Du sable plein la voix

Proposé par Luc de Belgique

Pas moyen de sortir une ligne intelligente à propos du thème de ce jour… et pourtant, je sens, je sais qu’il y a tellement de chose à dire.
Sur la beauté « sauvage » (c’est comme ça que je la ressens) des langues arabes ; sur la force des traditions musicales du Maghreb ; sur la richesse de l’hybridation des musiques du monde et la désastreuse soupe qu’elle engendre.
Mais surtout, sur la fascination qu’exerce sur moi un style de voix, un style de chant bien particulier.
Après quelques heures de recherche sur le net (je savais ce que je voulais entendre), j’ai réalisé qu’elles venaient toutes du même coin du monde, ces voix plus que humaines, de Mauritanie.

Malouma Mint Moktar Ould Meidah est la plus connue. Déjà surnommée la Diva des Sables, c’est elle qui joue le plus entre modernité et tradition.
Personnellement, je trouve qu’elle joue parfois avec le feu du mauvais goût, mais quand c’est bien, c’est très bien.

Dimi mint Abba.
Même dans son chant, elle me paraît bien plus près de la tradition. C’est l’envoutement qui commence. Dimi Mint apparait rarement en Europe. Par contre dans son pays, les riches familles se l’arrachent pour chanter dans les mariages.

Ouleya Mint Amartichit.
Rien à dire, quand je l’entends, je deviens fou. (Quand je la vois aussi)

Aux urnes citoyens ?

J-1.
Demain, certains d’entre nous iront voter. Il paraît que c’est là le moment le plus fort de notre démocratie. Je veux bien le croire. Mais le coeur n’y est plus. Plus personne ne vibre vraiment à l’idée de cet exercice démocratique.
Pour la première fois j’ai signé un appel pour une liste. Mais sans plus de conviction que ça. Même chez Dupdup, le coeur n’y est plus vraiment.
L’Europe c’est important. Là aussi, je veux bien le croire. Depuis quinze jours on nous en parle. Mais dans les dernières années, vous avez entendu, vous, un seul homme politique émailler son discours d’une quelconque référence (je n’ose employer le terme « ambition ») à l’Europe ? Et les médias ? Si c’est si important que ça, pourquoi est-ce qu’on ne nous en parle jamais ? Facile de dire que le bon populo se désintéresse de la chose publique, alors que l’exemple ne vient pas d’en haut.

dyn004_original_262_300_jpeg_2627716_4d97fab2402b0c06b3fac957892230e9Quelle drôle d’époque dans laquelle nous vivons ! Un clip destiné à inciter les Français à aller voter est censé remplacer le discours politique. Je veux bien. Alors clipons, clipons … Mais sans véritable discours de fond, sans idée forte qui nous fasse un peu bander, qui peut avoir envie d’aller voter ?
Je suis un peu désabusé. Mais bon, je vais allez remplir mon devoir citoyen, une fois de plus. Je n’ai jamais failli à un quelconque rendez-vous électoral, même minime. Demain je ferai partie une fois de plus de la minorité ringarde, celle qui se rend encore aux urnes. Malgré tout.

Au pays des vautours (6)

Suite et fin de mon aventure.
12H, 13H, 14H, 15H, 16H… Le temps passe et plus aucun vautour ne viendra. Un milan noir cherche à plusieurs reprises à prendre quelques lambeaux de chair en passant. La seule activité sur le site est celle des grands corbeaux, bien moins réguliers que le matin, mais qui reviennent tous les quarts d’heure.

En milieu d’après-midi, les grands corbeaux prennent possession du cadavre de la chèvre.

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Les grands corbeaux attaquent l’animal par les yeux mais le cuir de l’animal est coriace et ils ne pourront pas aller plus loin dans leur tentative.

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Il fait certainement plus de 30°C à l’ombre ce jour-là. La puanteur est à son comble, le vent est fort et je suis malheureusement « sous le vent ». Il était convenu que Joëlle vienne me chercher à l’affût à 17H. C’est avec un peu de soulagement que j’entends sa voix à cette heure précise. Je m’extirpe péniblement de mon petit abri avec, comme chaque fois dans ce genre de situation, l’impression d’être un petit vieux fourbu et plein de rhumatismes.

