Dans l’intimité du blaireau (1)

Le blaireau est l’animal que je connais le mieux. J’ai passé des centaines de soirées à l’observer devant son terrier. En 1992, alors que ma passion du blaireau était à son point le plus fort, j’ai consacré plus de 150 soirées cette année-là à son observation. J’ai même envisagé de lui consacrer une thèse. Mais à partir du moment où j’ai commencé à noter sur papier ce que je voyais et à avoir une approche scientifique, je n’y ai plus trouvé de plaisir. Je me suis alors rendu compte que j’étais surtout à la recherche de belles images (dans ma tête) et d’émotions fortes mais que le reste n’avait aucune importance.

1992, c’était à Brussey. Dans les années 95, toujours à Brussey, « mes » terriers habituels sont devenus un peu déserts (peut-être ont-ils été victimes de destruction) et je n’ai jamais retrouvé le niveau d’activité du début des années 90. Alors, le blaireau est un peu sorti de ma vie.

Depuis huit ans, j’habite de nouveau dans le village de mon enfance et j’ai pris l’habitude d’aller quelques fois par an observer le blaireau devant d’autres terriers. Mais là aussi, mes observations ont été plutôt décevantes, les conditions ont été souvent difficiles et le blaireau n’a pas été au rendez-vous chaque soir.

Cela fait donc plusieurs années que je rêve de retrouver de bonnes conditions d’observation.

Et puis, il y a quelques semaines en me rendant en journée auprès de terriers que je connais, j’ai été enthousiasmé par les traces d’activités sur le site. Les entrées de terriers étaient récemment remuées par l’animal et il y avait surtout un endroit où le sol était largement piétiné. Il s’agissait là visiblement d’une aire de jeu et j’en ai conclu que de nombreux jeunes étaient nés.

Il m’a semblé évident que je tenais enfin « le » terrier que je n’osais plus espérer. J’ai donc construit un petit affût très sommaire et j’ai créé un petit sentier qui y mène, éliminant sur 50 mètres la moindre feuille morte ou branchette pour pouvoir y accéder le soir sans le moindre bruit.

Le vendredi 4 avril, le jour J est arrivé. Me voilà confortablement installé dès 20H20 devant le terrier. L’ambiance est habituelle, la grive musicienne s’en donne à coeur joie, le rouge-gorge égrène ses notes cristallines et le silence finit par se faire. Quand tout à coup, cinq têtes rayées apparaissent dans la pénombre devant moi. Mais la suite est une autre histoire…

40 réflexions au sujet de “Dans l’intimité du blaireau (1)”

  1. Oh là là, je comprends que tu sois amoureux des blaireaux.
    Ils sont adorables avec leur petite tête à rayures.
    Ca vaut le coup de laisser tomber le net pour pour passer ses soirées avec eux.
    Dis, il y a des sapins dans ton coin de forêt ?
    Ou bien des épicéas mais les branches que tu as coupées pour faire ton affût ressemblent plutôt à du sapin, mais on ne voit pas bien sur la photo.
    Alors, combien y a-t’il de jeunes blaireaux dans ta famille blaireau ?

  2. Je ne sais toujours pas combien il y a de jeunes blaireaux. Peut-être le saurais-je ce soir. Mais j’attends surtout que les conditions lumineuses soient meilleures et que les blaireaux sortent de jour.

  3. Je trouve formidable ta passion pour les blaireaux, comme celle pour la musique, le jardin, les oiseaux, la justice, la beauté, l’amour, l’amitié… Bref, ta passion pour la vie ; sans faux-semblant, sans pacotille.
    Et non seulement tu aimes, mais tu aimes partager…
    J’avais compris cela dès notre première rencontre et je le me délecte à le vérifier depuis. Merci.
    Tiens, ce soir, moi, j’irai « observer » le Bernardot !

  4. J’attends la suite de l’histoire avec impatience !
    Je ne pensais pas que le museau des blaireaux était si allongé.
    Je n’en ai jamais vu « pour de vrai ».
    Cependant, il doit y en avoir dans mon coin puisque Marc en a vu un tué par une voiture tout près de chez nous, il y a quelques années.

  5. « Un affût très sommaire » ? Tu veux dire : sans frigo rempli de bières ? Wahou ! Comment vas-tu faire pour « tenir » ?

