Retrouvailles photographiques (1)

Je me rappelle du bonheur que j’avais eu lorsque mes photos de milan royal avaient été retrouvées. C’était en 1984. J’avais passé des centaines d’heures, étalées sur plusieurs années, à l’attendre devant mon affût où étaient déposés chaque fois quelques bouts de viande. Le milan était enfin venu. Mais voilà-t-y pas que le labo de Chalon-sur-Saône a égaré mes diapos. Je tenais beaucoup à voir les photos qui m’avaient tant coûté (en temps) et je me souviens avoir beaucoup râlé auprès de ce labo. Alors que je ne m’y attendais plus, les diapos avaient enfin été retrouvées au bout de six mois, elles avaient été livrées par erreur chez un photographe bourguignon et elles m’étaient enfin restituées.

J’ai eu exactement le même bonheur dimanche soir. En vidant une armoire pour la tranformer en penderie, j’ai retrouvé plusieurs séries de diapos que j’avais égarées depuis quatre ans. Je les avais pourtant cherchées partout car j’y tenais beaucoup. Cent cinquante photos de huppe fasciée et de grand tétras m’attendaient ainsi dans le bas du placard, désespérant que je leur mette un jour la main dessus. Merci à Joëlle qui avait insisté pour que je quitte ma flemme dominicale pour me livrer à ce vidage d’armoire.

Je n’avais jamais essayé de ma vie de photographier le grand tétras. D’abord parce que je ne suis pas à la recherche de « tableaux de chasse » et que les espèces rares ou difficiles à photographier ne m’ont jamais vraiment intéressé. Mais aussi et surtout parce que cet oiseau est un animal mythique qui reste auréolé d’un mystère que je n’ai jamais eu envie de casser. C’est l’une des rares forces primitives de la forêt. Il me semble surgi des temps préhistoriques et j’ai toujours pensé que sa vie recluse se devait d’être respectée.

Mais je dois dire que lorsque j’ai entendu dire, par David, qu’un « grand coq fou » (synonyme d’un grand coq détraqué) sévissait à Jougne dans le Haut-Doubs à tel endroit précis, je me suis dépêché d’aller voir « la bête ». Je me souviens avoir attendu une heure. Rien. Aurais-je eu de mauvaises indications ? J’ai cherché un peu dans les fourrés et j’ai vite rebroussé chemin lorsque j’ai vu cet animal qui venait dans ma direction d’un pas décidé, s’arrêtant et paradant comme s’il me prenait pour un beau mâle concurrent (dans le meilleur des cas) ou pour une femelle de passage (dans le pire des cas ! Aïe aïe aïe, je n’avais pas de préservatif à lui proposer !).

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La scène a duré au moins une heure et nous sommes repartis avant que le manège ne soit terminé.

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Mon ami Michel et les personnes de passage ce jour-là sur cette petite route forestière de Jougne se souviendront longtemps de ce grand tétras détraqué et agressif.

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Avec ces photos retrouvées dimanche, les souvenirs précis me reviennent.

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Michel, quant à lui, n’a pas perdu les photos de cette folle journée. Il paraît qu’il a même gardé précieusement une photo compromettante où l’on voit un Dupdup courant, poursuivi par un grand tétras.

De longues heures d’affût

Mon article sur le pic mar a suscité quelques commentaires sur la technique de l’affût qui permet au photographe d’être au plus près des oiseaux. Serenense a rappelé un épisode douloureux en forêt, à l’affût au pic mar, où, complétement gelé, il pensait avoir perdu l’usage de ses pieds et de ses mains. Christophe en a profité – oh le vilain ! – pour parler de « tuyau », de « zigounette » et j’ai même crû déceler une allusion à un certain breuvage. En tous les cas, les propos de Christophe n’ont pas manqué d’intriguer quelques lecteurs et lectrices de ce blog (dont Oups qui, décidément, n’en loupe jamais une …!). J’ai vite compris que Christophe parlait d’une aventure un peu épique qui s’est déroulée il y a longtemps. En 1983 exactement. J’ai replongé dans mes souvenirs et me suis remémorré quelques détails plutôt croustillants.

Michel G. et moi avions construit une petite cabane dans une pente boisée qui surplombait la Saône (sur la commune de Soing-Charentenay exactement). C’était le seul site que nous connaissions qui nous permettait, à cause justement de la pente, d’être à la hauteur des nids de hérons.

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Il y avait là une quarantaine, peut-être même une cinquantaine de nids au sommet des arbres. Nous étions à une trentaine de mètres des premiers nids, ce qui nous obligeaient à utiliser de longues focales, en l’occurence chacun un 400 mm équipé d’un doubleur. Nous en avons ramené peut-être un millier de photos, retraçant la vie du héron, de la parade nuptiale à l’émancipation des jeunes en passant par la construction du nid, l’accouplement …

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Nous avions décidé, pour ne pas gêner les hérons, de venir et de repartir le plus discrétement possible, c’est à dire de nuit. Les journées d’affût étaient longues, très longues. Nous y venions le matin avant le lever du jour et n’en repartions que le soir après la tombée de la nuit. C’était à la période la plus froide de l’année, en février, nos amis les hérons ayant la fâcheuse habitude de nicher dès ce mois. Comme il est impossible de rester 10 heures d’affilée sans pisser, nous avons dû inventer le fameux système de l’entonnoir et du tuyau (le petit tuyau vert qu’on aperçoit sur la photo) dont parle Christophe.