Ainsi se termine cette belle aventure. Merci aux deux amis qui m’ont permis de réaliser ce rêve que j’avais depuis longtemps.

Le soir, je m’endors avec dans la tête de belles images … !

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Au pays des vautours (5)

Les vautours fauves ont quitté les lieux depuis une demie-heure. Il est midi et quart. De temps en temps, je vois apparaître une petite tête bien reconnaissable à travers les hautes herbes à gauche du charnier. Pendant un bon quart d’heure, le percnoptère va me donner l’impression de jouer à cache-cache avec moi. En fait, ce petit vautour est en train de manger quelques menus déchets un peu à l’écart du charnier. Et puis tout à coup il débouche devant moi et se montre enfin.

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Pendant trois quart d’heure, le percnoptère va se nourrir de petits lambeaux de chair devant moi.

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Les grands corbeaux évoluent autour de lui sans vraiment tenir compte de sa présence.

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J’ai su plus tard que ce percnoptère avait son nid … à une soixantaine de kilomètres de là !

Au pays des vautours (4)

9H. Le dernier vautour est parti et je m’attends à une longue journée. Une heure passe. Puis deux. Les grands corbeaux sont un peu moins actifs mais viennent quand même toutes les cinq minutes, ne s’attardant sur le site que peu de temps à chaque fois.

A partir de 11H, des vautours fauves se mettent de nouveau à survoler le lieu. Cela dure assez longtemps. Les battements d’ailes se font plus proches et puis d’un seul coup deux d’entre eux se posent. Il est exactement 11H40.

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D’autres vautours arrivent et se mettent à manger avec frénésie. Mais ce n’est pas la curée violente telle que je l’imaginais.

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Mais là aussi, même scénario que plusieurs heures auparavant. Les vautours s’arrêtent soudain de manger. Les têtes se lèvent et l’inquiétude gagne les rangs.

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Les vautours se mettent à s’envoler les uns après les autres.

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Deux d’entre eux s’attardent un peu plus que les autres. Je me dis que s’ils restent, les autres reviendront. Mais non, ils finiront malheureusement par quitter les lieux.

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Là aussi, la scène n’aura duré que cinq minutes. Je suis certain de n’avoir pas commis d’erreur et je ne comprends rien à ce départ soudain. Aucune tête de promeneur n’apparaît cette fois-ci.

Joëlle était avec Hélène à quelques centaines de mètres de là. Elles avaient observé toute la scène. Elles me raconteront le soir ce qu’elles ont vu de loin. Ce sont elles qui avaient le meilleur point de vue. Les vautours avaient commencé de descendre en tournoyant. Lorsque les premiers se sont posés, tous les vautours du secteur ont convergé et ce sont 80 vautours qui sont ainsi arrivé quasiment simultanément. Le spectacle était magique paraît-il … !

Allez Dupdup, plus que cinq bonnes heures à attendre !

Et cette odeur qui commence à être entêtante !

Au pays des vautours (3)

Le temps s’égrène lentement. Comme chaque fois, je ne m’ennuie pas dans mon affût (rester immobile des heures durant, c’est un peu une seconde nature pour moi). Les grands corbeaux continuent leurs allées incessantes et c’est la première fois de ma vie que j’arrive à faire des photos correctes de cet oiseau. Ils poussent des cris d’alarme en permanence. Je ne pense pas être l’objet de leur inquiétude car il ne fait aucun doute que dans ce cas-là ils ne viendraient pas sur le charnier.

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8H45. les deux vautours qui s’étaient perchés sur l’arbre à une quarantaine de mètres sont toujours là. Je vois à travers les branchages de l’affût que d’autres descendent au vol de plus en plus bas. J’entends quelques bruits d’ailes, lourds et pesants. Et puis soudain, à 8H55 précises, deux d’entre eux se posent et se mettent aussitôt à manger goulument, provoquant l’envol des milliers de mouches.

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D’autres vautours arrivent et le festin collectif peut commencer.

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Il n’y a plus beaucoup de place pour les grands corbeaux qui ne font alors que tourner autour des vautours ou attendre un peu à l’écart.

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Mais soudain, les cous se dressent, un vautour s’envole, puis deux, puis trois … et en moins de trente secondes il ne reste plus un seul vautour sur le site. La scène n’aura duré au total que cinq minutes.

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Je suis persuadé de n’avoir fait aucune erreur et je ne comprends pas ce départ soudain. Quand tout à coup apparaît devant moi le buste d’un promeneur (un amoureux des orchidées a priori). Il ne pouvait pas savoir …

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Il ne me reste qu’à espérer le retour de la troupe. A vrai dire, je n’y crois plus trop. Mais il n’est que 9H et il me reste encore 8 heures à attendre dans ce minuscule abri, avec la chaleur qui arrive et une puanteur qui commence à être plus que perceptible. Joëlle a prévu de venir me rechercher à 17H et il est évidemment hors de question que je sorte maintenant de manière intempestive et perturbe les oiseaux qui observent sans doute non loin de là. Je me recroqueville donc sur mon siège et me prépare psychologiquement à une attente qui pourrait s’avérer difficile et très inconfortable.

Au pays des vautours (2)

Je n’ai pas attendu que le réveil sonne. A quatre heures et quart du matin, les coqs du village se sont mis à chanter. Au bout de quelques secondes j’étais hors du lit. Hélène m’avait préparé la cafetière, je n’ai eu qu’à appuyer sur le bouton (c’est quand même pratique l’électricité nucléaire, non ?). Un quart d’heure plus tard, je quittais le village à pied avec en arrière-plan le chant du petit-duc et celui des coqs. Il faisait nuit noire et j’ai quitté la route principale pour suivre un petit sentier juste au moment où une voiture arrivait. J’ai toujours aimé passer inaperçu et me glisser dans la nuit, je n’aurais pas aimé être vu dans la lueur des phares.

A cinq heures précises, j’étais assis confortablement dans mon petit affût. Il faisait encore bien nuit mais la caille chantait un peu en contrebas, l’alouette lulu s’est mise aussi de la partie, c’était très beau. Les premières lueurs sont apparues, un engoulevent s’est mis à faire son bruit de vélosolex, il semblait excité et j’ai entendu distinctement le claquement de ses ailes (chacun fait ce qu’il peut pour se faire remarquer par sa belle, n’est-ce pas ?). La hulotte a salué le début du jour, moment pour elle d’aller roupiller dans un trou d’arbre. Venus, toujours très proche du soleil, brillait de tous ses feux, elle me faisait de l’oeil a travers les branchages de mon affût.

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Et puis tout est alors allé très vite : le chant du merle, de la grive musicienne, du rouge-gorge, de la fauvette grisette, du pouillot de Bonelli, … En quelques dizaines de minutes, tout ce beau monde était là, piaffant à qui mieux mieux.

Vers 6H30, alors qu’il faisait bien jour, une fauvette est venue chanter pendant cinq minutes à une cinquantaine de centimètres devant mes yeux. Elle ne me voyait pas dans ma pénombre à moi, je la devinais dans sa pénombre à elle mais je ne pouvais pas me permettre évidemment de mettre mes lunettes à ce moment-là. C’est donc avec des yeux de taupe que j’ai apprécié à sa juste valeur ce moment précieux. Il s’agissait d’un chant de fauvette, mais d’un chant que je ne connaissais pas. Mais je l’ai décrit avec suffisamment de précision pour qu’on me confirme le soir même qu’il s’agissait d’une fauvette passerinette.

A 7 heures précises un bruit de moteur  … Comme convenu, X… est apparu et a déposé devant moi, à 23 mètres exactement, 200 kg de viscères faisandés (il y en avait des seaux et des seaux) ainsi qu’une brebis morte.

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Nous avons échangé quelques mots mais nous ne nous connaissions pas jusqu’à ce moment-là (et encore, il n’a pas aperçu le moindre morceau du dupdup qui était caché dans son antre). Il m’a fait répéter certaines phrases qu’il avait du mal à comprendre, … comme quoi l’accent haut-saônois n’est pas ce qu’on fait de mieux pour communiquer !).

X … est reparti à 7H10. Cinq minutes plus tard, les premiers grands corbeaux sont arrivés, allant et venant sans cesse. La lumière était difficile car le soleil se levait en face et c’est avec un fort contrejour que j’ai fait mes premières photos.

