« A pleurer de honte », nous dit Martine Gozlan

Désolé pour ceux qui pensaient que mon blog s’assagirait. Je l’ai sous-entendu dans mon article de vendredi dernier, lorsque j’ai parlé de l’importance de l’engagement : je monte désormais au créneau. Il se passe beaucoup de choses graves aujourd’hui dans notre société et on voit un peu partout que les valeurs essentielles qui fondent notre république ne coulent plus de source, elles ne sont plus forcément des valeurs référentes pour tous. Je me suis jusqu’à présent réfreiné dans l’écriture de certains articles pour ne pas que l’on me parle continuellement « d’indignation facile », de « bien-pensance », … Je souhaite à chacun des lecteurs de ce blog d’être capable d’indignation, même facile. Même si elle ne s’accompagne pas toujours d’actions immédiates, l’indignation est infiniment préférable à la résignation au monde vers lequel on veut nous conduire. L’indignation, lorsqu’elle se partage à un niveau plus collectif, peut devenir le ferment de belles et grandes actions. Enfin, j’ai la faiblesse d’y croire …

La laïcité est l’un des sujets forts du moment. Beaucoup de personnes, de toutes sensibilités, ont été choquées par les propos de notre Président. Il ne s’agit évidemment pas que le débat se cristallise autour du problème de la foi, beaucoup de catholiques s’étant d’ailleurs offusqués des propos tenus, mais bel et bien d’éviter un mélange des genres, entre la sphère publique et la sphère privée, mélange qui a rarement été heureux dans notre histoire.

N’oublions pas, comme le rappelle Eric Conan, que « nos valeurs publiques et nos institutions résultent d’un conflit long, violent et intime entre une Eglise absolutiste et un mouvement des Lumières puisant lui-même dans les racines grecques, l’humanisme de la Renaissance et un judéo-christianisme sécularisé ». N’oublions pas non-plus que la laïcité, on le rappelle rarement, a permis la liberté de croyance à laquelle l’Eglise s’est opposée jusqu’au 20ème siècle et que cette laïcité a été la solution trouvée pour en finir avec un long affrontement et pour pacifier notre pays. Enfin, n’oublions pas que, si le mot laïcité » est apparu très tardivement, Condorcet en a défini ainsi le concept en 1791 : « La puissance publique ne doit accréditer aucune croyance et n’en persécuter aucune. Aucun de ses représentants ne doit afficher une croyance… ».

Sur un sujet important comme la laïcité, je n’hésite donc pas à en rajouter une autre couche.

Je viens de recevoir le dernier numéro de Marianne intitulé : « il met la laïcité en danger : LE FOU DE DIEU ». Il y a plein d’articles sur le sujet. Je vous livre en intégralité l’un d’entre eux que je trouve très fort, de Martine Gozlan « Faire le bigot en terre wahhabite, c’est trop ! » :

« Il fallait oser ! Faire assaut de bondieuseries à Ryad, dans la citadelle du wahhabisme, la secte déjantée et omniprésente qui a réduit à l’impotence les sociétés arabes et condamné tout esprit critique à la potence ! Rester muet sur la laïcité, cette révolution française, alors que tant de rebelles, dans le monde arabe, en font le socle de leurs révoltes interdites ! S’en remettre à Dieu devant les enrubannés saoudiens qui flagellent, mutilent et lapident en son nom ! Saluer « l’impulsion moderniste  » du roi Abdallah dont les sbires traquent chaque femelle dont un cheveu dépasse de la cage de tissu ! Malheur à celle qui prétend conduire sa voiture : interdit ! Malheur au blogueur Fouad al Farhan, qui s’en prenait à la lenteur de ces belles réformes : au trou ! Malheur aux jeunes filles violées : ce sont elles et non leurs bourreaux qu’il faut châtier ! Nicolas Sarkozy a-t-il vraiment réalisé, entre deux jeux de sabre, où il se trouvait ? S’est-il souvenu que sur cette terre d’Arabie où le ciel est roi, l’enfer a élu domicile jusque dans les hôpitaux où de pieux médecins amputent les voleurs pour satisfaire aux lois divines ? Au moment même où le président y allait de sa litanie sur le « Dieu qui libère » combien d’otages du wahhabisme – berceau de Ben Laden, d’Al-Qaida et du GIA ! – passaient de vie à trépas? Mais les sourires saoudiens s’élargissaient : pensez, un président français tout près de psalmodier « Au nom de Dieu le tout-puissant et le victorieux » ! A pleurer de honte, tout simplement. »

