A vos plumes ! (12)

Un article proposé par Maïvon
Voici la petite liste de mots que m’a soufflé Edward Hopper dont les tableaux sont en ce moment exposés au grand palais. J’espère qu’elle inspirera les habitués et les nouveaux adeptes de l’atelier d’écriture du blogadupdup.

Compartiment C, pièce, fenêtre, bureau, station-service, bistro, phare, vide, film, dimanche.

A vos plumes!

38 réflexions au sujet de “A vos plumes ! (12)”

  1. Il n’y a pas grand monde en ce dimanche matin dans le train. Tout juste quelques personnes ensommeillées. Certaines ont passé la nuit dans leur wagon et la lumière du lever du jour qui filtre par la fenêtre les réveille à peine.
    Il est 7 H lorsque je pénètre dans le compartiment C. La pièce est quasiment vide. Il n’y a sur la banquette qu’une seule personne. C’est une femme. Sans doute un peu moins de 40 ans. Elle soulève péniblement une paupière lorsque j’ouvre la porte, esquisse un vague sourire puis se rendort presque aussitôt. Je m’installe presque en face d’elle.
    Le train démarre. Les bâtiments défilent devant mes yeux de plus en plus vite : le bureau des voyageurs, la salle des pas perdus, le bistro de la gare … Les dernières lumières du dehors s’éteignent et il n’y a plus à travers la vitre qu’une vague pénombre car le train roule maintenant en rase-campagne. C’est à peine si de temps à autre je distingue un village, une église, une station-service …

    Je regarde cette femme et je la trouve belle. Très belle même. Mais je suis moi aussi dans un semi-sommeil. J’ai du mal à garder les yeux ouverts. Je ferme les paupières, les rouvre … et ainsi de suite. Je passe ainsi sans cesse d’un demi-sommeil à un semi-éveil. A chaque paupière levée je m’attarde un peu sur le visage de Marie. Car je ne sais pourquoi, j’imagine qu’elle s’appelle ainsi. Et ce prénom lui va bien. En sombrant de nouveau dans ma douce torpeur, des images délicieuses se bousculent dans ma tête, je me vois marchant à ses côtés et j’imagine ma peau effleurant la sienne. Je me fais donc mon petit film. Un film délicieux tiré d’un roman à l’eau de rose, un roman de hall de gare … Mais tout ne se passe pas que dans la tête, je sens mon sexe se durcir et je le sens qui pointe, tel un phare dressé vers les cieux. J’ouvre un oeil et je croise son regard. Elle me sourit tout en rougissant. A-t-elle vu ? Est-ce que moi aussi je rougis ?
    Je ferme les yeux et n’ose plus les ouvrir, un peu par crainte …
    Le train ralentit. Dans le micro une voix résonne : « Mesdames et Messieurs, nous arrivons en gare de Montbard. Montbard, deux minutes d’arrêt ». Et Marie se lève, prend son manteau et sa petite valise. Elle me jette un dernier petit regard dans lequel je crois discerner une certaine émotion, un dernier sourire, ouvre la porte et la referme aussitôt Elle ne s’est pas retournée vers moi. A t-elle eu envie de le faire ?
    Et je reste là comme un con.
    Le train redémarre.
    Je suis sur ma banquette, immobile, le regard figé.
    Une chanson me vient en force dans ma tête. Il s’agit du texte d’Antoine Pol que Brassens a magnifiquement mis en musique : Les Passantes.

    A la compagne de voyage
    Dont les yeux, charmant paysage
    Font paraître court le chemin
    Qu’on est seul, peut-être, à comprendre
    Et qu’on laisse pourtant descendre
    Sans avoir effleuré sa main
    .

    Je pousse un petit soupir. Je crois qu’une larme perle sur ma joue.