  6. Pour ceux qui ne connaissent pas, sur Leblogdesblaireaux (allez savoir pourquoi, c’est un de mes favoris !), on pouvait lire ceci au début du mois :
    « (…) Cela faisait des années que nous rêvions de bonnes conditions d’observation.
    Et puis, il y a quelques semaines, nous avons été enthousiasmé par les traces d’activité autour de notre site. Un affût très sommaire a été monté par l’animal et un petit sentier éliminant sur 50 mètres la moindre feuille morte ou branchette indiquait qu’il avait l’intention de revenir bientôt.
    Il nous a semblé que nous tenions enfin « le » naturaliste que nous n’osions plus espérer (…) »

  7. Lors de ma seule observation des blaireaux, ce qui m’a le plus surprise c’est de les entendre pousser de gros soupirs et de les voir se gratter vigoureusement mais néanmoins voluptueusement le cuir.
    Ces gros pépères sont aussi placides qu’ils en ont l’air.

  8. Dis, Ourko, tu ne voudrais pas nous mettre le lien pour trouver le blogdesblaireaux.
    On aimerait bien connaître les détails des observations faites par les blaireaux … de l’homme (Bernard en l’occurence!).
    LOL

  9. Pourquoi est-ce une insulte, Jenofa, je n’en ai aucune idée.
    Traiter quelqu’un de blaireau, dans le langage courant, c’est le traiter d’imbécile. Ce n’est pas très flatteur. Je ne sais pas qui a eu l’idée le premier de traiter une personne ainsi mais je suis sûr que cette personne là en était un (d’imbécile, pas de blaireau).
    Il existe quantités d’animaux qui ont été affublés, sans raison, de toutes les tares, de tous les qualificatifs. Ce genre de chose a la vie longue, je pense qu’il faudra des siècles pour s’affranchir de cela, et encore … !

  10. Dis, à propos, il y a un championnat de déterrage de blaireaux qui se prépare dans le 71.
    On peut signer une pétition pour empêcher ça :
    http://www.abolition-deterrage.com/
    Est-ce que tu m’autorises à utiliser une de tes photos pour mettre sur la page de mon blog que je prépare pour dans quelques jours?
    Bien entendu, je citerais mes sources.

    ps : tu avais vu le film de « Laurent Charbonnier, « Un homme parmi les blaireaux », consacré à Robert Hainard?

  11. Jenofa,
    Oui, évidemment, la photo peut être utilisée.
    Pour le déterrage en Saône-et-Loire, j’ai reçu un mail aujourd’hui. C’est une véritable honte pour nos pays dits civilisés.
    Oui, j’ai vu le film consacré à Hainard, je l’ai souvent montré à des stagiaires.

  12. Oetincelleo,
    On lit souvent que le blaireau hiberne. En fait, il est plutôt très inactif à la mauvaise saison, sort de temps en temps de son terrier, va parfois à plusieurs centaines de mètres et revient roupiller. Ce n’est donc pas de la vraie hibernation.
    Sa nourriture est très variée. En ce moment, quand il fait très humide, il se nourrit beaucoup de vers de terre, d’escargots, de limaces. Il adore les fruits (raisins, cerises, …), peut faire quelques rares dégâts dans les champs de maïs. Il se nourrit également d’insectes (des scarabées, des nids de guêpes…) et ne dédaigne pas quelques petits animaux qui se trouvent par hasard sur son chemin, y compris des oeufs d’oiseaux mais c’est beaucoup plus rare.

  13. Bien vu pour les fruits : un de mes amis qui travaille la vigne a vu le boulot du blaireau : un rang, une crotte ! Tant pis pour le bon vin du Jura !
    Belle bête, belles photos et pour ceux qui en ont eu la chance, de belles sensations quand on observe ces sortes de petits ours de près.

  14. Quelqu’un sait-il ce que les poils du blaireau ont de particulier pour qu’on les utilise pour fabriquer les blaireaux (qui servent à étaler la mousse à raser) ?

