Humour en papillottes

En cinquante ans, le niveau des blagues que l’on trouve sur le papier intérieur des papillottes ne s’est pas beaucoup élevé. C’est rarement drôle.

Mais je viens à l’instant d’ouvrir deux papillottes. Et là, alors que je m’étais fait à l’idée que l’humour de nos pauvres confiseurs ne changerait jamais, deux petites phrases que j’ai bien aimées :

La première est de Jacques Dutronc : « Travailler d’accord, encore faut-il avoir le temps … »

La deuxième est aussi de Jacques Dutronc : « Je suis pour l’augmentation du goût de la vie »

De beaux sujets de méditation pour mes derniers jours de congés !

26 réflexions au sujet de “Humour en papillottes”

  1. En voici 2 autres lus récement…

     » Le veinard est celui qui arrive à tout, et le malchanceux est celui à qui tout arrive !  » …

    ou encore :

     » Si un jour on te reproche que ton travail est un travail d’amateur, dis toi bien que ce sont des amateurs qui ont construit l’arche de Noé et des professionnels le Titanic !  » …

    Tu as raison Bernard, à méditer ! mdr

  2. Bof bof, mes deux petites citations trouvées dans les papillottes me permettaient d’aborder la place du travail dans sa vie mais elles ont fait un flop. Va falloir que je me bourre de papillottes pour essayer de trouver quelque chose à la hauteur.

  3. si tu veux, je t’en offre, t’as l’air d’avoir une baisse de morale… un tit chocolat ?

  4. heu… alors la place de mon travail dans ma vie ou la place du blog dans mon travail ?
    entre nous, avec ta pause, ma productivité au travail va s’améliorer !!! c’était un peu addictif…

  5. Aaaaaah, c’était ça le sujet visé ?
    J’ai cru que c’étaient les blagues de papillottes… et honnêtement j’en ai pas vraiment trouvé qui tenaient la route (je veux dire qui méritaient le temps nécessaire pour les recopier).
    J’vais méditer l’affaire alors (et/ou essayer de trouver des auteurs qui ont des trucs à dire sur le sujet qui pourraient ouvrir des pistes)

  6. Pour tout dire, j’ai aussi imaginé pouvoir relancer sur l’humour de Jacques Dutronc… et ai beaucoup regretté ne pas avoir ses Pensées (recueillies au Cherche Midi éditeur) dans ma bibliothèque. Je me serais en effet régalé d’y plonger pour y rapporter 2-3 perles !

  7. « 2-3 perles, c’est ça, Vincent, comme si on ne commençait pas à te connaître : tu aurais dû plutôt dire « 23 ou 32 », ça aurait été plus réaliste.
    Finalement, on l’a échappé belle !!! ;-)

  8. L’augmentation du goût de la vie, chère à Dutronc, c’est peut-être ce qui manque le plus à notre société d’aujourd’hui.

  9. La vie à perdu son goût nature ou est ce simplement vos papilles qui faiblissent ?

    Je ne m’inclus pas puisque du peu de vie que j’aie traversé, je n’ai pas ressenti de mouvement de fond vers la disparition « du gout de la vie ». Même si je dois reconnaitre que je ne trouve pas toujours ça très parfumé.

    Pour Vincent je vais recopier une magnifique devinette de papillote :

    le blizzard c’est :
    1 – un animal mi-blatte mi-lézard
    2 – qqch d’étrange (oh, c’est blizzard !)
    3 – un vent violent

    et oui, il faut éviter les devinettes Ivoria.

  10. (…) La vie est une promenade au cours de laquelle il y a le travail, l’amour, l’amitié, les deuils, les échecs et les réussites. Le plaisir que l’on a à vivre est la seule et unique justification solide de la vie. Quand on nous dit qu’elle a un sens, et qu’il consiste à travailler plus pour gagner plus, l’échéance de la mort naturelle peut très vite se transformer en désir de mort volontaire.