  2. Kercoat dimanche matin,
    La brume épaisse m’empêche de voir la mer, je l’entends qui gronde derrière les dunes , ça fait un peu début de film d’horreur avec ce rayon de lune qui arrive à percer les nuages de temps en temps et le cri de cette chouette qui tourne au-dessus de la grange . Vent de nord-ouest, ça sent la pluie pour les jours qui viennent. Pas le temps de se lamenter, il faut nourrir les bêtes alors qu’il fait encore nuit , puis ouvrir le bistro avant 7h00. Hier soir, il y eu du monde, des verres et une bouteille vide trônent sur le vieux comptoir en zinc, il faut ranger un peu tout ça avant que n’arrive le premier client, Yann Bihan, un ancien gardien de phare, très gentil mais qui raconte toujours la même histoire , depuis qu’une vague est venue briser la porte de sa maison, ça lui a un peu tourné la tête le bougre ! Le kig ar farz est déjà entrain de cuire pour le repas de midi, ça sent bien bon, mais il faudrait aérer, il y a de la buée sur la seule petite fenêtre sans poignée , elle est tellement petite , qu’il faut continuellement la lumière d’un néon au dessus du zinc . Je mets un bon morceau de bois dans la cheminée pour tenter de faire disparaître cette sensation de froid qui me donne quelques frissons. Il y a vingt ans, le bistro faisait aussi station-service, mais depuis l’ouverture du supermarché de la ville, chez nous les cuves sont vides . Il faut dire qu’il n’y a pas beaucoup de voitures à s’aventurer juste qu’ici. Les clients sont des habitués, ils viennent à pied ou à vélo , profitant de l’air iodé. Ah, voilà Yann, toujours à l’heure, il entre , commande un verre de rouge , le journal … Et comme tous les jours , direction le compartiment C , et oui , il y a bien longtemps que le W est tombé de la porte . Sur l’autre porte est inscrit bureau, c’est là que le grand père faisait les comptes des pêcheurs du coin, de plus, le seul téléphone à 20 kilomètres à la ronde se trouvait dans cette pièce. Allez , je vous laisse , j’entends le camion de lait qui arrive . Et oui , ici , même le dimanche les vaches donnent du lait !
    :wink:
    Kenavo .

  3. excellente, la trouvaille du compartiment C!!
    Yves nous concocte des histoires de la mer et c’est toujours super; on sent que sa Bretagne, les paysages, la vie de là-bas l’inspirent …

  4. Bon week-end !
    C’est le leit-motiv de la fin de semaine travaillée. Même chômée. Même retraitée. Même pour ceux qui travaillent pendant. Et même quand on sait qu’il ne sera pas bon ou meilleur que le reste, même s’il s’annonce terrible pour la personne qui le souhaite, qu’il soit théoriquement doux à l’autre rassure.
    Bon week-end quand même !
    Et le dimanche soir, c’est déjà avant le lundi ; le samedi, le temps de se retourner c’est déjà le soir, vite vu au dimanche si on traîne la nuit. Vache !

    Seule alternative à ce temps qui s’écroule par à coups, la potion d’éternité.
    1. Passage à la station-service, savourer chaque dixième ou centième d’euro, de litre, distillé par la pompe. C’est à chaque fois que le réservoir se remplit une augmentation de la capacité à s’éloigner. Moi, avec un plein, je pourrais atteindre le phare d’Eckmühl, Texel, la Camargue et cette simple perspective me plaît. Mais pas trop vite, par pitié : pour le finistère, ce serait trop juste !
    2. Pas de bagnole, plus d’essence, le manque est arrivé… Je m’en doutais ! Alors là, c’est simple, direction le bureau, table rase, c’est vide en dix secondes. Un tour au bistrot, une petite goulée d’odeurs, de saveurs et d’humeurs. Tables pleines.
    3. Flûte ! Plus une thune pour ma bière, mais la dernière ne coulera qu’avec moi… Il me reste la fenêtre, et pour peu que j’y arrête le cours de mes pensées, j’ai quitté la pièce, je voyage bien loin, aujourd’hui c’est le compartiment C d’un TER, garni de comparses qui se font un autre film. Gratuit. Ciné-club à la Hopper.
    4. Merde, c’est déjà dimanche, il me reste le plan B : dans la pièce du fond, le bureau. Dans le bureau, une boîte en fer avec un phare dessus. Dans la boîte, le remède au traîne-bistrot : des vitamines ! C’est ma station-service, compartiment C, goût orange (Tiens le A est vide ?). Direction la télé, pour le film du dimanche soir, la fenêtre des pauvres.
    Bon week-end.