  15. Oui, Etincelle, c’est pour protéger les ressources en hydrocarbures.
    Mais, malgré le renchérissement des produits pétroliers, préfèrera-t-on encore longtemps le poil de blaireau au poil de plastique ?
    S. dès qu’il sera à la présidence de l’Europe devra ouvrir un débat sur la question. Encore une réforme à la mesure de sa popularité !

  16. et le poil à bois ?!

    Je me demande si tout simplement, comme sa cousine de la famille des Mustélidés la martre, il ne fournit pas depuis des lustres des poils souples et résistants pour les pinceaux. Comme ces bestioles sont régulièrement considérées nuisibles (une véritable honte), la transformation coup de fusil -> coup de pinceau peut être qualifiée de maquillage.

    J’ajoute que si j’ai eu du blair, c’est aussi par référence à cette belle bête.

  17. Justement, je voudrais bien savoir pourquoi le blaireau est considéré comme un nuisible.
    Quels dégâts occasionne-t’il ?

  18. A mon avis, par la discrétion et la bonhomie qui le caractérise, cet animal charmant fait injure aux barbares.
    Il leur renvoie, en positif, l’image de leur nullité.
    Il stimule donc au plus haut point leur haine et leur envie de tuer !
    Ils prennent l’animal, le dépècent et de son poil font un instrument pour couvrir de mousse leur visage assassin, qui, une fois rasé et glabre, donnera l’illusion d’une pseudo innocence affichée.
    Tout poilu, le blaireau est tellement plus digne qu’eux.

  19. Tu as raison Robert de parler de barbares. Hier soir j’étais à une réunion et nous avons bu un pot après. Une personne qui était là (un chasseur, mais qui condamne la pratique du déterrage) a raconté comment se passe le déterrage du blaireau. Les chiens partent dans les terriers. Une fois que le blaireau est acculé dans un coin, comme on entend d’où viennent les aboiements, on creuse la terre pour accéder au blaireau, on le saisit avec de grosses pinces puis c’est la curée : les chiens se jettent dessus et le déchiquettent de toutes parts.

  20. Oetincelleo, je crois que le blaireau n’est considéré comme nuisible que dans certains départements, ailleurs il est considéré comme gibier la plupart du temps.

  21. C’est quand même incroyable !
    Ne pourrait-on pas laisser les gens vivre en paix !
    Qi’ils soient blaireaux, esquimaux, tibétains, ….

  22. Nous sommes perplexes…
    Depuis plusieurs jours, nous avions repéré une activité humaine à proximité de notre terrier. Des indices révélateurs indiquaient à coup sûr la présence d’un spécimen Dupdup (reconnaissable à la forme de ses abris, et à la façon de débarrasser le sol de toute brindille, feuille ou caillou, sur plusieurs mètres selon un rituel chamanique sans doute : le Dupdup chantonne le Brassens, tout en abaissant et relevant son buste en rythme – d’ailleurs, un de nos jeunes humanologues a cru reconnaître l’album 12…). L’odeur caractéristique de bière, dans l’urine laissée au pied des arbres, ainsi que la patience du sujet nous laissaient penser qu’il s’agissait d’un mâle quinquagénaire, heureux et joyeux. Tout à la confection de son abri et à la célébration de son rituel, le Dupdup – titubant étrangement et hoquetant au bout de quelques heures – n’ a pas vu que nous fabriquions des caches sur un rayon de 10 mètres autour de son nid afin de mieux pouvoir l’observer dans sa nidation de printemps. Car une légende court dans le clan Blaireaux depuis la nuit des temps. Selon ma vieille arrière grand-mère Blaireau, chaque année, quand les bourgeons du hêtre se déploient, le Dupdup construit son nid dans les bois. Cela fait des années que nous sommes postés à des endroits stratégiques, feignant l’indifférence, vaquant à nos occupations de Blaireaux, dans l’espoir d’endormir sa vigilance et d’assister enfin à une scène d’accouplement. Or, depuis quelques jours, alors que tout était en place (les invitations étaient imprimées et envoyées, les gradins montés dans les buissons, les autorisations de filmer dûment validées par les différentes associations pour les droits de l’homme etc), depuis quelques jours, donc, notre spécimen Dupdup mâle a disparu. Nous n’avons qu’une crainte, c’est qu’il ait finalement décidé d’aller s’accoupler ailleurs, et qu’il nous faille attendre encore plusieurs générations de Blaireaux avant de pouvoir saisir cet instant magique de l’accouplement de deux Dupdup au printemps…

  23. C’est quand même dommage …
    Blaireau vient écrire dans le Blogadupdup juste quand celui-ci s’en va !
    Le Dupdup en question va regretter de ne pas avoir été là !