8 réflexions au sujet de “« A pleurer de honte », nous dit Martine Gozlan”

  1. « En plus, il est mal élevé. Vous l’avez vu comme moi, je suppose, pendant sa réception en grande pompe chez l’émir d’Abu Dhabi, alors qu’il était question de contrats, de base militaire française, de nucléaire civil et autres babioles, entre deux grandes envolées civilisationnelles. Sarkozy est assis dans un grand fauteuil, il écoute, l’air satisfait, content de lui. Soudain, il glisse sa main sous son veston, sort son portable, regarde l’écran. Et en se levant, tout en rangeant son portable, affiche un large sourire. Carla, sans doute. Voilà donc où nous en sommes : le président de la république laisse son portable allumé et consulte ses SMS lors de ses rencontres officielles avec les autres chefs d’Etat. Les SMS de Carla ne peuvent pas attendre une seule seconde. Les autres chefs d’Etat, si. Il avait déjà fait le coup à Rome, devant le pape. On a beau le savoir drogué au portable, comme Depardieu sur un tournage entre deux répliques, ça fait tout de même drôle de le voir pris en flagrant délit, à la télé. Content de son coup en plus. Pas gêné le moins du monde. Un grand sourire, d’une oreille à l’autre. On imagine avec quelle attention il écoute les discours des uns et des autres alors qu’il attend les SMS de Carla. Ou de qui vous voulez »
    (extrait de « Je t’m +++ », moi non plus ! de Alain Rémond)

  2. « Vous savez ce que je pense ? Je suis sûr que Sarkozy s’attend à recevoir, un jour ou l’autre, un SMS de Dieu lui même ».

    (autre extrait de « Je t’m +++ », moi non plus ! de Alain Rémond)

  3. Je suis surprise que Patrice continue à défendre le seul but diplomatique de Sarkozy. Il me semble que le problème est beaucoup plus grave que ça et ce ne sont pas les seuls anti-Sarko qui le pensent. Bernard a raison de rappeler que le mélange entre le public et le privé est d’une part dangereux pour notre société, et d’autre part de plus en plus répandu.
    Je pense Sarkozy trop brillant pour ne pas le faire sciemment. Et quand il parle du défi des conditions de retour du religieux dans nos sociétés, il ne parle pas du retour du spirituel. Trop facile de considérer que l’athéisme pourrait être assimilé à une religion. Confus, tout du moins, car Christophe l’a bien dit, qui dit religion dit dogme.
    Je ne voudrais pas qu’on me dise, en plus, ce que je dois penser.
    Alors bien-sûr, Sarkozy n’est pas en train de remettre en cause directement la séparation de l’Église et de l’État. Il agit de manière plus fine et plus insidieuse. Mais il martelle et, petit à petit, il fait voler des éclat de la République.

  4. Lu dans un dessin humoristique du canard à propos du krach sur les marchés financiers :
    « La Laïcité est en perte de vitesse »
    Sarko : « Vendez ! »

  5. Je suis allé sur les deux liens proposés par Glorfindel et Robert. Tous deux mettent le doigt sur ce fameux concept sarkozien de « laïcité positive » qui laisse à penser que l’autre, la nôtre, serait négative.
    Cela me fait penser à une petite phrase d’Eric Conan : « Et, on le sait, comme pour « démocratie », l’ajout d’un adjectif à « laïcité » signe toujours le début d’une trahison.

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