    (Contribution auxNouvelles mythologies, sous la direction de Jérôme Garcin, Seuil, 2007)

  11. (…) Depuis des siècles, la durée du travail mesure le niveau du progrès social : plus les sociétés sont riches, moins, en théorie, on y travaille. D’abord on mesura cette durée par le nombre d’heures travaillés par jour, et ce nombre fut très longtemps le principal enjeu des batailles ouvrières : on mourut pour travailler moins de douze heures, de dix heures, puis de huit heures. On passa ensuite au nombre d’heures par semaine : ce fut d’abord la grande bataille pour la réduire au-dessous de 48 heures, puis de 40 heures. Les autres durées n’ont jamais été des enjeux : personne ne connaît la nombre d’heures travaillées par mois (environ 150), dans l’année (environ 1 600), et encore moins dans la vie (plus de 64 000) : ces nombres sont trop élevés, trop abstraits. Par contre, un nombre à deux chiffres, c’est un bel enjeu.

    (…) Un jour, on travaillera, au sens classique du travail, moins de 30 heures par semaine, moins de 1 000 heures par an, mais plus de 80 000 heures dans une vie deplus en plus longue. Un jour, on comptera même comme un travail le temps passé à apprendre, à acheter, à se déplacer, à répondre au téléphone, à se servir d’un ordinateur hors du lieu de travail. Un jour aussi, on comprendra même que travailler, jouer, apprendre, c’est la même chose. On realisera aussi que la maison, le métro sont des lieux de travail comme les autres.

    La vraie bataille sera alors ailleurs : on parlera non plus du nombre d’heures de travail, mais du nombre d’heures vraiment libres, sans contraintes, sans obligation d’aucune sorte. Combien sont-elles ? Moins d’une dizaine par semaine sans doute, pour la plupart des humains. Un jour, peut-être, la vie sera conquête de liberté et non plus réduction des contraintes.

    (Contributions aux Nouvelles Mythologies, Seuil, 2001)

  12. Intéressante, je trouve (comme souvent d’ailleurs, selon moi) la contribution d’Attali, mais bon…

    1) Je n’ai pas vraiment l’impression qu’on prenne actuellement le chemin de l’avenir presque radieux qu’il nous décrit… Peut-être a-t-il cependant raison de parler de « bataille » : relevons donc les manches et cherchons ensemble où et comment (concrètement) doit se livrer ce combat (si on accepte que c’est là qu’il doit, en partie, se mener) !

    2) Le rappel historique d’une notion est forcément instructif. Dommage donc qu’il ne remonte pas sa généalogie avant la notion « moderne » du travail. Comment le travail (ou ce qui s’y substituait) se concevait-il avant ? Ne serait-ce pas en effet nécessaire pour nous aider à en sortir (ne serait-ce que, d’abord, dans notre imaginaire) ? Quelqu’un a-t-il des éléments à fournir ?

    3) Et puis d’abord, c’est quoi ce travail « au sens classique du terme » ?

  13. J’aime énormément ce texte d’Attali. Tu as raison Vincent, la tendance n’est pas ce qu’il nous décrit. Mais que faire pour inverser cette tendance ?

  14. Commençons peut-être d’abord à en causer autour de nous et surtout voir si on peut vraiment les compter (comme il le suggère), ces heures libres.

    J’ai l’impression que c’est en fait impossible (car les limites de la « liberté » sont plus que floues).

    Peut-être faut-il au préhalable affiner, aller plus loin dans la compréhension de ce qu’on appelle « travail »… et les réflexions autour de sa disparition (il y a toute une littérature – passionnante mais exigeante – sur le sujet)

  15. Au risque de m’inviter une fois de trop :

    TRAVAIL

    C’est une activité fatigante ou ennuyeuse, qu’on fait en vue d’autre chose. Qu’on puisse l’aimer ou y trouver du plaisir, c’est entendu. Mais ce n’est un travail, non un jeu, que parce qu’il ne vaut pas par lui-même, ni pour le seul plaisir qu’on y trouve, mais en fonction d’un résultat qu’on en attend (un salaire, une oeuvre, un progrès…) et qui justifie les efforts qu’on lui consacre. Ce n’est pas une fin en soi : ce n’est qu’un moyen, qui ne vaut qu’au service d’autre chose. C’est ce que prouvent les vacances et le salaire. Travailler ? Il le faut bien ? Mais qui le ferait gratuitement ? Qui ne désire le repos, les loisirs, la liberté ? Le travail, pris en lui-même, ne vaut rien. C’est pourquoi on le paie. Ce n’est pas une valeur. C’est pourquoi il a un prix.

