18 réflexions au sujet de “Joyeux Noël quand même !”

  1. Moi si, je lui avais envoyé une grosse commande par mail !
    Mais il a commencé par livrer chez moi, juste avant son accident. Ce qui m’a permis d’avoir dans mes souliers le dictionnaire de la pluie. Je me demande si c’est pas Vincent qui a conseillé le père Noël !

  2. Les histoires de Père Noël me font toujours penser à une petite anecdote arrivée à une de mes amies il y a quelques années.
    Je ne sais plus si je ne l’ai pas déjà racontée sur ce blog. J’ai recherché dans les archives en vain.
    On est mi-décembre, Claire ramène ses deux enfants de l’école, Nino, 6 ans, et Lola, 3 ans.
    Nino dit :
    « Ben moi, je crois qu’il existe pas le Père Noël ».
    Claire lui fait les gros yeux pour lui faire comprendre qu’il doit se taire.
    Le soir, une fois Lola couchée, Claire l’interroge :
    – Alors qu’est-ce que tu disais à propos du Père Noël ?
    – Ben je disais que moi, j’y croyais pas.
    – Tu as discuté avec des petits copains à l’école, c’est ça ?
    – Ben, non. J’y crois pas à ce bonhomme qui vivrait dans le ciel. C’est pas possible.
    – … ?
    – Faut pas prendre les enfants pour des idiots.
    – Et alors, qui amènerait les cadeaux sous le sapin dans la nuit de Noël ?
    – Ben, les Nains !

  3. Ben moi, à part ce fameux « dictionnaire de la pluie », il m’a amené de la bonne musique : Mendelssohn, Schubert, Brahms …

  4. Le père noël belge nous a amené : le Stabat Mater de Scarlati et 3 CD d’un humoriste belge (« le docteur G. répond à vos questions » de Philippe Geluck)

    … et des chocolats belges, bien évidemment !

  5. Oui, j’avais vu l’article. J’avais écrit un article, au tout début de mon blog, sur le blog de Pierre Assouline. J’y vais régulièrement. J’aime bien sa phrase à propos du dictionnaire de la pluie : « un livre pareil, ça s’arrose ! ».

  6. Le « gros joufflu », comme tu dis, il m’a surtout apporté un drôle de cadeau : une chanson (écrite rien que pour moi). Pas mal, hein ?
    Sinon, la bouille ravie de mon fiston.

  7. Le Père Noël vous parle (1)

    Coucou ! C’est moi, me revoilà. Vous ne me reconnaissez pas ? Pourtant, vous m’avez chaque année dans votre cheminée.

    C’est moi, oui, Big Father, avec ma grande barbe hydrophile, mon traîneau à clochettes et des cadeaux dégueulasses plein ma hotte, emballés dans du papier clignotant.

    Vous ne m’avez pas vu venir, une fois de plus ? C’est normal. Personne ne sait jamais comment je débarque. Chaque année, je trompe mon monde. On ne m’entend pas arriver, et puis un matin, c’est fait, ça y est, tout est joué. La torture des féeries recommence.

    Une fois encore j’ai réussi à suspendre, pendant la nuit, mes guirlandes grotesques en travers des rues, comme autant d’insultes anonymes. Une fois encore, mes boules multicolores et mes illuminations pernicieuses sont apparues aux vitrines. Sans que personne me voie. Sans que personne me voie jamais.

    Une fois encore, ma grande terreur s’installe. Les semaines vont se dérouler comme des vielles funèbres. Les gens vont courir partout épouvantés, le long des façades, avec leurs paquets obligatoires.
    Il est revenu, ça y est, il s’est réinstallé, celui qu’on redoutait. Celui dont on évitait même de prononcer le nom, de crainte de le voir surgir. C’est fait. La Bête est là. L’Eminence rose est de retour. La ville n’existe plus, ni la vie, ni rien. Tout est redevenu Noël.

    Comme je m’amuse, à contempler la joie qu’ils affichent et à connaître le fond noir de leurs âmes angoissées ! Qu’ils me craignent, pourvu qu’ils me célèbrent ! En vérité, ma menace les rend malades bien avant décembre. Chaque année, on voudrait espérer que je ne vais pas revenir. Chaque année, on ne me sent approcher comme un mal inconnu, un cauchemar, une fièvre. Le Père Noël fait peur. L’année dernière, au restaurant, j’en ai entendu plusieurs, à voix basse, dès la fin octobre qui parlaient de moi avec la trouille au ventre : « Qu’est-ce que tu fais pour les fêtes ? – Mais je ne sais pas. – Comment, tu ne sais pas ? – Non, pas encore. – Tu n’as rien prévu ? Mais tu es fou ! Il faut que tu t’en occupes ! Noël c’est demain ! Et la Saint-Sylvestre ! Tu ne te rends pas comptes ! D’ici quinze jours, peut-être huit, il y aura des trucs partout ! Des guirlandes ! Des boules lumineuses ! »