  5. Compartiment C, bâtiment VIII, ce sont les indications de ma convocation insolite, un dimanche matin à 6h15.
    Le planton dans sa guérite prend ma pièce d’identité, me regarde froidement et me donne un plan du site en me montrant le trajet pour rejoindre le bâtiment VIII. Celui-ci n’est pas des plus simples. Heureusement, il semble y avoir des repères facilitants : un phare, une station-service, le mess, bistro de la caserne.
    La base aux bâtiments vieillots semble vide, désertée comme désaffectée. On pourrait se croire dans un studio de cinéma avant que ne reprenne le tournage d’un film de Coppola.
    J’essaie de me localiser. Il fait encore nuit et le phare, de son faisceau puissant, balaye la mer sur laquelle j’aperçois les ombres imposantes que sont les croiseurs et autres frégates. Plus loin, une masse occulte l’horizon : le porte-avion à propulsion nucléaire qui m’intéresse. Quelle allure ! Ce genre de bâtiment fait ma fierté de travailler dans la marine.
    La lumière blafarde des lampadaires disséminés parcimonieusement me permet d’atteindre le mess où je fais une halte car il n’est encore que 5h45. Eh, oui, comme à mon habitude je suis en avance : ma peur maladive d’être en retard m’empêche d’arriver à l’heure. De la fenêtre éclairant l’allée, j’aperçois la pièce à cette heure quasiment vide. Seuls deux gars en uniforme, au comptoir, tentent de se réveiller devant deux tasses de café. Le serveur en tenue impeccable réinstalle tables et chaises. J’entre sous le regard pénétrant des occupants du bistro qui interroge ma présence. Au barman, je signifie mon avance pour une convocation Bâtiment VIII, compartiment C et commande un double expresso. Les gars me disent :
    « T’auras pas de mal à trouver le bâtiment que tu cherches, il se trouve juste à côté de la station-service qui est toujours bien éclairée ».
    – Je ne comprends pas pourquoi je suis convoqué si tôt. »
    -Tu es mécano marine ?
    -Oui, je suis spécialiste des moteurs à propulsion nucléaire, je viens spécialement de la base de Toulon, arrivé hier à la gare de Brest.
    -Le porte-avion doit partir en mission d’ici 3 jours et les gars n’ont pas réussi à situer le problème. Il y a donc urgence.
    -Ah, d’accord ! Ça m’éclaire sur cette heure matinale, il va falloir que je sois très vite opérant. Heureusement, à Toulon on a eu le même problème sur le sous-marin « le Vigilant ». Si l’équipe est compétente, ça devrait se faire dans les temps. Merci les gars pour ces infos. Bonne journée ! »
    Ce café m’a fait du bien, je me dirige d’un pas décidé et trouve sans difficulté le bâtiment VIII. Un seul bureau est éclairé, je m’y présente. C’est bien le compartiment C. Deux gaillards en bleu de chauffe m’accueillent :
    « Ah, ça y est, voilà celui qui va nous aider à trouver et à résoudre la panne. Bienvenue Patrice! Moi, c’est Christian, lui c’est Gilbert. Ça fait trois jours qu’on trime sans relâche mais sans résultat. On t’attendait avec impatience.
    -Bon, si j’ai bien compris, il faut que j’enfile le bleu dare-dare. Pas le temps de rêver !
    -T’as le vestiaire dans la pièce d’à côté. Nous on est prêts, le canot nous attend pour y aller.
    -Ok, je m’active. »
    A 6h25, je suis opérationnel et on prend la mer pour rejoindre le porte-avion.
    Après 14h de travail acharné, avec juste deux pauses-sandwiches, le moteur II est efficient : le Charles de Gaulle pourra partir en mission dès mercredi comme prévu.
    Ce que je n’avais pas anticipé, c’est que par peur d’une nouvelle panne, il faut que j’appareille aussi pour une mission de 6 semaines. Il va falloir que je passe à l’intendance et que je me contente d’affaires qui ne sont pas les miennes. Et surtout, ce qui m’affecte le plus c’est d’être éloigné de ma famille encore une fois.
    Ah, dure vie de mécano-marine ! Vivement la retraite !