    (…) Une valeur, c’est ce qui n’est pas à vendre. Comment aurait-elle un prix ? C’est une fin, pas un moyen. A quoi bon aimer ? A quoi boin être généreux, juste, libre ? Il n’y a pas de réponse. Il ne peut y en avoir. A quoi bon travailler ? Il y a une réponse, ou plutôt il y en a plusieurs excellentes : pour gagner sa vie, pour être utile, pour s’occuper, pour s’épanouir, pour s’intégrer dans la société, pour montrer de quoi on est capable… Même le bénévole n’y échappe pas. S’il travaille, c’est pour autre chose que le travail (pour le plaisir, pour le groupe, pour une certaine idée de l’humanité ou de soi…). Cela met le travail à sa place, qui n’est pas la première.

    (…) Dans la Bible, le travail est un châtiment, et telle est aussi l’étymologie du mot (le trepalium, d’où vient travail, était un instrument de torture) comme encore son sens chez Montaigne. C’est moins vrai aujourd’hui. C’est l’un des progrès que nous devons au machinisme et aux luttes syndicales. Ce n’est pas une raison, tordant le bâton dans l’autre sens, pour faire du travail une récompense ou une valeur. Ce n’est qu’un moyen, j’y insiste, qui ne vaut qu’à proportion du résultt qu’il obtient ou vise ? De l’argent ? Pas toujours. Pas seulement. Le travail est apparu bien avant la monnaie. Et combien de travaux non rémunérés ? L’humanité doit d’abord produire les moyens de sa propre existence, comme disait Marx, ce qui ne va pas sans transformation de la nature et de soi – sans travail. « En même temps qu’il agit par ce travail sur la nature extérieure et la modifie, soulignait Marx, l’homme modifie sa propre nature et les facultés sommeillent » (Le Capital, I, chap. 7). C’est humaniser l’homme en humanisant le monde. Mais c’est l’humanité qui vaut, non le travail. Aussi le travail devient-il inhumain, ou deshumanisant, quand le moyen qu’il est tend à l’emporter sur la fin qu’il vise, ou doit viser. C’est ce que Marx appelle l’aliénation : quand le travailleur se nie dans son travail, au lieu de s’y réaliser.

    (Dictionnaire philosophique, PUF, 2001)

  16. Quoi faire, donc ?
    Peut-être relire Marx (et actualiser/poursuivre son oeuvre)
    Peut-être aussi ne pas opposer, comme le fait Attali, travail et liberté

  17. Je viens de refeuilleter le fameux Droit à la paresse de Paul Lafargue (le gendre de Marx)…. et regardez ce que je trouve au passage :

    (…) Pour qu’il parvienne à la conscience de sa force, il faut que le prolétariat foule aux pieds les préjugés de la morale chrétienne, économique, libre penseuse ; il faut qu’il retourne à ses instincs naturels, qu’il proclame les Droits de la paresse, mille et mille fois plus nobles et plus sacrés que les phtisiques Droits de l’homme, concoctés par les avocats métaphysiciens de la révolution bourgeoise ; qu’il se contraigne à ne travailler que trois heures par jour, à fainéanter et bombancer le reste de la journée et de la nuit. (…)

    *

    (…) Si, déracinant de son coeur le vice qui la domine et avilit sa nature, la classe ouvrière se levait dans sa force terrible, non pour réclamer les Droits de l’homme, qui ne sont que les droits de l’exploitation capitaliste, non pour réclamer le Droit au travail, qui n’est que le droit à la misère, mais pour forger une loi d’airin, défendant à tout homme de travailler plus de trois heures par jour, la Terre, la veille Terre, frémissant d’allégresse, sentirait bondir en elle un nouvel univers…

  18. Dans Misères du Présent, Richesses du Possible (Galilée, 1997) André Gorz (vous savez, l’auteur du magnifique « Lettre à D » dont nous parlait récemment Joëlle) reprenait le débat lancé dans le débat public notamment par Jérémy Rifkin dans La fin du travail (La découverte, 1996). Voici un extrait d’une interview qu’il donnait l’année suivante aux Périphériques vous parlent :

    (…) Les détenteurs du pouvoir économique et politique craignent par-dessus tout une chose : que le temps hors travail salarié puisse devenir le temps dominant du point de vue social et culturel ; que les gens puissent s’aviser de s’emparer de ce temps pour « s’employer » à y faire eux-mêmes ce qu’eux-mêmes jugent bon et utile de faire. Avec le recul du poids du travail salarié dans la vie de tous et de chacun, le capital risque de perdre le pouvoir sur les orientations culturelles de la société. Il fait donc tout pour que les gens, et principalement les plus ou moins jeunes, demeurent culturellement incapables d’imaginer qu’ils pourraient s’approprier le temps libéré du travail, les intermittences de plus en plus fréquentes et étendues de l’emploi pour déployer des auto-activités qui n’ont pas besoin du capital et ne le valorisent pas.

