modestie et la pudeur qui – comme chacun le sait – sont la marque d’un immense orgueil qui n’ose pas se montrer et s’assumer !!!

  16. Je rappelle l’existence, une fois de plus, du site http://www.brassens.info/default.htm qui est pour moi l’un des meilleurs sites de référence sur Brassens. On peut accéder à chacun des albums (en cliquant sur le bandeau albums), y écouter les morceaux en entier, prendre connaissance des textes, des notes que René Fallet avait faites de chacune des chansons et même ajouter des commentaires sur chacune des chansons.

  17.  » (…) Qu´je m´conduis guèr´ plus mal que si j´avais la foi », mal écrit ?

    C’est vrai que l’attaque en « Kjeum… » n’est pas très heureuse. Mais c’est peut-être (point de vue du sens) le vers qui résume le mieux la « philosophie » de Brassens (qui s’oppose certes vivement aux aspects formels de la morale chrétienne mais reste fortement construit par elle).

    A bien y regarder en plus, sous son côté « grosse farce », c’est peut-être une des chansons les plus personnelles de l’ami Georges – il y dit ouvertement « je », évoque même ce vol de bijoux qui a grandement marqué son passé -, presque un manifeste.

    (Peut-être est-ce ça d’ailleurs qui dérange – en plus de la mélodie plutôt répétitive – il ne nous a pas habitué à ce genre d’impudeur)

    C’est tout de même celle qu’il a choisi comme titre de tout l’album !

  18. « Au gibet noir, manchot aimable,
    Dansent, dansent les paladins,
    Les maigres paladins du diable,
    Les squelettes de Saladins.

    Messire Belzébuth tire par la cravate
    Ses petits pantins noirs grimaçant sur le ciel,
    Et, leur claquant au front un revers de savate,
    Les fait danser, danser aux sons d’un vieux Noël !

    Et les pantins choqués enlacent leurs bras grêles:
    Comme des orgues noirs, les poitrines à jour
    Que serraient autrefois les gentes damoiselles,
    Se heurtent longuement dans un hideux amour.

    Hurrah! les gais danseurs, qui n’avez plus de panse !
    On peut cabrioler, les tréteaux sont si longs !
    Hop! qu’on ne sache plus si c’est bataille ou danse !
    Belzébuth enragé racle ses violons !

    O durs talons, jamais on n’use sa sandale !
    Presque tous ont quitté la chemise de peau;
    Le reste est peu gênant et se voit sans scandale.
    Sur les crânes, la neige applique un blanc chapeau:

    Le corbeau fait panache à ces têtes fêlées,
    Un morceau de chair tremble à leur maigre menton:
    On dirait, tournoyant dans les sombres mêlées,
    Des preux, raides, heurtant armures de carton.

    Hurrah! la bise siffle au grand bal des squelettes !
    Le gibet noir mugit comme un orgue de fer !
    Les loups vont répondant des forêts violettes:
    A l’horizon, le ciel est d’un rouge d’enfer…

    Holà, secouez-moi ces capitans funèbres
    Qui défilent, sournois, de leurs gros doigts cassés
    Un chapelet d’amour sur leurs pâles vertèbres:
    Ce n’est pas un moustier ici, les trépassés !

    Oh! voilà qu’au milieu de la danse macabre
    Bondit dans le ciel rouge un grand squelette fou
    Emporté par l’élan, comme un cheval se cabre:
    Et, se sentant encor la corde raide au cou,

    Crispe ses petits doigts sur son fémur qui craque
    Avec des cris pareils à des ricanements,
    Et, comme un baladin rentre dans la baraque,
    Rebondit dans le bal au chant des ossements.

    Au gibet noir, manchot aimable,
    Dansent, dansent les paladins,
    Les maigres paladins du diable,
    Les squelettes de Saladins. »

    (Arthur Rimbaud, Le bal des pendus, 1870)

    PS : Explication de cette poésie (entre autre son lien avec celles de Villon et de Banville) sur http://rimbaudexplique.free.fr/poemes/pendus.html

  19. Finalement, il écrit pas mal ce Rambo, mieux que dans ses films. Merci de m’apprendre que son prénom est Arthur, c’était pas dit dans les films.

