L’histoire de l’endive

L’HISTOIRE DES FRUITS ET DES LEGUMES (3)
Quinze mois après avoir écrit mon premier article sur l’histoire des fruits et légumes (il s’agissait de la tomate), je reprends ce sujet qui me passionne à plus d’un titre. Et comme j’ai écrit récemment un petit article sur la culture de l’endive, voici, dans la foulée de cet article, quelques éléments sur l’histoire de ce légume.

L’endive est une salade. Mais qu’est-ce qu’une salade ? En fait, il ne s’agit que d’un terme générique. Botaniquement parlant, ce terme ne veut rien dire et il n’y a aucun point commun entre l’endive, la mâche, la laitue, le pissenlit, le cresson ou la roquette si ce n’est qu’on les consomme … en salade !

La tradition de cueillir des salades à l’état sauvage remonte à très loin, bien avant l’apparition de l’agriculture. Cette lointaine habitude subsiste encore de nos jours, et on en a un bon exemple avec le pissenlit que l’on continue de cueillir dans les prés. Cette consommation d’herbes sauvages concernait aussi, dans les temps  lointains, la mâche, le cresson ou la roquette.

Deux formes de salades ont une origine assez semblable. Il s’agit des laitues et des chicorées. La chicorée sauvage deviendra un jour « endive » mais le chemin pour y parvenir sera long.

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Il existe différentes espèces sauvages de laitues et de chicorées en Europe mais il semble que l’origine de leur culture vient de l’Orient et du Moyen-orient. C’est là qu’ont lieu, plusieurs millénaires avant JC les premières sélections de salades. Car il y a un monde entre les salades sauvages et les salades d’aujourd’hui. Les salades sauvages ne pommaient pas, elles montaient en graine rapidement, elles portaient des petits poils peu agréables à manger. Il a ainsi fallu plusieurs millénaires de cultures pour débarrasser cette plante de ces défauts. Ce sont donc des salades déjà sélectionnées qui sont arrivées en Grèce et chez les Romains 4 siècles avant JC. Lors de la conquête de la Gaule par les Romains, nos ancêtres se mettent eux-aussi à cultiver leurs premières salades.

Les Italiens continuent à sélectionner de nombreuses variétés et la culture de la salade est avant tout une affaire méditerranéenne. La littérature agricole française du Moyen-âge ne cite alors que cinq variétés : « la petite, la commune, la crépue, la têtue et la romaine ».

Mais la Renaissance arrive et l’influence de l’Italie va avoir lieu dans tous les domaines, dans le domaine des arts surtout mais aussi dans le domaine du jardin. C’est à partir de cette époque que la gamme de salades (mais aussi d’autres légumes) va se développer. Le nombre de variétés disponibles, qu’il s’agisse de laitues ou de chicorées, va augmenter et nous aurons, au XIXème siècle, un catalogue de salades qui préfigure ce qui existe aujourd’hui.

La sélection des chicorées a permis d’obtenir des plantes aux racines très fortes et plusieurs d’entre nous se rappellent de la chicorée que l’on buvait autrefois (j’en bois encore d’ailleurs), souvent mélangée au café.

Comment a-t-on eu idée de transplanter ces racines en cave et de les y cultiver ?

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La découverte de la méthode de culture de l’endive a été le fruit du hasard. La naissance de l’endive (ou chicon) a lieu vers 1830. La Belgique traverse alors une période troublée au cours de laquelle elle a conquis son indépendance. Dans la vallée Josaphat à Schaerbeek, un paysan aurait voulu dissimuler sa récolte sous un tas de terre dans une cave obscure pour la camoufler au fisc. Quelle ne fut pas sa surprise quand, plusieurs mois plus tard il voulut exhumer ses plantes camouflées et découvrit que les racines avaient donné naissance à de petites pommes blanches serrées et de surcroît délicieuses. L’endive était née !

