Le bruant proyer

J’ai remarqué qu’avec le temps qui passe et les oreilles qui durcissent de la feuille, j’entends moins certains sons. Il y a ainsi très longtemps que je n’ai pas perçu les chants des roitelets et il faut vraiment que je sois très près d’un grimpereau pour l’entendre. Idem pour le bruant proyer que j’entendais régulièrement et qui ne fait plus partie de mon univers sonore. Comme le chant est un atout important pour détecter les oiseaux, il est certain qu’on a tendance à considérer que certaines espèces se raréfient alors qu’il n’en est peut-être rien. Il m’arrive ainsi rarement d’observer le bruant proyer.

En allant il y a 15 jours en Camargue, je m’attendais à voir cet oiseau le long des routes. Je dis « le long des routes » car il est impossible dans cette région de ne pas utiliser beaucoup la voiture. D’une part parce que les distances sont considérables (75 000 ha entre les deux bras du Rhône, c’est quand même quelque chose !). Et d’autre part parce qu’en Camargue règne plus qu’ailleurs le régime de la propriété privée. La plupart des espaces sont donc inaccessibles.

1

Alors on roule (à petite allure quand c’est possible) et on sait que chaque piquet de pâture peut réserver sa petite surprise : parfois un tarier des prés, un traquet oreillard ou une pie-grièche à tête rousse. La saison des migrations n’étant pas complètement terminée, je m’attendais à rencontrer une certaine diversité d’espèces. Cela n’a pas été le cas pour les passereaux, bien moins abondants qu’il y a 20 ou 30 ans à la même époque (non, non, ne me dites pas qu’en plus des oreilles, j’ai mauvaise vue … !). Un ornitho du secteur que j’ai rencontré m’a confirmé la chose et m’a donné des chiffres très alarmants.

Je n’ai rencontré ce passereau pendant le séjour qu’à deux reprises. La première fois, c’est en longeant un soir l’étang du Vaccarès. Il y avait une belle lumière rasante.

2La deuxième fois, c’était en recherchant le crabier chevelu (anciennement « héron crabier ») près des Salins-de-Giraud (je vous en parlerai sans doute un jour, bien que n’ayant que de piètres images à montrer).

4A noter que le bruant proyer est réparti sur toute la France mais qu’il est relativement localisé, parfois très abondant dans une zone de plaine, parfois absent sur de grandes zones. En Franche-Comté, je le connais bien dans les prairies humides, les pelouses calcaires et même les zones de grande culture (trois milieux très différents les uns des autres).

Vu de loin, il a un plumage de type « moineau » mais c’est un oiseau plus gros, à la forme bien plus massive. Son bec est également armé à broyer des graines (chénopode, blé, orge …) mais c’est aussi un grand consommateur d’insectes à la période de nidification (coléoptères, chenilles, sauterelles, …).

3Alors, vous connaissiez cet oiseau ?

4 réflexions au sujet de “Le bruant proyer”

  1. Je le connaissais assez bien lorsque j’habitais dans les plaines vivrières et à betteraves, à 80 km d’ici. Sur les poteaux électriques, sur chaque fumier, il était facilement repérable par son chant typique. Est-ce que j’ai maintenant moi aussi du mortier dans les oreilles? :sad: Toujours est-il que dans mon Condroz actuel, je ne l’entends plus et je n’en entends jamais parler. Dommage, j’aimais bien ce mal connu, encore plus discret de plumage qu’un pierrot… :smile:

  2. C’est un oiseau plutôt méconnu oui… je ne le connaissais que de nom… les effectifs d’oiseaux sont de bons moyens de contrôle du changement climatique ou du taux de pollution mais est-ce que nos élus sont au courant de ces baisses d’effectifs voir de ces disparitions d’espèces dans nos régions ? …. et si oui, en ont ils quelque chose à faire ?

  3. Je crois qu’avec les difficultés actuelles, la baisse rapide de la biodiversité n’est pas la priorité des politiques publiques.

  4. Un des moyens d’en savoir un peu plus sur une espèce « commune », c’est le suivi temporel des oiseaux communs (à creuser sur http://vigienature.mnhn.fr/page/le-suivi-temporel-des-oiseaux-communs-stoc).

    Il est dit en introduction du rapport national 2009 : « Globalement, la France a perdu 25 % de ses oiseaux nicheurs en milieu agricole, et malgré une stabilisation au milieu des années 2000, la valeur pour 2009 remet cet indicateur à la baisse. » Pas trouvé plus récent avec une rapide recherche, ce n’est pas utile.
    En Europe, l’espèce (Bruant proyer) a subi une baisse importante de ses effectifs : 60 % entre 1986 et 2006… (http://www.ebcc.info)…
    En Wallonie, le projet SOCWAL a pu déceler une chute d’effectif estimée à 90% entre 1990 et 2009… Ça, c’est pour Luc. :wink:

    Et caetera, et caetera…
    Cette espèce est victime avant tout de l’intensification des pratiques culturales, aussi de la disparition des haies. C’est évidemment la disparition des prairies extensives qui est une des causes principales de sa situation.
    Pas une surprise.

    Pas étonnant non plus que cette espèce dont je ne connais pas le statut en Camargue y soit plus rare qu’auparavant : on peut s’émerveiller des richesses actuelles du Delta du Rhône, ou de celles de tous les deltas, mais on pourrait aussi pleurer de rage en ayant la faculté de mesurer au-delà d’un pas de temps humain, ou au cours d’une durée de cet ordre, ce qu’ont perdu ces milieux.

    Rares sont les observateurs qui comme Bernard peuvent effectuer des comparaisons sur plusieurs dizaines d’années pour telle ou telle espèce (et qui n’ont donc pas trop bougé géographiquement) et rares sont ceux qui comprennent l’importance quantitative de la perte de biodiversité, puisqu’on nomme la nature ainsi.
    Ceux qui ont comme moi, dans les années 60, été émerveillés par le nombre de sauterelles et autres bestioles soulevées en traversant un pré en culottes courtes… n’en constatent pas nécessairement l’absence régulière aujourd’hui.

    http://www.xeno-canto.org/sounds/uploaded/EUHNGQTHJS/Bunting-Corn-120502-006.mp3

    Comment penser qu’un politique puisse avoir aujourd’hui comme pas de temps la décennie alors qu’il se croit obligé de répondre dans l’instant au moindre aléa de l’actualité ?
    Quand je lis le témoignage de Mathieu S sur le Japon et la récente cata nucléaire, j’en ai froid dans le dos.
    C’était hier.

Laisser un commentaire

:D :-) :( :o 8O :? 8) :lol: :x :P :oops: :cry: :evil: :twisted: :roll: :wink: :!: :?: :idea: :arrow: :| :mrgreen: