Le discret accenteur mouchet

LES OISEAUX DE L’HIVER (3)
Comme je l’ai déjà écrit sur ce blog, l’hiver est pour moi la saison la plus animée. Partout autour de la maison, des oiseaux volent et font d’incessantes allées-et-venues entre les arbres proches et la mangeoire sur le rebord de la fenêtre. Je n’ai jamais eu la moindre lassitude à les observer.

Tous les oiseaux qui viennent à cette auberge improvisée sont des oiseaux plutôt bien connus du public : mésanges, rouge-gorges, verdiers, chardonnerets … Mais il en est un qui échappe généralement à l’observation, c’est l’accenteur mouchet. Si l’on n’y fait attention, on ne le remarquera même pas, l’oeil ayant vite fait de qualifier de « moineau » tout oiseau qui n’affiche pas des couleurs vives. Et c’est vrai que le plumage de l’accenteur ne brille pas par son éclat. L’observateur attentif aura cependant remarqué que le bec n’est pas fort comme celui d’un moineau mais au contraire fin comme celui de tout oiseau insectivore qui se respecte.

accenteur.png

Depuis le printemps dernier, l’accenteur est devenu presque inexistant autour de la maison. Mais je sais qu’il est là. Il m’arrive parfois d’entendre son faible chant (de plus en plus indaudible pour mes oreilles de vieux) dans les buissons en contrebas de la route en face de chez moi. Mais depuis quelques jours il sort un peu de sa réserve, l’arrivée des mauvais jours le pousse à rechercher un peu plus de nourriture. Alors timidement, il vient dans le pyrracantha devant la fenêtre. Il ne s’aventure alors que très peu à découvert, ne restant que de courts instants à l’écart des buissons.

Je ne sais pas qui lui a donné ce nom peu compréhensible d’accenteur mouchet. Probablement un mec qui s’emmerdait dans un grenier poussiéreux du muséum d’histoire naturelle et qui a voulu laisser une trace de son pauvre passage sur terre à la postérité. Autrefois, l’accenteur était appelé le « traîne buisson », surnom qui lui allait plutôt bien et qui suppose de fortes capacités d’observation de notre bon vieux peuple). Car cet oiseau est un modeste, un « gagne-petit » qui passe son temps à glaner quelques débris de nourriture au ras du sol, notamment des restes de graines que d’autres oiseaux laissent parfois tomber au sol (il devient en partie « mangeur de graines » pendant la période hivernale).

Je me rappelle que le chanteur Pierre Louki aimait les ânes et disait que pour lui « l’âne est un cheval qui n’a pas réussi ». Pour la même raison, j’aime ce modeste oiseau qui aurait pu devenir moineau. Modeste par son plumage. Modeste par son chant. Modeste de son mode de vie. Un vrai modeste quoi !

24 réflexions au sujet de “Le discret accenteur mouchet”

  1. Très belle présentation, très bien écrite, je dévore les récits « made in Dupdup » avec délectation ! …

    Pour ma part, je n’en ai jamais observé, malgré mes efforts pour être toujours plus observateur…
    Je pensais qu’on le trouvait ailleurs, dans d’autres climats ou altitudes…

    Tu nous dit bernard que le plumage de l’accenteur mouchet ne brille pas par son éclat, tu nous dis également que tes « oreilles de vieux » distinguent son chant avec peine (je t’envie quand même de savoir le reconnaitre… lol)……………… une réflexion me vient alors :

    existe t’il un lien entre la couleur d’un oiseau et son chant ????

    Les chants les plus mélodieux que l’on puisse entendre ne sont pas toujours émis par les oiseaux les plus colorés : il n’y a qu’a écouter le merle, la grive ou le troglodyte par exemple, ils ne sont pas chatoyants mais sont carrément de superbes chanteurs !!! …

    J’aime ces petits passereaux dit « modestes », il semblent d’avantage vulnérables mais c’est justement pur cela que l’on a envie de les protéger plus encore ! :)

  2. Pour retrouver les deux premiers articles de cette série « les oiseaux de l’hiver », les rechercher aux dates suivantes : 9 décembre 2006 (mésange charbonnière) et 22 janvier 2007 (sittelle torchepot)

  3. C’est vrai que les oiseaux, pour attirer les femelles, doivent utiliser certains moyens qui sont généralement la beauté du plumage et le chant. A ceux qui sont dépourvus de belles plumes, il ne reste que le chant, ce qui explique que bon nombre d’oiseaux plutôt ternes sont de bons chanteurs comme le dit Nico. Il en est ainsi de la fauvette à tête noire, du troglodyte, des rousserolles … De plus, ceux qui mènent une vie très très discrète doivent rivaliser du gosier pour se faire remarquer. Le cas du rossignol illustre bien ce fait. C’est l’un des oiseaux les plus discrets et c’est celui qui a le plus beau chant. Il n’est est pas de même pour notre accenteur qui, malgré la discrétion de son mode de vie, possède un chant qui est relativement modeste, bien que non dénué d’une certaine musicalité.

