Mini-krach à la bourse du carbone

La Bourse dégringole. Non pas la Bourse de Wall Street ou celle de Tokyo. Non, celle de Powernext qui essuie depuis quelques jours un mini-krach. Powernext s’appelle plus exactement Powernext Carbon et régule, non pas le taux de carbone de la planète (ça se saurait), mais les échanges commerciaux relatifs au droit de polluer.

Le principe est limpide. Chaque état s’est vu attribuer un quota de gaz carbonique, ceci pour tenter d’enrayer l’émission de gaz à effet de serre. Celà part d’un bon sentiment … sauf que le législateur (s’appelait-il Machiavel ?) a permis aux pays trop pollueurs (qui dépassent donc leurs quotas) de continuer à polluer en leur donnant la possibilité d’acheter des droits à polluer aux pays qui ne polluent pas assez. Vous me suivez ? Une vraie usine à gaz !

Il apparaît que certains pays ont pollué moins que les quotas qui leur étaient alloués. C’est le cas de la France qui s’est vue attribuer 156 millions de certificats (un certificat = 1 tonne de CO2), dont 21 millions seulement pour EDF (tiens, tiens, EDF qui nous rabat les oreilles avec son discours sur son énergie propre !) mais qui en a rejeté 18 millions de moins. C’est aussi le cas des Pays-Bas, de la république Tchèque et de la Belgique.

Il n’y a pas de quoi pavoiser de ce résultat car la pollution, évidemment, demeure énorme. On peut juste dire qu’on va à peine moins vite dans le mur. Mais de là à dire qu’on inverse la vapeur … ! D’autant plus que cette baisse est peut-être due tout simplement au fait que l’allocation des quotas a été trop généreuse.

En conséquence de ces baisses d’émission de CO2, les entreprises ont de plus en plus de mal à vendre leurs droits à polluer à la Bourse Poxernext Carbon, d’où une baisse très forte de leur valeur, qui conduit à un mini-krach boursier (perte de 55% en moins de dix jours). La situation est même dramatique pour ceux qui ont misé fort dans cette affaire (on imagine même l’effet pervers du système, certains groupes industriels pouvant à juste titre se dire : « Merde, on n’aurait pas dû faire autant d’efforts pour moins polluer, on n’arrive même plus à vendre notre droit à polluer ! »).

Jean-Michel Bezat consacre un article à la question dans l’édition du Monde de samedi dernier. Son article est ignoble. Le journaliste place son propos uniquement sur le plan économique. Je cite quelques phrases : « L’amélioration imprévue de la qualité de l’air ne fait pas le bonheur des spéculateurs », « Les émissions de CO2 n’ont pas atteint le niveau attendu et de nombreux certificats risquent donc de ne pas trouver preneur … leurs détenteurs ne pourront pas en reporter l’utilisation ». L’article ressemble à une lamentation du genre « les pollueurs sont bien à plaindre ». Juste un petit bémol : il y a quand même trois mots pour l’environnement, mais noyés dans une phrase tout aussi ignoble que les autres : « Un bien pour la santé publique, mais un coût pour des groupes qui, comme Rhodia, ont beaucoup investi ». C’est nouveau, ça vient de sortir : on peut maintenant investir sur la destruction de la planète.

Je suis, une fois de plus, scandalisé.

9 réflexions au sujet de “Mini-krach à la bourse du carbone”

  1. Je ne suivrai (ni commenterai) ton indignation Bernard… Question de tempérament, sans doute !

    Cette histoire me fait avant tout penser à ce qu’Edgar Morin appelait « l’écologie de l’action » : drôle de concept désignant la possibilité que les conséquences d’une action aillent en fin de compte (et suite à de multiples et complexes interractions) à l’inverse du but visé.

    En d’autres termes : on se sait jamais ce qu’on enclenche vraiment (quelles que soient nos intentions)… ce qui devrat inciter tout le monde à un peu plus de prudence, voire de simple modestie, quand il s’agit de décider de ce qu’il convient de faire ! Nan ?

  2. « L’espèce humaine va disparaître. Bon débarras ! »
    C’est de Yves Paccalet qui publie un livre au titre on ne peut moins provocateur…
    Moi je suis d’accord ! Na !
    Et tant pis pour les bons écologistes qui n’auront pas le temps d’être clonés et envoyés sur Mars !!!

  3. Si jamais les « bons écologistes » trouvent finalement le temps d’être clonés et envoyés sur Mars… je demande tout de suite asile politique sur une autre planète, c’est possible ?
    A la rigueur, je veux bien cohabiter avec les « mauvais » (ceux qui s’autorisent quelques compromis et autres contradictions) mais les « purs et durs », les rationalisateurs gonflés de moraline, bref les fachos, je préfère les laisser serrer les fesses et pontifier entre eux !
    Plutôt l’enfer loin d’eux que le paradis en leur compagnie !
    Comment ?… J’suis excessif ? Oui, ben justement… je revendique cette « part maudite » !!!

  4. Un point sur lequel je suis d’accord avec Vincent : dans nos sociétés, beaucoup de textes de lois ou de décisions ont des effets pervers et l’effet obtenu est assez souvent l’inverse du but recherché.
    L’autre point sur lequel je suis par contre en profond désaccord, c’est le fait que l’on admette que des pollueurs puissent acheter des droits à polluer à d’autres qui sont en dessous des seuils de pollution tolérés. On observe le même type de comportement lorsque des pays riches vont rejeter (ou stocker) leurs déchets dans des pays pauvres. Il n’y a pas d’autre comportement à avoir que l’indignation. Bien sûr que l’indignation ou la dénonciation de tels faits, c’est quelque chose de gratuit et de facile. Peut-être, mais le silence n’est-il pas de la complicité ?

  5. Entre le silence (ignorant, cynique ou nihiliste) et l’indignation (pas très productive, il faut l’admettre, mauvaise conseillère même aussi souvent)… il y a tout de même de la place, nan ?

  6. :tongue:
    Si vivendi changeait de dieu, une page se tournerait : on passerait de l’argent à la lumière, et les voies du saigneur seraient enfin pénétrables.

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