C’est le jardinier en chef du jardin botanique de Bruxelles, un certain Bresiers, qui systématisa le forçage en cave en cultivant la racine de chicorée l’hiver, à l’abri de la lumière et du gel. Les feuilles blanches sont à l’origine du nom de witloof (« feuille blanche »). Ce légume d’hiver connut un succès rapide en Belgique sous le nom de chicon (mot dérivé de cichorium, nom latin de la chicorée). En 1873, Henri de Vilmorin la rapporta de l’Exposition internationale d’horticulture de Gand et la présenta à la Société nationale d’horticulture de France en 1875. En 1879, le premier cageot d’endives se vendit au marché des Halles sous le nom d’endive de Bruxelles mais c’est surtout après la deuxième guerre mondiale que leur consommation s’est développée en France.

41 réflexions au sujet de “L’histoire de l’endive”

  1. Merci pour cette histoire de l’endive , très intéressante .
    Le café chicorée comme chez ma grand mère , ça ne se fait plus ici ou peut-être quelques personnes le font encore mais pas a ma connaissance . pourquoi mettait-on de la chicorée dans le café , ça venait d’où ?

  2. Chez moi aussi on en buvait de la chicorée Leroux.
    A vérifier, mais je pense que la chicorée était un ersatz de café qui a prospéré à l’occasion des guerres.
    Pour en revenir à nos chicons, je compte bien expérimenter cette culture dès cette année car on en mange !
    On me dit qu’il faut la planter tôt pour avoir une chance de réussite… mars ? avril ?

  3. Je les sème en général dans la deuxième quinzaine d’avril. J’ai essayé également en mai, les endives ont réussi à atteindre une bonne taille (très peu de différence avec celles semées en avril). Sur les sachets de graines, je viens de vérifier, il y a écrit que les semis doivent se faire en avril ou mai.

  4. Hummm ! avec toutes ces histoires de graines, je rêve d’endives et de tomates ! Comme ce n’est pas l’heure, ni la saison d’ailleurs, je vais potasser ma littérature et effeuiller mon blogadupdup imprimé au jour le jour…lorsqu’il traite des tomates…j’ai dit DES tomates et non pas LES tomates ! Alors on commence quand ? on sort les barquettes pour les semis des tomates bientôt ? :smile:

  5. Très inctructif cet article.
    On y apprend plein de choses.
    Par exemple d’ou vient le nom des magasins Vilmorin, je ne connaissais pas l’existence de ce monsieur.
    Et aussi qu’il arrive parfois que le fisc serve à quelque chose ! lol
    Et aussi que les poils ne sont pas trop appréciés même chez les salades !
    Et aussi que la Renaissance a concerné d’autres domaines que ceux auxquels on pense habituellement.
    Et aussi bien sûr, l’histoire de l’endive.
    Bref, on se couchera moins bête ce soir, comme on dit.
    Tu peux refaire avec la carotte, le poireau, le cardon, le radis …
    Nous sommes preneurs.

  6. Mais dis-moi Bernard, la chicorée dont tu parles, celle à l’origine des chicons, celle que l’on met dans le café, c’est bien cette magnifique fleur bleue que l’on trouve en été dans les talus? Avec ses petites feuilles râpeuses? Elle n’a tellement plus rien à voir avec les chicons… Et si c’est bien la même, sais-tu comment on prépare la chicorée à café?

  7. Et le fenouil ? Est-ce qu’il provient d’une transformation de celui qu’on trouve sur nos talus (en Belgique, je ne sais pas mais dans le sud de la France en tout cas) ou est-ce carrément un autre légume ?
    Mon pauvre Dupdup, tu n’es pas prêt de te reposer avec toutes ces questions et suggestions d’articles (Je suis consciente d’aBUSEr un peu !).