  20. Je ne pense par que Rimbaud fasse partie du monde poétique de Brassens. Je pense que les écrits de Rimbaud, tout comme ceux de Verlaine et Baudelaire, ont eu les faveurs de Léo Ferré alors que Brassens a préféré des types d’écriture plus classiques (Musset, Lamartine, Paul Fort …). Mais peut-être que je me trompe, il s’agit là simplement de ce que je constate au premier abord. D’autres blogueurs pourraient peut-être nous éclairer sur cet aspect des choses.
    PS – Mon grand projet, pour l’an prochain, est de parler de Léo Ferré, à l’occasion du 15ème anniversaire de sa mort (prévu le 14 juillet 2008).

  21. Oui mais, en même temps, Villon et de Banville (qu’il a magnifiquement chantés) me semblent plutôt du côté de Rimbaud… que de Musset et Lamartine.
    Un sujet (de plus) à creuser !

    (T’es déjà en train de programmer l’été 2008 ???? Waouh !!!)

  22. Ce sixième album s’appelle Le Mécréant. Brassens entretenait avec les religion catholique une relation presque ambiguë.
    Il dit un jour à Jacques Brel :
    « J’ai l’impression, Jacques, qu’on parle de Dieu, nous, parce qu’on s’adresse à certaines gens, exactement comme tu parlerais anglais devant un Anglais, parce que c’est sa langue. »

    Raymond Devos se souvient de Brassens en pétard :
    « Tout de même, que Dieu en ait voulu à Adam et Eve, d’accord, huit jours. Mais je n’ai jamais vu cela, ça dure encore ! Quelle rancune ! »

    Dans une interview accordée à Témoignage chrétien, Brassens dit :
    « Jamais les chrétiens n’auraient dû prendre les armes, même arrosées d’eau bénite. Je ne peux pas accepter cela ; vous êtes une force, vous n’avez pas su vous révolter contre la guerre. Les catholiques, finalement, sont comme les gosses après le catéchisme : ils pratiquent tout de suite le contraire de ce qu’on vient de leur enseigner ».

  23. (Suite de l’inventaire initié par Anne)

    A son ami André Sève, il aurait dit :
    « Un jour je pense : Dieu ? – Non Et le lendemain : Dieu ? – Peut-être. (…) Je ne maintiendrai jamais que Dieu n’existe pas. Tout ce que je peux dire, c’est que je n’en sais rien. J’ai oscillé dans ma vie entre une négation très forte et une forte envie d’y croire. (…) Si l’Eternel existe… En ce moment, je suis plutôt dans le sentiment qu’il n’existe pas. »

    A un autre ami, il aurait cependant confié :
    « Par le lecture, la réflexion, par les travaux de gens comme Jean Rostand, j’ai acquis la conviction de l’inexistence de Dieu. Je crois que l’esprit et la matière meurent en même temps. Pourquoi l’homme serait-il différent des autres êtres vivants, les animaux ou les fleurs ? Jean Rostand n’était quand même pas un con ! Mais je me trompe peut-être et je n’empêche personne de penser le contraire. »

    Il aurait aussi avoué à un autre :
    « Vois-tu, l’attitude que l’on a dans la vie, et en songeant à la mort est forcément liée au fait que l’on croit ou que l’on ne croit pas en Dieu. Si j’étais absolument convaincu que Dieu n’existe pas, je me laisserais aller à tous les péchés ! Mentir ou enlever la femme d’un autre. Celle d’un copain s’entend. Mais je suis froussard, comme tout le monde. Alors, je me tiens à carreau. »

    N’oublions pas qu’il avait un père libre penseur et une mère… sicilienne (ce qui veut tout dire quant à son rapport à la foi). Ne serait-il pas dès lors comme tiraillé par ces deux pôles opposés, profondément ancrés en lui, tentant d’en créer une difficile conciliation (à défaut de synthèse).