  6. France Inter a passé une journée à Brest récemment, quelques bribes ont sans doute retenu mon attention…

  7. Ce dimanche, par la fenêtre du Compartiment C, loin du bu bureau, une pièce vide maintenant, j’avais aperçu la station-service tout près du « bistro du phare », là ou picole le Bernard, en pensant « tout cela ne vaut pas un clair de lune à Maubeuge, un bon film, ou le Blogadupdup !  »
    Je n’ai pas trouvé plus court …. :silly:
    Plus sérieusement, j’adore ces tableaux d’ Edward Hopper :wub:

  8. Dimanche soir, deuxième partie de soirée, le film : compartiment C – voiture 293 , un phare blafard, une station-service au bureau éclairé dont une fenêtre donne sur une pièce vide, un bistro glauque…Tout est réuni pour un polar noir.

  9. Il sirote son café-crème sur la toile cirée de l’unique bistro, bureau de tabac, station-service, qui jouxte la gare et la frontière. A travers la fenêtre, salie par le sel et le vent, le phare jette son oeil, sa pupille est précise, et son regard défile, tisse les jours sans importance, la dentelle, poulet rôti et pommes frites du dimanche, où les vides écrivent, en noir et blanc, un montage muet. En main, dans la poche, un ticket, « compartiment C », c’est l’heure de partir.

  10. Il fait froid et au dehors la neige tombe dru. Je ne la vois pas. Mon regard est vide. Définitivement vide.
    Je suis coincé dans ce baraquement, le compartiment C comme ils disent. Car ici tout n’est que chiffres ou lettres. Ainsi je porte la matricule B2356.
    Dehors des gens aboient des ordres que je ne comprends pas. Que j’ai entendus mais que je n’entends plus.
    Je suis arrivé par un train venu de Lille. Il faisait nuit pendant tout le voyage. Disons plutôt qu’il a dû faire jour mais que le wagon était sans fenêtre.
    Je me raccroche à quelques images de mon ancienne vie : la petite station-service que je tenais, le bistro « aux bons copains » où j’allais boire un verre tous les soirs, Emilienne qui rentrait du bureau avec son large sourire, notre séjour à la mer auprès du phare de Trézien et Armelle qui n’avait que deux ans et qui grimpait sur mes genoux en me tirant la moustache. Le souvenir, c’est tout ce qu’il me reste.
    Ici, le temps n’a plus cours. Personne ne sait si l’on est dimanche ou lundi. De toute façon, ça n’a plus d’importance.
    J’ai vu mourir tant et tant de gens.
    Je prie pour qu’il n’y ait pas de survivants. Comment pourraient-ils vivre ensuite?
    La vie ici n’est qu’un mauvais film.
    Un film qui a pour nom « Auschwitz ».

  11. Le Boréal Express
    Après leur film du dimanche soir, Papa et maman sont montés se coucher dans leur chambre, la pièce juste à côté de la mienne. Mais moi, je n’arrive pas à dormir.
    Demain, c’est Noël. Je voudrais tellement voir le Père Noël et surtout ses rennes.
    Je me lève et, sans faire de bruit, me dirige jusqu’au bureau de mon père dont une fenêtre donne sur la rue. La petite place au coin de la maison est vide. La station-service et le bistro sont éteints. Tout le monde dort et la nuit est très noire.
    Soudain, deux phares illuminent la rue, s’approchent, et un train magique s’arrête devant la porte de ma maison. En chaussettes et en pyjama, je sors et monte dans le train. On me conduit dans le compartiment C ou se trouvent déjà d’autres enfants de mon âge.
    Nous sommes dans le Boréal Express …
    Le train qui conduit au pôle nord chez le Père Noël.

  12. A propos du Pôle Nord …
    Le dernier hors-série de La Recherche est consacré aux pôles.
    Particulièrement intéressant. Passionnant même.
    Lecture recommandée :smile:

  13. On me fait entrer dans une pièce sans fenêtre. Elle est découpée en compartiments. Dans le compartiment C, il y a un bureau, je m’assois derrière. On me montre un film. Il y a une femme dans un phare, on me dit que c’est la serveuse du bistro. Paraît qu’elle est passée à la station-service avant. Avant quoi, j’y comprends rien. Avant dimanche …
    Tout à coup, c’est le vide dans ma tête.