  8. Je serai un peu plus présent sur le blog à partir de demain vendredi (les jours derniers ont été très chargés). Je suis désolé de n’avoir pas vraiment pris part aux discussions …

    Oetincelleo, je vais continuer cette série sur l’histoire des légumes. C’est un sujet que j’affectionne particulièrement …

    Tu dis « se coucher moins bête le soir ». Confidence pour confidence, tu veux que je te dises mon problème ? Je me couche toujours moins bête le soir mais … je me réveille toujours aussi con le matin … Tu as un remède ? :smile:

  9. Luc de Belgique, c’est effectivement cette belle plante sauvage qui a donné naissance à la chicorée torréfiée.
    http://www.naturemania.com/produits/chicoree.html
    Désolé d’avoir tardé à amener une réponse à ta question, j’ai du mal à faire face à tout en ce moment (la préparation de mes petits sachets de graines de tomates et leur envoi me prend pas mal de temps).

  10. « Cette consommation d’herbes sauvages concernait aussi, dans les temps lointains, la mâche, le cresson ou la roquette. »
    Lorsque j’étais enfant, j’allais avec mon père cueillir de la mâche sauvage dans un bois près de chez nous.
    Je ne voyais pas mon enfance comme un temps si ancien que ça ! :sad:

  11. Quant à moi, je partais à la recherche des raiponces dans les champs pour en consommer les racines, et la mâche dans les champs de blé!

    Si, si, Etincelle, notre enfance est bien loin derrière nous….on a du mal à y croire, et pourtant…..

  12. Cela me rappelle que, jeune, je consommais déjà de la chicorée dans mon lait, comme maintenant d’ailleurs, le soir avant d’aller me coucher. J’adore ce petit goût de caramel, et cela remplace avantageusement le thé que je consomme à haute dose. Je devrais peut-être me mettre à la bière moi, pour changer :tongue:

  13. Je crois que toute notre génération a bu de la chicorée. On la mélangeait au café pour réduire le coût du café.

  14. ça na rien à voir, mais le mot « chicorée » me fait penser au mot « corée » et par association d’idées ça me fait penser à cette contrepèterie : « Ce cas de Corée me turlupine » :silly:

  15. La chicorée était je cois un ersatz « favorisé » par les périodes de privation vécues au cours de la deuxième guerre mondiale notamment. Nul doute que ses qualités (prix, santé, etc.) ont perduré : j’en ai moi-même consommé des quantités ! (Ah la chocorée Leroux !).
    A noter l’absence d’alcaloïde dans cette plante, ce qui est sûrement une qualité à valoriser.
    Je n’irai bien sûr pas jusqu’à vanter les atouts de la bière sans alcool : c’est dégueulasse !

  16. Quelqu’un sur ce blog a t-il des graines de raiponce ?
    Francisca en à déjà parlé , alors j’ai cherché cette plante lors de mes balades , mais je n’en ai pas trouvé ( elle ne pousse peut-être pas naturellement dans le Finistère !! ) … Il paraît que c’est excellent .
    Hier , alors que je bêchai un coin de pelouse, un de plus pour y planter des légumes … ( plus besoin de tondeuse dans quelques années , ça va faire plaisir à dupdup ) . J’ai ramené à la surface une pièce de 50 francs de 1953 !! Qui a bien pu égarer cette pièce à cette époque là alors que ça n’était qu’une prairie marécageuse , un gardien de vache , un ouvrier agricole , un enfant qui courait à travers le champ pour aller s’acheter des friandises au bourg ? …. Elle qui avait tant de valeur pour cet enfant , ressort de terre 58 ans après pour découvrir que même intact , elle ne vaut plus un sou …. Le monde va vite , très vite .

