Problèmes d’hybridation au jardin (1)

Nana a lancé une discussion sur les risques d’hybridation chez la tomate, l’aubergine et le haricot.

On est persuadé que ces trois plantes sont autogames, c’est à dire en autofécondation et qu’elles s’autopollinisent (au contraire d’autres plantes, notamment les cucurbitacées, qui sont allogames et qui sont en mode de fécondation croisée, c’est à dire qu’elles se fécondent avec du pollen venant d’une autre plante).

La réalité n’est pas si simple que ça, chez les plantes dites autogames, l’autofécondation n’est pas certaine à 100%, il y a un pourcentage faible (de l’ordre de 1 à 5% selon les espèces) de plantes qui sont néanmoins fécondées par du pollen extérieur (amené par les insectes pollinisateurs ou parfois par le vent). Et chez les autres plantes, dites allogames, il arrive souvent que la fleur soit pollinisée par du pollen venant d’une fleur du même pied.

Je vais prendre pour ce premier article l’exemple de la tomate, celui que je connais le mieux.


Le risque d’hybridation chez la tomate est très faible, et jusqu’à présent je ne constatais rien d’anormal dans mon jardin, même pour des variétés que je cultive depuis 40 ans. Mais depuis deux ou trois ans, certaines variétés ne sont plus conformes au type et sont même devenues d’un seul coup franchement différentes de ce qu’elles étaient. Tous mes amis jardiniers constatent ce problème, alors que jusqu’à présent il n’y avait aucun problème.

Voici un essai d’explication.

Si les tomates son considérées comme autogames, c’est parce que la fleur s’autoféconde avant qu’elle ne s’ouvre. Des insectes chargés de pollen auront beau venir visiter ensuite la fleur, ils arrivent presque toujours trop tard. Mais on assiste à un phénomène nouveau lié aux changements climatiques : la chaleur excessive stérilise le pollen, en général lorsqu’il fait 35°C. Et cette température de 35°C, on l’atteint maintenant très souvent. La fleur s’ouvre alors qu’elle n’a pas pu être fécondée par son propre pollen.


Deux cas de figure se présentent alors.

Premier cas de figure : la fleur non fécondée avorte et on voit bien que c’est souvent le cas car il arrive maintenant souvent qu’un bouquet de 7-8 fleurs ne donne au final que 2 ou 3 fruits maximum.

Deuxième cas de figure : la fleur non fécondée s’ouvre et des insectes arrivent à y déposer du pollen extérieur, pollen qui vient de fleurs qui étaient en situation plus protégée (plus fraîche, par exemple du côté nord d’un pied de tomate) et dont le pollen n’a pas été stérilisé par la chaleur. Il y a donc alors fécondation croisée et si l’année suivante on sème les graines des fruits hybridés, on constate de grosses surprises.

La tomate considérée jusqu’à maintenant comme plante autogame (autofécondation) est donc en train de devenir partiellement allogame (fécondation croisée).

Il y a peut-être une autre raison, plus compliquée. J’en parlerai dans un autre article.

17 réflexions au sujet de “Problèmes d’hybridation au jardin (1)”

  1. Merci pour cet article, vivement la suite !
    J’ai cru comprendre que pour la tomate, la longueur du pistil influe sur l’hybridation (plus il dépasse = plus le risque d’hybridation est élevé).
    Les variétés à grosses tomates ayant souvent des fleurs doubles seraient plus souvent concernées, avez-vous constatez plus d’hybridation chez les grosses tomates ?
    Moi je débute encore au potager et à la production de semences, donc j’ai un peu de théorie mais peu d’expérience.
    Bonne journée !

  2. Oui, c’est aussi lié à la longueur du pistil … et ce sera le sujet de mon prochain article.

    J’ai quatre ou cinq variétés qui se sont hybridées (sur 400 variétés), dont deux de taille cerise.

  3. Les premières fleurs de tomates sont formées bien avant l’été et les grandes chaleurs ne sont pas encore là pour stériliser leur pollen. C’est sans doute avec les tomates issues de ces fleurs-là qu’il faut faire ses graines. Faire donc ces graines le plus tôt possible !

  4. Pour moi , c’est un problème que j’ai dans la serre avec les plants de tomates … Je cultive 80% de mes tomates là-dedans pour éviter le mildiou ( et autres maladies ), mais si je ne fais pas attention aux fortes chaleurs dans la journée , avec une température que dépasse les 30° au soleil comme aujourd’hui , j’ai de forte chance comme l’année dernière , qu’une grande partie des fleurs avortent .
    Le problème est , qu’il fait 5 à 6° le matin lorsque je pars au boulot (vers 5h du mat ) … Alors je me dis , j’ouvre la serre , j’ouvre pas ! Vont avoir chaud , vont avoir froid !!!
    Et en plus de ça , y’a plus une goûte de pluie qui tombe sur le sud Finistère !! :sad:
    Alors , faut-il encore cultiver sous serre ….?? :unsure: Ok , mais si je fais pas ça et qu’au mois de juin , il pleut tous les jours !!!
    Non , franchement , pas évident à gérer ce nouveau climat qu’on nous propose …. :getlost:

  5. De touter façon, si tu les mets en pleine terre, il pleuvra en juin-juillet et tu regretteras de ne pas les avoir mises sous serre.
    Et inversement, si tu les protèges en serre, il fait tellement chaud que tu regrettes de ne pas les avoir mises en pleine terre.
    C’est la loi de Murphy (à partir du moment où le pire peut arriver, il arrive) que certains appellent « la loi du plus grand emmerdement ».