  14. « A propos du Pôle Nord …
    Le dernier hors-série de La Recherche est consacré aux pôles.
    Particulièrement intéressant. Passionnant même.
    Lecture recommandée »
    Et le numéro de décembre consacré (entre autres) aux OGM… ! :blink:

  15. Pas encore lu … Je l’attaque après les pôles :wink:
    Encore un petit ? …

    Alzheimer
    Petit déjeuner … Il faut que je colorie mon petit-déjeuner … Où est le pain ? Ah ! Dans le panier. Non, il n’est pas là. Il faut que j’achète du pain. Sur quoi j’achète mon pain ? Ah ! Dans le phare, non, dans le bar, non, dans le bistro. Non, le bistro, c’est pour la viande. Qui j’achète mon pain ? Ah ! Chez monsieur station service. Oui, c’est ça.
    Bon, il faut que je prenne des sous. Où sont mes sous ? … Dans la boite !
    Oui, c’est ça, dans la boite qui est dans le bulldozer … Dans le bureau …
    Alors … le compartiment A … A … A … le B … Il n’y a rien qu’une toute petite pièce dans le compartiment A, non B. Le compartiment C …Rien. !
    Alors … A, B, C, le A, le B, le C, ma tête est vide.
    Les sous dans la boite. La boite dans le bulldozer. Le compartiment A … Le B … Le C …
    Je chercherai les papillons tout à l’heure.
    Je vais plutôt regarder un film au frigo.
    Le journal pour les films … Sur la télévision … Quel jour ? On est quel jour, Mercredi ? Ventre ? Dimanche ?
    Ah ! Y’a un film à la fenêtre …

  16. Entre ce qu’on a envie de dire, ce qu’on dit réellement, la manière dont on le dit, ce que l’autre aimerait entendre, ce qu’il entend réellement, ce qu’il comprend et ce qu’il interprète … il y a un monde !

    Il est donc normal que l’on puisse trouver le texte d’Etincelle très drôle ! D’autant plus que l’on peut imaginer qu’il s’agit d’un texte raconté avec beaucoup d’auto-dérision. Et l’auto-dérision est presque toujours drôle !

  17. C’est bien là la difficulté de ces échanges par écrans interposés.
    D’ailleurs, si je n’ai pas pensé, en l’écrivant, que ce texte pouvait être drôle, je n’ai pas été choquée que Maïvon l’ait trouvé drôle.
    Une fois mon commentaire de réponse à son « très drôle » envoyé, je l’ai immédiatement regretté (et j’avoue que cela m’a pas mal turlupinée) car je me suis rendue compte que la phrase « C’est plus triste que drôle il me semble. » n’exprimait pas du tout ce que je voulais dire.
    En fait je voulais dire « Non, en fait, c’est triste » mais pas du tout avec une connotation de reproche, contrairement à l’autre phrase qui ressortait assez sèchement.
    Pas très douée l’Etincelle pour la diplomatie :biggrin:

  18. « Et l’auto-dérision est presque toujours drôle ! »…..
    Pour les biblistes : lu dans une épaule de saint Pitre : « Heureux ceux qui savent rire d’eux mêmes, ils n’ont pas fini de se fendre la gueule »

  19. J’adore cette petite phrase (sans doute plus grande qu’il n’y paraît) de Saint Pitre. Une excellente définition de l’humour, pour moi, tandis que c’est malheureusement l’ironie qui fait trop souvent le fond de commerce des humoristes.
    Un petit commentaire sur les textes publiés, très sympas ; on y retrouve effectivement l’univers des habitués comme de belles trouvailles, un univers souvent pas hyper gai, mais avec Hopper et les mots à placer, c’était un peu normal.
    J’aime en particulier bien l’idée que quelqu’un qui arrive très en avance est quelqu’un qui n’est pas à l’heure !

  20. « un univers souvent pas hyper gai, mais avec Hopper et les mots à placer, c’était un peu normal. »
    Etrange univers de Hopper : des solitudes juxtaposées dans un monde de contrastes et de couleurs qu’elles semblent ne pas voir… le vide qui rempli l’espace, des lieux inhabités, ou plutôt habités d’une profonde solitude. Rien de vraiment gai, mais rien de vraiment triste non plus. La simplicité de l’habitude, le vide du geste machinal, du décor journalier que l’on ne voit plus… qui deviennent magnifiques dans leur banalité par la magie du regard de l’artiste. C’est très fort. :blink:

  21. Bonsoir,
    Le texte d’EtiNcelLe – Alzheimer – me plaît beaucoup ; thème douloureux, il est vrai. Cependant, il m’évoque les monologues de ce théâtre de l’absurde qui exprime, à mon sens, la tragédie humaine dans son incommunicabilité.
    Par ailleurs, mais je ne sais si vous êtes cinéphiles, les oeuvres d’E. Hopper font surgir les images de certains cinéastes : je pense aux frères Coen, à A. Hitchcock notamment.