  17. Peut-être a t-elle été perdue plus tard lorsque les anciens francs ne valaient plus rien.
    Ou alors c’est un petit Yves de l’époque qui s’est dit, avec sa tête pleine d’imagination, que ça allait repousser et donner un arbre à francs. :wink:

  18. Tiens, je vais vous donner un scoop. On dit que l’argent ne repousse pas. Faux ! Simplement, y’a toujours quelqu’un pour ramasser la pièce avant qu’elle n’ait eu le temps de germer ! :smile:

  19. :sad: Bonjour,
    Pas plus tard qu’hier, j’ai trouver sur votre blog une manière intérêssante de cultiver les endives en caves, ce matin, je ne retrouve pas la même chose ??????
    Comment retrouver ce que j’ai vu hier ???
    Merci
    Gabriel

  20. Bonjour,
    Je découvre peu à peu ce blog et avance à pas prudent, je ne sais pas ce qui a été dit….
    Au sujet des endives/chicorées, voilà petite contribution.
    Natif du Nord (les mines) je connais la chicorée depuis toujours. Elle entrait systématiquement dans la composition du café. On faisait bouillir l’eau dans une grande casserole dans laquelle on avait jeté une poignée de chicorée torréfiée. C’est cette décoction qui était ensuite passée dans la chaussette. Cette habitude vient peut être ou a été développée pendant la guerre (comme le sucre à la sucette). On utilisait aussi de l’orge torréfiée à la place du café.
    L’endive. Le développement de sa culture dans la région Bapaume-Cambrai a marqué l’agriculture. Après la guerre les agriculteurs de la région n’hésitaient pas à faire deux ou trois cents kilomètres aller-retour en vélo pour avoir les précieuses semences en Belgique. Quand la culture a pu être mécanisée cette culture offrait l’avantage de se situer entre la culture de plein champ et le maraîchage (rentabilité mais aussi travail pendant l’hiver). On pouvait retenir un coefficient de 7 à 10 par rapport à une autre culture de plein champ. J’ai connu des personnes qui n’avaient que cela comme revenu. Un bon potager et moins d’un hectare de culture d’endives faisaient vivre une famille. Plus tard ces familles confiaient la culture dans les champs à un agriculteur équipé et ne gardaient que le forçage. Puis avec le développement du forçage en salle ces petites unités n’étaient plus viables.
    Dans cette région l’endive avait le surnom de racine du diable. Deux explications sont retenues :
    – Les racines laissées dans les champs lors de la récolte repoussaient dans la culture suivante et il était difficile de s’en défaire.
    – La rentabilité de cette culture a poussé chaque famille à faire un peu d’endive pour le commerce. Le forçage n’étant pas maîtrisé comme aujourd’hui quand la cueillette tombait un dimanche les gens n’allaient pas à la messe. (Ce qui n’a pas empêché quelques prêtres d’en cultiver aussi !! )

    On peut, peut-être, torréfier m’importe quelle racine de chicorée, mais certaines variétés sont plus adaptées. On les appelle chicorées à café, comme par exemple : à racine de Soncino, ou de Magdebourg. Avant la récolte des racines elles peuvent servir de fourrage pour les animaux
    Ade
    Francis

  21. Merci Francis pour ta contribution sur le sujet, te répondrai plus longuement un peu plus tard.
    (vu que le Dupdup est malade, va falloir que de temps en temps il laisse un peu de côté ses légumes, ses oiseaux, son boulot … et qu’il prenne un peu soin de lui) :wink:

  22. Cette appellation de racine du diable me plait beaucoup, et l’une des deux explications (par rapport à l’absentéisme à la messe du dimanche) est trop cocasse. J’aime bien les faits historiques (et l’histoire des légumes me passionne) mais je dois dire que l’histoire prend encore plus de relief à mes yeux quand on y ajoute anecdotes et petites histoires.

    Francis, tu dis qu’à un moment donné on a développé le forçage des racines en cave. Est-ce à dire qu’avant cette période, on laissait les racines d’endives tout l’hiver au champ ?

  23. Donc, si j’ai bien compris, on peut éventuellement torréfier les racines d’endives, on peut aussi cultiver en endives les racines à torréfier mais dans la réalité les différentes variétés sont plus adaptées à une utilisation qu’à une autre.
    C’est bien ça ?

  24. Salut,
    Je reprends un peu l’histoire de l’endive. Je ne suis pas du tout spécialiste mais je suis dans une région qui en fait beaucoup et il y a une trentaine d’année j’ai travaillé dans une ferme qui en produisait.
    On peut, peut-être distinguer trois périodes :
    – De la « découverte » du forçage jusqu’à la dernière guerre : on cultivait l’endive comme les jardiniers amateurs aujourd’hui : forçage dans un lieu tempéré sombre.
    – De la guerre aux années 70-80 c’est une période que l’on pourrait appeler artisanale.
    – Puis vient la période du forçage en salle (industrielle !). Premières salles dans les années 60, réel développement années 80, aujourd’hui tout se fait en salle. Les racines sont conservées dans de grands entrepôts réfrigérés puis placées en hydroponie dans des salles de forçages où tous les paramètres sont contrôlés : température, humidité, ventilation…..

    Revenons à la période intermédiaire. La culture dans les champs n’était pas compliquée mais l’objet de grands soins. Les endives étaient souvent binées à la main. Dans notre région ce travail était souvent fait par des saisonniers espagnols.
    Fin de l’été et en automne les racines étaient arrachées. A partir de ce moment le travail devait être le plus propre possible pour avoir un produit fini impeccable. Avant et durant cette période de grandes couches étaient creusées (souvent par les mêmes espagnols). Environ 2-3 mètres de large et au moins 10-15 mètres de long (pas de limite).
    Le plus vite possible après l’arrachage les racines étaient placées dans les couches. Toujours les espagnols. Les racines étaient positionnées à l’envers (collet vers le bas) dans des bacs en fer les unes contre les autres. Les bac pleins étaient retournés et vidés dans les couches. Ainsi elles se remplissaient peu à peu. La couche pleine les collets étaient souvent pulvérisés de quelques produits, puis recouverts de paille. Enfin des tôles en demi-lune recouvraient l’ensemble pour créer une fausse cave. D’autres épaisseurs de paille et des bâches pouvaient être rajoutées en fonction du temps.
    Ce qui comptait alors à partir de ce moment c’était d’avoir et/ou de maintenir une température pour que les collets ne redémarre pas. Un vrai hiver était ce qu’il y avait de mieux. Trop de chaleur et les endives poussaient seules.
    Trois semaines avant une date de récolte prévue la couche était mise en chauffe. Pendant le creusement de la couche un circuit en tuyau d’acier était enfoui. Ce circuit était raccordé à un bouilleur devant la couche. Sorte de chaudière rudimentaire constituée d’un foyer et d’un réservoir d’eau. Le charbon servait de combustible et l’eau circulait par thermosiphon. Pendant les périodes de grand froid la chaudière devait être rechargée toutes les trois heures, la nuit comme le jour. D’où l’intérêt d’avoir un chantier proche de la maison. La couche était surveillée et les endives à maturité cueillies. Là les espagnols n’étaient plus là ! Le travail « délicat » avait commencé !!! S’il le fallait les endives étaient nettoyées puis conditionnées. Parfois la cueillette était confiée telle quelle à un négociant qui se chargeait du nettoyage et le décomptait au cultivateur.
    Certains utilisèrent l’électricité pour chauffer. Des câbles résistances étaient enfouis dans les couches. Plus pratique mais gourmand en énergie.
    La description de cette pratique vous fait comprendre pourquoi la date théorique de récolte était rarement atteinte. D’où le nom de racine du diable (la messe). Cette explication n’est pas fantaisiste ou inventée. C’est un agriculteur (M Montigny) de Metz en Couture contemporain du prêtre inventeur ( Abbé Jean Duflos) qui me l’a rapportée. C’est aussi vrai que le prêtre pour ses bonnes oeuvres tenta quelques années la culture de l’endive, mais il n’eut pas raison du diable.