    Nous avons donc affaire, en France plus encore que dans les pays voisins, à une campagne idéologique très soutenue pour verrouiller, pour tuer l’imagination sociale, pour accréditer l’idée que le travail salarié est la seule base possible de la société et de la « cohésion sociale », que sans emploi, on ne peut rien faire, ne peut disposer d’aucun moyen de vivre « dignement » et activement. Nos minima sociaux sont misérables. On accrédite l’idée qu’un droit à un revenu découplé d’un emploi est de l’assistanat, comme si les centaines de milliers d’emplois partiels à salaire partiel, créés tout exprès pour « insérer » des chômeurs – les insérer dans quoi ? s’il vous plaît – n’étaient pas de l’assistanat sous une autre forme tout aussi humiliante, puisqu’on dit en quelque sorte aux plus ou moins jeunes chômeurs : « En vérité, on n’a aucun besoin de vous, de votre force de travail ; on va vous rendre service, on va vous occuper un peu en vous payant un peu. » C’est quoi, un travail qu’on vous donne à faire pour vous rendre service ?

    En réalité, c’est le capitalisme qui se rend service de cette façon. Il fait subventionner des employeurs pour qu’ils aient la bonté d’employer des gens au rabais. Il veille à ce que les gens se conçoivent comme ne pouvant être que de la force de travail sur un marché de l’emploi, et que, s’ils ne trouvent pas d’employeur, ils n’ont qu’à s’en prendre à eux-mêmes, c’est-à-dire au fait qu’ils ne sont pas assez « employables ». Tout le discours dominant fait comme s’il n’y avait pas des causes systémiques, structurelles à la contraction du volume de travail rémunéré, comme si les stages formation, les stages en entreprise etc. allaient, en rendant les gens plus employables, leur assurer un emploi.

    (…) « Oser l’exode », ça veut dire d’abord percer à jour cette stratégie de domination qui jette les gens dans une dépendance à l’égard de l’emploi plus totale que jamais, alors que l’emploi devient totalement aléatoire ; et qui veut dire ensuite exiger non pas de l’emploi – « du travail » – mais la possibilité de vivre en l’absence d’un emploi, pendant les intermittences de l’emploi, grâce à un revenu de base inconditionnellement garanti. J’ajoute : ce revenu de base doit être compris non pas comme ce qui vous dispense de rien faire, mais au contraire comme ce qui vous permet de faire plein de choses bonnes, belles et utiles qui ne sont pas rentables du point de vue de l’économie capitaliste de marché, ni susceptibles d’être homologuées, standardisées, professionnalisées. (…)

    Pour ceux qui souhaitent, l’ensemble de l’interview sur :
    http://tmtm.free.fr/www.lesperipheriques.org/ancien-site/journal/10/fr1043.html

  19. Ça ravive donc le sujet du Revenu universel qui, bizarrement, semble avoir totalement disparu du débat public.

    Vous avez un avis sur la question ? Ou des éléments à apporter ?
    Ça vous intéresse au moins ?

  20. L’idée sous-jacente :
    Au lieu de chercher à « contrer » le libéralisme, soit en luttant contre ses excès (et se condamner du coup à le suivre, à avoir toujours un coup de retard), soit en cherchant à le « retourner » complètement (anti-libéralisme, dé-croissance, etc…), pourquoi ne pas plutôt chercher à le « prendre de vitesse » ?

  21. Avant de contrer quoi que ce soit, ce serait agréable de distinguer libéralisme et libéralisme parce que ça n’a vraiment rien à voir.

  22. Pas sûr que ça ait vraiment disparu du débat public.
    Il semblerait en effet que le dossier du prochain numéro de Philosophie magazine (en février) soit justement consacré à la question du travail !
    On en recausera donc sûrement ;-)

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