    J’aime beaucoup enfin sa chanson posthume, L’Antéchrist, dont voici le dernier couplet :

    « En se sacrifiant, il sauvait tous les hommes,
    Du moins le croyait-il ! Au point où nous en sommes,
    On peut considérer qu’il s’est fichu dedans.
    Le jeu, si j’ose dire, en valait la chandelle.
    Bon nombre de chrétiens et même d’infidèles,
    Pour un but aussi noble, en feraient tout autant. »

  24. Cette phrase, dont parle Vincent, « Si l’Eternel existe … En ce moment, je suis plutôt dans le sentiment qu’il n’existe pas » fait écho à deux autres extraits de chansons, plus tardives, de Brassens :

    « Dieu s’il existe, il exagère » (chanté par Bertola)

    – « Et l’un des dernier dieux, l’un des derniers suprêmes,
    Ne doit plus se sentir tellement bien lui-même
    Un beau jour on va voir le Christ
    Descendre du calvaire en disant dans sa lippe
     » Merde je ne joue plus pour tous ces pauvres types ».
    J’ai bien peur que la fin du monde soit bien triste. »

    (extrait de « Le Grand Pan »)

  25. J’aime beaucoup (je me répète, je sais) la vidéo de L’enterrement de Verlaine.
    Lui qui avait si souvent l’oeil goguenard en chantant ses textes, paraît ici très ému de pouvoir rendre ainsi un double hommage à Paul Fort et Verlaine.

    Cela me rappelle ce qui reste pour moi un des moments de télé les plus émouvants que j’ai pu voir :
    Il y avait exceptionnellement Léo Ferré, bizarrement présent dans une émission de variétoche, du genre « Sacré Soirée » animée par Jean-Pierre Foucaut (peut-être invité par Barbelivien).
    Je me souviens qu’il venait de sortir son album « On n’est pas sérieux quand on a dix-sept ans ». Enchaînant les questions d’usage, l’animateur un moment tente de le « lancer » sur les poètes (Rimbaud, Baudelaire, Verlaine , Appolinaire) qu’il a souvent mis en chanson. Et tout d’un coup, sans prévenir, le vieux lion à la crinière blanche se met… à pleurer. De vrais larmes. L’animateur, tout gêné, lui demande ce qui se passe. Et Léo Ferré ne peut que marmoner un truc du genre (ma mémoire est un peu floue) : « Vous m’avez surpris… Me parler de mes amis, comme ça… » (on a tous plus ou moins entendu : « …Et leurs noms ici dans votre bouche ! »)

    Heureusement qu’une page de pub est vite venue remettre un peu d’ordre et de légèreté !!!!

  26. Oui, Ferré pleurait facilement. Sa sensibilité était à fleur de peau.
    Tu te rends compte, Vincent, tout ce qu’on aura à dire sur ce blog en 2008 à propos du grand Léo ?
    Et puis, un an et demi, ça laisse du temps à Anne de s’y mettre !

  27. Quand tu dis, Bernard :
    Mon grand projet, pour l’an prochain, est de parler de Léo Ferré, à l’occasion du 15ème anniversaire de sa mort prévu le 14 juillet 2008 (j’adore le « prévu »)
    C’est avec des reprises de ses albums ? Avec des répets, des répets intermédiaires et tout le toutim ?

    Le truc, c’est que ça va un peu se télescoper avec les 30 ans de la mort de Jacques Brel, le 9 octobre 2008…mais ça nous laisse pas mal de temps avant le 40e anniversaire de la mort de Bobby Lapointe le 29 juin 2012.
    Pour s’occuper d’ici-là, on pourrait fêter les 75 ans de Pierre Perret le 9 juillet 2009.
    Et puis pourquoi ne fêterions nous que les dizaines et les quintuples ?
    Pour meubler 2010, rien ne nous empêche de marquer les 58 ans de Dick Annegarn…

  28. En fait, je ne sais pas trop ce que je ferai sur Ferré, mais je sais juste que je ferai quelque chose. On ne va pas passer sous silence ce grand bonhomme, non ? Le plus grand des chanteurs poètes ? Assurément !
    Quant à Brel, il y aura beaucoup d’autres personnes pour célébrer sa mémoire ! Alors que Ferré …
    Oui, après avoir parlé de Bobby (Zimmermann, alias Bob Dylan), pourquoi effectivement ne pas parler d’un autre Bobby (Lapointe).
    Et puis Dick Annegarn, et surtout des gens peu connus qui sont de véritables merveilles encore vivantes (Jean-Marie Vivier, Jacques Bertin…) ou mortes (Caussimon, Bernard Haillant, Jehan Jonas) ! Heureusement que j’ai prévu de vivre jusqu’à cent ans pour mener à bien tous ces projets !