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Pour lutter contre le froid, nous avions évidemment quelques bouteilles thermos pleines de grog, peut-être même aussi quelques boissons beaucoup plus riches en alcool (d’où probablement les allusions de Christophe à « l’esprit embrumé »). Il fallait bien tenir dans ces conditions plutôt extrêmes. Et, évidemment, plus nous buvions, plus nous pissions ! L’allusion à la zigounette faite par Christophe est sans conteste liée à cette étrange constatation : les organes génitaux se rétractent pour être au plus près du corps et deviennent alors riquiquis. Alors que les hérons d’à côté s’en donnaient à coeur joie, tous émoustillés par la présence des partenaires, nos sexes à nous ne devaient pas avoir belle allure, il ne serait venu à l’idée de personne d’en faire des porte-drapeaux ! Pas de quoi être fiers en tous cas ! Si j’en juge par les souvenirs et les quelques allusions de Christophe qui est venu partager nos joies et nos douleurs, il devait faire très froid aussi les jours où il est venu.

Je garde un souvenir ému de ces expéditions qui se déroulaient presque tous les week-ends de février-mars puis de manière un peu plus irrégulière d’avril à juillet. Je crois que partager ces moments difficiles avec d’autres est une expérience rare et précieuse. La faim et le froid sont, comme le dit Christophe, de vraies expériences qu’il faut avoir faites au moins une fois dans sa vie.

Plus tard, c’est en solitaire que j’ai continué mes affûts. De très longs affûts souvent. En hiver notamment pour photographier la buse variable qui m’a valu, en trente ans, des milliers d’heures d’immobilité (voir à ce propos la série d’images que je lui ai consacrée sur ma galerie). Des heures extraordinaires où l’on a l’impression de vraiment faire corps avec la nature et de se frotter à la force des éléments naturels. Mais aussi des moments très difficiles. Car jai toujours redouté l’instant où il faut se lever de son siège. Je sais que c’est à ce moment-là que la vraie douleur commence. Tant que je suis assis, recroquevillé, le froid n’a pas complétement prise sur moi. Mais quand je me lève, les frissons me gagnent, le froid me transperce et il m’est arrivé, dans quelques rares occasions heureusement, de penser que les pieds avaient gelé. Alors je retarde le plus longtemps possible le moment où je vais me lever, trop longtemps parfois car la douleur n’en est ensuite que plus dure.

Christophe a raison de dire qu’il est des épisodes dont on n’est pas forcément très fiers. Alors allons jusqu’au bout du tableau : combien de fois, par exemple, ais-je dû pisser sur mes bottes en caoutchouc pour tenter de réchauffer des pieds devenus inertes et insensibles ! Car c’est aussi ça la vraie réalité de l’affût.

Le pic mar

LES OISEAUX DE L’HIVER (4)
J’ai vécu jusqu’à l’âge de 22 ans sans quasiment voir un oiseau. Fils de paysan, j’ai pourtant habité toute mon enfance à la campagne et passé énormément de temps dans les champs. Mais je n’ai pas souvenir de la moindre espèce. Où avais-je les yeux à cette époque-là ? Et puis il y eut « la révélation » avec Claude-Roland, dans le cadre de mes études, lors de deux séjours nature, l’un à Luc-sur-Mer, l’autre dans la Dombes. C’est l’époque de mon premier oiseau, une rousserolle turdoïde que je cherchais dans les roseaux, ma première paire de jumelles et mes premières sorties naturalistes en solitaire. Depuis, pas une seule fois la mésange charbonnière ou le rouge-gorge ne m’ont déçu. Je les regarde comme au premier jour ! Comme un vrai miracle !

Dès mes premières semaines d’ornitho, une famille d’oiseaux m’a particulièrement attiré : les PICS. J’ai toujours aimé ces oiseaux montés sur ressort qui se propulsent le long des troncs et leur manie de jouer à cache-cache avec l’observateur. C’est au plus profond de la forêt que j’ai fait connaissance avec le pic mar. Je m’étais amusé à l’exciter avec un magnétophone qui diffusait un enregistrement du chant de cette espèce. Je me souviens avoir ainsi attiré simultanément quatre pics mars dans la forêt de Bussières. C’était en avril 77. J’ai toujours associé le pic mar à la forêt profonde, aux vieux tronc crevassés des chênes. Et c’est dans la forêt que pendant de nombreux hivers j’ai installé un poste de nourrissage à son intention. Il ne lui fallait en général que quelques semaines pour trouver le mélange spécial Dupdup (non encore breveté) dont je badigeonnais les troncs (il est vrai que cet oiseau fait parfois partie des bandes de mésanges, aux yeux affûtés, qui explorent sans cesse le territoire et à qui rien n’échappe !).

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Plus tard, je me suis rendu compte qu’en installant des mangeoires en dehors de la forêt, mais pas trop loin du couvert forestier, on pouvait aussi l’avoir à sa table chaque hiver ou presque. Habitant en lisière de forêt depuis 2001, j’ai maintenant l’habitude de le voir régulièrement entre décembre et mars. En avril, le pic mar a déserté le poste de nourrissage, il a rejoint l’intérieur des forêts pour toute la durée de la période de reproduction. Là il va mener une existence discrète, caché par le feuillage des arbres. Car, comme l’accenteur mouchet dont j’ai parlé dans le précédent article de cette rubrique, le pic mar est un modèle de discrétion, sans aucun doute le plus discret des pics. C’est pourtant un oiseau très fréquent dans les forêts de la vallée de l’Ognon. Je me demande d’ailleurs si, localement, il n’est pas parfois plus abondant que le pic épeiche, son proche cousin.

Je propose aux photographes intéressés par cet oiseau de prendre contact avec moi pour une éventuelle séance d’affût cet hiver.