  4. Nico, lorsque tu dis que tu pensais que l’accenteur se trouvait à d’autres altitudes, il s’agit d’une autre espèce : l’accenteur alpin (qu’on pourrait appeler aussi l’accenteur boulanger, ben oui quoi … l’accenteur a l’pain).

  5. Dans la famille des oiseaux « modestes » (par leur mode de vie, leur livrée, leur chant…) ont pourrait lui associer qui : le Troglodyte mignon, le Roitelet huppé,… ?
    (Bref, essentiellement des oiseaux qui ont comme lui des noms aux consonnances « aristo » ?)

  6. Excusez-moi,
    Disait le roitelet,
    Mon nom n’est pas de moi.

    (Echos, Gallimard, 1991)

  7. L’origine de son nom est paraît-il une vague contrepéterie : on s’est juste rendu compte que chaque fois que l’ascenseur montait, l’accenteur mouchait ! (Il est un peu allergique aux objets techniques)

  8. Dis Bernard, c’est pour l’accenteur que Brassens a écrit la chanson « le modeste » ?

  9. Bernard, la « grand-mère Dupdup » qui avait en son temps une légende expliquant l’origine de la cravate noire sur fond jaune de la Mésange charbonnière, elle n’en a pas une par hasard sur la tête grise de l’Accenteur mouchet ? Pourquoi donc est-il allé fourer la tête dans le tas de cendres ? Quelqu’un le sait-il ?

  10. Modeste, modeste… n’empêche qu’il trône en tête de toutes les listes alphabétiques, l’Accenteur mouchet ! (Chacun les victoires qu’il peut !!!)

  11. Ah oui, la grand-mère Dupdup ! Merci de me rappeler, Vincent, ses légendes incroyables de la Haute-Patate profonde. Va falloir que je fouille dans ma mémoire, il doit bien rester quelques histoires de derrière les fagots. Mais rien sur l’accenteur. Pas assez bien fagoté je crois.

  12. Le terme accenteur vient du latin accentio>/b> qui veut dire son appuyé
    Le terme
    mouchet se rapporte à sa taille et indique sa petitesse.

    En anglais et en néerlandais (respectivement Dunnock et Heggemus) c’est le moineau des haies.
    En italien (Passera scopaiola), c’est le moineau balayeur.

    Le premier Accenteur mouchet que j’ai vu était… dans les filets de baguage de la Maison de la nature à Brussey.

  13. « moineau balayeur », c’était dans l’Italie antique. Actuellement, c’est « moineau technicien de surface » je crois

  14. Les moineaux s’envolent du feuillage du tilleul comme les paroles de la bouche d’un sage.

    *

    Combien de temps le rouge-gorge a-t-il joué sous mes yeux ? Deux secondes, peut-être trois – et cela a suffi pour qu’avec son bec il attrape une maille de mon coeur et, en s’envolant brusquement, défasse toute la pelote pour l’emmener dans le ciel où je me découvrais soudain rêveur.

    *

    Les moineaux se balancent sur les branches du bouleau devant la fenêtre de la chambre, minuscules trapézistes sous un chapiteau de ciel blanc.

    *

    Le moineau méditait sur une branche du tilleul, ses ailes bien serrées contre ses flancs comme lorsqu’on arrive en avance à un rendez-vous et que, pour se donner une contenance ou pour affermir son coeur, on croise les bras en regardant vers les lointains d’où peut venir l’inespéré. Puis, avec une rapidité fulgurante, il s’est arraché à sa contemplation, a filé sur un chemin d’air tout en montées et descentes, remis dans la vie proche par la nécessité d’y trouver sa nourriture et gardant quand même, dans la grâce inutile de ses piqués et de ses détours quelque chose de l’amour songeur des lointains.

    *

    Une tourterelle, longtemps immobile et songeuse sur une branche du tilleul, s’envole brusquement, comme saisie par une pensée si belle qu’il lui faut tout de suite aller la dire à son ami.

    *

    Une seconde avant de se poser sur la branche du tilleul, le moineau a étiré ses ailes au maximum, comme on ouvre grands les bras tout à la joie de revoir ceux qu’on aime.

    *

    J’ai aimé un rouge-gorge. Il me dévisageait, ses petites pattes solidement plantées sur une branche d’arbre. Un Dieu moqueur brillait dans ses yeux, semblant me dire : « Pourquoi cherches-tu à faire quelque chose de ta vie ? Elle est si belle quand elle ne fait qu’aller, insoucieuse des raisons, des projets et des idées. » Je n’ai pas su lui répondre.

    *

    Une cinquantaine d’étourneaux sont passés entre le tilleul et la fenêtre, comme une volée de pierres lancées par la main d’un géant.

    *

    Un moineau s’est posé sur le bord de la fenêtre, m’a regardé avec une curiosité non dénuée de moquerie, se demandant ce qui pouvait tant m’occuper. Il s’est envolé quand il a compris qu’il ne s’agissait que de l’écriture d’un livre.

    *

    Les moineaux vont et viennent autour du tilleul comme autant de petites croix volantes.

