Antony & the Johnsons (1)

Question musique, j’essaie d’être à l’affût de nouveautés, mais je dois dire que j’ai du mal à trouver, dans la production actuelle, des disques qui retiennent vraiment mon attention. J’ai l’impression que le jazz tourne un peu en rond (malgré le flirt avec les musiques du monde et la musique électronique), que la chanson française a du mal à se démarquer de Bénabar, Sanséverino, les Têtes raides & Co. Mes coups de coeur des dernières années sont peu nombreux, ils s’appellent Devendra Banhart, Sufjan Stevens, Anouar Brahem, Bright Eyes … et c’est à peu près tout !

Cette semaine, Steph m’a prêté un petit bijou : le disque s’appelle « I am a bird now » d’Antony & the Johnsons.

Dès les premières notes, on est conquis par la charge émotive de la voix. Celle-ci est étonnante, faite de fragilité et de délicatesse, toujours un peu « sur le fil du rasoir ». C’est une voix androgyne, on sent tout au long du disque la personnalité troublante d’Antony. Sur le site d’Amazon, un auditeur écrit : « Par bien des aspects, l’intensité des chansons d’antony n’est pas sans rappeler la douleur des lieds de Schubert, hantés par la quête de l’amour et le sentiment de ne pas appartenir au monde (voir le Voyage d’Hiver). Et le choix d’avoir mis en musique le poëme d’Edgar Poe « The Lake » me semble confirmer cette filiation avec les romantiques du XIXème siècle. »

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De multiples influences traversent ce disque. Les premiers mots chantés m’ont aussitôt fait pensé à Tracy Chapmann mais très vite, j’ai senti une filiation directe avec la voix et la manière de chanter de Bryan Ferry, dans ses premiers disques avec Roxy Music. Le climat qui s’installe est aussi celui que l’on trouve sur les disques de Robert Wyatt. On sent aussi une fêlure, quelque chose de très fragile, qui n’est pas sans rappeler Tom Waits ou Devandra Banhart (qui est l’une des mes découvertes de la dernière année et qui est d’ailleurs un ami d’Antony). Antony est donc un chanteur « sous influence », mais malgré toutes ces références à d’autres artistes, on sent derrière sa voix et sa musique une personnalité hors du commun, faite « de douleur et de quête d’identité » (référence au texte du même auditeur).

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Si vous aimez les voix qui racontent quelque chose, attardez-vous auprès d’Antony & the Johnsons, vous ne pouvez qu’être conquis(e) !

10 réflexions au sujet de “Antony & the Johnsons (1)”

  1. Là, Bernard, tu me fais plonger dans un monde totalement inconnu !
    J’avoue mon ignorance en la matière, sauf pour les lieder de Schubert…. mais c’est loin du sujet.
    On va suivre tes conseils… mais pour les voix androgynes je reste,pour longtemps encore, sous le charme d’Alfred Deller quand il chante Purcell ….

  2. Roland,
    Oui, évidemment, la comparaison avec Schubert est surfaite, on est quand même loin de la richesse musicale de ses trois cycles de lieders. Mais il y une douleur et une fêlure qui s’y apparentent un peu, notamment avec les deux cycles de lieders les plus sombres : le voyage d’hiver et le chant du cygne. Je me suis toujours demandé comment un musicien aussi jeune (Schubert est mort à 31 ans) avait pu composé des musiques aussi matures et aussi abouties (on pourait d’ailleurs faire le même type réflexion pour le Stabat Mater, composé par Pergolesi, mort … à 26 ans seulement !).
    Quant à Alfred Deller, si tu me prends par les sentiments, oui, le summum dans ce type de voix a sans doute été atteint par ce fabuleux haute-contre. Il suffit d’avoir écouté une fois seulement music for a while de Purcell pour en être durablement marqué.

  3. Merci pour l’article… et les liens. Super !

    Il exerce un vrai « charme » c’est indéniable cet Antony (il n’a qu’un prénom ? comme un héros de télé-réalité ?)… et il semble avoir créé un véritable « univers ». Difficile, du coup de le comparer à un simple « interprète », aussi fameux (et novateur) qu’Alfred Deller, même s’il y a un lien assez évident qui peut se faire : il ne sont pas si fréquents ces « mâles » qui osent la fragilité de la voix de tête (quoique je crois avoir entendu un jour que Deller justement ne chantait pas en voix de fausset).

    J’ai pensé aussi à Klaus Nomi, vous vous souvenez ? Il ne chantait pas justement du Purcell ? (Je crois me souvenir que c’est une des premières « célébrités » morte du sida, jeme trompe ?).

    PS : à quand un article sur les mérites comparés d’Alfred Deller et René Jacobs ? (et pourquoi pas les « contretenors » ou « haute-contres » actuels)… avec quelques liens, bien sûr !
    (Dis Bernard, tu le trouves où le temps pour t’occuper de tout ça ?)

  4. Oui, c’est une idée, un commentaire sur les voix de contreténors. Mais d’ici là, faut que je bosse un peu le sujet, je connais plus les anciens (morts, pour certains) que les nouveaux.
    (Dis Vincent, tu le trouves où le temps pour t’occuper de tous ces commentaires ?)

  5. Le trop court extrait en mp3 donne vraiment envie d’en entendre plus.
    Bernard, je te conseille d’écouter les disques de Richmond Fontaine et de Cat Power. Comme toi, Devendra Banhart et Bright Eyes font partie de mes dernières découvertes coup de coeur et je n’ai pas de mots pour dire pourquoi je les mets dans une même famille.
    Si tu ne les connais pas encore, je te prêterai les disques… ça me ferait vraiment plaisir de te faire faire une découverte musicale

  6. Anne, OK pour le prêt de disques de Richmond Fontaine et Cat Power. Je ne connais ni l’un ni l’autre, mais comme jaime découvrir des choses nouvelles … ! Merci par avance.

  7. concernant Anthony & the Johnsons, je viens d’écrire ce texte, qui part de la traduction de la chanson « phare », de cet interprète; « Hope there’ll been someone. »

    Cà n’a pas vocation à être une copie conforme, mais garder l’esprit de ce qui est dit – et du ressenti à l’écoute

    que je vous livre en avant-première…

    Où poser ma tête, avec ce fantôme à l’horizon de mes jours ?
    Comment pourrais-je dormir encore et suivre la nuit ?

    Dans ce no man’s land, de l’étendue nocturne
    Survivre aussi, entre la lumière et le vide

    Je ne veux pas être celui qui sera laissé là
    Laissé pour compte, à la seule attente.

    Si je tombe aux pieds du prêtre, du mage,
    Afin qu’il puisse me donner la lueur d’un jour d’espoir

    Acceptera-t-il que ma tête se repose ?
    Et vienne m’offrir de la guérison, -le refuge ?

    Alors me voici, espérant ne pas me noyer
    Ou être paralysé dans la lumière soudaine..

    Et, non d’un chien je ne veux pas aller
    Jouer au funambule, sur le fil du temps

    Il y a encore des jours, qui succéderont aux nuits
    Et le parcours, peut être encore accompli sans l’ennui

    RC

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