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Le discret accenteur mouchet

LES OISEAUX DE L’HIVER (3)
Comme je l’ai déjà écrit sur ce blog, l’hiver est pour moi la saison la plus animée. Partout autour de la maison, des oiseaux volent et font d’incessantes allées-et-venues entre les arbres proches et la mangeoire sur le rebord de la fenêtre. Je n’ai jamais eu la moindre lassitude à les observer.

Tous les oiseaux qui viennent à cette auberge improvisée sont des oiseaux plutôt bien connus du public : mésanges, rouge-gorges, verdiers, chardonnerets … Mais il en est un qui échappe généralement à l’observation, c’est l’accenteur mouchet. Si l’on n’y fait attention, on ne le remarquera même pas, l’oeil ayant vite fait de qualifier de « moineau » tout oiseau qui n’affiche pas des couleurs vives. Et c’est vrai que le plumage de l’accenteur ne brille pas par son éclat. L’observateur attentif aura cependant remarqué que le bec n’est pas fort comme celui d’un moineau mais au contraire fin comme celui de tout oiseau insectivore qui se respecte.

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Depuis le printemps dernier, l’accenteur est devenu presque inexistant autour de la maison. Mais je sais qu’il est là. Il m’arrive parfois d’entendre son faible chant (de plus en plus indaudible pour mes oreilles de vieux) dans les buissons en contrebas de la route en face de chez moi. Mais depuis quelques jours il sort un peu de sa réserve, l’arrivée des mauvais jours le pousse à rechercher un peu plus de nourriture. Alors timidement, il vient dans le pyrracantha devant la fenêtre. Il ne s’aventure alors que très peu à découvert, ne restant que de courts instants à l’écart des buissons.

Je ne sais pas qui lui a donné ce nom peu compréhensible d’accenteur mouchet. Probablement un mec qui s’emmerdait dans un grenier poussiéreux du muséum d’histoire naturelle et qui a voulu laisser une trace de son pauvre passage sur terre à la postérité. Autrefois, l’accenteur était appelé le « traîne buisson », surnom qui lui allait plutôt bien et qui suppose de fortes capacités d’observation de notre bon vieux peuple). Car cet oiseau est un modeste, un « gagne-petit » qui passe son temps à glaner quelques débris de nourriture au ras du sol, notamment des restes de graines que d’autres oiseaux laissent parfois tomber au sol (il devient en partie « mangeur de graines » pendant la période hivernale).

Je me rappelle que le chanteur Pierre Louki aimait les ânes et disait que pour lui « l’âne est un cheval qui n’a pas réussi ». Pour la même raison, j’aime ce modeste oiseau qui aurait pu devenir moineau. Modeste par son plumage. Modeste par son chant. Modeste de son mode de vie. Un vrai modeste quoi !

Quand les étourneaux carburent au macvin

La semaine dernière, je suis allé dégusté les vins du château d’Arlay dans le Jura. Cette partie du Jura n’est pas réputée pour ses rouges mais plutôt pour ses vins blancs. J’en suis revenu avec quelques bouteilles de chardonnay et d’un très bon mélange savagnin-chardonnay, après avoir évidemment dégusté vin jaune, vin de paille et macvin.

Mais là n’est pas mon propos. Au pied du château, il y avait un étourneau qui venait, insectes au bec, nourrir ses jeunes dans un vieux mur en pierre. Je n’ai jamais vu de nidification aussi tardive chez un passereau (et je vous jure que le macvin n’y était pour rien, c’était avant la dégustation !).

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(étourneau en plumage d’été, photo réalisée en juin 1998)

Il y a quelques années, j’avais remarqué un couple de verdiers qui avait élevé ses jeunes en septembre et cela m’avait déjà beaucoup étonné.

J’ai fait le constat cet automne que certaines espèces d’oiseaux se comportaient comme au printemps. Ainsi, les pouillots véloces ont chanté à tue-tête pendant tout septembre et le début octobre, comportement que je n’avais encore jamais observé. Les rouges-queues noirs m’ont semblé plus chanteurs et beaucoup plus belliqueux que les autres années. Et vous, avez vous observé des comportements inhabituels chez les oiseaux ?

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(étourneau en plumage d’hiver, photo réalisée en octobre 1983)

La capture de l’autour

Les ornithogues de Franche-Comté, regroupés au sein du Groupe Naturaliste de Franche-Comté (appelé maintenant LPO de Franche-Comté) participent depuis les années 70 à des programmes scientifiques de baguage d’oiseaux. Cette pratique, placée sous l’égide du Muséum d’Histoire Naturelle de Paris, consiste à capturer différentes espèces d’oiseaux et à les relacher après les avoir munis d’une petite bague numérotée. Elle permet d’affiner nos connaissances sur le monde des oiseaux : migrations, sédentarité, grandeur du territoire, fidélité au site …

L’association où je travaille accueille depuis vingt ans le petit groupe de bagueurs sur son site (en moyenne six ou sept fois par an). Au fil des années j’ai ainsi pu voir, à portée de main, un grand nombre d’espèces dont certaines sont difficiles à observer dans la nature. Et pendant toutes ces années, j’ai pu apprécier la patience, la passion et la constance du petit groupe de fidèles regroupés autour de Pierre : Maurice, Jean-Marie, Dominique et bien d’autres.

Le site de Brussey est très riche et il arrive régulièrement que des espèces inhabituelles se fassent capturer dans les filets : martin-pêcheur, pic épeiche, pic vert, gros-bec, hypolaïs … C’est toujours un moment d’émotion lorsqu’on tient l’un de ces oiseaux en main. Chaque séance apporte sa petite surprise. Mercredi dernier, ce fut la plus grande surprise de toute l’histoire du baguage à Brussey : un autour des palombes a été capturé pour la première fois.