  29. Si « L’orage » ressemble beaucoup au « Parapluie »… « La fille a cent sous » n’est-elle pas la copie des « Sabots d’Hélène » ?
    Brassens, ayant fait le tour de ses sujets, deviendrait son propre plagiaire ?

  30. « Le parapluie » a aussi une parenté avec « les passantes » (thème qui sera aussi repris par Pierre Louki dans « la rue des saules »).
    Brassens ne devient pas son propre plagiaire, il a toujours dit, je crois, que dans la chanson, les thèmes étaient finalement peu nombreux. Je me rappelle qu’il avait cité l’amour, l’amitié, la mort comme étant ses thèmes de prédilection. Et pour le reste, je ne me souviens plus trop mais il me semble que j’en oublie un ou deux seulement.
    C’est comme pour ce blog finalement, les thèmes qui reviennent sont toujours les mêmes : nature et musique surtout. Si les thèmes de l’amour, de l’amitié et de la mort n’y sont pas traités, c’est parce qu’il s’agit de sujets trop intimes pour pouvoir être jetés en pâture au public.
    Donc, un grand merci à Brassens qui ne traite que des sujets essentiels. « Tout le reste n’est que littérature » aurait chanté et conclu Léo Ferré (sur un texte de Verlaine : « Art poétique » !)

  31. Et Barbara ? Et Reggiani ?
    Sinon, pour célébrer Moustaki de son vivant, faut peut-être ne pas attendre trop longtemps !!!

  32. Oui, les sujets ne manquent pas, il y aurait aussi Gainsbourg, Salvador, Dominique A, Bashung et des dizaines d’autres. C’est l’une des raisons pour lesquelles ce blog n’est pas prêt de s’éteindre !

  33. « Pauvre Lélian » dit Brassens dans « l’Enterrement de Verlaine ». Je m’étais parfois demandé qui pouvait être ce Lélian. En fait, PAUVRE LELIAN n’est autre que l’anagramme de PAUL VERLAINE.

  34. La phrase :
    « Remball’ tes os, ma mie, et garde tes appats,
    Tu es bien trop maigrelette,
    Je suis un bon vivant, ça n’me concerne pas
    D’étreindre des squelettes. »

    est à rapprocher de :
    « Fi des femelles décharnées
    Vive les belles un tantinet
    Rondelettes »

    que l’on trouve dans « Oncle Archibald »

  35. « Pauvre Lélian » : un anagramme de Verlaine donné par… Rimbaud, nous apprend le site d’analyse des textes de Brassens que tu nous conseillais le mois dernier.

    Quant à « Montesquiou-Fezensac et Bibi-la-Purée » ce seraient deux figures du Montmartre artistique et littéraire du début du XXe siècle, y apprend-on aussi. Le premier, poète et écrivain (1855-1921), serait un descendant de d’Artagnan et l’auteur des « Chauves-Souris ». Le vrai nom du second serait
    André Joseph Salis de Saglia.

  36. Il parle aussi du tour de taille – quoique sous un autre angle – dans le « Bulletin de santé » :

    « Si j’ai trahi les gros, les joufflus, les obèses / C’est que je baise, que je baise, que je baise… »

  37. A propos de LA TRAITRESSE :

    « Où donc avais-je les yeux ? Quoi donc avais-je dedans ? » :
    Pas si « Pornographe » qu’il le prétendait dans le précédent album, le père Brassens, il lui arrive encore de penser « merde ! » et de préférer ne pas le dire !!!

    « J’ai surpris ma maîtresse [madame Dupont] avec son mari, pouah ! » :
    Joli surnom « Pouah », qu’est-ce que t’en dit Bernard ? « Leblogapouahpouah » ça sonne bien aussi, je trouve !!!!

