DISCOGRAPHIE DE BOB DYLAN (9)
La saga Dylan continue. Nous sommes en 68 et Dylan vient donc de sortir un disque apaisé, fortement teinté de folk et de country : John Wesley Harding. Depuis deux ans, il n’est plus vraiment dans son époque, se désintéresse des mouvements musicaux pop qui foisonnent et soigne sa vie privée, avec Sarah et ses deux enfants, loin de la foule.
Bien que menant une vie presque recluse, entrecoupée de musique avec les musiciens du groupe The Band, Dylan entretient des relations très étroites cette année là avec Johnny Cash, le géant de la country. Cash vient de traverser de sombres années, il est en complète renaissance. Dylan aussi. Les deux hommes se voient très souvent.
Lorsque Dylan entre en studio en février 69 pour enregistrer Nashville Skyline (dont on peut écouter ici 30 secondes de chaque chanson) avec des musiciens country de Nashville, Johhny Cash fait naturellement partie des musiciens qui l’accompagnent. Plus tard Robert Shelton dira que « Nashville Skyline est le reflet public de la relation privée existant alors entre Cash et Dylan ». Les deux hommes chanteront ensemble sur la première chanson du disque Girl of a north country (que Dylan avait déjà chantée en 63 et qui sera popularisée en France par Hugues Aufray sous le nom de La fille du Nord).

Le disque contient le célèbre Lay Lady Lay qui deviendra un tube (j’avais quinze ans et c’était le premier morceau de Dylan que j’entendais, je me rappelle plus tard m’être exercé à jouer la très belle suite d’accords de ce morceau). La plupart des chansons du disque sont très country, le deuxième morceau est d’ailleurs un instrumental – le seul instrumental, je crois, de la carrière de Dylan – et ce disque fait parfois un peu « cow-boy ».
La voix de Dylan est inhabituelle, elle ne ressemble plus du tout à ce qu’elle était, elle lui est presque supérieure d’un octave. Beaucoup de gens qui n’aimaient pas autrefois la voix éraillée et nasillarde de Dylan ont aimé ce disque. C’est presque une voix de musique de variétés. Mais que les fans se rassurent, la voix d’origine reviendra ultérieurement (chez Dylan, chassez le nasillard, il revient au galop !).
Les paroles ne sont pas engagées, il s’agit plutôt de chansons d’amour gentillettes qui désorientèrent le public à la sortie du disque. La première réaction très répandue fut « Comment peut-il nous laisser tomber ainsi ? A déverser tout son amour sirupeux pendant qu’on s’amène défoncés vers « son » Woodstock ? ». Les critiques soulignèrent « ce qui manque à l’album : la constestation, l’amertume, la drogue, le ton branché. Comment peut-il nous faire ça ? ». Plus tard, Dylan avouera dans ses mémoires que le coup était calculé pour se « débarasser d’une réputation trop envahissante et des fans qui vont avec » (source : Robert Shelton). Les fans déçus avaient donc raison, il s’agissait bien d’un bras d’honneur de la part de Dylan.
Chose étonnante : six semaines après sa parution, le disque était classé numéro un des ventes.

Autre surprise : c’est à la suite du succès de ce disque que des tas de musiciens venus du monde de la Pop sont venus enregistrés dans les studios de Nashville (qui étaient jusque là réservés aux seuls musiciens country).
C’est en grande partie grâce à Dylan qui avait fait de Woodstock son lieu de résidence, que cette petite ville fut choisie pour le grand festival qui eut lieu en juillet 69 (se reporter à l’article que j’ai écrit il y a une dizaine de jours). Mais Dylan en fut le grand absent, il n’y eut que son ombre qui plana pendant toute la durée du festival. Il ne se sentait plus vraiment citoyen de Woodstock, il était devenu depuis quelques temps « citoyen d’honneur de Nashville ».
Ce que le public n’a pas su à l’époque, c’est que le soir même de la fin de l’enregistrement de Nashville Skyline, Bob Dylan et Johnny Cash sont restés en studio, à jouer juste pour le plaisir et qu’ils enregistrèrent ensemble une quinzaine de chansons (ces raretés circulent actuellement sur le net et je peux prêter l’intégralité des enregistrements). Par ailleurs, tous deux ont réalisé une petite prestation de sept duos devant les caméras, dont un seul (One too many mornings) sera autorisé par Dylan à la diffusion.


