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Je sais que ce rapace n’est pas forcément rare en Haute-Saône et qu’il est vraisemblablement présent dans la plupart des grands massifs forestiers mais son observation n’est pas aisée, cet oiseau étant plustôt très discret. L’autour est incontestablement le plus puissant de nos rapaces de plaine : Paul Géroudet dit que ce prédateur de pigeons ramiers et de geais est capable de capturer un canard colvert en plein vol mais aussi des rapaces tels que la buse, la hulotte ou le moyen-duc.

Chose étonnante : ce puissant rapace, une fois capturé, se laisse faire sans résistance. Une fois la bague mise à la patte, l’oiseau posé sur le dos au sol « fait le mort » sur l’herbe (tel le All-black moyen sur la pelouse après un match de rugby contre la France). Beaucoup d’autres espèces d’oiseaux ont d’ailleurs ce comportement étonnant. Ce n’est qu’en faisant pivoter l’oiseau d’un bon quart de tour sur le côté qu’il prendra appui sur le sol et s’envolera de quelques coups d’ailes.

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Je n’ai malheureusement pas assisté à la scène. J’étais en réunion à l’extérieur lorsque la capture de l’autour a été faite. Je n’ai pu voir que les photos après coup. Merci donc à Jean-Marie Michelat pour m’avoir autorisé à mettre en ligne ses clichés.

Hirondelles rustiques

2007 aura peut-être été une bonne année de reproduction pour l’hirondelle rustique, si j’en juge par le nombre de migrateurs qui ont survolé la vallée de l’Ognon depuis le début août. Dans la grange de mes parents, le même nid a abrité trois couvées successives, soit un total de 14 jeunes.

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La couleuvre et la mésange

Petite scène très rapide avant hier sur un petit muret devant ma fenêtre : une couleuvre à collier de taille très modeste (une cinquantaine de centimètres) a tenté d’attraper une mésange charbonnière qui passait à sa portée. La détente de la couleuvre était prodigieuse mais le coup a raté. C’est la première fois que j’observais une telle scène.

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Dans l’intimité de la pie-grièche écorcheur

A la suite de mon article écrit le 7 août dernier, Vincent me demande comment je m’y suis pris pour photographier la pie-grièche écorcheur à son nid. Voici, en image, une partie de la réponse. C’était en 1996, j’étais encore gamin (un gamin de 40 berges) et j’aimais fabriquer des cabanes.

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La pie-grièche écorcheur

Pour les membres du CSA, le mois d’août est un drôle de mois qui pose des problèmes de prononciation.

Pour l’ornithologue, le mois d’août est aussi un drôle de mois : c’est la période de l’année où l’on voit le moins d’oiseaux et c’est pourtant le moment où ils sont le plus nombreux. Les jeunes de toutes les espèces sont nés, le nombre d’oiseaux a peut-être doublé ou même triplé par rapport au printemps mais beaucoup sont invisibles. Les raisons sont multiples. D’abord, les ressources alimentaires sont importantes et les oiseaux n’ont besoin que de quelques heures d’activités pour satisfaire leurs besoins en nourriture. L’été est aussi une période de mue (changement de plumes) pour la plupart des adultes et les oiseaux, plus vulnérables, mènent alors une existence discrète. Enfin, la saison de reproduction est finie et les oiseaux n’ont plus besoin d’exhiber leur plumage et de chanter à tue-tête pour satisfaire « leur belle », d’où une existence d’autant plus secrète à l’abri des regards et des prédateurs.

Tout n’est donc que discrétion chez les oiseaux en ce début août. Sauf peut-être chez quelques espèces dont la pie-grièche écorcheur.

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Les jeunes pie-grièches viennent de sortir du nid et s’apprêtent à une migration périlleuse (200 km par jour en moyenne). Les parents se dépêchent d’apprendre aux jeunes à attraper leurs premiers insectes avant le départ. Les haies de nos campagnes sont animées ces jours-ci des va-et-vient et des piaillements incessants des familles d’écorcheurs. 2007 est un bon crû pour cette pie-grièche : les couples sont venus nombreux ce printemps et la nidification me semble plutôt très bonne, pour ne pas dire exceptionnelle.

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J’ai rarement vu autant d’écorcheurs que cette année. Et c’est rassurant !

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Il est parfois difficile de se faire une idée sur les fluctuations des populations d’oiseaux. Ainsi pour la pie-grièche écorcheur, je me souviens d’une période d’abondance dans le début des années 80, puis d’un déclin dans les anées 90, une nouvelle remontée des effectifs à la fin des années 90 puis une baisse en ce début de millénaire… jusqu’à cette année ! Il me semble surtout très difficile de différencier ce qui relève de variations « en dent-de-scie » avec des hauts et des bas, d’une véritable tendance (à la hausse ou à la baisse) durable et interprétable sur le long terme.

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(cette série de photos a été réalisée au cours de l’été 1996, … ça ne rajeunit pas les pies-grièches !!!)

Sortie « guêpier »

J’encadre ce samedi (le 21 juillet, dans deux jours) une sortie consacrée au guêpier d’Europe, assurément le plus coloré des oiseaux de notre région. J’anime cette sortie dans le cadre de mes activités professionnelles. Je m’étais promis de ne pas mélanger ce qui se passe à mon boulot et ce qui se dit sur ce blog. Mais bon, une fois n’est pas coutume. L’exception est due au fait que j’ai souvent parlé du guêpier dans les articles de ce blog et qu’il m’a semblé que certains lecteurs pouvaient être intéressés pour voir enfin cet oiseau. La sortie est gratuite.