  22. Jolies références. La solitude est connotée négativement, c’est compréhensible mais aussi étonnant car elle est constructive si elle est choisie. Les tableaux de Hopper et les rapprochements littéraires ou cinématographiques effectués ici témoignent d’une autre dimension qui me plaît bien, celle de l’absurde qui atteint actuellement des sommets.
    Un extrait de Jean Tardieu, un autre bel explorateur de l’humain, même si on peut me juger hors sujet.

    Décor: un salon plus « 1900 » que nature.
    Au lever du rideau, Madame est seule. Elle est assise sur un « sopha » et lit un
    livre.
    IRMA, (entrant et apportant le courrier.) – Madame, la poterne vient d’élimer le fourrage…
    (Elle tend le courrier à Madame, puis reste plantée devant elle, dans une attitude renfrognée et boudeuse.)
    MADAME, (prenant le courrier. )- C’est tronc !. .. Sourcil bien !. .. (Elle commence à examiner les lettres puis, s’apercevant qu’Irma est toujours là ) Eh bien, ma quille! Pourquoi serpez-vous là ? (Geste de congédiement.) Vous pouvez vidanger !
    IRMA. – C’est que, Madame, c’est que.. .
    MADAME. – C’est que, c’est que, c’est que quoi-quoi?
    IRMA. – C’est que je n’ai plus de « Pull-over » pour la crécelle.. .
    MADAME, (prend son grand sac posé à terre à côté d’elle et après une recherche qui paraît laborieuse, en tire une pièce de monnaie qu’elle tend à Irma.) – Gloussez ! Voici cinq gaulois! Loupez chez le petit soutier d’en face : c’est le moins foreur du panier…
    IRMA, (prenant la pièce comme à regret, la tourne et la retourne entre ses mains, puis.) – Madame, c’est pas trou : yaque, yaque…
    MADAME. – Quoi-quoi : yaque-yaque ?
    IRMA, (prenant son élan.) – Y-a que, Madame, yaque j’ai pas de gravats pour mes haridelles, plus de stuc pour le bafouillis de ce soir, plus d’entregent pour friser les mouches… plus rien dans le parloir, plus rien pour émonder, plus rien… plus rien… (Elle fond en larmes.)
    MADAME, (après avoir vainement exploré son sac de nouveau et l’avoir montré à Irma.) – Et moi non plus, Irma ! Ratissez : rien dans ma limande !
    IRMA, (levant les bras au ciel.) – Alors ! Qu’allons-nous mariner, Mon Pieu ?
    MADAME, (éclatant soudain de rire.) – Bonne quille, bon beurre ! Ne plumez pas ! J’arrime le Comte d’un croissant à l’autre. (Confidentielle.) Il me doit plus de 30 cinq cents crocus !
    IRMA, (méfiante.) – Tant fieu s’il grogne à la godille, mais tant frit s’il mord au Saupiquet !… (Reprenant sa litanie:) Et moi qui n’ai plus ni froc ni gel pour la meulière, plus d’arpège pour les…
    MADAME, (l’interrompant avec agacement.) – Salsifis! Je vous le plie et le replie : le Comte me doit des lions d’or ! Pas plus lard que demain. Nous fourrons dans les grands Argousins : vous aurez tout ce qu’il clôt. Et maintenant, retournez à la basoche ! Laissez-moi saoule ! (Montrant son livre.) Laissez-moi filer ce dormant ! Allez, allez ! Croupissez ! Croupissez !
    (Irma se retire en maugréant. Un temps. Puis la sonnette de lentrée retentit au loin.)
    IRMA, (entrant. Bas à l’oreille de Madame et avec inquiétude.) – C’est Madame de Perleminouze, je fris bien : Madame (elle insiste sur « Madame »), Madame de Perleminouze !
    MADAME, (un doigt sur les lèvres, fait signe à Irma de se taire, puis, à voix haute et joyeuse.) – Ah ! Quelle grappe ! Faites-la vite grossir !
    (Irma sort. Madame, en attendant le visiteuse, se met au piano et joue. Il en sort un tout petit air de boîte à musique. Retour d’Irma, suivie de Madame de Perleminouze.)
    IRMA, (annonçant.) – Madame la Comtesse de Perleminouze !
    MADAME, (fermant le piano et allant au-devant de son amie.) – Chère, très chère peluche ! Depuis combien de trous, depuis combien de galets n’avais-je pas eu le mitron de vous sucrer !
    MADAME DE PERLEMINOUZE, (très affectée.) – Hélas ! Chère ! J’étais moi-même très, très vitreuse ! Mes trois plus jeunes tourteaux ont eu la citronnade, l’un après l’autre. Pendant tout le début du corsaire, je n’ai fait que nicher des moulins, courir chez le ludion ou chez le tabouret, j’ai passé des puits à surveiller leur carbure, à leur donner des pinces et des moussons. Bref, je n’ai pas eu une minette à moi.
    MADAME. – Pauvre chère ! Et moi qui ne me grattais de rien !
    Jean Tardieu, La comédie du langage.

