Maladie virale chez Campo

C’est en train de devenir une affaire. Plus qu’une affaire locale je crois car ça commence à fuser de partout sur internet.

Rappel des faits : le samedi avant Noël, tous les salariés de la grande librairie Camponovo de Besançon débrayent et invitent gentiment les clients du magasin à sortir. La revendication des salariés ? : que la direction revienne sur sa décision de remplacer la prime annuelle de 300 € par des chèques-cadeaux. Après 1H30 seulement de débrayage, le PDG du groupe rétablit la prime et le travail reprend.

Tout est bien qui finit bien ? Non, car le lundi 5 janvier, la directrice du magasin (58 ans) et deux libraires apprennent qu’ils sont licenciés pour faute grave. Et surtout, trois jours plus tard, un article dans l’Est Républicain met le feu aux poudres avec cette phrase incroyable du PDG du groupe . Allez, accrochez-vous bien, je vous livre telle quelle : « En raison de quelques gauchistes, nous avons été pénétrés par le virus de Sud. Cela a semé la terreur chez nos banquiers ».

Cette histoire de virus a fait coulé de l’encre. Quelque jours plus tard, Gilles (un lecteur de ce blogadupdup) se fendait d’un courrier humoristique adressé au PDG du groupe, que l’Est Républicain a d’ailleurs publié dans ses colonnes. Je vous cite deux extraits de ce courrier : « Malheureusement, mes convictions écologistes et mes engagements politiques m’ont amené à fréquenter ces dernières années des personnes dont je crains qu’elles soient porteuses du virus dont vous parlez dans l’entretien que vous avez accordé à l’Est Républicain. Aussi, pour le bien de votre librairie, j’ai décidé, à regret, de ne plus la fréquenter et, afin d’éviter une contagion fatale pour le développement de vos activités, de prévenir prestement mes amis gauchistes qu’ils fassent de même car ce sont souvent des biblivores affamés. J’espère que nous trouverons sur Besançon des librairies qui soient immunisées contre ce fichu virus ». « PS – Vous trouverez ci-joint ma dernière carte de fidélité, j’ai pris soin de la désinfecter ».

camponovo(photo Sylvain Dupdup)

Depuis, plusieurs faits nouveaux sont venus alimenter l’affaire. D’abord, une cliente de la librairie a organisé une pétition pour défendre les salariés devant la porte de la librairie et plusieurs centaines de signatures ont été obtenues en quelques heures seulement.

L’Est Républicain, avec un second article, a bien couvert ce soutien apporté par le grand public. Ce second article est intéressant à plus d’un titre. D’abord parce que le bruit courait que le premier article n’était en fait que de la publicité payée par Camponovo. Et L’Est Républicain qui semble maintenant se faire l’écho du mécontentement général, le reconnaît : « La page de publicité qu’il s’est offerte dans notre édition de samedi a aussi été mal perçue ».

Evidemment, les internautes se sont emparés de cette affaire et il existe de nombreux blogs, forums et sites qui en parlent et qui relayent la pétition.

Quelques réflexions personnelles à la lecture de ces articles :

– M. Schaer, directeur général de Camponovo, affirme dans l’Est Républicain : « Nous allons extrêmement bien, nous connaissons une progression remarquable …. ». Si le groupe allait si bien que ça, pourquoi un simple petit débrayage pourrait-il provoquer la terreur des banquiers ?

– M. Schaer affirme aussi  « Il ne faut pas dire que nos salariés sont mal payés, nos salaires sont supérieurs de 25% à la moyenne nationale ». Alors pourquoi, trouve-ton d’autres chiffres dans les forums de discussion sur le net, à savoir des salaires dont beaucoup tournent autour de 1100 € seulement ?

– Il me semble que la transformation d’une prime en chèques-cadeaux d’une valeur équivalente n’est pas de nature, à elle seule, de provoquer un débrayage de l’ensemble du personnel. Le seul fait que 100% du personnel (y compris la directrice de la librairie) ait été de la partie, montre qu’il s’agit là d’une malaise social beaucoup plus profond au sein de l’entreprise.