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Le rendez-vous est à 9H30 devant l’église de Petit-Noir dans le Jura. C’est à 65 km environ de Besançon et très facile à trouver : continuer la route nationale après Dole en direction de Beaune. 5 km exactement après Tavaux, tourner à gauche au niveau du rond-point. Traverser Peseux puis Longwy-sur-le-Doubs. Le village suivant est Petit-Noir. Une paire de jumelles sera la bienvenue. La sortie sera courte et se terminera à 11H30. Possibilité de voir également d’autres espèces d’oiseaux de la vallée du Doubs : aigrette garzette, bihoreau gris, petit gravelot, sterne pierregarin, sans oublier bien sûr le dupdup à crinière rousse, espèce dont il ne reste heureusement qu’un exemplaire au monde… Avis aux amateurs.

Aigrette funambule

Petite scène observée hier depuis la terrasse d’un café sur le port du Croisic en Loire-Atlantique : une aigrette garzette est venue jouer les équilibristes sur une cordelette tendue entre deux petits bateaux.

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Wouah, le guêpier à domicile !!!

C’est un peu l’ébullition de mon côté depuis quelques jours.

J’avais déjà signalé sur ce blog la présence de guêpiers le 1er mai dans mon village. Je n’y avais pas attaché d’importance particulière, on était encore en période de migration et il y avait de fortes chances pour qu’il ne s’agisse que d’oiseaux de passage. Et puis, ce serait vraiment un hasard si cet oiseau, non connu dans cette partie-là de la vallée, venait s’installer dans la commune où j’habite.

Mais les choses sont devenues plus sérieuses la semaine dernière. Deux observations coup sur coup depuis le champ où je fais du jardin m’ont laissé penser qu’il pouvait y avoir nidification dans le secteur. C’est à ce même moment que Jean-Yves, qui habite à quelques kilomètres de chez moi, a fait lui aussi une observation de guêpiers, relatée sur le site internet des observateurs naturalistes franc-comtois. Sa première recherche en aval de la zone où j’habite s’est avérée infructueuse.

Hier soir, alors qu’une quatrième observation de guêpiers à Bussières me poussait à commencer de vraies recherches, j’ai pris ma paire de jumelles et me suis dirigé vers un site favorable en bordure de l’Ognon. Trente secondes après être descendu de voiture, les cris des guêpiers retentissaient, une couple était là sur des fils électriques. Une demie-heure plus tard, j’ai eu la surprise de trouver une cavité dans une berge abrupte avec, juste à côté, un guêpier sur une branche.

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(photo réalisée il y a une vingtaine d’années)

De retour, j’ai vite alerté Jean-Yves et on s’est donné rendez-vous ce matin. Finalement, il est arrivé en début de matinée avec la fine fleur du monde naturaliste franc-comtois : Jean-Claude, Jean-Pierre et Joël, des « vieux de la vieille » comme ont dit chez nous en Franche-Comté. Pendant deux heures, nous avons traîné nos guêtres en bordure de l’Ognon sans voir un seul guêpier, y compris près du trou que j’avais trouvé, mais en entendant tout de même quelques cris à trois ou quatre reprises. Et puis, alors que nous allions partir (nous n’allions quand même pas louper l’heure de l’apéro à cause de quelques satanées bestioles), nous avons remarqué qu’un couple de guêpiers était posé sur des fils électriques près de la voiture, tout près de l’endroit où je les avais vus la veille. Le mâle a alors offert un papillon à sa partenaire et le couple est parti de l’autre côté de la rivière.

Ce soir je suis retourné sur le site, un guêpier était toujours là, perché sur un fil.

Il ne fait plus aucun doute que ce lieu est le site qu’ont choisi les guêpiers pour nicher. Théoriquement, nous sommes en pleine période de couvaison et les allées-et-venues près du nid sont peu fréquentes. On en saura un peu plus dans quelques semaines quand le nourrissage des jeunes commencera. A suivre donc !

La question qui me tarabuste : les guêpiers sont-ils sur la rive gauche côté Doubs ou sur la rive droite côté Haute-Saône ? En d’autres termes : pourrais-je, pour une fois, me sentir fier de ce département ?

Il s’en passe des choses autour d’une maison

L’actualité me déprime depuis quelques temps. Je n’ai pas consulté de médecin, connaissant par avance le diagnostic à ma maladie : la sarkophobie aigüe. Sachant que cette maladie est incurable, j’ai essayé de trouver quelque activité sédative. Et je dois dire que le jardinage (comme l’a fait remarquer Nanou dans son dernier commentaire) et l’observation de la nature ont des vertus thérapeutiques insoupçonnées.

Le seul avantage de la déprime post-électorale est qu’elle a toujours lieu au printemps, saison riche par excellence qui permet, par de belles observations chargées d’émotions, d’atténuer son vague-à-l’âme et d’espérer pouvoir remonter la pente. C’est vrai qu’à cette saison, les découvertes se succèdent les unes après les autres. Quelques exemples d’observations des derniers jours autour de notre maison (illustrés par des images puisées dans ma photothèque) :

Je continue de nourrir les écureuils qui viennent sur ma fenêtre. Il semblerait qu’il y ait actuellement cinq individus différents que j’observe tous les jours à moins de cinquante centimètres. Les noix que je mets à leur disposition attirent aussi certains oiseaux. Ainsi, jeudi dernier, j’ai eu la surprise de voir un geai des chênes à plusieurs reprises sur le rebord de la fenêtre. En quelques jours, il est devenu un hôte familier de la mangeoire.

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Joëlle et moi avons eu la chance incroyable de voir un pic noir passer d’arbre en arbre derrière la maison (voir mon article du 11 mars que j’ai consacré à cet oiseau). En repensant aujourd’hui à son comportement un peu bizarre, j’ai la conviction qu’il était attiré par le manège des pics épeiches venant prendre les noisettes sur le rebord de la fenêtre. J’ai maintenant le secret espoir (pour ne pas dire le fantasme) de voir cet oiseau dans les semaines qui viennent à très très faible distance.