  38. TONTON NESTOR
    Je ne sais pas vous mais moi je la trouve au niveau du texte complètement incohérente, quasiment bâclée. Elle a dit « Merde ! » ou « Maman ! », vous arrivez à savoir ? Et vous arrivez à y croire à ce mariage gâché pour une main au cul du tonton ? Et puis que vient faire ce mot « incontinent » là où il est ?
    Mais bon… Tout est « rattrapé » par la musique (efficace, entraînante)… et le charme de ces fameux vers à quatre pieds !

  39. Au contraire, le mot « incontinent » ne me semble pas mal placé dans la phrase « Se retournant, incontinent, elle souffleta flic-flac, l’garçon d’honheur, qui par malheur, avait une tête à claques ».
    Le petit Larousse donne quatre sens différents à ce mot. D’abord « qui manque de modération », ça me semble pas mal non ? Et puis « Aussitôt, immédiatement », c’est encore mieux.

  40. LE BISTROT
    J’en ai connu un bistrot comme ça, tenu par un gros d’autant plus dégueulasse qu’il laissait la fée qui l’avait épousé travailler seule derrière le comptoir sous prétexte qu’elle faisait venir davantage de clients que lui !

    EMBRASSE-LES TOUS
    C’est quoi siouplé des « guilledous et prétentaines » ?

    LA BALLADE DES CIMETIERES
    Pourquoi la « Marquise de Carabas » ? Juste pour la rime ? Qui c’est d’abord ?

    L’ORAGE
    Ca fait quoi comme cri, un putois ? Elle existe l’expression « un tonnerre avec des cris de putois » ou elle a été inventée par GB pour la rime ?

    Pourquoi diable écrit-il « affolé’  » plutôt qu’ « affolée » ? « paratonerre’  » plutôt que « paratonnerres », « intempéri’  » plutôt qu’ « intempérie », « emmené’  » plutôt qu’ « emmenée », « imbécile’  » plutôt qu’ « imbéciles », « plui’  » plutôt que « pluie » ?

    LE MECREANT
    « J’voudrais avoir la foi d’mon charbonnier qui est heureux comme un pape et con comme un panier »… ça me fait penser au « …être une fois, rien qu’une fois seulement, beau, beau, beau, beau et con à la fois ! » de Brel.

    « Se traverstir d’une soutane et tonsuré de frais, la guitare à la main… » me fait encore penser à Brel… qui a réellement commencé avec des chansons « catho-gnangnan »

    Le supplice d’Abélard est déjà évoqué dans la « Ballade des dames du temps jadis » de l’album 1 (« … la très sage Héloïs, pour qui fut chastré et puis moyne Pierre Esbaillard à Sainct-Denys… »)

    LE VERGER DU ROI LOUIS
    De quel roi s’agit-il donc ?

    LE TEMPS PASSE
    L’argument du 2e couplet (amour minable embelli par le souvenir) sera plus tard l’objet d’une chanson entière : « Retouches à un roman d’amour de quatre sous » (album posthume)

  41. En réponse à la remarque de Vincent sur L’ORAGE :

    « Il y a une chose qui me chiffonne – et même plus – quand je lis du Brassens. Ce sont ces élisions qui n’étaient pas indispensables. Qui aurait trouvé à redire à (Saturne) : « Le temps tue le temps comme il peut » en place de « Le temps tu’… » ? Ou : « Des tours d’horloge, de sablier » plutôt que « Des tours d’horlog’… » ? Il y a, dans son oeuvre, des quantités d’exemples. (La marche nuptiale) : « Voilà la plui’ qui tombe ». Pourquoi pas « la pluie » ? Personne ne prononce jamais ce e muet. Je lui en ai touché deux mots. Il m’a répondu que ce ne serait pas honnête. Je trouve que c’est pousser l’honnêteté un peu loin. Ces apostrophes-là ne sont pas belles à voir. Mieux vaut les laisser à ceux qui ne peuvent s’en passer. »

    (Pierre Louki, « Avec Brassens, récit », Ch. Pirot, 99)

  42. Ce n’est pas un hasard si Pierre Louki a pris « des tours d’horloges… » comme exemple. L’horloge revient souvent dans ses chansons, dans ses livres pour enfants, dans ses petites histoires. Louki faisait-il une fixation sur les horloges ? Cela n’aurait rien d’extraordinaire, les poètes chantant souvent le temps qui passe, l’horloge pouvant alors représenter la fuite du temps. Mais dans le cas de Louki, l’explication en est probablement beaucoup plus simple : il a fait ses études à l’école d’Hologerie de Besançon !