  6. Mêmes questions existentielles chez moi.
    Cette année, j’opte pour un doublement du nombre de pieds : une moitié est en extérieur et l’autre sous la serre. Mais j’ai ajouté un voile d’ombrage et c’est top : ça reste à 25°C.
    Un producteur du coin m’avait indiqué qu’on pouvait faire un mélange blanc de Meudon/lait et eau pour le pulvériser sur la bâche en polyane. Pas cher et séduisant.
    Finalement, j’ai trouvé encore mieux je pense.
    Ma serre ressemble à ça : https://www.jardipartage.fr/utiliser-treillis-soude-jardin/
    Alors j’ai simplement glissé des vieux draps entre la bâche et le treillis métallique ! Ca m’a pris 5′.
    Plus qu’à replanter mes tomates semées il y a longtemps et qui ont subi plusieurs stress, j’espère qu’elle vont redémarrer.
    Bilan à l’automne !

  7. Cette année, même en récoltant les semences sur les premières tomates, ça risque d’être compromis car au cours du mois de mai ici on a eu une semaine entière à parfois 30°C, 33°C !
    Sinon, pour être sûre qu’il n’y ai pas d’hybridation, je suppose que je peux mettre un petit sachet en tissu autour d’une grappe de fleur.

  8. Après ce n’est pas parce que les 30 ont déjà été atteints en mai que cet été il fera 40 non plus :wink:

    Mes pieds de tomates en plein air vont très bien, en tous cas, pour le moment (les poivrons aussi et le chanvre semble apprécier le terroir)

  9. Non, mais quand il a fait 30 en mai, il y a quand même plus de chances (si l’on peut dire) qu’il fasse 40 l’été (notamment à cause de la terre qui est déjà très chaude et qui influe sur la température de l’atmosphère). A suivre.

  10. Sans compter qu’on est repassé sous l’influence d’El Nino.
    Un été très très sec et très chaud est fort probable :sad:
    Comme dit Bernard, à suivre …

  11. Christophe a parlé ci-dessus de l’ombrage que l’on peut apporter en utilisant de blanc de Meudon. Je crois qu’on diminue avec ce prodédé de 4°C seulement la température. Rien ne vaut un véritable filet d’ombrage.
    J’utilise celui-ci :
    https://www.serres-tonneau.com/-la-serre/237-ombrage-4-saisons-plus-7m50.html
    C’est un peu cher (6€ le m2) mais ça me semble inusable (aucun signe de vieillissement du mien au bout de 5 ans d’utilisation) et terriblement efficace. Je pense que ça réduit la chaleur d’au moins 15°C.

  12. Dans les vignes vers chez nous, on commence à voir des filets d’ombrage. Entre les filets pour la grêle, ceux pour l’ombre, ceux pour les insectes, bientôt tous les vergers et vignes seront couverts. Bon, on n’en est pas encore là car cela revient très cher.
    En tout cas, je viens de commander des filets pour protéger mes noisetiers à cause des écureuils gourmands qui ne nous laissent pas une seule noisette.

  13. Salut Bernard,
    Tu conseillerais quoi comme variété de tomate hâtive, mais néanmoins gouteuse. Un top 5 ?

  14. Ici, tous mes amis ne jurent que par Stupice. Je n’ai pas d’autres noms à te donner car je ne sème que celle-là très tôt. Pour le reste je sème, au hasard des variétés, une partie en février, puis en mars, avril, mai.
    Luc avait dit (sur ce blog je crois ou alors de vive voix) que la Stupice ne donnait pas de bons résultats, d’un point de vue gustatif, chez lui.
    Désolé de ne pouvoir répondre à ta question.

  15. Je ne trouve pas non plus que Stupice soit une bonne variété sur le plan gustatif. Elle a juste l’avantage d’être précoce. Il y a aussi Kotlas dans la même catégorie à mon avis : précoce et pas super bonne. Il y a une autre variété hâtive que je cultivais et avec les mêmes caractéristiques… mais je ne me rappelle plus son nom.
    Cette année, j’ai semé de nouveau Stupice.
    Devinez pourquoi :wink:

  16. J’ai essayé beaucoup de variétés. Sur le plan gustatif, je trouve qu’elle est la meilleure des précoces (bien meilleure que Latah, glacier, bloody butcher …) mais une variété ne peut jamais cumuler toutes les qualités : un variété exceptionnellement précoce ne peut pas être exceptionnellement bonne. J’ai donné beaucoup de pieds de « stupice » dans mon village l’an passé, tout le monde en redemande parce qu’elle a été trouvée très bonne et donnant des fruits de mai à novembre (même jusqu’en décembre pour l’un de mes voisins).
    Je pense aussi qu’une tomate que l’on cueille en mai ou en novembre ne peut pas, quelque soit la variété, être aussi goûteuse qu’une variété que l’on cueille en août.
    Autre remarque : une variété que l’on n’a jamais arrosée et qui va chercher en profondeur des éléments nutritifs qu’elle ne trouve pas en surface est aussi, quelque soit la variété, meilleure qu’une tomate qu’on a arrosée.
    Il y a donc des tas de choses qui jouent …

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