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Depuis samedi, une fauvette des jardins chante à tue-tête dans la haie près de la maison. Avec la babillarde, la grisette et la tête noire, le pourtour de la maison accueille maintenant les quatres fauvettes franc-comtoises.

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Le même jour, samedi soir, des petits hiboux moyens-ducs faisaient entendre leur cris plaintifs dans les arbres derrière la maison (on dirait un bruit de porte mal huilée). Il semble que 2007 soit une année exceptionnelle pour la reproduction de cette belle espèce.

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Enfin, dimanche, j’ai eu la surprise d’entendre la huppe fasciée que je n’avais pas vue à Bussières depuis plus de vingt ans. Peut-être ne s’agissait-il que d’un oiseau de passage, en migration. Mais qui sait … ?

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Goéland à ma fenêtre

Ce matin, j’étais en train de trier des diapos de goélands en vue d’une petite présentation demain soir lors d’une assemblée générale. Le tri des diapos est un truc que je n’aime pas faire, j’ai l’impression de me bousiller les yeux en les regardant à la loupe. A un moment donné, j’ai regardé par la fenêtre et savez-vous ce qu’il y avait dans le ciel ? Vous l’avez déjà deviné : un goéland. J’ai pris mes jumelles et eu le temps de constater qu’il s’agissait très probablement d’un goéland argenté. C’est la première fois que je vois ce goéland dans la commune où j’habite.

Ce genre de coïncidence m’arrive régulièrement. Par exemple, un jour, j’arrivais de Texel, une île de la mer du nord que vous connaissez au moins pour me lire souvent sur ce blog, la tête chargées d’images d’oiseaux et notamment de sternes pierregarins que j’avais pu observer à quelques mètres. En arrivant dans mon bureau, qui surplombe un cours d’eau, il y avait une sterne qui volait au-dessus de la rivière. C’était la première fois que je voyais une sterne dans la vallée de l’Ognon.

Tiens, à propos de Texel, justement, c’est bientôt le moment du départ. Dans une semaine, nous serons quelques-uns à rejoindre cette île magique. Mon blog sera alors en vacances pour dix jours mais d’ici là, quelques articles, notamment politiques qui me trottent dans ma tête seront mis en ligne. Il va bien falloir que je parle un de ces jours de la douche froide et de cette envie de vomir du week-end dernier. Mais laissez-moi encore un ou deux jours pour digérer avant de régurgiter.

J’ai bien peur que les goélands de Texel que j’ai déjà dans la tête, remplissent complétement ma petite boîte cranienne dans les jours qui viennent. Les derniers jours au boulot vont être durs.

Lors d’un même voyage à Texel il y a juste un an, j’avais essayé de photographier les goélands à contre-jour en surexposant de deux diaphragmes, histoire de faire ressortir la structure des ailes. En voici quelques photos, justement celles que j’étais en train de trier ce matin au moment où l’un d’entre eux est venu me narguer.

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Scènes de la vie quotidienne

Trois petites scènes intéressantes vues hier matin 1er mai.

Au lever du jour, j’étais en train de rempoter une plante lorsqu’une fauvette babillarde est venue chanter son ru tu tu tu classique à moins de deux mètres dans la haie. Je me suis immobilisé, l’ai cherchée du regard et j’ai eu le temps de l’observer deux secondes avant qu’elle ne s’envole. Observation rare et extrêmement proche d’un oiseau pas très commun et qui ne se montre jamais à découvert. C’est la première fois qu’il m’est donné de voir cet oiseau dans ces conditions exceptionnelles.

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Une heure plus tard, je suis en plein champ en train de piocher mes haricots qui commencent à sortir de terre. Des cris étonnants, sortes de roulements liquides sortis du fond d’un gosier, viennent du ciel. Je reconnais aussitôt le guêpier d’Europe, extrêmement rare dans la vallée de l’Ognon, même en migration. Je lève la tête pour voir six guêpiers qui remontent en hâte la vallée. Je n’avais jamais vu cet oiseau dans ma commune. Moment purement magique, bien que furtif.

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Encore plus tard, alors que je suis rentré à la maison, je remarque depuis la cuisine un moineau friquet qui arrive dans un gros pommier avec une grande herbe sèche dans le bec. Il la lâche juste au moment où un autre moineau friquet sort du nichoir voisin et vient la récupérer en plein vol. Suit alors une chose très curieuse : ce moineau friquet va déposer son matériau, non pas dans le nichoir dont il est sorti, mais dans un autre situé à trois mètres sur le même arbre. Une fois le brin de paille installé, il revient dans le premier nichoir.

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Les deux sexes ayant le même plumage, il est difficile de dire qui, dans cette scène, est le mâle ou la femelle. La seule explication que j’aie trouvé à ce drôle de manège est que nous avons probablement affaire à un mâle polygame. C’est lui, sans doute, qui a récupéré l’herbe amenée par la femelle pour l’utiliser ensuite en aménageant le nid de son autre compagne. C’est un peu compliqué comme raisonnement mais je ne vois pas d’autre explication.

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Ma conclusion : « Devenir polygame, c’est quand même plus facile quand on est friqué ! »

L’hirondelle grivelée

En allant à un stage de formation à Paris il y a une quinzaine de jours, j’ai croisé dans le train l’une de mes anciennes connaissances d’il y a trente ans : Marc R. Nous étions tous deux à l’université ensemble, je me rappelle juste qu’à l’époque il était parti faire son DEA à Lille dans sa région d’origine. Et je n’avais plus entendu parler de lui.