  43. Toujours dans Tonton Nestor, à propos du couplet :
    « Se retournant
    Incontinent
    Elle souffleta flic-flac
    L’garçon d’honneur
    Qui par bonheur
    Avait une tête à claques »

    Henri T écrit sur un site d’analyse des textes de Brassens :
    « Moucher quelqu’un, ça peut être lui mettre une claque (physique ou morale).
    Encore une fois, GB prend la métaphore au pied de la lettre puisque « par bonheur l’enfant de choeur était enchifrené », c’est à dire enrhumé, morveux, et avait donc bien besoin d’être mouché. »

  44. Dans « Ô Verlaine ! » de Jean Teulé (Juliard, 2004) apparaît régulièrement le fameux « Bibi-la-Purée » cité par Paul Fort dans « L’enterrement de Verlaine ». Extrait :

    « – Mais, au fait, tu fais quoi, dans la vie, le Purée ? demanda le dessinateur.
    – Vaguement clochard et un peu écrivain public dans le quartier des Batignolles, répondit l’autre dans ses hardes trop larges. Je vends aussi des fleurs avec compliments aux dames et des lacets aux hommes… pour étrangler les dames ! Celles qui n’aiment que les jolis gars… Ah, ah, ah ! rigola-t-il en entrechoquant ses mâchoires édentées tout près du nez. »

    Est-ce là résultat d’enquête ou invention de romancier ?
    En tout cas cela dresse un personnage conforme à ce qu’on pouvait imaginer.

  45. Dans le mécréant, Brassens dit :
    Mon voisin du dessus, un certain Blais’ Pascal,
    M’a gentiment donné ce conseil amical :
    Mettez-vous à genoux, priez et implorez,
    Faites semblant de croire, et bientôt vous croirez.

    Connaissez-vous le poème de langue française le plus court ?
    Les paris stupides
    Un certain Blaise Pascal etc… etc…

    Jacques Prévert – Paroles (1946)

  46. Cette idée (que c’est en se mettant à genoux qu’on finira par avoir la foi) je l’ai d’abord lue dans les « Propos sur le bonheur » d’Alain, je crois, sans savoir qu’il avait copié sur Blaise Pascal (dans ses « Pensées » j’imagine).

    C’est une autre version du fameux : « c’est en forgeant qu’on devient forgeron ! »

  47. … et en saignant qu’on devient professeur !!!!

    (j’allais quand même pas vous faire le coup du « …en saignant que Léonard de Vinci » !)

  48. C’est étonnant, à bien considérer, que cette phrase (« en faisant semblant de croire qu’on finit par croire ») soit de Pascal… car c’est une pensée on ne peut plus réaliste/matérialiste (position philosophique qui postule que le plus haut est issu du plus bas, quand son opposé, l’idéalisme/spiritualisme, postule tout bonnement l’inverse).

  49. Ai-je rêvé ou ai-je entendu une guimbarde dans « Le bistrot » ?
    Tendez bien l’oreille, particulièrement entre les couplets.

  50. Non, je n’entends pas.
    Celà dit, il ne serait pas étonnant que dans les coins pourris du pauvre Paris, les gens roulent dans de vieilles guimbardes ! Mais de là à les utiliser comme instrument de musique … !
    Je te rassure, Anne : tu as bien rêvé et c’est un signe de jeunesse !

  51. Bon, ok. Je n’avais pas rêvé (enfin, pas cette fois-là) mais ce sont les hauts-parleurs de ma vieille voiture qui vibraient bizarrement sur certaines basses.

  52. Je ne sais pas si la réédition remastérisée des disques de Brassens a permis d’éliminer ce problème de basses parfois trop présentes et qui font vibrer les membranes des hauts-parleurs (et peut-être même les membranes des oreilles de Anne !) mais c’est vrai que certains morceaux sont assez mal mixés dans la première édition CD que j’ai.

  53. Je voudrais – et je crois que ça va faire plaisir à vincent, je ne sais pas pourquoi- m’éloigner de la guimbarde pour retourner à Pascal. En effet l’album est intitulé « le mécréant », en effet Pascal appelle à prier d’abord pour qu’ensuite vienne la foi. Mais: même si je trouve ta remarque de contradiction fine (position de matérialisme philosophique), je crois qu’on pourrait y contrapposer: Pascal est en train à ce moment de son texte de faire une métaphore qui, bien que périlleuse, n’en est pas moins efficace: le croyant est comme le paysan. S’il sème, la graine peut donner son fruit, mais s’il ne sème pas…sème l’autre comme toi-même. Ce n’est donc pas vraiment une position matérialiste, mais plutôt hautement spiritualiste à la Berkeley: il est bien possible que rien de la matière n’existe, seules comptent les idées et la « bonne volonté ». Donc sème, crois etc…est plutôt une position qui nie le temps du corps (l’effort permanent de croire) face à l’acte de la foi. Le contraire du « bon » matérialisme.
    Et là justement j’ajoute: Brassens à mon sens a une position nettement matérialiste, je veux dire spinozienne sur la question; Bernard disait « Et puis, je pense aussi que dans l’esprit de Brassens, la vie et la mort font partie d’un tout, sa vision du monde est plutôt assez cohérente. » Je crois bien en effet que notre poète n’a nul besoin de diviser le monde en deux, royaume des cieux et marché de brives-la-gaillardes. Si Dieu est un père désobéissons…
    Fondamentalement et sans vouloir attribuer à César ce qui est à Brutus, la position fine et recherchée de Brassens sur les questions de l’arrogance du pouvoir (« des curés, des politiciens et des militaires » si on veut) , de l’amour et de la sexualité, du sens de la liberté, je veux dire DANS LEUR RAPPORT A DIEU OU A LA RELIGION, est nettement forgée dans le bon sens de l’anarchisme spinozien développé dans le « traité théologico-politique » et surtout dans « l’Ethique ». ça ne signifie pas que Brassens ait lu Spinoza, encore moins qu’il l’ait lu comme moi, mais qu’il y a une curieuse continuité dans les attitudes éthiques théoriques de nos deux éternels anachroniques. Il est possible, comme j’ai pu le lire dans la discussion, que Brassens n’ait pas piqué la femme d’un pote par trouille du crucifix, mais enfin « et le troisième coup ne fut qu’une caresse », le copain dans la bière et la veuve sur les genoux…je ne sais pas qui était l’homme, mais le poète n’a pas peur des curés!
    Un chanteur-auteur italien a traduit et arrangé des chansons de Brassens, Fabrizio De André. à qui parle la langue et ne le connaît pas je ne peux que conseiller « la buona novella » de 1968. Un album qui semblait du cathognangnan et qui a fait scandale en Italie, tout simplement parce qu’il présente Jésus sous le visage de l’homme qui croit en ce qu’il dit, visage de l’anarchiste, qu’on peut aussi décrypter dans l »évangile selon saint matthieu » de PP.Pasolini. Magnifique d’humanité et d’humilité.
    Même mieux: je suis prêt pour qui est intéressé à traduire l’intégralité de l’album, que vous trouverez facilement, même-si-je-sais-pas-si-je-vous-dirai-où.

  54. Waouh… merci le Russe.

    Dis donc, si tu jugeais ma remarque « fine » : quel mot nous reste-t-il pour qualifier la tienne ?
    (Au fait, c’est dans les « Pensées » ce passage sur la foi, tu en connais les références précises ? J’avais en effet bien envie d’y aller jeter un coup d’oeil moi aussi mais n’ai pas eu le courage de le rechercher)

    … Et le coup du Brassens « anarcho-spinoziste », je vais le garder dans un coin de la tête et le laisser décanter. Ca me semble également bien trouvé !

  55. Avec mes excuses Vincent
    je n’ai pas les références de la pensée en question.
    Je ne l’ai tout simplement pas sous la main, la fréquence de mes déplacements m’oblige à faire des chois drastiques dans les livres dans le sac à dos!

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