  24. Toujours rien…
    L’association pour la sauvegarde du Dupdup vient de récolter des fonds, dont une part a été attribuée à Chouette Effraie, installée juste au-dessus de l’abri pour appâter le Dupdup qui en est friand… un pack de Kro a aussi été déposer à l’entrée de l’abri pour faire bonne mesure… Mais toujours rien…

  25. Longuement observé un Héron cendré, aujourd’hui.

    N’avais jamais remarqué qu’il était habillé… « comme un blaireau » !

  26. Pour celles et ceux qui habitent sur le coin, j’encadre une sortie le samedi 18 avril à 14H à la Maison de la Nature sur le thème du blaireau. Au programme : mieux connaître sa biologie, alimentation, rôle dans la chaîne alimentaire, cycle de reproduction … Et, bien entendu, conseils pour son observation.

  27. En effet ! Mais je crois bien que celles du blaireau d’Amérique sont encore plus grandes. Ces animaux aux griffes très impressionnantes sont pourtant bien innoffensifs contrairement au féroce carcajou (ou glouton ou volverine) dont les griffes sont pourtant moins grandes.

  28. j ai bien aime ton texte mes le probleme c est que l on ne connet pas la suite alors…
    mais je te trouve courageux d avoir attendus lomgtemp pour enfin realiser ton reve :cheerful: :cheerful: :cheerful: :cheerful: :cheerful:

  29. J’ai vu le titre de l’article dans un coin du blog, je m’attendais à une critique de Paris Match.
    [Commentaire sans intérêt, passez votre chemin]

  30. Oui, effectivement, on ne connaît pas la suite de l’histoire avec les blaireaux. Pourtant, je me rappelle avoir écrit une suite. Mais il y a des périodes où j’écris des articles que je ne mets jamais en ligne, celui-là est donc resté quelque part en plan et n’a jamais été publié … Va falloir que j’y remédie d’ici quelques semaines, d’autant plus que je reprends ce soir mes affûts au blaireau.

  31. Bonjour Bernard,
    Un petit mot en passant.
    Je suis tombée sur ton blog qui ma foi est fort intéressant.
    J’ai récemment fait un rêve qui m’a fortement marqué, à propos de Blaireaux.
    Comme c’est un animal que je n’ai jamais rencontré, je me dis qu’il y a forcément un sens à tout cela et donc je cherche des informations le concernant. On m’a récemment parlé du language des oiseaux, et je cherche donc des informations concernant la symbolique du blaireau. Les miens étaient tout marrons, j’en ai conclu qu’il s’agissait probablement du Blaireau Japonais. En revanche il s’agissait bien de blaireau, sa gueule tout éffilée et son nez tout rond ne laisse aucun doute.
    Merci et n’hésite pas à me contacter si la requête te parait intéressante.

  32. Isabelle, je n’ai pas perdu de vue ton commentaire. J’essaie d’y répondre, dans la mesure de mes moyens, dans les jours qui viennent. :wink:

  33. Isabelle, je viens de parcourir un livre très complet sur le blaireau, je n’y ai rien trouvé concernant la symbolique liée à cet animal. Comme vient de le dire Fadette dans un commentaire sur un autre article, il est plutôt considéré comme un animal sympathique (sans doute est-ce lié au graphisme de sa tête, si particulier) mais sur l’aspect symbolique, je n’ai pas d’info à t’apporter.

    J’ai vécu une expérience très douloureuse, de manière indirecte, liée à cet animal.
    Un jour, j’amène Frédérique et quelques autres stagiaires observer le blaireau en forêt. On l’a super bien vu, c’était il y a plus de 20 ans. Quelques semaines plus tard, j’apprends le suicide de Frédérique. Quelques jours après sa mort, je reçois une carte postale d’elle avec ces mots énigmatiques : « ah, ce blaireau, rencontré l’autre soir dans les phares de la voiture, s’il savait … » :blush:

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