Nos retrouvailles se sont faites autour d’un café à 7 heures du matin, au bar du TGV. Nous avons papoté pendant plus d’une heure de temps et avons beaucoup parlé de musique, Marc est un passionné de musique soul et c’est un très grand connaisseur de la musique d’Otis Redding, de Wilson Pickett et surtout de Sam Cooke. Comme le disque live de Sam Cooke enregistré en 1963 est l’un de mes disques préférés, toutes musiques confondues, nous avons vite été en pays de connaissance.

Mais nous avons aussi beaucoup parlé d’oiseaux. Car Marc, après son départ de la fac de Besançon, avait eu la chance de faire un DEA puis une thèse dirigée conjointement par deux grands bonhommes du monde ornitho : Frochot & Blondel, puis d’être embauché au Muséum d’Histoire Naturelle à Paris. Depuis vingt cinq ans, Marc travaille sur des tas de missions internationales et se déplace aux quatre coins de la planète (ça le gonfle parfois, car à plus de cinquante ans, il commence d’en avoir un peu marre des hôtels et des voyages et aspire à être un peu plus auprès de sa famille).

L’an passé, Marc a travaillé sur un projet étonnant. Avec une équipe de chercheurs danois, suédois et allemands, il a consacré son temps à une nouvelle espèce d’hirondelle, découverte il y a deux ans, en Ukraine. Cette hirondelle a été appelée Delichon macularia (traduction littérale en français : hirondelle grivelée). Très vite, une polémique a vu le jour, car cette hirondelle est apparue au sud-ouest de la centrale de Khmelnytskyi, dans une zone où le taux de radioactivité est très supérieur aux normales admises (voir l’article danse macabre autour d’un sarcophage du 10 mai dernier que j’avais d’ailleurs consacré aux fuites des centrales ukrainiennes). La possibilité que cette hirondelle ait pu apparaître à la suite d’une mutation sous l’effet des radiations a été prise très au sérieux par les scientifiques. D’abord, parce que mis à part l’aspect « grivelé » du poitrail, cette hirondelle ressemble étrangement, pour les autres caractères, à l’hirondelle de fenêtre. Et ensuite parce qu’il est peu probable qu’une espèce d’hirondelle ait pu être ignorée par l’Homme pendant des millénaires. Cette hirondelle ne pouvait donc qu’être apparue récemment.

Mais cette hypothèse de mutation pour cause de radioactivité a été abandonnée par les autres chercheurs. Marc enrage car il est persuadé que les autres chercheurs se sont laissés graisser la patte par les autorités ukrainiennes. Depuis des mois, lui qui croyait tenir un véritable « scoop », ne décolère pas. Officiellement donc, cette hirondelle grivelée (qui va faire l’objet d’une publication scientifique en mai prochain) existe depuis fort longtemps mais vient seulement d’être découverte par l’Homme. Il s’agit donc d’une espèce endémique (très localisée) dont les effectifs sont extrêmement faibles (92 couples seulement).

La polémique est donc close. Sauf que Marc a entendu dire qu’une habitante de Clansayes, en France, avait chez elle une colonie d’hirondelles de fenêtre et que trois d’entre elles avaient le poitrail grivelé. Et ce village de Clansayes est situé … à 3 km seulement de la centrale nucléaire du Tricastin (vallée du Rhône), qui a déjà eu de sérieux problèmes de fuites. Marc a appris ça en novembre dernier, après son retour en France, à une époque où les hirondelles étaient déjà parties pour l’Afrique. Il n’a donc pas pu encore vérifier ce fait troublant.

Le 14 mars dernier, dans ce TGV Besançon-Paris, il y avait donc un homme tout excité dans l’attente du retour imminent des hirondelles.

Tambourinage à ma porte dès dimanche matin

Géant parmi les pics, le pic noir est l’un des oiseaux forestiers les plus spectaculaires. Dans son livre consacré aux passereaux, Paul Géroudet écrit que le pic noir est « une expression des forces primitives de la forêt ».

Lorsque j’ai aménagé il y a six ans, la présence du pic noir dans la forêt derrière la maison a été l’une de mes plus grandes satisfactions (il est vrai que j’ai la chance rare d’avoir autour de la maison toutes les espèces de pics qui nichent dans le département de Haute-Saône : pic épeiche, pic mar, pic épeichette, pic vert, pic noir, pic cendré et torcol).

Mais depuis six ans, je me désespérais d’entendre le tambourinage du pic noir. Le tambourinage est considéré comme un chant, il est obtenu par martèlement du bec de l’oiseau contre un tronc d’arbre, au rythme de plusieurs fois pas seconde. J’entends à longueur d’année les cris de l’oiseau, des kvik, des khlick, des kyak, des klicka, des kouikouikouikoui mais jamais un seul tambourinage.

J’ai fini pas penser que j’avais affaire à un pic noir anormal, d’autant que Géroudet parle d’une vingtaine de tambourinages par jour en période de nidification et que « le mien » n’avait jamais daigné s’exprimer, ne serait-ce qu’une seule fois, en six ans. Et puis ce matin vers huit heures, miracle, une véritable rafale de mitraillette, ou plutôt un énorme roulement de tambour, a retenti dans la forêt, à trois reprises. Magique et puissant. D’autant que l’oiseau était très proche, à une cinquantaine de mètres seulement de la maison.

Voilà, c’était mon petit plaisir du dimanche matin.

Vol de migrateurs

La migration des grues est probablement l’un des phénomènes les plus spectaculaires auquel on puisse assister. Je me souviens d’un lever du jour avec brume et soleil sur le lac du Der. Trente mille grues avaient alors décollé du site dans un vacarme assourdissant et j’en garde un souvenir magique.

