Les âneries de Pierre Louki (5)

Dans mon dernier article, j’ai cité un passage de Colloque sentimental de Paul Verlaine. En voici le texte entier.

Dans le vieux parc solitaire et glacé
Deux formes ont tout à l’heure passé.

Leurs yeux sont morts et leurs lèvres sont molles,
Et l’on entend à peine leurs paroles.

Dans le vieux parc solitaire et glacé
Deux spectres ont évoqué le passé.

-Te souvient-il de notre extase ancienne?
-Pourquoi voulez-vous donc qu’il m’en souvienne?

-Ton coeur bat-il toujours à mon seul nom?
Toujours vois tu mon âme en rêve? -Non.

-Ah! les beaux jours de bonheur indicible
Où nous joignions nos bouches! -C’est possible.

Qu’il était bleu, le ciel, et grand l’espoir!
-L’espoir a fui, vaincu, vers le ciel noir.

Tels ils marchaient dans les avoines folles,
Et la nuit seule entendit leurs paroles.

Le chanteur Pierre Louki (qui était très sportif, il s’entraînait même avec Michel Jazzy) a adapté ce texte avec beaucoup de liberté. Nous retrouvons ici ce même thème de la vieillesse mais dans la bouche de deux coureurs du Tour de France. J’ai souvent entendu Louki réciter ce texte sur scène entre deux chansons.

Dans le vieux col, en haut de l’Izoard,
Deux « Tour de France » ont une heure de retard.

– Te souvient-il de nos courses anciennes ?
– Je suis trop crevé pour qu’il m’en souvienne.

– Ton coeur bat-il toujours à en rêver ?
– Mon coeur est k o, je suis lessivé.

– Ah les beaux jours quand nous étions des cracks !
– Mon cadre, mes roues, mes rotules, tout craque !

– Le maillot jaune nous faisait s’envoler.
– Cette fois c’est cuit. On est hors délais.

Tels ils roulaient en souffrant des guiboles
Et la nuit seule entendit leurs paroles.

3 réflexions au sujet de “Les âneries de Pierre Louki (5)”

  1. Vieillir c’est garder sa jeunesse comme un beau souvenir
    C’est s’habituer à vivre un peu au ralenti
    Réapprendre son corps pour pouvoir s’interdire
    Ce que la veille encore on se savait permis
    Se dire à chaque fois lorsque l’aube se lève
    Que quoi que l’on y fasse on est plus vieux d’un jour
    A chaque cheveux gris se séparer d’un rêve
    Et lui dire tout bas un adieu sans retour

    Vieillir c’est se résigner à rester sur le rivage
    Espérer pour ses fils un avenir heureux
    C’est vivre dans son coin sans devenir sauvage
    Se laisser ignorer tout en restant près d’eux
    Et c’est pouvoir enfin apprivoiser l’amour
    Faire une symphonie aux accords de sagesse
    C’est aimer une femme pouvoir lui faire la cour
    Pour d’autres raisons que la plastique de ses fesses

    Vieillir ce n’est plus faire l’amour mais c’est faire la tendresse
    Ce n’est plus dire encore c’est murmurer toujours
    C’est sentir dans sa main une main qu’on caresse
    Et trembler à l’idée qu’elle vous quittera un jour
    Vivre dans un jardin où l’on peut s’attendrir
    Se prendre par le cœur et lui dire je t’aime
    Avouer qu’on l’a trompée mais osera-t-on lui dire
    Quand on sait maintenant qu’on s’est trompé soi-même

    Vieillir c’est s’inquiéter soudain du salut de son âme
    Entrer dans une église sans bien savoir pourquoi
    De tous les Saints Patrons devenir polygame
    Et avoir des frissons en regardant la croix
    C’est ignorer la fin d’un sketch qu’on a écrit
    Vouloir rejouer encore devant ses spectateurs
    En cherchant une réplique ou bien un mot d’esprit
    Tout en sachant très bien qu’on en n’est pas l’auteur

    Vieillir c’est s’en aller un jour sans jamais faire de vagues
    En une heure, un endroit qu’on ne choisira pas
    Sentir un soir quelqu’un qui souffle votre flamme
    Disparaître doucement parce que c’est comme ça
    Vieillir… Vieillir…

    (Jean-Marie Vivier)

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