LE COIN DU JARDINIER (17)
Quand j’étais gamin, certains légumes et fruits m’étaient inconnus. En Franche-Comté, on ne consommait que des légumes adaptés à l’Est de la France : pommes de terres, haricots, carottes, choux, poireaux, navets, radis… Poivrons et aubergines, réservés au sud, étaient alors inconnus au bataillon. Et puis, progressivement, les modes alimentaires se sont modifiés. Evolution de la culture culinaire ? On a d’abord consommé. Et puis on a planté. Je me demande parfois si la mise en place progressive de légumes méridionaux dans nos jardins n’était pas le signe d’une modification climatique déjà perceptible.
Melons, pastèques, poivrons, piments et aubergines sont maintenant des plantes habituelles de mon jardin. Sans compter évidemment le basilic, ce trésor venu lui aussi du sud, auquel je réserve toujours une petite place.
Le basilic nous vient de loin, de très loin même, consommé déjà par les ancêtres de l’homo sapiens. Cette herbe sauvage, considérée comme sacrée, a longtemps « accompagné le développement de l’humanité dans ce qu’elle a de plus profond : l’alimentation, la médecine, la religion » (Jérôme Goust).
Le basilic est une plante très fragile. Il déteste le froid et sa période de végétation est très courte. Il n’aime pas la terre froide du printemps et ne peut donc être planté qu’en mai. A l’automne, les feuilles s’étiolent rapidement dès qu’il fait un peu frisquet, bien avant qu’il ne fasse zéro au thermomètre. Sa période de culture est très courte et on ne peut tirer parti de cet aromate que quelques mois dans l’année, les quatre mois les plus chauds.
J’ai longtemps supposé que si certaines plantes allaient mal à l’automne, c’est parce qu’on avait affaire à cette époque à des plants âgés, donc moins résistants aux maladies, et ayant de surcroît déjà épuisé les éléments nutritifs du sol. Au fil de mes essais de jardinier amateur, je me suis rendu compte qu’on avait d’ailleurs intérêt à échelonner les semis, par exemple à ne pas hésiter à semer des courgettes et des concombres en plein été, et qu’on pouvait ainsi prolonger les récoltes de quelques semaines, voire d’un ou deux mois. L’échelonnement des semis est l’un des mes premiers principes de jardinier.
La dernière expérience, je l’ai justement réalisée avec le basilic. Comme j’en avais un peu marre de voir cet aromate crever à l’automne, j’en ai semé dans une jardinière au début septembre. Fin octobre, j’avais sur le rebord de ma fenêtre un basilic encore jeune mais resplendissant.
L’automne a été doux, les premières gelées ont été tardives et je n’ai donc rentré ma jardinière (je ne parle évidemment pas de la femme du jardinier) que courant novembre (je n’ai pas noté la date exacte). La jardinière a été placée au sous-sol non chauffé, sur le rebord intérieur de la fenêtre, et depuis j’en prélève régulièrement pour agrémenter salades et pâtes. Nous sommes au début février, j’ai photographié ce matin mes plants de basilic. Oh, les feuilles, ne sont pas aussi belles qu’en plein été, elles sont un peu pâlottes et souffrent légèrement du manque de lumière et de chaleur, mais elles gardent un bon parfum.
Pour moi qui adore l’hiver, le basilic est un petit luxe de plus que nous permet cette saison.