  23. Allez!Un petit dernier…

    Dimanche matin, sous un soleil brumeux, je marche tranquillement le long de la voie ferrée désaffectée. J’ai en tête les tableaux d’Edward Hopper visionnés la veille sur la toile.
    Je m’imagine voyageant en 1938, dans le compartiment C- voiture 293, un livre à la main, très concentrée.
    Je lève la tête, apercevant au loin un phare dont le faisceau éclaire une station-service aux antiques pompes rouges à la peinture écaillée. Plus loin, la gare. Une gare fantôme ? Non, une gare dont une fenêtre s’ouvre sur un bureau, pièce vide éclairée d’une lueur blafarde dont les ombres suggèrent à mon imagination libérée, deux formes humaines en plein travail.
    Comme dans un film, le train s’arrête, j’en descends et me dirige vers le bistro où le barman en tenue impeccable sert trois clients accoudés au comptoir.
    Le dimanche matin, dans la brume, tout est permis, même les rêves les plus improbables. Les trains voyagent en univers hopperesque où les lumières magnifiées éclairent des scènes calibrées, des bâtiments aux lignes impeccables, des paysages aux couleurs ajustées, des personnages dont les pensées nous surprennent.
    Le dimanche matin dans la brume, tout est permis…

  24. Encore un p’tit!

    Ce matin de ma fenêtre, comme dans un film, j’aperçois la gare au bureau vide comme une pièce désertée par ses occupants. Il est vrai que le dimanche il n’y a que deux trains. Du compartiment C de celui de 9h sortiront des familles endimanchées qui y remonteront à 18h. Entre deux, au bistro, le chef de gare se joindra comme tous les dimanches aux promeneurs motorisés qui viennent s’y abreuver après avoir complété le réservoir de leurs belles autos lustrées, aux antiques pompes de la station-service. Le phare, au loin, se dresse majestueux, promettant un paysage de bord de mer idéal pour une balade en famille.
    Pour moi, ce sera un jour comme un autre, aussi désœuvré, passé devant ma fenêtre à regarder ce qui ne sera jamais le quotidien d’un homme privé de liberté de mouvement, isolé, ne pouvant que s’imaginer une vie plus active dans un monde plus adapté.