    Oui, je flanque la panique ; mais il n’y a que depuis quelques années que je commence, chez certains, je le sais, à susciter de la haine.
    Oh ! pas une haine bien dangereuse ! Rien de grave. Le monde est beaucoup trop définitivement ensucré, gnangnantifié sans retour, colonisé par les bonnes intentions, la prudence et les mièvreries, pour que je me sente en péril. L’horreur du bonheur est peut-être une idée neuve en Europe mais elle ne risque pas de faire beaucoup d’émules. (…)

    (Désaccord parfait, Gallimard, 2000)

  8. Le Père Noël vous parle (2)

    (…) Tout semble avoir été dit contre moi. La critique est recuite. C’est mon plus beau triomphe, d’avoir fatigué jusqu’à ceux qui me détestent. Quel ennui les saisit, quel accablement, dès qu’ils envisagent de me vitupérer ! Quelle sensation effarante d’inutilité ! Ils savent déjà tellement tout ce qu’on va leur balancer ! Les accusations de banalité, de trivialité, qu’ils vont endurer ! Rentrer dans le lard du Père Noël, cette vieille porte ouverte ? Composer le millième rappel de la transformation du rite païen du solstice d’hiver en fête chrétienne à son tour sécularisée par le business ? La cent millième attaque futile contre la Nativité détournée de sa destination par le monde marchand, frauduleusement déviée de sa pureté originelle, noyée sous les cadeaux paralysants, les téléphones qui parlent, les super-Nintendo parfumé à la framboise, les chocolats à quartz et toutes les autres saloperies en multiplication galopante ? Vous êtes tombés sur la tête ?

    Le Père Noël est une ordure ? Comme vous y allez ! regardez-vous un peu. C’est tous les jours Noël, maintenant. Ma grande réussite, c’est qu’on croit que mon oppression ne dure que quelques semaines par an, alors que je suis le ressort des illuminations des douze mois de l’année. Noël c’est Noël. Et Pâques c’est aussi Noël. Et le 15 août. Et la Saint-Sylvestre. Et le bonheur de merde des vacances, cette paix des grands cimetières sous le soleil. Les mains à Nikon valent les tronches à boudins blancs. Les gueules de camping-cars valent les têtes de bûches au chocolat. Toutes les fiestas conduisent à moi. Et toutes les rages, et toutes les ruées, et toutes les foires. Et toutes les roues de la Fortune. Et tous les Manèges de la télé. Et toute la quincaillerie clinquante de l’égalité par la joie, de la fraternité par l’extase niaise, de l’apothéose du Rien tonitruant qu’on étend par couches de plus en plus épaisses sur la violence toujours recommencée, mais de plus en plus niée, du genre humain.

    Qui est plus philanthrope, plus humanitaire, plus tartuffien solidaire que moi ? Qui règne davantage sur les plateaux ? L’avenir m’appartient. C’est moi le Cavalier suprême de l’Apocalypse en rose. Je préfigure si parfaitement la société future, l’humanité de demain bien gâteuse, bien transparente en transfrontières, bavante de positivité dans ses centres-villes toilettés, avec ses Twingo fœtales aux chouettes banquettes sièges-bébés, ses cadeaux infantiles, sa classe dominante d’apparatchiks du loisir, de tour-opérateurs, de charlatans de l’urbanisme rigolo, de promoteurs guimauve de la babyphilie définitive, d’entrepreneurs meurtriers de gaieté publique, qu’il faudrait la subtilité géniale d’un Kojève au moins (…) pour comprendre ce que je fabrique vraiment ; Kojève qui avait découvert, et dès 1943, qu’avec la fin de l’Histoire allait disparaître l’inégalité juridique entre l’enfant et l’adulte. (…) Mais c’est ça Noël ! C’est exactement moi ! Mais ce qu’il n’avait pas deviné, Kojève, c’est que ça se ferait en pleine foire, en plein rideau de fumée de carnaval. Joyeux Noël ! Bonne santé ! C’est maintenant que mon règne de corso fleuri peut démarrer. Quinze cents ou deux mille ans de préhistoire, qu’est-ce que ça pèse en face de la longue durée de bonheur étale et de fantasias programmées qui nous attend ? Si le bubon Eurodisney pourrit là-bas, en pleine Marne, c’est peut-être qu’il fait double emploi. Le château de la Belle au Bois dormant n’est qu’une pauvre métaphore de la grande demeure terminale et de l’immense bâillement porcin de dimanche de la vie sans début ni fin que je vous ai préparés. (…)

    (Désaccord parfait, Gallimard, 2000)

  9. Le Père Noël vous parle (3)

    (…) La plus belle ruse du Père Noël, croyez-moi, c’est d’arriver à faire croire qu’il n’existe pas, donc qu’on ne croit pas en lui. Avec ça, je suis bien tranquille. Le monde m’appartient, cette post-Histoire à l’agonie qui, comme tous les régimes aux abois, appelle sous les drapeaux enfants et vieillards (je veux dire : l’enfant et le vieillard qui sont en tout adulte et qu’il ne faut jamais beaucoup d’efforts pour réveiller). Une puérilité sans limite prend possession de la planète sous mon contrôle. Puisque je n’existe pas, tout m’est permis. Le cinéma ne va plus chercher son public que dans les garderies. La religion de la Santé fout tout le monde au lit. Refuser de s’occuper de ses maladies est devenu une insulte à la communauté. Au soulagement du plus grand nombre, la comédie du règne de l’ « urgence » et de l’ « actualité » s’est substituée à la réflexion et au recul critique. Les sondages-minute sont aussi vite bouffés et oubliés que le goûter de quatre heures. Toute notion de vie privée ou d’intimité disparaît (un enfant n’en a pas ; pourquoi un adulte en aurait-il ?). Le monde contemporain est rempli de choses enfantines devenues folles. Morale en noir et blanc (ce qui fait pleurer le petit Jésus et ce qui lui fait plaisir), valeurs scouts (le cœur sur la main), universel envahissement des images (l’univers est une BD où les bulles elles-mêmes tiennent de moins en moins de place), (…) la positivation du spontané et du naturel, la négation morbide de la mort, le sport évidemment, l’idéal d’unisexe, parodie de la « période de latence », la vie pour la vie, (…) la musique, envahisseur universel, Alien des néo-cerveaux en route vers l’outre-monde, l’interdiction d’être « nostalgique », « frileux », « pessimiste », « de mauvaise humeur », « esprit chagrin » ou « négatif », non communicant, non dialoguant, non fusionnant, brebis galeuse qui menace le contrat social en refusant de s’amuser avec les autres dans la cour de récréation, nos amis les bêtes, halte à la tauromachie, protégeons la Nature, sauvons les baleines. (…)

    (Désaccord parfait, Gallimard, 2000)

  10. Le Père Noël vous parle (4)

    (…) Ah ! je peux me vanter d’avoir bien travaillé, moi le Père d’après la fin des pères et de la fonction paternelle comme on dit. Moi le vieux mais vrai Dieu, le Père éternel dérisoire, nordique et omnipotent. Moi l’antique Noël, incarnation du tréma, cette ponctuation suspendue, ces deux points de Damoclès au-dessus du néant. Le millénaire nouveau peut arriver, avec sa société transformée en fratrie universelle, soucieuse d’ordre, de paix, d’harmonie et de vigilance, délirante de méticulosité et de mises aux normes NF et label CE. La refonte de la pensée par l’euphémisation terroriste du politiquement correct peut commencer à remplacer avantageusement l’institution primitive de l’interdit de l’inceste. Tout ce qui ne ressemble pas à un conte de Noël, désormais, sera prohibé. Tout ce qui ne sera pas poetically correct devra disparaître ou s’amender. L’histoire de la littérature, l’histoire de l’art, l’Histoire tout court, seront réécrites dans ce sens précis. Ça commence seulement. On ira plus loin encore, toujours plus profond, dans le passé douteux des grands hommes, dans leurs biographies pendables et leurs pensées inconvenantes. Tout sera revisité, refait, rejugé, trié sous le soleil de la gentillesse la plus lamentable. C’est qu’on ne peut pas laisser n’importe qui participer au grand réveillon de l’avenir ! Sympa ? Pas sympa ? Frère ? Ps frère ? Clean ? Pas clean ? Un Henry Miller, par exemple, ne sera certainement pas invite à venir ouvrir les huîtres (si nos lois contre le harcèlement sexuel avaient existé de son temps, il n’aurait pas fait de vieux os en liberté). Et Picasso ? Hum. Pas sûr. Et Heidegger ? Ah non. Et Machin ? Et chose ? Et Stendhal ? Et Sade ? Et tous les autres ? Entreront-ils dans la crèche ? Pourront-ils devenir santons à leur tour ? S’embrasser sous les guirlandes avec nous ? Autour de mon beau sapin roi des forêts ? Mystère, suspense et boules de gui. La fête commence, je vous répète ! Elle commence tout juste ! En musique ! Et la nuit va être longue !

    (Désaccord parfait, Gallimard, 2000)

  11. Ben, bon Dieu ou Père Noël, on est un sacré paquet à trouver qu’on s’est fait couillonner cette année…

  12. d’ailleurs je propose qu’à partir de 2008, on supprime définitivement le mois de décembre du calendrier.
    ok ?

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