– En écrivant dans l’Est Républicain « Le seul but des maoïstes est de faire sauter une boîte capitaliste pour faire un exemple … », Monsieur Schaer ne va-il pas trop loin en nous jouant le coup du complot anticapitaliste (il semblerait que le syndicat Sud incriminé ne soit même pas présent dans l’entreprise) ?

– Et enfin, Monsieur Schaer, par son attitude, n’est-il pas en train de faire couler lui-même sa boîte ? La désaffection de la librairie par bon nombre de clients excédés par l’attitude de la direction générale de Campo, pourrait avoir de fortes conséquences sur les ventes de livres.

Je crois que Monsieur Schaer, par son manque de dialogue, son attitude figée et sa mauvaise stratégie de communication est en train de vraiment faire peur aux banquiers … !

21 réflexions au sujet de “Maladie virale chez Campo”

  1. Pour avoir discuté avec une salariée de cette vieille entreprise bisontine, il s’avère que le mouvement de grève a été spontané, extrêmement bien suivi.
    Le motif de ce débrayage était exclusivement ce désaccord sur cette prime transformée sans concertation et le personnel a obtenu gain de cause après que le patron (absent mais qui disposait des caméras vidéos pour constater la désertion du magasin) cède à la pression insupportable du virus social.

    A noter :
    – que la personne qui m’a relaté les faits, comme plusieurs de ses collègues pensait que leur patron allait éventuellement ouvrir une discussion car il souhaitait un rendez-vous avec le perosonnel… on voit ce qui s’en est suivi !
    – que bien des personnes ont traité par le mépris le personnel qui débrayait, touvant leur attitude affligeante : il existe aussi une solidarité « par le haut » ou des consommateurs en grande difficulté, celle de devoir attendre.

    Monsieur Schaer, de nationalité suisse, a la réputation suivante : ne s’intéresser qu’à l’argent et afficher un mépris colossal pour ceux qui lui en rapportent.
    Cela montre en dehors d’une absence d’humanité, une grande bêtise !
    On est pas loin de la chasse aux sorcières.

  2. Glorfindel, je vais essayer d’en savoir plus sur cette histoire de faute grave et j’essaie d’apporter des éléments dans les jours qui viennent.

  3. 1429 signatures de clients en faveur des salariés. C’est ce qu’annonce l’Est Républicain d’aujourd’hui + des entretiens de licenciements qui ont lieu aujourd’hui et demain. A suivre donc au plus près.

  4. J’ai reçu un courriel là-dessus, avec un lien pour signer une pétition… Manque de bol, le site en question m’a répondu que ce n’était pas chez eux !
    Connaissez-vous une adresse valide ?

  5. Moi non plus. J’ai signé la pétition il y a quelques jours mais ça ne marche plus. Christophe vient de m’envoyer le lien, ça ne marche pas non plus. Je vais essayer d’en savoir plus.

  6. C’est bon, je viens de le récupérer en entier… Il est un peu long

    attention aux fautes d’ortograf en le recopiant…

  7. Je viens également de signer la pétition.
    Merci, Christophe d’avoir fourni l’adresse.

    Effectivement, le commentaire 1663 est carrément dadaïste. Sauf peut être si on remplace Russie par URSS… et encore…
    Autrement le 1755 n’est pas mal non plus :
    « On se croirait deux ou trois siècles en arrière, à l’époque féodale où le « patron » avait le droit de vie ou de mort sur ses cerfs ».
    Heureusement, aujourd’hui ces créatures peuvent se syndiquer !

  8. Ecrire « cerfs » au lieu de « serfs » …
    Dans de telles conditions, est-ce à dire que quand on se fait licencier de la libraire camponovo, on fait partie de la famille des cerfs vidés (cervidés) ?