    *

    Un rouge-gorge, au pied du tilleul, saute à la corde avec un rai de lumière.

    *

    J’ai vu se poser sur la branche du bouleau un oiseau dont je ne connaissais pas le nom, si flamboyant qu’il m’a plongé dans une stupeur qui a duré longtemps après son envol. Chaque fois que je pense à ce petit porteur de feu, je sens dans ma poitrine la douleur de ne pouvoir dire son nom.

    (Ressusciter, Gallimard, 2001)

  15. Les moineaux envahissent l’arbre devant la fenêtre sans lui enlever une paix dont leurs bavardages sont une part substantielle.

    (La présence pure, Le temps qu’il fait, 1999)

  16. Les oiseaux qui chantent tous les soirs à la même heure, dans les arbres en face de l’immeuble : on dirait des voyous qui fêtent un cambriolage. Grand chahut, fous rires et, d’un seul coup, plus rien. Le silence. Chacun est rentré dans son nid. II ne faut pas se coucher trop tard, demain on a du travail, on attaque une forêt.

    (Autoportrait au radiateur, Gallimard, 1997)

  17. L’oiseau
    Chante
    Vers
    Le soir.
    Au matin
    Il
    Fait
    Ses gammes.

    *

    L’oiseau
    Qui
    A peur
    Se sent
    En cage.

    *

    Chaque
    Oiseau
    A la couleur
    De son cri.

    *

    L’oiseau de paradis
    Ayant reconnu
    La beauté
    De son plumage
    Perdit
    Son bonheur.

    *

    Les oiseaux
    Saisis d’effroi
    Dans leur vol
    Ont l’air
    De nager.

    *

    Les petits oiseaux
    Apprennent
    Le solfège
    Avec les couleurs
    Du printemps.

    *

    Pris
    De fatigue
    L’oiseau
    Vola
    Sur ses couleurs.

    *

    etc.

    (Poèmes, Léo Scheer, 2004)

  18. Virevoltements d’oiseaux dans le ciel en feu : leurs ombres sur le sol boxent dans la lumière.

    *

    Le cri de l’oiseau est le meilleur diapason. La voix de l’oiseau ne sonne faux que dans la peur.

    *

    Le bec de l’oiseau est à la fois nez, bouche et menton. Nul animal n’a ces trois parties du visage en sections totalement distinctes, telles qu’elles sont en fait dans l’homme. Ainsi le museau du chien est un nez-bouche, et le groin du porc est une bouche-menton.

    *

    Les seuls sons que la distance ne marie point sont les cris des oiseaux, car les oiseaux – quel que soit leur nombre – intercalent leurs cris et leurs pépiements. Les choeurs d’oiseaux sont des courses à relais phonétiques dans l’espace.

    *

    L’oiseau est le seul être vivant dont la voix change de timbre avec le ton.

    *

    Le chant de l’oiseau solitiare est un solo de flûte. Les oiseaux en groupe font un bruit d’accordéon.

    *

    L’oiseau semble en éternel profil, dû à l’immensité de son bec par rapport au peu d’étendue de sa face. Nez quilin met des profils d’oiseaux jusque dans le visage humain vu de face.

    *

    La porosité de leurs plumes, que les oiseaux ferment et rouvrent à volonté, sert de frein intérieur aux vols de ces êtres ailés et leur donne des balancements élancés dans le vent, qu’aucune danseuse ne saurait imiter. Avec des ailes poreuses, l’avion irait moins vite dans les cieux, mais glisserait avec infiniment plus de grâce.

    *

    L’oiseau gonfle des ailes pour émettre des sons aigus. Les fortes notes élargissent pour un temps l’épaule du chanteur.

    *

    L’aile de l’oiseau est la patin le plus silencieux, billes de soie roulant sur de la ouate, doux comme un frôlement de ains. L’aile de l’oiseau est une caresse qui vole, comme un baiser ayant des ailes.

    *

    etc.

    (Sens plastique, Gallimard, 1948)

  19. Personnellement, j’aime beaucoup le chant de l’accenteur mouchet, qui est une bien jolie ritournelle chantée fièrement et bien en vue, par exemple au sommet d’un petit sapin… Sans modestie aucune :-)

    Une curiosité par rapport à l’accenteur : sa grande abondance au coeur de la ville de Paris, qui m’a frappé chaque fois que je passais par la capitale au printemps. Le jardin des plantes en est truffé, mais pas seulement…

  20. Voici une belle photo de ce discret timide ! Bravo le photographe !
    Parfois on l’appelle fauvette des haies ou fauvette d’hiver (dixit le dico).
    A moi aussi son chant me plaît beaucoup : c’est un bredouillis rapide et mélodieux. Situé assez haut dans les Hz et pouvant passé presque inaperçu pour une oreille « fatiguée » par les concerts rock et/ou les ans !!!
    N’oublions pas que le tiercelet est parfois appelé « émouchet »…
    On l’attend de pied ferme ce Prunella modularis et on va le chouchouter cet hiver avec un bon vieux tournesol enrobé dans l’armoise….

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