  25. Elle avait répondu à mon annonce sur le net : « Homme seul. 48 ans. Cadre supérieur. Cherche âme soeur pour partager passions : nature, musique et choses simples. Et plus si affinités ».
    J’avais envie d’en finir avec le vide de ma vie, avec cette existence de solitude qui me menait chaque jour de la maison au bureau, du bureau à la maison et ainsi de suite.
    Je n’avais pas eu beaucoup de réponses. 5 au total. Dont celle de Liz.
    S’ensuivit alors une longue correspondance par courriels.
    J’ai appris à aimer Liz au travers des mots qu’elle m’écrivait.
    Mais je n’osais pas la rencontrer.
    Jusqu’au moment plus il ne fut plus possible de reculer.
    Alors où, ce rendez-vous ?
    Je suis romantique et j’aurais aimé que cela se passe au sommet d’une montagne, devant un château ou au pied d’un phare. Voire dans un bistro de Montmartre. Car c’est là que je suis né et c’est là aussi que sont mes souvenirs d’enfance, au beau milieu d’une station-service que tenait mon père.
    Elle m’a proposé le 14 mars dans le train Paris-Marseille, voiture 18, compartiment C.
    Alors me voici dans le train.
    C’est dimanche.
    Nous sommes 6 dans la pièce : un autre homme, quatre femmes et moi-même.
    Parmi les quatre femmes il y a Liz. Qui est-ce ?
    A plusieurs reprises je croise le regard de mes compagnes de voyage.
    Etant timide de nature, je suis parfois gêné et dirige mon regard du côté de la fenêtre du wagon.
    Chacune d’entre elles pourrait être Liz. Mais qui précisément ?
    L’une est beaucoup trop jeune pour être Liz. Mais qui sait ?
    La deuxième me semble trop jolie pour avoir répondu à une annonce dans un journal. Mais là aussi, qui sait ce qu’il se passe dans la tête des uns et des autres ?
    La troisième est celle qui me regarde le plus souvent mais je n’arrive rien à déceler dans son regard. Aucune émotion. Rien.
    La quatrième, au contraire, baisse souvent les yeux et me semble presque introvertie. Est-ce elle ? Peut-être !
    Nous voici arrivés à Lyon, c’est à peu près la mi-parcours.
    Alors que je ne m’y attends pas, elles se lèvent toutes, prennent leurs bagages et descendent à la gare. L’autre homme aussi.
    Me voici resté seul dans le wagon.
    J’ai l’impression détestable d’avoir été observé puis jeté à la poubelle comme un malpropre.
    Je replonge dans ma solitude. Je suis sans espérance et le train redémarre vers mon pauvre destin.
    Mais au bout de dix minutes, alors que les dernières maisons de la banlieue lyonnaise défilent derrière la vitre et que le train prend de la vitesse, la porte du compartiment s’ouvre et une dame apparaît. Elle est belle.
    Et en un seul regard, je sais qu’il s’agit de Liz.
    La suite est un véritable roman, pour ne pas dire un film.
    Mais ce sera pour une autre fois.

  26. Les commentaires se raréfient… Merci à tous pour votre participation à ce « A vos plumes » hopperesque. Bravo pour ces sympathiques textes ayant chacun leur attrait et leur caractère. Merci Bernard d’avoir hébergé ma sélection de mots et publié les photos.
    Les mots me manquent pour l’identification des petites bêtes, mais je suis ça de près.

  27. Je rangeais mes dossiers dans le compartiment C de mon bureau. Une fois cela fait, je restai quelques secondes, pensive. Je contemplai en silence mon écran d’ordinateur. Enfin, je me décidai à me lever. Puis je sortis de la pièce. Dans le couloir, je regardai par la fenêtre. Pourtant, la vue n’était pas magnifique. Je me remis à marcher en soupirant et passai devant un autre bureau. Puis mon téléphone sonna. Je le sortis de ma poche, décrochai et le portai à mon oreille. C’était le mécano de la station-service. Je pouvais venir récupérer ma voiture aux alentours de midi. Et il m’invita à venir boire un coup au Bistro du Phare juste à côté. Tout d’abord, je ne répondis rien et jetai un rapide regard dans la pièce où je me trouvais. Vide. Tant mieux. Si mes collègues avaient eu vent de ce « rendez-vous » avec le mécano, elles n’auraient pas cessé de me taquiner en me disant « A quand le mariage? ». Je bredouillai une réponse favorable à sa proposition. Avant de raccrocher, il me proposa d’aller voir un film demain. Dimanche. Il ne voulait pas me lâcher, à présent que j’avais accepté de « boire un coup » avec lui. Il faudrait encore que je trouve un prétexte pour m’en débarrasser.
    Et pour ça, j’allais demander à mes collègues! Elles étaient toujours prêtes à donner un petit coup de main! :angel:

Laisser un commentaire

:D :-) :( :o 8O :? 8) :lol: :x :P :oops: :cry: :evil: :twisted: :roll: :wink: :!: :?: :idea: :arrow: :| :mrgreen: