Deuxième petite réflexion personnelle par rapport à ces dernières élections.
En période électorale, il est toujours délicat de chercher à « ratisser large ». ça peut marcher mais ça peut aussi foirer ! C’est ce qu’on appelle le « siphonnage des voix ». Aller sur le terrain du Front National peut permettre de lui piquer des électeurs mais peut aussi servir à alimenter ce parti. C’est un peu le système des vases communiquant. Et dans « communiquant », il y a « niquant ». Qui va réellement niquer l’autre ?
Par le passé, le thème de l’insécurité a été une bonne tactique pour la droite pour prendre des voix au Front National qui était alors à un niveau très élevé. Mais cette fois-ci, le Front National étant à un niveau plutôt bas, comme l’ont montré les derniers rendez-vous électoraux, et ayant atteint sans doute son niveau d’étiage (son niveau irréductible, constitué du noyau dur), il y avait fort à parier que le siphonnage des voix allait jouer dans l’autre sens. En d’autres termes : le FN ne pouvait que remonter. Et c’est ce qui s’est passé. Nul doute que le débat sur l’identité nationale a été une erreur de stratégie et qu’il n’a servi qu’à alimenter un parti d’extrême-droite cherchant les moyens de revenir dans l’arène politique.
(ce dessin humoristique, réalisé par Na, est extrait de ce site)
Mais là n’est pas l’essentiel de mon propos.
Deux choses m’ont frappé dans ce retour du Front National.
La première est qu’il ne s’agit plus tout à fait des mêmes électeurs qu’autrefois. Il n’y a pas beaucoup de points communs entre l’habitant de Nice ou de Cannes qui vote FN et le chômeur du nord de la France. Ni entre le petit vieux du fond de la Haute-Saône qui a peur de l’étranger et le banlieusard parisien qui n’arrive plus à joindre les deux bouts, bien qu’il ait un travail. Ces élections montrent que le FN s’installe sur le terreau de la précarité, plus encore que sur un rejet de l’étranger. Et comme cette même précarité s’installe elle-même de manière durable (qui croit encore à la sortie du tunnel ?), tout porte à croire que la marge de progression du FN est énorme.
La deuxième chose concerne le nouveau style du FN. Tout comme l’abstentionniste de ces élections est devenu un « abstentionniste décomplexé » (voir mon dernier article), l’électeur « dernier cri » du FN est devenu un « frontiste décomplexé ». Il n’a plus honte de dire qu’il est FN. Tout le monde dans le Nord cherche à se faire photographier sans complexe aux côtés d’une Marine Le Pen souriante et qui a fait, il faut malheureusement le reconnaître, une vraie campagne de proximité. On ne s’affichait pas avec Le Pen Père, on le fait volontiers avec Le Pen Fille. Elle a « respectabilisé » ce parti jadis infréquentable. Et c’est elle qui en a repris le flambeau.
Le danger est donc là aujourd’hui : un parti complétement relooké qui s’appuie sur un public grandissant (les victimes de la précarité).
Ce parti sera plus difficile à contrer. Les arguments tels que « lutte contre la xénophobie » ne suffiront plus. Malheureusement.


