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Dix minutes plus tard, deux vautours fauves se sont posés sur un arbre devant moi mais je me suis interdit de les photographier à ce moment-là, je savais q’ils allaient certainement attendre des heures avant de venir au charnier et que le moindre mouvement de l’objectif, aussi minime soit-il, allait tout faire rater. Il ne restait donc plus qu’à attendre …

Au pays des vautours (1)

Pas facile la précédente devinette. 796, 87, 44 et 20 ? En fait, il s’agissait juste d’introduire ma série d’articles sur les vautours.
Il y a 4 espèces de vautours en France. Les effectifs sont très faibles (chiffres officiels 2007) :
– 796 vautours fauves
– 87 couples de percnoptères
– 44 couples de gypaètes
– 20 couples de vautours moines.
Aucun rapport donc avec les maths. Les matheux ont quand même trouvé un rapport entre tous ces chiffres. Je les admire … !

A la fin des années 70, un film avait circulé dans la sphère naturaliste. Il s’agissait d’un documentaire des Frères Terrasse intitulé Le bal des charognards. Depuis, je rêvais d’assister à une véritable curée (c’est à dire au moment où les vautours se nourrissent enfin après de longs jours d’attente à tourner au-dessus de cadavres d’animaux).

C’est à cette intention que Joëlle et moi sommes descendus dans les Gorges de la Jonte en Lozère, pensant à tort que c’était le seul endroit où le vautour fauve se reproduisait en France (depuis, Jenofa a rétabli la vérité en me fournissant les chiffres officiels : sur les 796 couples de vautours fauves qui nichent en France, 525 le font dans les Pyrénées, c’est donc dans ce massif que se trouve la plus grosse partie des vautours fauves français).

Le premier jour, nous sommes allés sur la corniche située entre les gorges de la Jonte et les gorges du Tarn, côté Jonte.

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Ce n’était pas un jour favorable, les vautours fauves volaient peu ce jour-là (sans doute les ascendances de chaleur étaient-elles mauvaises), nous avons quand même observé un jeune vautour sur son nid, mais globalement la journée a été moyenne, seuls quelques vautours nous ont timidement survolé (mais même d’assez loin, un oiseau de 2,70 m d’envergure, c’est plutôt impressionnant !).

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Mais je ne connaissais aucune personne dans la région pouvant me faire bénéficier d’un affût auprès d’un charnier. C’est donc bien loin de la colonie (à 160 km à vol d’oiseau de là, c’est à dire à … près de quatre heures de route) que nous sommes allés pour observer et (essayer de) photographier les vautours auprès d’un charnier. Merci aux deux amis qui m’ont permis cette aventure.

Il était prévu que j’aille dans l’affût avant le lever du jour. Nous sommes arrivés évidemment la veille et j’ai eu le temps de prendre connaissance des lieux. La placette de nourrissage était située dans un lieu magnifique. On devinera sur la photo qu’un dispositif avec toile et fosse permet de récupérer d’éventuels jus qui viendraient à couler et donc à limiter les indicences sanitaires du nourrissage artificiel des vautours. Car il s’agit là d’un charnier officiel faisant l’objet d’une autorisation par l’administration.

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La veille de mon entrée dans l’affût, je suis allé repérer les lieux. Si le site est magnifique, la petite cabane à l’entrée donne une idée (peu ragoutante) de ce qu’ont mangé les vautours dans les derniers temps.

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Et c’est l’occasion de découvrir pour moi le minuscule (mais confortable) affût dans lequel j’arriverai de nuit le lendemain matin. L’affût est bien camouflé, la tâche sombre dans le buisson indique l’endroit d’où je pourrai observer la scène. Très discret, non ?

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Et je me couche le soir très excité, au son du hibou petit-duc qui égrène son chant flûté, avec déjà une envie folle d’être au lendemain matin.

Durs de la feuille !

Depuis quelques années, j’entends très mal certaines fréquences. Il y a certains chants d’oiseaux que j’ai maintenant du mal à détecter. Joëlle aussi. Sauf que c’est pas les mêmes fréquences. Et c’est très pratique. Car à nous deux, nous arrivons à entendre toutes les espèces. C’est ça la complémentarité au sein des vieux couples !