    Quelques remarques : on appelle endives de pleine terre les endives cultivées selon cette méthode (rare aujourd’hui) et endives de salle celles faites aujourd’hui. Les premières ont dans notre région une réputation de qualité et d’authenticité. Je ne défends rien et je ne suis que pour celles faites dans ma cave ! mais croyez moi les endives faites en couches étaient souvent gorgées de produits de traitement pour éviter la pourriture. Les chambres froides et le contrôles des paramètres de forçage évitent cela aujourd’hui. Le problème est ailleurs : les traitements dans les champs, et les produits ajoutés dans la solution qui sert de support de forçage.

    Pour la chicorée. Il n’y a pas de raison pour que la racine de n’importe quelle chicorée ne puisse être torréfiée ! (il me semble). La sélection en fonction de l’usage c’est sûrement arrêtée à la grosseur des racines : utile pour torréfaction, forçage, moins pour une chicorée de jardin ! à l’amertume…….
    Torréfier des racines après forçage ? Pourquoi pas ! y a t-il perte de qualité de saveur ?
    De même on peut forcer des racines plutôt cultivées pour la torréfaction pour avoir de la barbe de capucin.
    Le développement de l’utilisation de la racine torréfiée en remplacement du café est contemporain de celui de la culture de la betterave sucrière et a la même raison : le blocus continental de Napoléon. Plus de café, plus de canne à sucre. Vive la chicorée et la betterave.
    Adé
    chez nous l’endive c’est le chicon

    Je vous raconte cela à partir de mes souvenirs donc j’oublie des choses :
    – il me semble qu’un circuit d’eau d’arrosage était prévu dans les couches.
    – les racines forcées servaient parfois d’alimentation pour des animaux. Les vaches en étaient friandes. Mais quand je pense aux produits que les racines avaient reçus cela me fait froid dans le dos.
    Pensez à donner vos racines forcées à vos lapins.

  25. Je suis impressionné par le côté extrêmement documenté de ta réponse.
    J’ai été confronté, comme je l’ai raconté dans l’un de mes articles, au problème de moisissure des endives en cave. Je ne suis donc pas étonné qu’on ait utilisé des tas de fongicides pour éviter cela.
    Par contre, je suis en train d’expérimenter une technique qui me semble assez révolutionnaire. Si l’expérience marche jusqu’au bout, cela fera l’objet d’un article. Mais chut ! je n’en dis pas plus.

  26. Magnifique récit ethnographique, bourré d’informations, chapeau bas à Francis. On aimerait en savoir autant sur les autres pratiques qui ont disparu avec l’industrialisation de l’agriculture…

  27. Et Francis n’est pas du tout spécialiste de l’endive nous dit-il !!
    :smile:
    Vraiment très intéressante cette intervention sur l’historique de l’endive .

  28. Décidément, l’endive est un sujet sur lequel il y a beaucoup à dire : déja 160 commentaires sur les articles qui lui sont consacrés. Et c’est pas fini !

    Francis, dans ta région, y avait-il (à l’époque de la culture artisanale de l’endive) une complémentarité entre cette culture et l’élevage d’animaux ? Je veux dire : est-ce que c’est le fumier (produit par les vaches par exemple) qui permettait d’enrichir le sol pour la culture de ce légume ?