Il faut dire que le lac du Der est un passage presque obligatoire pour ces oiseaux. En octobre-novembre, après s’être concentrées sur la presqu’île de Rügen au nord de l’Allemagne, les grues traversent la France en enfilade en direction des Landes, ne s’écartant que très peu de cet axe de migration. Le lac du Der, qui est un immense réservoir d’eau champenois alimenté par la Marne, est à cette époque à un niveau très bas. Il offre alors de vastes étendues découvertes qui permettent à ces oiseaux de rester quelques jours, parfois même quelques semaines, à la faveur de nombreux champs de céréales qui leur permettent de s’alimenter.

Au retour de printemps, les grues sont en général moins présentes sur le Der car elles ne s’y arrêtent que pour en repartir aussitôt, poussées par un irrésistible instinct qui les incite à regagner les lieux de reproduction nordiques au plus vite. Mais leur observation au lac du Der est aussi spectaculaire qu’à l’automne car toutes les grues arrivent alors de la même direction : le sud-ouest. Il suffit juste d’être placé au bon endroit.

Nous étions quelques franc-comtois à les observer vendredi dernier. Le spectacle fut au-delà de nos attentes. Les conditions météo avaient été exceptionnelles. En début de semaine, un grand nombre de grues étaient restées bloquées en Espagne en raison d’une mauvaise météo. Le jeudi matin, une éclaircie subite sur les Pyrénées leur a permis de traverser en grand nombre la chaîne de montagnes et de gagner dans la journée le centre de la France. Vendredi, le ciel se découvrait aussi subitement sur l’ensemble de la France et les grues ont donc pu repartir aussitôt pour arriver au bout de quelques heures en Champagne au lac du Der.

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En fin d’après-midi, de nombreuses bandes de grues sont passées au-dessus de nos têtes. Des bandes qui comptaient souvent plus de cent grues. A certains moments, nous avions au-dessus de nous une douzaine de bandes, soit un millier de grues dans notre champ de vision. Le spectacle était magnifique, accentué par une très belle lumière. D’après un spécialiste qui était là, il y avait plusieurs années que l’observation de la migration de printemps n’avait été aussi riche. Le hasard avait voulu que nous ayions choisi ce jour faste.

Si la détermination de l’espèce « grue » ne fait aucun doute (avec ses 2 mètres d’envergure), il en va de même de celle des observateurs franc-comtois qui se reconnaissent au premier coup d’oeil. Allez donc savoir pourquoi !

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Merci à Christophe Mauvais qui vient de m’adresser une très belle photo de grue faite dans la vallée de l’Ognon à Marnay. Je viens juste d’ajouter cette image, deux jours après la mise en ligne de cet article. Une telle photo manquait gruellement !

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La sittelle torchepot

LES OISEAUX AU POSTE DE NOURRISSAGE HIVERNAL (2)
Après la mésange charbonnière, voici une autre habituée des mangeoires en hiver : la sittelle torchepot. L’une d’entre elles est venue tout à l’heure voler une noisette sur le rebord de la fenêtre. C’est la première de l’hiver. Il faut dire que, pour la première fois depuis trente ans, je n’ai presque pas d’oiseaux au poste de nourrissage. Sans doute que les conditions climatiques très douces, le faible nombre d’oiseaux nés en 2006 et le fait que la nature regorge encore de nourriture (2006 ayant été une bonne année de fructification) expliquent cette désaffection très inhabituelle.

La sittelle, habitante typique des grands arbres, est l’un des oiseaux les plus facilement réconnaissables : forme pointue, dessus gris ardoisé, dessous orangé et un beau masque de cambrioleur qui lui traverse l’oeil. Mais c’est souvent par son comportement qu’on l’identifie rapidement, l’oiseau ayant l’habitude de descendre les troncs d’arbres la tête en bas. C’est « l’oiseau acrobate » par excellence, elle n’hésite pas à inspecter le dessous des branches en se maintenant à l’aide de ses ongles munis de longues griffes.

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En hiver, du tournesol, des noisettes et des mélanges à base de graisse l’attireront facilement. Le bec de la sittelle est long et dur. La robustesse du bec lui permet de casser des graines ou des fruits coriaces, comme par exemple les noisettes dont cet oiseau raffole. Sa longueur lui permet, en faisant office de pinces, d’attraper des insectes, la sittelle se nourrissant de chenilles au moment de l’élevage des jeunes au printemps.

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Au poste de nourrissage, ne vous attendez pas à voir plus de deux sittelles. Cet oiseau reste très territorial en hiver et les mangeoires ne seront fréquentées que par un seul couple au maximum. Je me rappelle d’une petite anecdote qui s’est déroulée à la fin des années 70 : alors que j’étais immobile contre un arbre en train de photographier un pic épeichette à son nid, j’ai eu la surprise de sentir une petite chose heurter ma jambe. C’était la sittelle qui était venue se plaquer contre mon pantalon, prenant ma jambe pour le tronc d’un arbre. C’était je crois mon premier contact avec un oiseau sauvage. Plus tard, beaucoup plus tard, la sittelle est devenue familière de la main à Dupdup, ayant eu, l’hiver dernier, 2 028 fois l’occasion de se frotter à ma peau !

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Les nouveaux venus sur ce blog, qui souhaiteraient en savoir plus sur mes expériences un peu délirantes de l’hiver dernier et sur ces oiseaux qui sont venus plus de 23 000 fois sur ma main, pourront se référer aux 8 articles « Des oiseaux en veux-tu en voila « , écrits entre janvier et avril 2006, dans la rubrique Coups d’ailes ci-contre (articles du 23 janvier, 30 janvier, 8 février, 10 février, 21 février, 23 février, 19 mars et 23 avril).