  9. Je en comprends rien … je ne lis pas les mêmes commentaires que vous aux n° que vous indiquez … et je en vois pas mon nom …

  10. Fétu, as-tu utilisé le lien communiqué par Christophe ?
    As-tu confirmé ta signature, au reçu par toi de l’avis de réception de la part du pétitionnaire ?
    Par ce chemin-là je n’ai pas eu de problème (à point d’heure dans la nuit…)

  11. Bonjour,
    J’ai moi-même été libraire, licenciée pour faute grave selon ma direction, liberté d’expression selon moi : j’ai osé rédiger et diffuser au sein de l’entreprise un document qui disait ma désaprobation de la politique du groupe auquel appartenait le magasin dans lequel je travaillais. Ce n’était qu’un point de vue, diffusé en interne, on m’a reproché de fomenter je ne sais quel complot pour « déstabiliser le groupe »…
    Bref. Tout ça pour dire que cette histoire m’intéresse au plus haut point.
    En ce qui concerne les salaires annoncés à 25% au-dessus de la moyenne nationale, ne vous y trompez pas, ce n’est pas impossible. Chez nous, la plupart des salariés touchaient plus près de 1000 euros par mois que 1100. Et je pense que c’est courant.
    Enfin, je souhaiterais m’exprimer sur la cause du débrayage. J’avoue que la capacité de rassembler TOUT le personnel du magasin autour de cette simple cause de prime transformée en chèques-cadeaux est franchement impressionnante. Quand je vois l’inertie de nombreux collègues face aux tentatives de grèves et/ou de débrayages pour des raisons plus nombreuses… Cela dit, peu importe au fond (selon moi) la cause exacte de cet arrêt de travail. Ce qui me paraît particulièrement choquant dans le monde d’aujourd’hui, c’est cette disproportion intolérable entre l’action de certains (ici, débrayer pendant moins de deux heures !) et la répression des puissants en réaction (trois licenciements pour faute grave ?! – ou deux, finalement ?)(un licenciement pour ça, c’est déjà trop).
    Et ce n’est qu’un cas parmi trop d’autres…

  12. Merci Laure pour ce témoignage. J’ai une amie qui travaille à Besançon dans une autre librairie, les conditions de travail sont assez proches de ce que tu décris …
    Je pense qu’il faut que l’on se sente tous solidaire de ce qui se passe. Poste, infirmières, librairies, enseignants … même combat ! Tout est lié. Halte à la corporisation de la lutte, il faut au contraire la rendre universelle … !

  13. Tout à fait d’accord : tout est lié et la lutte en cours se doit d’être universelle…
    Puissent la solidarité et la fraternité reprendre sens…

  14. Plus de bus à Besançon !!! Ahhh ces grévistes , ces gauchistes …. Tu fais des kilomètres à pied à cause des conducteurs de bus en grèves pour aller acheter le dernier bouquin d’Alain Duhamel à la mode et pafff , débrayage à la librairie !!

    ça n’est pas Sarkozy qui disait qu’en France maintenant lorsqu’il y a une grève plus personne ne s’en rend compte …. :whistle:

  15. Ben, c’est vrai que quand les transports sont en grève, la télé et la radio itou, et si toi-même tu es en grève ou tes copains…, y a que Sarko et sa bande, enfermés dans leur tour d’ivoire, pour ne pas s’en rendre compte, jusqu’au jour où ça va leur péter à la gueule comme dans la bonne tradition française depuis 89 ça pète toujours à la gueule de ceux qui se livrent à l’exercice autocratique du pouvoir !

  16. Je reviens sur les propos de Laure ci-dessus.
    Quand on va dans une librairie, chez Camponovo par exemple, on est admiratif du savoir-faire et des connaissances des libraires avec qui vous discutez. Tous les auteurs leur sont connus, le contenu des livres aussi. Il faut une vraie compétence pour faire ça. Et qu’est-ce que j’apprends dans les propos de Laure ? Que ces libraires ne touchent guère plus de 1000 euros en général ! C’est un véritable scandale. Oui, je sais, c’est aussi un métier que l’on fait par goût, mais ce n’est pas une raison. Absolument pas une raison. Il y a des professions comme ça (il y en a sûrement d’autres aussi) qui sont laissées pour compte …

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