  29. Pas directement. Je m’explique traditionnellement ma région est du type polyculture-élevage. Les terres sont en général bonnes même très bonnes. L’élevage outre la rentabilité direct offrait souvent la seule source de fumure. Gros élevage allait de pair avec grande surface de culture. Certaines entre-aides pouvaient modifier cela mais très peu. (anecdote « l’élevage » des pigeons n’avait souvent comme seule fin que l’amendement. Si bien que l’on pouvait estimer l’importance de la culture à la taille du pigeonnier dans la cour de la ferme).
    Donc l’élevage intervenait aussi pour la culture en général mais pas directement pour les endives.
    Quand cela était possible les racines pouvaient être données aux animaux de la ferme mais pas systématiquement. La région est aussi une région de betteraves sucrière et les agriculteurs récupéraient (encore maintenant) les pulpes de betteraves qui peuvent être ensilées. C’est un produit plus stable et plus simple d’utilisation.
    Cependant on peut sûrement faire un lien entre le développement de la culture de l’endive et l’élevage. La culture de l’endive offrant une plus forte rentabilité que beaucoup d’autres cultures de plein champ et étant gourmande en main d’oeuvre l’hiver entrait en concurrence avec l’élevage laitier (le plus fréquent) qui intervenait aux mêmes niveaux. Rarement un équilibre s’est maintenu et la création des quotas laitiers intervenant aussi, c’est souvent la culture de l’endive qui est restée. Parfois en cas de GAEC par exemple, un associé développait l’endive et l’autre le lait. Ou alors, mais surtout pour utiliser les pulpes de betteraves, on gardait ou créait un élevage viande et c’était souvent des taurillons.
    Pour résumer : la culture de l’endive dans ces années là a été une des expressions du début de la spécialisation et donc allait plutôt dans le sens de la sortie de la polycultures-élevage.
    Aujourd’hui le facteur qui intervient le plus c’est la rentabilité-concentration. Beaucoup de petites unités ont disparu et la culture de l’endive comme presque toutes les autres productions pourraient être qualifiées d’industrielles. D’ailleurs les « agriculteurs » se nomment eux mêmes chef d’entreprise et le noble terme de paysan serait perçu comme une insulte. Dans mon petit village (180 habitants) il y’a encore plusieurs agriculteurs, mais je connais des villages où l’ensemble des terres est cultivé par un seul exploitant qui n’est pas du village. Les exploitants proches de la retraite ne peuvent transmettre leur outil de travail qu’à d’autres exploitants qui ont déjà une exploitation. (c’est le remplacement d’un fonctionnaires sur deux appliqué à l’agriculture). Pourquoi pas s’il s’agissait d’une mise à niveau ponctuelle ? Mais le mouvement ne s’arrête pas.
    Bon on pourrait en parler longtemps !! C’est une question très vaste et qui s’insinue dans tout. Par exemple quand certains s’orientent vers la culture bio ils le font comme quand leurs parents faisaient des endives : pour la rentabilité. Cela ne veut pas dire que les produits ne sont pas conformes mais…… c’est plutôt une spécialisation qu’une conviction, une analyse, un choix de vie.
    « On pratiquait encore la polyculture dans le cadre de l’auto suffisance » de mémoire c’est de Julos Beaucarne. Je crois que des belges passent par ici ils corrigeront si nécessaire.
    Ade
    Francis

  30. Pas besoin de notre ami Luc de Belgique (qui a par ailleurs bien d’autres soucis en ce moment) pour confirmer : c’est bien dans la chanson « le lac » du disque « Front de libération des arbres fruitiers », un des plus beaux disques de Julos (1974).

  31. Francis, c’est passionnant cette histoire des endives dans ta région, tes propos nous montrent bien le côté complexe et surtout précaire d’une production agricole. On croit pourvoir vivre son métier d’une certaine manière et voilà que pour des tas de raisons, ou parfois une seule, cette production évolue vers autre chose ou une autre manière de faire. Et l’évolution est telle que, au bout du compte, cela n’a plus grand chose à voir. Comme tu le dis, le mot « paysan » ne peut sans doute plus s’appliquer, mais ce qui est choquant c’est de voir que ce terme serait considéré comme une insulte. Ici, j’ai l’impression (ma famille est paysanne) que ce terme serait encore revendiqué alors que c’est comme ailleurs : tous les paysans sont devenus agriculteurs.

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